La poursuite abusive d’une exploitation déficitaire
Il résulte des éléments de la procédure et notamment des comptes annuels des exercices 2013 à 2016 que :
– le chiffre d’affaires de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE est passé au cours de l’exercice 2016 de 796 715 euros à 706 250 euros,
– les résultats d’exploitation ont été en chute constante depuis 2014, la perte atteignant en 2016 la somme de 304 354 euros,
– les résultats nets ont été en chute constante depuis 2014, la perte atteignant en 2016 la somme de 311 995 euros.
Parallèlement, l’endettement de la société n’a cessé de s’accroître, les dettes fournisseurs atteignant 196 832 euros et les dettes sociales et fiscales la somme de 71 590 euros en 2016.
Il appert en outre que la société a accumulé des dettes fiscales et sociales sur plusieurs exercices.
Enfin, il convient de relever que le passif antérieur déclaré était de 655 269,01 euros.
Monsieur [W] [D], dont il sera rappelé qu’il a été de nouveau dirigeant de droit de la société à compter du 19 février 2016, ne pouvait, au regard de ces éléments, ignorer le caractère déficitaire de l’activité de la société, qu’il a cependant poursuivie sans que soient mises en place de mesures de nature à contrôler et à rétablir la situation financière de l’entreprise qui n’a cessé de s’aggraver.
Il en résulte que cette faute de gestion est caractérisée à l’égard de Monsieur [W] [D] et doit être retenue.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 18 JANVIER 2024
N° 2024/11
Rôle N° RG 22/16568 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKPEM
[W] [D]
C/
[F] [D]
[U] [X]
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Christophe VINOLO
PG
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 18 Octobre 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 2019F1691.
APPELANT
Monsieur [W] [D]
né le [Date naissance 4] 1966 à , demeurant [Adresse 5] – [Localité 7]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Corinne BONVINO-ORDIONI, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMES
Monsieur [F] [D]
assigné le 31/01/23 (PV 659 cpc)
demeurant [Adresse 9] – [Localité 8]
défaillant
Maître [U] [X] agissant ès qualités de liquidateur de la société D ET D DIFFUSION CYCLOPE, SARL dont le siège social se trouve sis à [Localité 10], [Adresse 6], actuellement soumise à une procédure de liquidation judiciaire, désigné à ces fonctions selon jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 3 octobre 2017
demeurant [Adresse 3] – [Localité 7]
représenté par Me Christophe VINOLO, avocat au barreau de TOULON et assisté de Me Justine OLIVA, avocat au barreau de TOULON, plaidant substituant Me VINOLO Christophe, avocat
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL près la COUR D’APPEL
demeurant, Cour d’appel d’Aix en Provence – [Adresse 2] – [Localité 1]
Défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 11 Octobre 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Agnès VADROT, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
Madame Agnès VADROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2024.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2024,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement en date du 13 juin 2017, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert à l’encontre de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE, spécialisée dans la vente en gros de lunettes et loupes, une procédure de redressement judiciaire laquelle a été convertie le 3 octobre 2017 en liquidation judiciaire.
Par acte en date du 21 août 2019, Maître [U] [X] es qualité de liquidateur judiciaire a assigné Monsieur [B] [D] et ses deux fils [W] et [F] [D] en leur qualité de co-gérants de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à supporter l’insuffisance d’actif de la société.
Par jugement en date du 18 octobre 2022, le tribunal de commerce de Toulon a dit que Messieurs [W], [F] et [B] [D] avaient commis, en leur qualité de gérants de droit et/ou de fait, des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE et les a déclarés, sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce, solidairement responsables à concurrence de 203 878 euros, somme correspondant à la totalité de l’insuffisance d’actif et au paiement de laquelle il les a condamnés in solidum.
Les premiers juges ont retenu au titre des fautes de gestion imputables aux trois dirigeants :
– la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire,
– l’absence de procédure de recouvrement contre la société SUD OPTIC,
– le remboursement préférentiel des comptes courants d’associés,
– l’absence d’assemblée générale de détermination ou d’approbation des revenus et avantages octroyés aux gérants,
– l’absence d’assemblée générale suite à la perte de plus de la moitié des capitaux propres,
– l’absence de mesures d’économie et l’existence de charges dispendieuses,
– l’inobservation des obligations sociales et fiscales,
– l’absence de tenue de comptabilité en 2017.
Ils ont en revanche jugé que n’étaient pas caractérisées les fautes résultant de la rémunération excessive des dirigeants, du défaut de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours ainsi que de l’octroi de dividendes en période déficitaire.
