Prescription annale et responsabilité délictuelle: rejet des demandes de K+N et XL

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Prescription annale et responsabilité délictuelle: rejet des demandes de K+N et XL
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Prescription annale et responsabilité délictuelle: rejet des demandes de K+N et XL

Sur la prescription de l’action

La Cour examine les moyens relatifs à la subrogation de l’assureur et du commissionnaire, ainsi que le moyen relatif à la prescription annale. Elle conclut que l’action de K+N et XL est prescrite en vertu de la Convention CMR, et les assureurs ne sont donc pas recevables à l’exercer par voie de subrogation.

Sur les autres demandes

La société K+N formule des demandes d’indemnisation sur le fondement de la responsabilité délictuelle de Fret Industrie. Cependant, en l’absence d’un contrat de dépôt établi et en raison de l’irrecevabilité des demandes liées au contrat de transport, ces demandes sont rejetées. De plus, la demande d’indemnisation pour la faute commise lors du vol dans l’entrepôt est également rejetée, faute de preuve de dol ou de faute équivalente.

Sur la demande pour procédure abusive

Allianz France sollicite une indemnité pour procédure abusive, mais la Cour constate que c’est Fret Industrie qui a appelé Allianz France en intervention forcée. Par conséquent, la demande d’indemnité pour procédure abusive est rejetée.

Sur les frais et dépens

Les sociétés K+N et XL sont condamnées aux dépens et doivent verser des sommes aux sociétés GT Solutions et Allianz IARD au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les montants à payer sont fixés par la Cour.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 – CHAMBRE 16

ARRET DU 13 FEVRIER 2024

(n° 21/2024 , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04993 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJLX

Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal de commerce de Bobigny (8e chambre) rendu le 17 janvier 2023 sous le numéro de RG 2021F00706

APPELANTES

KUEHNE+NAGEL

société de droit luxembourgeois,

ayant son siège social : [Adresse 2] (LUXEMBOURG)

prise en la personne de ses représentants légaux,

XL INSURANCE SE

venant aux droit de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS

société de droit allemand,

ayant son siège social : [Adresse 4] (ALLEMAGNE)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant : Me Christophe NICOLAS substitué à l’audience par Me Thomas GODENER, avocats au barreau de PARIS, de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, toque : J54

INTIMEES

ALLIANZ FRANCE

société anonyme immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 303 265 128,

ayant son siège social : [Adresse 1],

prise en la personne de ses représentants légaux,

ALLIANZ IARD

société anonyme immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 542 110 291,

ayant son siège social : [Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Ayant pour avocat plaidant : Me Caroline COURBRON TCHOULEV, avocat au barreau de PARIS, toque : E0827

GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES

anciennement dénommée FRET INDUSTRIES

SASU immatriculée au RCS de BOBIGNYsous le numéro 314 764 630,

ayant son siège social : [Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant : Me Victoire REVENAZ de l’AARPI LEXLINE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 0717

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Mme [Y] [E] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie de l’appel contre un jugement rendu le 17 janvier 2023, par le tribunal de commerce de Bobigny (8e chambre), dans un litige opposant :

‘ la société de droit luxembourgeois Kuehne + Nagel (ci-après K+N), commissionnaire de transport, ainsi que la compagnie d’assurance de droit allemand XL Insurance Company SE (ci-après XL) ;

‘ les sociétés de droit français GT Solutions Réseaux Spécialisés (anciennement Fret Industrie, ci-après GT Solutions) et les compagnies d’assurance françaises Allianz I.A.R.D (ci-après Allianz Iard) et SA Compagnie d’Assurance Allianz France (ci-après Allianz France).

2. Le litige porte sur un transport international entre les Pays-Bas et la France de marchandises de la société Apple (IPhones et accessoires), pour livraison aux sociétés Bouygues et Orange en France, transport couvert par deux lettres de voiture CMR n° 2100304 et 2100305 du 23 juillet 2018 et au cours duquel un vol a été commis dans les entrepôts de la société Fret Industrie (devenue GT Solutions).

