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Un compositeur qui estime que son oeuvre musicale a été contrefaite par adaptation non autorisée, ne doit pas diriger son action contre son propre éditeur.
En la cause, bien que ne reprochant que des manquements contractuels aux sociétés WCMF et SACEM, les demandes groupées sous le libellé « droits d’auteur de l’auteur-compositeur s’analysent comme une action en contrefaçon à l’encontre de cette oeuvre, et la demande formulée sous le libellé « indemnité forfaitaire de l’art. L 331-1-3 du CPI» comme une demande de dommages intérêts en réparation de cette contrefaçon de ses droits d’auteur. Or aucun acte de contrefaçon ne peut être reproché à la société WCMF qui est éditeur de l’oeuvre du compositeur et non pas de l’oeuvre incriminée, peu importe comme le soutient l’auteur que « WCMF en sa qualité d’éditeur dispose de tous les pouvoirs contractuels juridiques pour gérer l’affaire de l’oeuvre Enough!! (sic). La juridiction a confirmé l’ordonnance dont appel qui a déclaré la société Warner Chappell Music France dépourvue de qualité à défendre à l’action en indemnisation de la contrefaçon de son oeuvre Folimagination par l’oeuvre Enough!! intentée par l’auteur. |
Résumé de l’affaire : Le 7 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a rendu une ordonnance déclarant M. [N] irrecevable dans ses demandes concernant l’œuvre “Enough!!”, qu’il prétend dérivée de son œuvre “Folimagination”. La société Warner Chappell Music France (WCMF) a été jugée dépourvue de qualité à défendre contre l’action en contrefaçon de M. [N]. La demande de communication de pièces contre WCMF et la SACEM a été rejetée, et les dépens de l’incident ont été attribués à l’instance principale. M. [N] a interjeté appel le 7 novembre 2023, demandant la recevabilité de ses demandes et le rejet des prétentions de WCMF et de la SACEM. Il a également demandé la constatation de la cession de ses droits patrimoniaux à WCMF et à la SACEM, ainsi que la reconnaissance de son droit à percevoir des redevances sur l’exploitation de “Enough!!”.
WCMF a demandé la confirmation de l’ordonnance du 7 juillet 2023, arguant que l’action de M. [N] était irrecevable et constituait un abus d’ester en justice, tout en réclamant des dommages-intérêts. La SACEM a également demandé la confirmation de l’ordonnance et a pris acte des fins de non-recevoir soulevées par WCMF. Le 6 juin 2024, l’ordonnance de clôture a confirmé l’ordonnance initiale, déclarant irrecevable le surplus des demandes de M. [N] et rejetant la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive de WCMF. M. [N] a été condamné à verser 1 500 euros à WCMF et à la SACEM, ainsi qu’aux dépens d’appel. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2024
(n°99, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 23/17881 – n° Portalis 35L7-V-B7H-CIPET
Décision déférée à la Cour : ordonnance du juge de la mise en état du 07 juillet 2023 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°21/13715
APPELANT
M. [Y] [N]
Né le 23 novembre 1947 à [Localité 6]
De nationalité française
Exerçant les professions d’auteur, de compositeur, d’interprète (chanteur) et de producteur de phonogrammes
Demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque K 148
Assisté de Me Marie RAMOS plaidant pour l’AARPI SCHMIDT – GOLDGRAB (Me André SCHMIDT), avocat au Barreau de PARIS, toque P 391
INTIMEES
SOCIÉTÉ DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE (SACEM)
Société civile à capital variable, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 5]
Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 775 675 739
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 151
Assistée de Me Vincent VARET plaidant pour la SELARL VARET – PRÈS – KILLY, avocat au Barreau de PARIS, toque C 1258
S.A.S. WARNER CHAPPELL MUSIC FRANCE, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 334 416 070
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
Assistée de Me Michaël MAJSTER plaidant pour l’AARPI MAJSTER & NEHMÉ AVOCATS, avocat au Barreau de PARIS, toque D 727
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, désignée pour compléter la Cour
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
– déclaré M. [N] irrecevable dans ses demandes de voir juger que l’oeuvre Enough!! est dérivée de façon contrefaisante de son oeuvre Folimagination et en fixation de sa quote-part des droits patrimoniaux d’auteur sur l’exploitation de l’oeuvre Enough!!,
– déclaré la société Warner Chappell Music France dépourvue de qualité à défendre à l’action en indemnisation de la contrefaçon de son oeuvre Folimagination, par l’oeuvre Enough!! intentée par M. [N],
– rejeté la demande de communication de pièces dirigée contre la société Warner Chappell Music France et la SACEM,
– dit que les dépens de l’incident suivront ceux de l’instance principale,
– rejeté les demandes de la société Warner Chappel Music France au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 14 septembre 2023 pour conclusions des défendeurs et calendrier de procédure.
