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La victime a été déboutée de sa demande d’indemnisation pour son préjudice financier et son préjudice d’agrément, car la cour de cassation avait limité la saisine à la demande concernant les frais de véhicule adapté et le préjudice sexuel. La demande au titre du préjudice d’agrément avait également été déclarée irrecevable dans un arrêt précédent.
Concernant les souffrances endurées, la cour d’appel avait fixé à 5 000 euros l’évaluation des souffrances sans distinguer entre souffrances temporaires et permanentes. La demande d’indemnisation des troubles gastriques et intestinaux avait été rejetée, car ces troubles avaient déjà été indemnisés au titre des souffrances endurées. La victime a tenté de faire valoir une aggravation de son état de santé, mais n’a pas fourni suffisamment d’éléments pour justifier une réparation complémentaire.
En ce qui concerne le préjudice sexuel, la victime a été indemnisée à hauteur de 5 000 euros en raison de troubles érectiles allégués.
Les frais d’adaptation du véhicule et l’achat d’un vélo adapté ont été rejetés faute de preuves justifiant ces dépenses. Une expertise médicale a été ordonnée pour évaluer la nécessité d’aménager le véhicule de la victime.
Enfin, la caisse a obtenu gain de cause dans son action récursoire.
Les dépens et les frais irrépétibles ont été réservés.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89B
Ch.protection sociale 4-7
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 MARS 2024
N° RG 22/03242 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VPQ2
AFFAIRE :
[T] [J]
C/
Société [8]
…
Décision déférée à la cour : Arrêt du 01 février 2018 rendu par la Cour d’appel de VERSAILLES
N° RG : 14/04603
Copies exécutoires délivrées à :
M. [J]
la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT
[7]
Copies certifiées conformes délivrées à :
M. [J]
Société [8]
[7]
DR [P]
3 copies service expertise
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [T] [J]
[Adresse 13]
[Localité 3]
comparant en personne
APPELANT
****************
Société [8]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372 ,substituée par Me Audrey DELIRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0372
[6]
Département des Affaires Juridiques
Service contrôle législation – 92 avenue de [Localité 11]
[Adresse 2]
représentée par M. [G] [R], en vertu d’un pouvoir général
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,
Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Juliette DUPONT,
EXPOSÉ DU LITIGE
Salarié de la société [9] (la société) en qualité d’artiste interprète cascadeur, M. [T] [J] (la victime) a, le 10 décembre 2011, déclaré une hernie discale désignée au tableau n° 97 des maladies professionnelles que la [6] (la caisse) a prise en charge, le 28 janvier 2013, après avis favorable d’un comité régional de reconnaissances des maladies professionnelles.
Saisie par la victime d’une demande aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles a, par jugement du 25 septembre 2014, rejeté cette demande.
La victime a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 3 décembre 2015, la cour d’appel de Versailles a :
– reconnu la faute inexcusable de la société ;
– ordonné la majoration de la rente allouée à la victime ;
– ordonné une expertise médicale confiée au docteur [Y] aux fins d’évaluer les préjudices de la victime ;
– alloué une provision de 3 000 euros à valoir sur l’indemnisation de la victime ;
– réservé les dépens.
Par arrêt du 1er février 2018, après dépôt du rapport d’expertise, la cour d’appel de Versailles a :
– fixé l’indemnisation des préjudices subis par la victime de la manière suivante :
* 3 275,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
* 500 euros au titre du préjudice esthétique ;
* 5 000 euros au titre des souffrances endurées ;
* 1 140 euros au titre des frais d’assistance à l’expertise
soit la somme de 13 215,20 euros de laquelle devra être déduite la provision de 3 000 euros ;
– débouté la victime de ses autres demandes ;
– dit que les frais d’expertise seront supportés par la société ;
– débouté les parties de toute demande, autre, plus ample ou contraire ;
– déclaré l’arrêt opposable à la caisse ;
– condamné la société à verser à la victime la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été cassée par un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 2019 (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-13.704), mais seulement en ce qu’elle a débouté la victime de ses demandes en remboursement des frais de déplacement et en indemnisation d’un préjudice sexuel.