3. La société K+N, commissionnaire de transport, avait confié ce transport à la société sous-commissionnaire Bas Logistics, non attraite à la présente procédure, qui a confié le transport entre les Pays-Bas et la France à son transporteur BAS Transport, puis a missionné DL Services (absorbée depuis par la société Fret Industire) pour organiser le transport sur le territoire français, confié à la société Devillard.

4. Les marchandises arrivées des Pays-Bas ont été transbordées sur une plateforme de « cross-dock » de Fret Industrie lors du transit en France, en vue de leur prise en charge par la société Transports Devillard vers leur destination finale. Lors de ce transit, cinq palettes ont été dérobées dans la nuit du 24 au 25 juillet 2018.

5. Une expertise amiable a été diligentée qui a relevé que l’alarme avait été désactivée avant le vol, les portes mécaniques de l’entrepôt n’ont subi aucun dommage, la pièce dans laquelle la marchandise était entreposée n’était pas séparée ni verrouillée et enfin la semaine qui a précédé, un des employés de la société Fret Industrie aurait été licencié pour avoir commis un vol similaire.

6. L’expert a évalué le montant des dommages à la somme de 121 619,10 euros correspondant au prix des marchandises volées.

7. Par acte introductif d’instance du 24 mars 2021, les sociétés K+N et XL Insurance ont assigné Fret Industrie, devenue GT Solutions, devant le tribunal de commerce de Bobigny sur le fondement des articles 1915 et 1240 du code civil.

8. Le 11 octobre 2021, GT Solutions a assigné son assureur Allianz France en intervention forcée et a fait valoir l’application du droit des transports. Allianz Iard est intervenue volontairement en avril 2022.

9. Par jugement en date du 17 janvier 2023, le tribunal a :

‘ Déclaré la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE irrecevables en leurs actions pour défaut d’intérêt à agir ;

‘ Déclaré, au surplus, la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE irrecevables en leurs actions pour cause de prescription ;

‘ Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes au fond de la société KUEHNE + NAGEL et de la société XL INSURANCE COMPANY SE à l’encontre de la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Dit que l’exécution provisoire est de droit ;

‘ Condamne in solidum, la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE aux entiers dépens ;

‘ Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 131,14 euros TTC (dont 21,86 euros de TVA).

10. La société K+N et la société XL Insurance ont interjeté appel le 10 mars 2023 et la procédure d’appel a été suivie selon les dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

11. La clôture est intervenue le 14 novembre 2023.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

12. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2023, les sociétés Kuehne + Nagel et XL Insurance demandent à la cour, en application des articles 1240 et suivants, 915 et suivants et 1927 et suivants du code civil de :

‘ Réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 17 janvier 2023 (RG 2021F00706) en ce qu’il a :

– Déclaré KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE irrecevables en leurs actions pour défaut d’intérêt à agir ;

– Déclaré, au surplus, KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE irrecevables en leurs actions pour cause de prescription ;

– Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes au fond de KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCES à l’encontre de GT SOLUTIONS ;

– Condamné KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE à payer in solidum à GT SOLUTIONS la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE à payer in solidum à ALLIANZ FRANCE la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Dit que l’exécution provisoire est de droit ;

– Condamné in solidum KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE aux entiers dépens ;

Et statuant à nouveau :

‘ Sur la recevabilité :

– Juger que KUEHNE + NAGEL a indemnisé APPLE ;

– Juger que XL INSURANCE a indemnisé son assuré KUEHNE + NAGEL de son préjudice, après déduction d’une franchise de 50.000 € ;

– Juger que XL INSURANCE est valablement subrogée dans les droits de KUEHNE + NAGEL à hauteur de l’indemnisation versée ;

– Juger en conséquence les demandes de KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE recevables, celles-ci ayant bien intérêt et qualité à agir ;

‘ Sur la prescription et les limitations de responsabilité :

– Juger que FRET INDUSTRIE agissait en tant que dépositaire des marchandises au moment de leur vol ;

– Juger que FRET INDUSTRIE ne peut se prévaloir des règles relatives aux contrats de transport ou de commissionnaire de transport ;

– Juger en conséquence que l’action de KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE n’est pas prescrite, et que FRET INDUSTRIE ne peut se prévaloir des limitations de responsabilité applicables aux contrats de transport ou de commissionnaire de transport ;