Par déclaration en date du 13 décembre 2022, Monsieur [W] [D] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et signifiées au RPVA en date du 20 septembre 2023, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Monsieur [W] [D] demande à la cour, au visa des articles 542, 954, 910-4 et 905-2 du code de procédure civile, de :
– prononcer l’irrecevabilité des demandes, subsidiairement des prétentions, contenues aux conclusions dénommées « intimé n°2 » après la mention « CONFIRMER en tous points le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Toulon enregistré sous le numéro RG 2019F1691», à savoir :
sauf en ce qu’il n’a pas retenu les fautes de gestion suivantes qui devront l’être par la Cour de céans à l’encontre de M. [W] [D] : avoir continué à s’octroyer des rémunérations et des avantages financiers et avoir versé des dividendes alors que la société était déficitaire en 2015 et 2016
sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée à l’encontre de [W] [D] qui devra être ramené à la somme de 186 398,82 euros ;
– juger que le montant du passif devant être pris en considération s’établit à la somme de 116 543 euros ;
– juger qu’au regard des actifs détenus, l’insuffisance d’actif s’établit à la somme de 62 000 euros;
Subsidiairement,
– juger qu’au regard du montant des réalisations, l’insuffisance d’actif s’établit à 79 252 euros ;
En conséquence et en tout état de cause,
– infirmer la décision rendue
et statuant à nouveau,
– juger qu’il n’avait pas la qualité de dirigeant de fait ;
– juger qu’il n’a pas commis de faute ayant contribué à l’insuffisance d’actif ;
– juger que doit s’appliquer le principe de proportionnalité ;
– juger n’y avoir lieu à sa condamnation sur le fondement de l’article 651-2 du code de commerce;
En conséquence,
– débouter Maître [U] [X] es qualités de liquidateur de la société D&D DIFFUSION CYCLOPE de ses demandes ;
Subsidiairement
– juger que les fautes alléguées sont de simples négligences sans lien avec l’insuffisance d’actif;
En conséquence,
– infirmer la décision rendue ;
et statuant à nouveau,
– débouter Maître [U] [X] es qualité de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
– juger n’y avoir lieu à sa condamnation sur le fondement de l’article 651-2 du code de commerce;
– condamner Maître [U] [X] es qualités à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– juger les dépens en frais de liquidation judiciaire.
Sur le montant de l’insuffisance d’actif
L’appelant conteste en premier, lieu le montant de 203 878 euros retenu par le tribunal de commerce au titre de l’insuffisance d’actif.
Il expose ainsi que le montant du passif à prendre en considération correspond à la somme des seules admissions prononcées soit la somme de 116 543 euros.
S’agissant de l’actif, il indique que son montant peut être établi soit à la somme de 43 860 euros soit à la somme de 26 698 euros selon que l’on prend comme référence la valeur de réalisation ou le prix de réalisation, en précisant que dans un cas comme dans l’autre il convient d’ajouter la somme de 10 586 euros correspondant au montant reçu par le mandataire au titre du solde du compte bancaire.
Il en déduit que l’insuffisance d’actif s’établit au minimum à la somme de 62 000 euros et au maximum à la somme de 79 259 euros.
Sur la gestion de fait
L’appelant conteste avoir eu la qualité de gérant de fait entre le 28 avril 2014 et le 19 février 2016, relevant que la seule pièce signée par ses soins durant cette période correspond à une proposition de rectification d’un contrat qu’il avait signé en tant que dirigeant de droit en 2012. Il fait valoir que la signature d’un avenant ne peut en soi constituer la preuve d’une direction de fait selon les critères retenus par la jurisprudence, qui exige une pluralité d’actes de gestion et de direction.
S’agissant de la perception de rémunérations et du remboursement de frais, il soutient qu’ils ne peuvent être la preuve d’une gestion de fait, précisant qu’il n’est pas démontré qu’il serait à l’origine de la décision de perception des dites sommes.
Sur les fautes de gestion
Monsieur [W] [D] relève tout d’abord que la formule employée dans le dispositif des dernières conclusions du liquidateur judiciaire – lequel sollicite la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu’il a écarté deux fautes de gestion (rémunération excessive des dirigeants et octroi de dividendes) et sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée – ne peut être considérée comme constituant une prétention. Il ajoute qu’à supposer que le dispositif des conclusions d’intimé n°2 contiennent des prétentions, la cour devra les dire irrecevables au visa des dispositions des articles 910-4 et 905-2 du code de procédure civile.
Il soutient en tout état de cause qu’il ne peut être retenu à son encontre aucune faute ayant contribué à une aggravation de l’insuffisance d’actif.