Vu l’appel interjeté le 7 novembre 2023 par M. [N],
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 juin 2024 par M. [N], appelant, qui demande à la cour de :
– déclarer M. [N] recevable en ses demandes, fins et prétentions,
– rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions de la société Warner Chappell Music France (WCMF),
– rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions de la société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM),
– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 7 juillet 2023 en ce qu’elle a :
– déclaré M. [N] irrecevable dans ses demandes de voir juger que l’oeuvre Enough!! est dérivée de son oeuvre Folimagination, et en fixation de sa quote-part des droits patrimoniaux d’auteur sur l’exploitation de l’oeuvre Enough!!,
– déclaré la société WCMF dépourvue de qualité à défendre à l’action en indemnisation de la contrefaçon de son oeuvre Folimagination par l’oeuvre Enough!! intentée par M. [N],
Statuant à nouveau,
– constater la cession à WCMF, en vertu des contrats de cession et d’édition d’oeuvres musicales du 22 mars 1976, de l’intégralité des droits patrimoniaux de l’oeuvre « Folimagination » à la société WCMF comprenant notamment la cession, portant sur tous pays et pour toute la durée de protection légale des oeuvres, des droits d’exécution publique et les droits de reproduction mécanique de l’oeuvre « Folimagination »,
– constater que l’acte d’adhésion à la SACEM de M. [N] emporte cession en faveur de celle-ci, à titre exclusif également, pour tous pays, pour toutes les oeuvres de l’auteur (oeuvres originales et oeuvres dérivées dites ‘composites’), pour toute la durée de protection légale (prolongations futures comprises) du droit de reproduction mécanique et du droit d’exécution publique notamment,
– déclarer recevables les demandes de M. [N] à l’égard de la société WCMF et de la SACEM, en considération des droits communs dont ils sont titulaires, de par les contrats de cession et d’édition d’oeuvres musicales du 22 mars 1976 et de par un acte d’apport à la SACEM cette situation juridique s’appliquant à toutes les oeuvres de M. [N],
– déclarer recevables les demandes de M. [N] de voir juger que l’oeuvre « Enough!! » est une version dérivée de « Folimagination » et que M. [N] a vocation à percevoir des redevances lui étant dues au titre de ses droits d’auteurs en considération de l’exploitation de l’oeuvre « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!! »,
– déclarer recevables les demandes de M. [N] à l’égard de la société WCMF, s’agissant de la résolution des deux contrats de cession et d’édition d’oeuvres musicales en date du 22 mars 1976,
En tout état de cause :
– renvoyer l’affaire au fond devant la 3ème Chambre – 2ème section du tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur les demandes relatives à l’exploitation de l’oeuvre « Enough » incorporant l’oeuvre « Folimagination » et sur les demandes de résiliation des contrats et de responsabilité contractuelle,
– condamner, in solidum, la société WCMF et la SACEM à la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 mai 2024 par la société Warner Chappell Music France (WCMF), intimée, qui demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 7 juillet 2023 en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu’elle a :
– déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de l’oeuvre « Folimagination » de M. [N] à l’encontre de la société WCMF faute de qualité d’éditeur de cette dernière de l’oeuvre prétendument contrefaisante « Enough!! »,
– déclaré irrecevable l’action en contrefaçon de l’oeuvre « Folimagination » de M. [N] à l’encontre de la société WCMF à défaut de mise en cause des co-auteurs, éditeurs et producteurs de l’oeuvre prétendument contrefaisante « Enough!! »
– rejeté la demande de communication de relevés de redevances formulée par M. [N] dans le cadre du présent incident,