‘ Sur le fond / la responsabilité de FRET INDUSTRIE en tant que dépositaire :

– Juger que FRET INDUSTRIE, du fait du vol des marchandises, engage sa responsabilité délictuelle envers KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE ;

– Juger que KUEHNE+NAGEL et XL INSURANCE apportent bien la preuve du préjudice dont elles se prévalent ;

‘ En conséquence :

o Condamner solidairement, ou l’une à défaut de l’autre, GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES (anciennement FRET INDUSTRIE), ALLIANZ IARD et ALLIANZ FRANCE à payer à la société KUEHNE + NAGEL, la somme de 50.000 Euros, correspondant au montant de la franchise restée à sa charge, outre la somme de 3.695,00 Euros, au titre des frais d’expertise, sauf à parfaire, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ;

o Condamner solidairement, ou l’une à défaut de l’autre, GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES (anciennement FRET INDUSTRIE), ALLIANZ IARD et ALLIANZ FRANCE à payer à la compagnie XL INSURANCE, la somme de 71.619,10 Euros, correspondant au montant l’indemnité versée à son assuré, sauf à parfaire, augmentées des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ;

o Ordonner la capitalisation des intérêts ;

‘ Sur la demande de condamnation de ALLIANZ FRANCE au titre d’un prétendu maintien abusif dans la procédure :

– Débouter ALLIANZ FRANCE de sa demande de condamnation de KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE à des dommages-intérêts du fait d’un prétendu maintien abusif dans la procédure, ces dernières n’ayant pas eu d’autre choix que d’agir ainsi afin de protéger leurs droits ;

‘ En tout état de cause :

– Condamner solidairement, ou l’une à défaut de l’autre, GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES (anciennement FRET INDUSTRIE), ALLIANZ IARD et ALLIANZ FRANCE à payer aux appelantes la somme de 14.000 Euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel en vertu l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

13. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2023, Fret Industrie demande à la cour, en application de l’article 31 du code de procédure civile, de l’article L121-12 du code des assurances, des articles 1346 et suivants du code civil, de l’article 1411-11 du code des transports et des articles L132-6 et L133-6 du code de commerce, de bien vouloir :

– CONFIRMER le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de Bobigny en toutes ses dispositions et particulièrement en ce qu’il a :

” Déclaré la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE irrecevables en leurs actions pour défaut d’intérêt à agir et défaut de subrogation ;

” Déclaré, au surplus, la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE irrecevables en leurs actions pour cause de prescription ;

” Condamné la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE à payer in solidum à la société GT SOLUTIONS RESAUX SPECIALISES la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

” Condamné in solidum la société KUEHNE + NAGEL et la société XL INSURANCE COMPANY SE aux dépens.

Subsidiairement, dans l’hypothèse où l’action des sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE serait déclarée recevable et non prescrite,

– JUGER que la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISÉS (anciennement dénommée FRET INDUSTRIE) n’est pas concernée par le présent litige,

– JUGER que la responsabilité de GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISÉS ne saurait être engagée comme entrepositaire, le transit des marchandises lors de la rupture de charge étant une opération purement accessoire au transport ou à la commission de transport,

– JUGER que le préjudice invoqué par les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE n’est pas justifié, ces dernières n’ayant jamais expliqué pourquoi elles avaient (prétendument) indemnisé la société APPLE bien au-delà des limitations de responsabilité applicables, alors qu’aucune faute inexcusable n’a jamais été alléguée ;

En conséquence,

– DÉBOUTER les sociétés appelantes KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE de toutes leurs demandes, fins et conclusions contre la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISÉS ;

A titre plus subsidiaire,

– JUGER que GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISÉS est fondée à bénéficier des limitations de responsabilité du contrat type commission de transport et à LIMITER sa responsabilité éventuelle à la somme de 3.620 €

En conséquence,

– DÉBOUTER de plus fort les sociétés appelantes KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE de toutes demandes en excédent de 3.620 €

A titre encore plus subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour jugerait que la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES a agi comme dépositaire / entrepositaire, ce qui est impossible,