La victime a saisi la cour d’appel de Versailles, juridiction de renvoi, qui, par arrêt du 11 mars 2021, a :
– déclaré la victime irrecevable en ses demandes d’indemnisation visant le préjudice d’agrément et les frais de véhicule adapté ;
– déclaré la victime recevable en ses demandes nouvelles, sauf celle visant l’indemnisation des ‘troubles gastriques et intestinaux’ en ce qu’elle vise les souffrances endurées à ce titre avant consolidation ;
– débouté la victime de sa demande d’indemnisation des ‘troubles gastriques et intestinaux’ en ce qu’elle vise les souffrances subies à ce titre après consolidation ;
– débouté la victime de sa demande en paiement de la somme de 102 000 euros pour perte financière et professionnelle ;
– rejeté la demande en paiement de la somme de 10 600 euros au titre de la ‘perte de salaires et frais médicaux restés à charge – intervention chirurgicale’ ;
– fixé l’indemnisation complémentaire des préjudices subis aux sommes suivantes :
– préjudice sexuel (gêne fonctionnelle liée aux lombalgies) : 3 000 euros,
– frais de déplacement : 212,80 euros,
– frais de correspondance (article 700 du code de procédure civile) : 70 euros.
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– déclaré l’arrêt opposable à la caisse.
Sur pourvoi formé par la victime, la Cour de cassation a, par arrêt du 7 juillet 2022 (2e Civ., 7 juillet 2022, pourvoi n° 21-15.553), cassé et annulé l’arrêt susvisé, mais seulement en ce qu’il a déclaré la victime irrecevable en sa demande visant les frais de véhicule adapté et en ce qu’il a fixé l’indemnisation du préjudice sexuel de la victime au titre de la gêne fonctionnelle liée aux lombalgies à 3 000 euros, au motif suivant :
‘Vu les articles 1355 du code civil et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
10. Il résulte du deuxième de ces textes, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision (Cons. const., 18 juin 2010, décision n° 2010-8 QPC), qu’en cas de faute inexcusable, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation d’autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, dès lors qu’ils ne sont pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.
11. Il résulte du premier que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
12. Il résulte du principe susvisé que le préjudice subi par la victime doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date.
13. L’arrêt relève, d’une part, que la victime invoque une décision de la caisse ayant révisé son taux d’incapacité permanente partielle et communique le rapport du médecin conseil de la caisse en date du 30 juillet 2019 qui conclut à ce que le taux initial d’incapacité permanente partielle, fixé à 13 % puis réduit à 8 % par le tribunal du contentieux de l’incapacité, soit porté à 18 % en raison des séquelles d’une hernie discale traitée chirurgicalement, consistant « en la persistance d’une gêne fonctionnelle douloureuse, d’un trouble de la marche modéré, de troubles sensitifs cliniques et électriques et de troubles érectiles allégués ». Il énonce, d’autre part, que par l’effet de l’arrêt de la Cour de cassation, la cause et les parties sont placées dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt du 1 février 2018, c’est-à-dire avant la révision de ce taux d’incapacité permanente. Il en déduit que la cour de renvoi ne se prononcera sur les conséquences préjudiciables invoquées par la victime que dans les limites de sa saisine, circonscrite aux suites de la maladie professionnelle déclarée en 2011 et jusqu’à la date de révision du taux d’incapacité permanente partielle, la cour ne pouvant statuer sur les suites éventuelles d’une aggravation de l’état de santé de la victime postérieure à l’arrêt du 1 février 2018.
14. Pour dire la victime irrecevable en sa demande relative à la réparation des frais de véhicule adapté, l’arrêt relève que le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel du 1er février 2018 a été rejeté en ce qu’il visait la réparation des frais de véhicule adapté. Il en déduit que la demande se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt.
15. Pour statuer sur la réparation du préjudice sexuel de la victime, l’arrêt relève qu’à l’examen du rapport d’expertise judiciaire déposé le 3 octobre 2017 et du dire déposé par le médecin mandaté par la victime, il est caractérisé un préjudice sexuel qualifié de « positionnel » et de « gêne fonctionnelle liée à ses lombalgies », que le rapport médical de révision du médecin conseil de la caisse justifiant l’aggravation du taux d’incapacité permanente partielle retient des « troubles érectiles allégués » lesquels n’avaient pas été évoqués devant l’expert judiciaire. Il retient que le poste de préjudice caractérisé au titre de la seule gêne positionnelle liée aux lombalgies, avant aggravation, sera justement indemnisé par l’octroi de la somme de 3 000 euros.