– le défaut de déclaration de cessation de paiement :
Il rappelle que cette faute, rejetée par le tribunal de commerce, ne peut être caractérisée qu’à la condition que le tribunal ait fixé une date dans le jugement initial ou dans un jugement de report à une date antérieure de plus de 45 jours à la date d’ouverture du jugement de procédure collective.
– le non-paiement de la créance de l’URSSAF :
Il rappelle que cette créance a été rejetée.
– la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire :
Il fait valoir que les dirigeants ne sont manifestement pas responsables du chiffre d’affaires et souligne qu’en tout état de cause le maintien de cette activité déficitaire ne s’est pas opérée dans ses intérêts et n’a pas contribué à l’insuffisance d’actif, ce qui est une condition pour que la faute puisse être sanctionnée.
– l’absence de mise en ‘uvre de procédure de recouvrement :
Il indique que l’absence de mise en ‘uvre de procédure de recouvrement à l’encontre de la société SUD OPTIC doit être appréciée dans le contexte familial existant à l’époque et qu’il n’avait, à titre personnel, strictement aucun intérêt, si ce n’est le véto familial, à ne pas recouvrer les sommes dues par la société SUD OPTIC dont son frère était le gérant.
– sa rémunération :
Il soutient que l’exercice 2014 fait ressortir, après paiement des salaires et traitements, un bénéfice de 12 384 euros, qu’en 2015, sa rémunération s’établit à 15 710 euros ce qui représente un salaire net mensuel de 1300 euros et qu’en 2016, elle était de 20 800 euros, soit un salaire net mensuel de 1733 euros.
– l’octroi fautif de dividendes en période déficitaire
Il fait valoir que le paiement de dividendes ne s’est pas fait pendant un exercice déficitaire, rappelant qu’au moment de cette distribution, les capitaux propres à la clôture de l’exercice 2015 s’établissaient à 214 000 euros.
– l’absence de convocation par les gérants d’une assemblée relative à la reconstitution des capitaux propres :
Il fait valoir que dans un arrêt du 11 avril 2018 la cour de cassation a jugé qu’un dirigeant ne peut pas être condamné du fait de l’absence de reconstitution des capitaux propres de la personne morale, dès lors qu’il n’a pas été établi que le délai laissé par le texte était expiré.
– l’absence de mesure d’économie et le maintien de charges dispendieuses :
Il soutient que l’analyse des bilans ne révèle pas de charges dispendieuses et relève que la créance de 70 040 euros relative à un contrat de location n’a pas été portée sur l’état des admissions, ce qui sous-entend qu’elle a été rejetée.
– le non-respect du règlement des charges sociales et fiscales :
Il indique que la seule créance admise à ce titre est celle du COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ .
– l’absence de tenue de comptabilité pour l’exercice 2017 :
Il affirme que la comptabilité de 2017, qui ne pouvait pas être clôturée puisque la procédure collective a été ouverte en juin, est détenue par Maître [X] qui a d’ailleurs communiqué des documents comptables dans le cadre de la présente procédure.
Monsieur [W] [D] fait enfin valoir, qu’outre le fait que le lien de causalité n’est pas établi entre les fautes retenues à son encontre par le tribunal de commerce et l’insuffisance d’actif de la société, le principe de proportionnalité justifie qu’il ne soit pas fait application à son encontre des dispositions de l’article L 651-2 du code de commerce précisant à cet égard que son revenu annuel est de 10 000 euros.
Par conclusions « d’intimé 02 » déposées et notifiées par le RPVA en date du 13 septembre 2023, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Maître [U] [X] es qualités de liquidateur de la société D&D DIFFUSION CYCLOPE demande à Messieurs le président et juges composant le tribunal de commerce de Toulon, au visa des articles L651-2 et suivants du code de commerce, de :
– l’accueillir en qualité de liquidateur de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE en ses écritures et le dire bien fondé en ses prétentions ;
– rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires ;
– juger et déclarer par voie de conséquence Monsieur [W] [D] mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter ;
– confirmer en tous points le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Toulon enregistré sous le numéro RG2019F11691, sauf :
– en ce qu’il n’a pas retenu les fautes de gestion suivantes : l’octroi de rémunérations et avantages financiers alors que la société D&D DIFFUSION CYCLOPE pouvait à peine en supporter une seule et que son chiffre d’affaires ne cessait de diminuer et que ses parts ne cessaient d’augmenter, et le versement de dividendes, alors que la société était déficitaire en 2015 et 2016,
– en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée à l’encontre de Monsieur [W] [D] qui devra être ramené à la somme de 186 398,82 euros ;
En toutes hypothèses
– condamner Monsieur [W] [D] à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance et dire que Maître Christophe VINOLO pourra recouvrer directement ceux dont il aura fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article Condamne aux dépens de l’instance d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l’article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Sur la qualité de gérant de fait de Monsieur [W] [D]
Le mandataire liquidateur sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu’il a retenu la gestion de fait de Monsieur [W] [D] entre le 28 avril 2014 et le 19 février 2016, période durant laquelle la gérance de droit était confiée à son père, Monsieur [B] [D].