– JUGER que GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISÉS n’a commis aucune faute et DÉBOUTER les sociétés appelantes de leur action,

En tout état de cause,

– CONDAMNER la société ALLIANZ IARD à garantir la société’ GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISÉS de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,

– JUGER qu’aucune franchise n’est ici applicable, de sorte que ALLIANZ devrait toute sa garantie ;

– CONDAMNER les sociétés appelantes KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE au paiement de la somme de 10.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles,

14. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2023, Allianz France et Allianz Iard demandent à la cour, en application de l’article 31 du code de procédure civile, de l’article L121-12 du code des assurances, et de l’article L1346-1 du code civil, de bien vouloir :

– CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de BOBIGNY le 17 janvier 2023 en toutes ses dispositions, et particulièrement en ce qu’il a :

” déclaré les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE irrecevables en leurs actions pour défaut d’intérêt à agir et défaut de subrogation ;

” déclaré, au surplus, les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE irrecevables en leurs actions pour cause de prescription ;

” condamné les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE à payer in solidum à la société ALLIANZ FRANCE la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

” condamné in solidum les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE aux dépens.

SUBSIDIAIREMENT

– Débouter les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE de leurs demandes formées à l’encontre de la société GT SOLUTIONS RESEAUX SERVICES en sa prétendue qualité d’entrepositaire, pour défaut de fondement,

– Juger irrecevables les demandes formées sur un fondement extra-contractuel par les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE, à l’encontre de leur co-contractant GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES,

Subsidiairement,

– Juger que la preuve d’une prétendue faute extra-contractuelle de la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES n’est pas rapportée,

En conséquence :

– Débouter les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE de leurs demandes formées à l’encontre de la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES sur le fondement extra-contractuel, pour absence de fondement,

– Juger sans objet la demande de garantie formée par la société GT SOLUTIONS

RESEAUX SERVICES à l’encontre de la société ALLIANZ IARD,

PLUS SUBSIDIAIREMENT

Vu la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite « Convention CMR »,

– Limiter toute condamnation prononcée à l’encontre de la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES en sa qualité de commissionnaire de transport garant de ses substitués à la somme de 1.763,05 €,

– Débouter les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE du surplus de leurs demandes.

Subsidiairement,

Vu le Contrat Type Commission de Transport,

– Juger que la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES n’a commis aucune faute personnelle,

– Limiter l’éventuelle condamnation de la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES qui serait prononcée sur le fondement d’une faute personnelle, à la somme de 3.620 €,

– Débouter les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE du surplus de leurs demandes,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

– Juger irrecevables les demandes nouvelles formées par les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE à l’encontre des sociétés ALLIANZ FRANCE et ALLIANZ IARD, en application de l’article 564 du Code de Procédure Civile,

– Juger irrecevables les demandes nouvelles formées par les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE à l’encontre des sociétés ALLIANZ FRANCE et ALLIANZ IARD, pour cause de prescription,

Subsidiairement,

– débouter les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE de leurs demandes formées à l’encontre de la société ALLIANZ FRANCE, pour absence de fondement,

Mettre hors de cause la société ALLIANZ FRANCE, abusivement maintenue dans la procédure.

– Condamner, in solidum ou l’une à défaut de l’autre, les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE à payer à la société ALLIANZ FRANCE la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,

Vu les conditions particulières et générales de la police d’assurance souscrite par FRET INDUSTRIE devenue GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES auprès d’ALLIANZ IARD,

– Juger que le séjour intermédiaire des marchandises à quai n’est couvert par ALLIANZ IARD que dans le cadre exclusif d’un contrat de transport, avec application d’une franchise de 3.000 €,

En conséquence :

– Débouter la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES de sa demande de garantie pour défaut d’objet puisque sa responsabilité est insusceptible d’être engagée dans le cadre d’un contrat de transport du fait de la prescription des demandes des sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE,

– Débouter la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES de sa demande de garantie formée à l’encontre d’ALLIANZ IARD dans l’hypothèse où sa responsabilité serait retenue sur le fondement d’un contrat d’entreposage distinct du contrat de transport,

– Débouter la société GT SOLUTIONS RESEAUX SPECIALISES de sa demande de garantie formée à l’encontre d’ALLIANZ IARD dans l’hypothèse où sa responsabilité serait retenue sur un fondement extra-contractuel,

– Ordonner la mise hors de cause de la société ALLIANZ IARD.