16. En statuant ainsi, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes et principe susvisés.
La victime a saisi la juridiction de renvoi.
L’affaire, après renvoi, a été plaidée à l’audience du 11 janvier 2024 devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
La victime comparaît en personne. Elle sollicite l’octroi d’une somme de 20 000 euros au titre du préjudice sexuel.
Elle demande également :
– pour le préjudice financier sur l’achat d’un véhicule adapté de tourisme, la somme de 55 508 euros ;
– pour le préjudice financier sur l’achat d’un véhicule adapté utilitaire, la somme de 7 889 euros ;
– pour le préjudice financier sur l’achat d’un vélo adapté, la somme de 9 680 euros ;
– pour le préjudice des souffrances à endurer : la somme de 20 000 euros ;
– pour le préjudice d’agrément et la perte financière, sur la base de son revenu annuel versé par la société et le taux de son handicap : la somme de 80 000 euros.
Elle fait valoir, d’une façon générale, une perte financière de 205 880 euros.
Il est renvoyé, pour le surplus des moyens et prétentions, à ses écritures déposées et soutenues oralement à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société rappelle que la saisine de la juridiction de renvoi est limitée aux seuls frais de véhicule adapté et au préjudice sexuel. Elle demande :
– de débouter la victime de ses demandes au titre des frais d’adaptation du véhicule ;
– de déclarer que le préjudice sexuel a été justement indemnisé par arrêt du 11 mars 2021 ;
– de rejeter toute demande d’indemnisation complémentaire.
Représentée par son mandataire, munie d’un pouvoir régulier, la caisse déclare oralement s’en remettre à la justice et sollicite, le cas échéant, le bénéfice de son action récursoire.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la victime sollicite l’octroi d’une somme de 1 000 euros.
A l’audience, la cour attire l’attention de la victime sur l’irrecevabilité éventuelle de ses demandes au titre des souffrances endurées, du préjudice financier et du préjudice d’agrément, ces demandes excédant l’objet de la saisine de la juridiction de renvoi et ayant déjà été examinées par les précédentes formations de la cour, de façon définitive. La victime se prévaut, à l’audience, du revirement de jurisprudence amorcé par l’Assemblée plénière en janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le préjudice financier et le préjudice d’agrément
La victime est irrecevable à solliciter l’indemnisation de son préjudice financier et de son préjudice d’agrément alors :
– d’une part, que la saisine de la cour de céans est limitée, par l’arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2022, à la demande visant les frais de véhicule adapté et à l’indemnisation du préjudice sexuel ;
– d’autre part, que par des dispositions devenues définitives, la cour d’appel de Versailles a, dans ses arrêts du 1er février 2018 et du 11 mars 2021, rejeté ces demandes, la demande au titre du préjudice d’agrément ayant, au surplus, été déclarée irrecevable au terme de l’arrêt du 11 mars 2021, de sorte que les prétentions formulées de ce chef se heurtent à l’autorité de la chose jugée.
Sur les souffrances endurées
Concernant les souffrances endurées, la cour d’appel de Versailles a, dans son arrêt du 1er février 2018, fixé à la somme de 5 000 euros l’évaluation des souffrances endurées, sans distinguer selon qu’il s’agit de souffrances temporaires ou permanentes.
Dans son arrêt du 11 mars 2021, cette même cour a rejeté la demande d’indemnisation des ‘troubles gastriques et intestinaux’ en relevant que ‘la part de préjudice subi par le salarié antérieurement à la date de consolidation a d’ores et déjà été indemnisée au titre du poste des souffrances endurées; et celle subie postérieurement à cette date est légalement indemnisée par la rente servie par la caisse’.
Ces dispositions n’ont pas été atteintes par la cassation.
Pour solliciter le réexamen de sa demande d’indemnisation au titre des souffrances endurées, la victime invoque, à l’audience, l’arrêt de l’Assemblée plénière du 20 janvier 2023 (pourvoi n° 20-23.673) ayant modifié l’objet de la rente. Le revirement de jurisprudence opéré par cet arrêt n’est toutefois pas de nature à faire obstacle à l’autorité de la chose jugée.
La victime fait cependant état, dans ses écritures, de l’aggravation de son état de santé attestée par l’augmentation de son taux d’incapacité permanente, postérieurement à l’arrêt du 1er février 2018. En effet, un rapport du médecin conseil préconise de porter le taux d’incapacité permanente à 18 %, au lieu du taux de 13 % retenu à l’origine. La décision modificative du taux d’incapacité n’est pas versée aux débats.