A titre reconventionnel,
– dire et juger que l’action de M. [N] constitue un abus d’ester en justice,
– condamner M. [N] à verser à la société WCMF la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi du caractère abusif de la présente action,
En toute hypothèse :
– débouter M. [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [N] à payer à la société WCMF la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner M. [N] aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 mai 2024 par la société Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), intimée, qui demande à la cour de :
– donner acte à la SACEM de ce qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant des fins de non-recevoir soulevées par la société WCMF,
– confirmer, en tant que de besoin, l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 7 juillet 2023 en ce qu’elle a rejeté la demande de communication de pièces formée par M. [N] à l’encontre de la société WCMF et de la SACEM,
A titre principal :
– juger que la demande de M. [N] de constater que son acte d’adhésion à la SACEM emporte cession en faveur de celle-ci, à titre exclusif, pour tous pays, pour toutes les oeuvres de l’auteur (oeuvres originales et oeuvres dérivées dites composites), pour toute la durée de protection légale (prolongations futures comprises) du droit de reproduction mécanique et du droit d’exécution publique, excède les pouvoirs et compétence de la cour de céans,
– juger, en tant que de besoin, que la cour de céans n’est pas saisie de la demande de M. [N] de déclarer recevable sa demande, formée dans l’assignation, d’enjoindre à la SACEM « de recueillir et de se faire communiquer par toutes ses sociétés d’auteurs s’urs, les montants et les relevés de droits d’auteur de la chanson Enough!! depuis l’origine de l’exploitation (novembre 2016) et ce, par période annuelle, par droit, pays par pays avec la mention des pourcentages en question »,
– prendre acte des difficultés éventuelles d’application du jugement à intervenir si la cour de céans déclarait recevable la demande de M. [N] de voir juger que l’oeuvre « Enough!! » est « une version dérivée » de l’oeuvre « Folimagination » et qu’il a vocation à percevoir des redevances au titre de l’exploitation de la première,
– juger que la prétention de M. [N] à voir déclarer recevable sa demande de voir juger qu’il « a vocation à percevoir des redevances lui étant dues au titre de ses droits d’auteurs en considération de l’exploitation de l’oeuvre « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!! » est dépourvue d’objet,
En conséquence,
– débouter M. [N] de sa demande de constater que son acte d’adhésion à la SACEM emporte cession en faveur de celle-ci, à titre exclusif, pour tous pays, pour toutes les oeuvres de l’auteur (oeuvres originales et oeuvres dérivées dites ‘composites’), pour toute la durée de protection légale (prolongations futures 24 – comprises) du droit de reproduction mécanique et du droit d’exécution publique, au motif qu’elle viole les articles 561 et 562 du code de procédure civile,
– débouter, en tant que de besoin, pour violation de l’article 562 du code de procédure civile, M. [N] de sa demande de déclarer recevable sa demande, formée dans l’assignation, d’enjoindre à la SACEM « de recueillir et de se faire communiquer par toutes ses sociétés d’auteurs s’urs, les montants et les relevés de droits d’auteur de la chanson Enough!! depuis l’origine de l’exploitation (novembre 2016) et ce, par période annuelle, par droit, pays par pays avec la mention des pourcentages en question »,
– débouter M. [N] de sa prétention à voir déclarer recevable sa demande de voir juger qu’il « a vocation à percevoir des redevances lui étant dues au titre de ses droits d’auteurs en considération de l’exploitation de l’oeuvre « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!! »,