– Condamner, in solidum ou l’une à défaut de l’autre, les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE à payer la somme de 12.000 € à la société ALLIANZ IARD sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– Condamner in solidum ou l’une à défaut de l’autre, les sociétés KUEHNE + NAGEL et XL INSURANCE COMPANY SE à supporter les entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU en application de l’article 699 du CPC.

III/ MOTIFS DE LA DECISION

A. In limine litis, sur les fins de non-recevoir

15. La société GT Solutions soutient que K+N et XL sont irrecevables à agir faute d’être valablement subrogées dans les droits de leurs clients et qu’en tout état de cause, la prescription annale est acquise.

16. Elle conteste que K+N et XL soient valablement subrogées dans les droits d’Apple, victime du dommage et font valoir notamment que :

– K+N et XL ne rapportent pas la preuve d’un paiement effectif au profit de la société Apple, qui justifierait qu’elle soit subrogée dans les droits de cette dernière, estimant que la note de crédit émise par K+N et produite pour en justifier constitue une preuve qu’elle s’est établie à elle-même ;

– K+N et XL ne justifient pas avoir appliqué les limitations de responsabilité applicables pour l’indemnisation, en particulier celles de la Convention CMR applicable au transport litigieux.

17. Elle conteste ensuite que la compagnie d’assurance XL soit subrogée dans les droits de K+N à hauteur de 71.619,10 euros, la société XL ne démontrant pas qu’elle aurait versé l’indemnité d’assurance à K+N par l’intermédiaire de son courtier, aucun élément de traçabilité des versements n’étant produit.

18. Elle soulève enfin la prescription des demandes sur le fondement de l’article L. 133-6 du code de commerce au motif que :

– le commissionnaire est garant de ses substitués sur toute la chaine de transport couverte par le contrat,

– le transit des marchandises par une plateforme de transbordement ne constitue pas un contrat séparé de stockage ou d’entreposage pouvant donner lieu à une action soumise à la prescription de droit commun,

– la prescription annale du droit des transport a commencé à courir le 25 juillet 2018 et l’action engagée plus de deux ans et demi après les faits est prescrite.

19. Les compagnies d’assurance Allianz France et Allianz Iard soutiennent que K+N et XL sont irrecevables à former en appel des demandes nouvelles à leur égard, par application de l’article 564 du code civil, n’ayant formé aucune demande à leur encontre en première instance.

20. A titre subsidiaire, elles font valoir que K+N ne justifie pas avoir acquis un droit d’action principale à l’encontre de son substitué, rien ne justifiant de l’effectivité de l’indemnisation alléguée.

21. Elles font valoir que les conditions de la subrogation ne sont pas remplies, notamment que la preuve du paiement n’est pas établie, cette condition étant requise en droit français ou néerlandais.

22. Elles soutiennent qu’en l’espèce, la preuve du paiement allégué n’est pas rapportée, la note de crédit du courtier d’assurance et la copie d’écran ou les échanges de mails n’étant pas suffisants pour justifier d’un paiement effectif, et les conditions de la subrogation légale ou conventionnelle, en droit français ou en droit néerlandais ne sont pas remplies.

23. Elles en concluent qu’en l’absence de subrogation, l’action en garantie à leur égard est dépourvue d’objet.

24. Elles soutiennent qu’en tout état de cause les demandes des sociétés K+N et XL sont irrecevables car prescrites, par l’application de la prescription annale relative au contrat de transport.

25. La société K+N fait valoir en réponse qu’elle a intérêt et qualité à agir contre tout substitué responsable de la perte de marchandises dès lors qu’elle a indemnisé son client ou qu’elle s’est d’ores et déjà obligée à le faire.