Selon la décision initiale du 11 septembre 2013, la date de consolidation est fixée au 27 mars 2013. Il sera noté que l’expert judiciaire, le docteur [Y], a fixé la date de consolidation au 27 juillet 2013. Les éléments produits ne font toutefois pas état d’une modification de la date de consolidation telle que fixée par l’organisme social, mais seulement d’une aggravation du taux.
La caisse ayant attribué à la victime un nouveau taux d’incapacité, celle-ci est recevable à demander la réparation de préjudices complémentaires ou nouveaux nés de cette aggravation, quelle qu’en soit la date, d’autant que l’arrêt de 2021 n’a pas statué au regard de l’aggravation de l’état de santé de la victime.
Cela étant, cette dernière se borne à solliciter la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées, sans préciser en quoi ses souffrances ont été aggravées. La décision attributive de rente du 11 septembre 2013 évoque une douleur lombaire permanente avec irradiation sciatique gauche, une raideur, un déficit sensitif-moteur allégué et une gêne à la marche. Le rapport médical de révision du taux d’incapacité permanente précise qu’il existe une aggravation clinique par rapport à la consolidation de 2013, avec des troubles sensitifs électriques et cliniques ainsi que des troubles érectiles (allégués). Il est indiqué que « selon le barème AT/MP, le taux est fixé à 18 %, qui tient compte de la reconversion professionnelle que l’assuré a dû faire. » Sont donc intégrés, comme éléments nouveaux aggravateurs du taux, les troubles érectiles ainsi que la situation professionnelle de la victime.
Au vu de ces éléments, il n’est pas justifié d’une aggravation des souffrances endurées impliquant l’octroi d’une réparation complémentaire. Il sera observé que l’arrêt du 1er février 2018, qui a alloué à la victime une somme de 5 000 euros au titre de ces souffrances (alors que la victime sollicitait déjà la somme de 20 000 euros en évoquant des douleurs continues) ne distingue pas selon qu’il s’agit de souffrances temporaires ou permanentes et que la cour d’appel s’est prononcée de façon globale.
La demande sur ce chef sera donc rejetée.
Sur le préjudice sexuel
Le préjudice sexuel comprend tous les préjudices post-consolidation touchant à la sphère sexuelle (2e Civ., 28 juin 2012, n° 11-16.120, Bull. 2012, II, n° 127).
En l’espèce, l’expert judiciaire, le docteur [Y], note que la victime, née le 11 octobre 1965, évoque des gênes positionnelles, sans les détailler. Un rapport du docteur [L], médecin désigné par la victime, évoque plus précisément une gêne fonctionnelle liée aux lombalgies. Les conclusions motivées du rapport médical de révision du taux d’incapacité permanente partielle font état de troubles érectiles allégués. La victime justifie de la réalité de ces troubles en produisant des ordonnances médicales prescrivant des traitements en vue d’une stimulation sexuelle.
Le docteur [L] souligne que la victime a renoncé à son projet de couple de concevoir un troisième enfant ; cependant, aucun élément ne vient démontrer que cet abandon est en lien direct avec les troubles sexuels allégués, ce médecin précisant que cette décision s’inscrit dans un contexte financier.
Au vu de ces éléments, le préjudice sexuel doit être évalué à la somme de 5 000 euros.
Sur les frais d’adaptation du véhicule et l’achat d’un vélo adapté
La pathologie pour laquelle la faute inexcusable de la société a été retenue est une hernie discale L5-S1 opérée. D’après les pièces afférentes à la fixation du taux d’incapacité, les séquelles consistent en une douleur lombaire permanente avec irradiation sciatique gauche, une raideur, un déficit sensitif-moteur allégué et une gêne à la marche, des troubles sensitifs électriques et cliniques. L’expert judiciaire note toutefois que la marche se fait sans boiterie, et que la victime est montée seule sur la table d’examen, les cuisses à 90 . Il souligne qu’il n’y a pas de déficit moteur.
L’expert judiciaire n’a mis en évidence aucun élément de nature à justifier des frais d’adaptation du véhicule, par la mise en place d’une boîte mécanique, ainsi que l’achat d’un vélo à assistance électrique.