A titre subsidiaire :
– déclarer irrecevable en cause d’appel, comme nouvelle, la demande de M. [N] de constater que son acte d’adhésion à la SACEM emporte cession en faveur de celle-ci, à titre exclusif, pour tous pays, pour toutes les oeuvres de l’auteur (oeuvres originales et oeuvres dérivées dites ‘composites’), pour toute la durée de protection légale (prolongations futures comprises) du droit de reproduction mécanique et du droit d’exécution publique,
– déclarer irrecevable en cause d’appel, comme nouvelle, la prétention de M. [N] à voir déclarer recevable sa demande de voir juger qu’il « a vocation à percevoir des redevances lui étant dues au titre de ses droits d’auteurs en considération de l’exploitation de l’oeuvre « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!! »,
En conséquence,
– débouter M. [N] de sa demande de constater que son acte d’adhésion à la SACEM emporte cession en faveur de celle-ci, à titre exclusif, pour tous pays, pour toutes les oeuvres de l’auteur (oeuvres originales et oeuvres dérivées dites ‘composites’), pour toute la durée de protection légale (prolongations futures comprises) du droit de reproduction mécanique et du droit d’exécution publique,
– débouter M. [N] de sa demande de déclarer recevable sa demande de voir juger qu’il « a vocation à percevoir des redevances lui étant dues au titre de ses d’auteurs en considération de « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!! »,
En tout état de cause :
– donner acte à la SACEM de ce que le droit d’adaptation ou d’arrangement et le droit moral, afférents aux oeuvres de M. [N], n’ont été ni apportés, ni a fortiori cédés, par celui-ci à la SACEM, et
– rejeter la demande de M. [N] de condamner la SACEM, in solidum avec la société WCMF, à verser la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
– condamner M. [N] à verser à la SACEM la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [N] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Varet, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 6 juin 2024,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que M. [N] est auteur, compositeur et interprète de l’album phonographique intitulé ‘Des mots’ comportant plusieurs chansons dont l’une est intitulée « Folimagination ». Il est membre de la SACEM depuis le 16 mai 1967 et l’oeuvre « Folimagination » a été déclarée le 17 juin 1976.
La société WCMF, cessionnaire du catalogue de la société Marouani depuis 1991, est l’éditeur musical de M. [N] aux termes d’un contrat de cession et d’édition d’oeuvre musicale du 22 mars 1976.
Le 11 novembre 2016, un album incluant plusieurs chansons interprété par un groupe de rap américain dénommé « A Tribe called Quest » a été publié. Une de ces chansons est une oeuvre musicale intitulée « Enough !! » qui a fait l’objet de déclarations électroniques auprès de la SACEM les 10 mars et 10 octobre 2017.
Par courrier électronique du 13 juillet 2020, la société WCMF a informé la SACEM que l’oeuvre « Folimagination » avait été incorporée (sample) dans l’oeuvre « Enough!! ». La SACEM a alors indiqué à la société Kobalt, désignée comme étant sous-éditrice de cette oeuvre, qu’elle bloquait les redevances de droits d’auteur y afférents dans l’attente du contrat de « sample ».
Plusieurs échanges sont intervenus en vue de la signature d’un contrat de « sample » mais n’ont pas abouti.
Par courrier du 4 mai 2021, M. [N] a informé la SACEM qu’a « été réalisé à (son) insu un détournement de l’oeuvre « Folimagination » par le groupe A Tribe Called Quest sous le titre « Enough !! » et qu’il « n'(a) donné aucun accord à quelque titre que ce soit ».
La mention de la qualité d’ayant droit de M. [N] a néanmoins été ajoutée en juin 2021 dans la documentation de l’oeuvre « Enough !! » auprès de l’ASCAP, société américaine de gestion des droits de représentation des compositeurs, auteurs et éditeurs de musique.