26. Elle estime être valablement subrogée dans les droits d’Apple qu’elle a indemnisée pour la perte des marchandises en lui établissant un avoir en date du 21 septembre 2018, ce qui est un mode d’indemnisation parfaitement standard, sans qu’il soit nécessaire de justifier de la réalité d’un paiement effectif, dès lors qu’il est établi qu’elle s’est obligée à le faire, que Apple était bien propriétaire des produits volés au cours du transport, et que K+N agissait comme commissionnaire de transport à l’encontre de son substitué Fret Industrie et son assureur Allianz.

27. K+N et XL soutiennent encore que la subrogation de l’assureur de dommage relève de la loi du contrat d’assurance, lequel est régi en l’espèce par le droit néerlandais, qui prévoit que dès lors que l’assureur a payé une indemnité à son assuré, il y a subrogation des droits de l’assuré au profit de l’assureur qui a dès lors un intérêt à agir.

28. XL indique avoir réglé à son assuré l’indemnité d’assurance, par compensation avec un avoir, ce qui est une condition suffisante en application de ce droit, justifiant la traçabilité du paiement. Elle produit notamment la capture du système de comptabilité du courtier Nacora, qui prouve que XL Insurance a indemnisé son assuré Kuehne par compensation et jeux d’écritures internes, le courtier attestant avoir versé les fonds à l’assurée pour le préjudice qu’elle a subi.

29. XL soutient enfin que, quand bien même le droit français serait applicable, elle peut se prévaloir de la subrogation car K+N a souscrit une police d’assurance marchandises transportées auprès de AXA Corporate Solutions, devenue XL Insurance, l’assurance était applicable au moment du sinistre, XL Insurance a bien indemnisé Kuehne dans le cadre de la perte des marchandises à hauteur de 71 619,10 euros et a donc intérêt à agir.

30. S’agissant de la prescription annale, Kuehne et XL Insurance invoquent la prescription quinquennale applicable à la responsabilité d’un dépositaire.

31. Elles soutiennent que :

– Fret Industrie était dépositaire des marchandises au moment du vol car les marchandises ont été réceptionnées par ce dernier et il n’a jamais effectué de prestation de transport.

– Le transport entre [Localité 8] et les locaux de Bouygues et Orange a été effectué par Transports Devillard

32. Elles font valoir que les sociétés Fret Industrie et DL Services étaient deux sociétés distinctes au moment des faits, quand bien même elles appartenaient au même groupe et qu’il ne peut être tiré de ce que DL Services aurait été mandatée par Bas Logistic BV en tant que commissionnaire de transport, pour prétendre que Fret Industrie aurait participé aux opérations de transports en plus de sa mission d’entreposage et lui appliquer la prescription annale.

33. Par conséquent, les règles relatives au contrat de transport ou de commissionnaire ne lui sont pas applicables.

SUR CE :

34. Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

35. La cour est saisie de plusieurs moyens tendant à voir déclarer les appelantes irrecevables en leurs demandes, deux moyens relatifs à la subrogation de l’assureur et du commissionnaire et un moyen relatif à la prescription annale.

36. La cour peut, indépendamment de l’ordre dans lequel les parties ont présenté leurs moyens, statuer dans l’ordre qui lui parait le plus approprié.

37. En l’espèce, compte tenu de ce que K+N conteste la qualification de contrat de transport pour l’entreposage et se fonde sur la qualification de contrat de prestation de service d’entreposage des marchandises par Fret Industrie, il y a lieu de rechercher tout d’abord si le contrat litigieux relève de la prescription annale prévue par la CMR, et ensuite, le cas échéant, d’apprécier les subrogations au regard des rapports de droit en jeu.

– Sur la prescription de l’action

38. L’article 1er 1) de la Convention sur le transport international de marchandises par route (dite CMR), ratifiée par 55 pays dont la France et tous les pays de l’UE dispose : « La présente Convention s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l’un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que soient le domicile et la nationalité des parties. ».

39. Cette Convention est d’ordre public et prime les lois nationales.

40. L’article 32-1 de la CMR énonce que les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la présente Convention sont prescrites dans le délai d’un an. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute considérée, d’après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol, la prescription est de trois ans.