S’agissant de l’achat d’un vélo à assistance électrique, aucune pièce n’est produite de nature à démontrer que cet achat est justifié par les préjudices subis par la victime. Cette demande sera donc rejetée.
S’agissant des frais d’adaptation du véhicule, d’après les dires du médecin désigné par la victime, le docteur [L], la demande de la victime d’aménager son véhicule avec un boîte à vitesse automatique est ‘recevable’ en raison de ‘la dangerosité potentielle d’un conducteur qui ne maîtriserait pas totalement ses commandes au pied en cas d’urgence’. De même, le docteur [W], neurologue, indique la nécessité d’un embrayage automatique compte-tenu du handicap de la victime.
Il convient, au vu de ces éléments, d’ordonner une expertise médicale pour l’évaluation objective de ce chef de préjudice, selon les modalités énoncées au dispositif.
Sur l’action récursoire
Il sera fait droit à la demande de la caisse, selon les modalités énoncées au dispositif.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens ainsi que les frais irrépétibles seront réservés.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 7 juillet 2022 (pourvoi n° 21-15.553) ;
Statuant dans les limites de sa saisine ;
Déclare irrecevables les demandes en indemnisation formées par M. [J] au titre du préjudice d’agrément et des pertes financières ;
Déclare recevable mais mal fondée la demande en indemnisation complémentaire formée par M.[J] au titre des souffrances endurées ;
En conséquence, déboute M. [J] de cette demande ;
Fixe à la somme de 5 000 euros l’indemnisation due à M. [J] au titre de son préjudice sexuel ;
Dit qu’en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la somme ainsi allouée sera versée directement au bénéficiaire par la [6] qui en récupérera le montant auprès de la société [8] ;
Rejette la demande au titre de l’achat d’un vélo à assistance électrique ;
Sur l’indemnisation au titre des frais de véhicule adapté :
Sursoit à statuer sur la demande ;
Ordonne une expertise médicale confiée au :
Docteur [A] [P]
service de chirurgie viscérale [Adresse 10]
[Adresse 5]
expert honoraire, près la cour d’appel de Versailles
[Courriel 12]
qui, après avoir pris connaissance des pièces du dossier et procédé à l’examen médical de la victime, devra donner son avis sur la nécessité pour M. [J] de disposer d’un véhicule adapté, en lien avec les pathologies pour lesquelles la faute inexcusable de l’employeur a été retenue (hernie discale L5-S1) ;
Dit que les parties disposeront d’un délai d’un mois à compter du présent arrêt pour communiquer leurs pièces à l’expert, soit au plus tard, pour le 15 avril 2024 ;
Dit que l’expert pourra formuler toutes observations utiles à l’évaluation de ce préjudice ;
Dit que l’expert établira un pré-rapport qui devra être communiqué aux parties, lesquelles disposeront d’un délai d’un mois pour faire connaître leurs observations ;
Dit qu’à l’expiration de ce délai et après avoir répondu aux observations des parties, l’expert devra établir et déposer son rapport définitif au service des expertises de la cour de céans, lequel dépôt devra intervenir avant le 14 septembre 2024, sauf prorogation de délai préalablement sollicité ;
Dit que l’expert notifiera son rapport définitif à chaque partie ;
Dit que de manière générale, l’expert devra se conformer aux dispositions du code de procédure civile pour le déroulement des opérations d’expertise ;
Dit que la [6] devra consigner au service des expertises de la cour de céans, à titre d’avance, la somme de 800 (huit cents euros) à valoir sur la rémunération de l’expert dans le délai d’un mois à compter du présent arrêt, soit au plus tard, avant le 15 avril 2024 ;
Dit qu’à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l’expert sera caduque, sauf motif légitime, et que l’affaire sera rappelée à l’audience pour y être jugée ;
Désigne Mme Le Fischer, présidente de chambre, en qualité de magistrat chargé du suivi des opérations d’expertise ;
Dit que la [6] pourra récupérer le montant des frais d’expertise auprès de la société [8] ;
Dit que l’affaire sera radiée du rôle des affaires en cours et qu’elle pourra être de nouveau enrôlée à tout moment à l’initiative des parties ou à la diligence de la cour et au plus tard, à réception du rapport d’expertise ;
Réserve les dépens ainsi que les demandes au titre des frais irrépétibles.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.
La GREFFIERE, La PRESIDENTE,