A compter de cette date, l’ASCAP et d’autres organismes étrangers de gestion collective ont versé à la SACEM des redevances de droit d’auteur pour l’exploitation de l’oeuvre « Enough !! » sur leur territoires d’exercice respectifs. Les redevances ont été réparties aux ayants droit déclarés antérieurement au blocage par la SACEM des droits d’auteur.
M. [N] a fait assigner la société WCMF et la SACEM le 8 octobre 2021 devant le tribunal judiciaire de Paris pour d’une part, solliciter que soit prononcée la résolution, aux torts exclusifs de la société WCMF, des contrats de cession et d’édition de certaines de ses oeuvres musicales et obtenir la condamnation de cette société à l’indemniser pour le préjudice qu’il aurait subi du fait des manquements invoqués, et d’autre part, soutenir que l’oeuvre « Enough !! » est une « oeuvre dérivée contrefactrice (adaptation) illicite de l’oeuvre « Folimagination ». Il demande, en conséquence, au tribunal de lui allouer 10/12 des droits d’auteur de la chanson « Enough !! », droits passés comme droits futurs sans limitation dans le temps, sur toutes recettes possibles de la chanson illicite et en tous pays, sollicite qu’il soit ordonné à la SACEM et à la société WCMF de recueillir et de se faire communiquer par toutes ses sociétés d’auteurs s’urs, les montants et les relevés de droits d’auteur de la chanson « Enough !! » depuis l’origine de l’exploitation (novembre 2016) et ce, par période annuelle, par droit, pays par pays avec la mention des pourcentages en question ainsi que la condamnation de la société WCMF à lui payer la somme de 200 000 euros à titre d’avance indemnitaire et la somme de 30 000 euros en application de l’article L. 331-1-3 (dernier paragraphe) du code de la propriété intellectuelle.
Par ordonnance du 4 mars 2022, le juge de la mise en l’état a ordonné une mesure de médiation qui n’a pas abouti.
Le 14 novembre 2022, la société WCMF a saisi le juge de la mise en état de conclusions d’incident visant à soulever l’irrecevabilité des demandes en contrefaçon de M. [N].
Ceci étant exposé, à titre liminaire, il convient de considérer que les mentions dans le dispositif des écritures de l’appelant tendant à voir la cour ‘constater’ ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais un résumé des moyens invoqués à l’appui de leurs demandes et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci ni sur les demandes qui y sont opposées.
Il n’y a pas lieu non plus de « prendre acte » ou de « donner acte » aux parties dès lors que de telles demandes de sont pas constitutives de droit.
Sur la recevabilité des demandes de M. [N]
En sollicitant l’infirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état du 7 juillet 2023 en ce qu’elle a déclaré la société WCMF dépourvue de qualité à défendre à l’action en indemnisation de la contrefaçon de son oeuvre « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!! » intentée par M. [N], ce dernier reconnaît ainsi que l’a relevé le juge de la mise en état, que bien que ne reprochant que des manquements contractuels aux sociétés WCMF et SACEM, ses demandes groupées sous le libellé « droits d’auteur du requérant M. [N] auteur-compositeur sur la chanson Enough !! » s’analysent comme une action en contrefaçon à l’encontre de cette oeuvre, et la demande formulée sous le libellé « indemnité forfaitaire de l’art. L 331-1-3 du CPI» comme une demande de dommages intérêts en réparation de cette contrefaçon de ses droits d’auteur.
Or aucun acte de contrefaçon ne peut être reproché à la société WCMF qui est éditeur de l’oeuvre « Folimagination » et non pas de l’oeuvre incriminée, peu importe comme le soutient M. [N] que « WCMF en sa qualité d’éditeur dispose de tous les pouvoirs contractuels juridiques pour gérer l’affaire de l’oeuvre Enough!! (sic).