41. Selon l’article 34, « si un transport régi par un contrat unique est exécuté par des transporteurs routiers successifs, chacun de ceux-ci assume la responsabilité de l’exécution du transport total, le second transporteur et chacun des transporteurs suivants devenant, de par leur acceptation de la marchandise et de la lettre de voiture, parties au contrat, aux conditions de la lettre de voiture. ».

42. Il résulte de ces textes que sont couvertes par la CMR les « actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la CMR ». Il importe ainsi de déterminer les actions auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la CMR afin d’apprécier si les dispositions de l’article 32 de cette Convention leur sont applicables.

43. La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que l’action directe de l’article L. 132-8 du code de commerce est l’une de celles auxquelles peuvent donner lieu les transports soumis à la Convention CMR et que ces actions ne sont pas limitées aux seules parties au contrat de transport.

44. En l’espèce, K+N, société de droit luxembourgeois, commissionnaire de transport, a été chargée de la réalisation d’un transport pour la livraison d’IPhones des Pays-Bas vers la France couvert par deux lettres de voiture CMR n° 2100304 et 2100305 pour deux destinations finales en France, les parties s’y référant sur le fond à titre subsidiaire pour la limitation de l’indemnisation sollicitée.

45. En sa qualité de commissionnaire, la société K+N était chargée du transport de bout en bout, aucune rupture de charge n’étant prévue au cours du transport.

46. Les deux lettres de voiture CMR produites portent toutes les deux la mention de K+N comme expéditeur, Orange ou Bouygues, sociétés françaises, comme destinataires, [Localité 5] Netherlands comme lieu de prise en charge de la marchandise et [Localité 7] France ou [Localité 6] France comme lieux de livraison et destination finale, l’ensemble du transport devant être effectué par plusieurs transporteurs néerlandais et français, le tout couvert par lesdites lettres de voiture. Les deux sous-commissionnaires français et néerlandais étaient également indiqués sur lesdites lettres de voiture (BAS NL et DL FR).

47. Il résulte de ces éléments que la lettre de voiture qui constitue le contrat de transport prévoyait comme fin à l’exécution du contrat de transport, la remise physique de la marchandise au destinataire final, Orange ou Bouygues, sans rupture de charge pendant le transport, nonobstant un transit chez un prestataire pour faire transiter la marchandise d’un camion à un autre.

48. De plus, contrairement à ce que soutient K+N, aucun contrat distinct, prévoyant que Fret Industrie était chargée de réceptionner les marchandises transportées par BAS Transport et de les remettre à Transports Devillard ni aucune facture relative à une prestation séparée de dépôt ou d’entrepôt chez Fret Industrie pour le transit des marchandises sur sa plateforme appelée « cross-dock » ne sont versés aux débats, seule DL service ayant facturé son intervention pour l’acheminement final, et il n’est pas démontré de paiement séparé d’une prestation ou d’un service pour ce passage par la plateforme de transit.

49. Le fait que Fret Industrie ait déposé plainte suite au vol et déclaré qu’elle avait la garde des marchandises pendant la nuit ne permet pas de séparer cette action de celles couvertes par le contrat de transport de bout en bout, ce d’autant que le représentant de Fret a lui-même déclaré que les marchandises devaient être livrées à [Localité 6] et à [Localité 7], destination finale des marchandises prévue dans la lettre de voiture.

50. Le fait enfin que Fret Industrie ne soit pas intervenu comme transporteur et ne figure pas sur la lettre de voiture, seul DL Services étant mentionnée comme commissionnaire, et le fait que Fret Services n’ait pas encore fusionné avec DL Services au moment des faits sont sans incidence sur l’analyse du caractère accessoire de la prestation, qui consistait à faire transiter les marchandises sur le « cross-dock » de l’entrepôt de [Localité 8] afin de transborder les marchandises d’un camion à un autre sans rupture de charge, et constituait dès lors une prestation nécessaire à l’achèvement du transport.

51. Il résulte de ces éléments que le régime spécifique du contrat de transport s’applique à la prestation litigieuse et que la prescription annale prévue par la CMR a vocation à s’appliquer à toutes les actions qui découlent de ce transport, y incluant les prestations de transit, quand bien même lesdites actions ne relèveraient pas d’une partie à la lettre de voiture, mais font partie intégrante du contrat de transport.