Il y a lieu en conséquence de confirmer l’ordonnance dont appel qui a déclaré la société Warner Chappell Music France dépourvue de qualité à défendre à l’action en indemnisation de la contrefaçon de son oeuvre Folimagination par l’oeuvre Enough!! intentée par M. [N].
Par ailleurs, l’appelant ne conteste pas que l’oeuvre « Enough !! » est une oeuvre de collaboration dont les coauteurs et producteurs sont identifiés ni que la recevabilité d’une action en contrefaçon dirigée contre une oeuvre de collaboration est subordonnée à la mise en cause de l’ensemble des coauteurs dès lors que leur contribution ne peut être séparée.
Il y a lieu en conséquence, dans la mesure où M. [N] maintient qu’il agit en contrefaçon de ses droits d’auteur contre la société WCMF, de confirmer également l’ordonnance dont appel en ce qu’elle l’a déclaré irrecevable en ses demandes de voir juger que l’oeuvre Enough!! est dérivée de façon contrefaisante de son oeuvre Folimagination et en fixation de sa quote-part des droits patrimoniaux d’auteur sur l’exploitation de l’oeuvre Enough!!.
La prétention de M. [N] formée devant la cour tendant à voir déclarer recevable sa demande de « voir juger qu’il a vocation à percevoir des redevances au titre de ses droits d’auteur en considération de l’exploitation de l’oeuvre « Folimagination » par l’oeuvre « Enough!!» » est un complément de celle présentée au premier juge tendant à « voir fixer sa quote-part des droits patrimoniaux d’auteur sur l’exploitation de l’oeuvre « Enough » » et partant, est recevable en appel. Pour autant et pour le même motif, cette demande, qui en tout état de cause dépasse les pouvoirs de la cour statuant en appel d’une ordonnance du juge de la mise en état, doit de la même manière être déclarée irrecevable.
Seule l’action en contrefaçon dirigée à l’encontre de la société WCMF ayant été déclarée irrecevable par le juge de la mise en état, il n’y a pas lieu de « déclarer recevables les demandes de M. [N] à l’égard de la société WCMF et de la SACEM, en considération des droits communs dont ils sont titulaires, de par les contrats de cession et d’édition d’oeuvres musicales du 22 mars 1976 et de par un acte d’apport à la SACEM, cette situation juridique s’appliquant à toutes les oeuvres de M. [N] », ni celles « à l’égard de la société WCMF, s’agissant de la résolution des deux contrats de cession et d’édition d’oeuvres musicales en date du 22 mars 1976 ».
Enfin la cour n’est pas saisie de demande d’infirmation de l’ordonnance dont appel qui a rejeté la demande de communication de pièces dirigée contre la société WCMF et la SACEM.
Sur la procédure abusive
Le fait d’exercer une action en justice ne constitue pas une faute, sauf s’il dégénère en abus.
En l’espèce, aucun des moyens développés par la société WCMF, tenant notamment à la volonté de l’appelant de remettre en cause les droits qui lui ont été concédés, ne caractérise une telle faute. Par ailleurs le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, sous réserve toutefois d’abus, et le fait d’intenter une action ou d’opposer des moyens de défense à une demande n’est pas en soi générateur de responsabilité. Il y a lieu en conséquence de débouter la société WCMF de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive.
Sur les autres demandes
Les dispositions de l’ordonnance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront également confirmées.
En revanche M. [N] qui succombe en son appel sera condamné aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Me Varet avocat de la SACEM.
Enfin la société WCMF et la SACEM ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel.
Déclare irrecevable le surplus des demandes de M. [N].
Rejette la demande de dommages intérêts pour procédure abusive de la société Warner Chappell Music France.
Condamne M. [N] à payer à la société Warner Chappell Music France et à la SACEM la somme de 1 500 euros chacune.
Condamne M. [N] aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Me Varet, avocat de la SACEM.
La Greffière La Présidente