52. Il n’est pas soutenu que les parties avaient été victimes d’une faute ou d’un dol ni qu’une suspension ou prolongation de la prescription serait justifiée.

53. L’assignation ayant été délivrée le 24 mars 2021, soit plus de deux ans et demi après les faits qui se sont déroulés le 24 juillet 2018, l’action de K+N et XL est prescrite

54. Les assureurs ne sont dès lors pas recevables à l’exercer par voie de subrogation.

55. La décision des premiers juges sera ainsi confirmée, par motifs propres, s ans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens développés par les parties.

B. Sur les autres demandes

– Sur la responsabilité délictuelle

56. La société K+N a formulé des demandes d’indemnisation sur le fondement de la responsabilité délictuelle de Fret Industrie (GT Solutions) en qualité de dépositaire.

57. Or, l’existence d’un contrat de dépôt n’étant pas établie et l’action contre la société Fret Industrie étant couverte par le contrat de transport et déclarée irrecevable par l’effet de la prescription annale, il y a lieu, en l’absence de toute allégation de fautes distinctes de celles invoquées dans le cadre du contrat de transport, de rejeter les demandes formulées contre GT Solutions et ses compagnies d’assurance sur ce fondement.

58. La société K+N formule enfin une demande d’indemnisation pour la faute qu’aurait commise Fret industrie lors du vol commis dans son entrepôt, en ne sécurisant pas suffisamment les marchandises en transit dans ses locaux.

59. Comme rappelé ci-dessus, seul s’applique au rapport de droit litigieux faisant partie du contrat de transport l’article 32 de la CMR, la prescription annale étant acquise, sauf preuve d’un dol ou d’une faute considérée, d’après la loi de la juridiction saisie, comme équivalente au dol.

60. Or, outre le fait que la société K+N n’invoque qu’un manque de diligence de Fret Industrie en tant que dépositaire, et non un dol, une telle allégation de fait fautif n’est pas considérée, en droit français, comme équivalente au dol, le dol étant défini selon l’article 1137 du code civil, dans sa version en vigueur entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018 comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie », ces éléments n’étant pas réunis en l’espèce.

61. Cette demande sera en conséquence rejetée.

– Sur la demande pour procédure abusive

62. Allianz France sollicite une indemnité pour procédure abusive au motif que K+N l’aurait maintenue abusivement à la procédure et en appel, alors qu’elle n’est pas l’assureur de Fret Industrie.

63. Il résulte toutefois des éléments de la procédure que c’est Fret Industrie qui a appelé Allianz France en intervention forcée en première instance, et que Allianz Iard ne serait intervenue que volontairement, sans toutefois écarter Allianz France, la qualité d’assureur, la production des contrats d’assurance devant intervenir sur le fond.

64. La demande d’Allianz France a ce titre sera dès lors rejetée.

– Sur les frais et dépens

65. Les sociétés K+N et XL qui succombent en toutes leurs demandes seront condamnées aux dépens, les prétentions qu’elles forment au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

66. Elles seront condamnées in solidum, sur le fondement de cet article, à payer aux sociétés :

– GT Solutions la somme de 10.000 euros

– Allianz IARD la somme de 5.000 euros

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 17 janvier 2023 en ce qu’il a déclaré les sociétés Kuehne + Nagel et XL Insurance Company SE irrecevables à agir par l’effet de la prescription,

2) Dit les autres fins de non-recevoir sans objet,

3) Confirme la décision pour le surplus,

Y ajoutant :

4) Déboute les sociétés Kuehne + Nagel et XL Insurance Company SE de toutes leurs autres demandes ;

5) Déboute la société Allianz France de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

6) Condamne in solidum les sociétés Kuehne + Nagel et XL Insurance Company SE à payer les sommes suivantes en application de l’article 700 du code de procédure civile :

– dix mille euros (10 000 €) à la société GT Solutions ;

– cinq mille euros (5 000 €) à la société Allianz Iard ;

7) Condamne in solidum les sociétés Kuehne + Nagel et XL Insurance Company SE aux dépens.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

 


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