Après avoir rappelé la jurisprudence applicable en la matière, il soutient que cette gérance de fait est caractérisée par :
– une proposition de rectification de ALD Automotive en date du 15 décembre 2015, adressée et signée par [W] [D], soit un acte positif de gestion courante effectuée pour le compte de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE alors qu’il ne disposait d’aucun pouvoir pour le faire ;
– des émoluments et rémunérations perçus par Monsieur [W] [D] à hauteur de 16 925 euros, ainsi que des frais de carburant, de voyages et de déplacements ainsi que des frais d’autoroute, éléments financiers qui ne peuvent bénéficier juridiquement qu’à des gérants de droit.
Sur l’insuffisance d’actif
Il indique que le passif définitivement admis après vérification s’élève à la somme de 238 793,98 euros précisant cependant qu’il existe des créances salariales prises en charge par l’UNEDIC CGEA à hauteur de 52 395,16 euros (indemnités de préavis et indemnités de licenciement) qui sont postérieures et doivent à ce titre être déduites.
Il explique que le montant de l’actif recouvré (vente de matériel d’optique et mobilier de bureau) pour la somme de 34 915,35 euros ne peut être pris en compte au motif qu’il a été totalement absorbé par les frais de justice et les créances postérieures.
Il en déduit que l’insuffisance d’actif s’élève à la somme de 186 398,82 euros (238 793,98 ‘ 52 395,16).
Sur les fautes de gestion
– l’absence de dépôt de déclaration des paiements dans le délai de 45 jours :
Il constate que la déclaration de cessation des paiements a été déposée le 7 juin 2017 par les dirigeants de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE pour une date de cessation des paiements déclarée au 16 mai 2017 et alors que l’analyse de la situation financière de la société permet de constater qu’elle était en état de cessation des paiements depuis plusieurs mois.
– la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire :
Le liquidateur judiciaire soutient que les dirigeants ont poursuivi abusivement une activité déficitaire alors que la société était dans une situation irrémédiablement compromise et relève notamment :
– que le chiffre d’affaires a diminué de 11 % au cours de l’exercice 2016,
– que les résultats d’exploitation comme les résultats nets de la société se sont fortement dégradés au cours des 3 derniers exercices pleins d’exploitation,
– que la société n’a cessé d’accroître son endettement,
– que le passif antérieur déclaré s’est élevé en réalité à la somme cumulée de 655 269,01 euros et est reconnu par Monsieur [D] à hauteur de 238 000 euros,
– que la société a accumulé des dettes sociales et fiscales sur plusieurs exercices,
-,que Monsieur [W] [D] a reconnu qu’au cours de l’année 2016-2017 il n’avait mis en place aucun contrôle efficace de l’activité sociale et n’avait pris aucune mesure propre à rétablir la situation financière de la société qui était déjà en perte en 2015.
– l’absence de mise en ‘uvre volontaire de procédure de recouvrement des sommes dues par la société SUD OPTIC :
Il expose que Monsieur [F] [D], co-gérant, était également gérant et associé unique de la société SUD OPTIC laquelle restait devoir à la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE une somme estimée à 95 707,67 euros pour des livraisons de marchandises et des factures s’étalant de juillet 2012 à janvier 2014.
Il relève que non seulement les dirigeants de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE n’ont jamais mis en ‘uvre de mesure contraignante pour recouvrer cette créance mais qu’ils ont de surcroît continué à approvisionner la société SUD OPTIC en marchandises, précisant que ce n’est que cinq années plus tard que S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE, alors en redressement judiciaire, a assigné la société SUD OPTIC en référé.
Il fait valoir que les gérants n’ont constitué aucune provision pour risque d’irrecouvrabilité pendant plus de 4 ans et l’ont ensuite fait à hauteur de seulement 74,68 % de la somme due.
Il souligne l’existence de flux anormaux entre les deux sociétés caractérisant une confusion des patrimoines. Il soutient ainsi que les gérants avaient un intérêt personnel certain à ce qu’aucune action ne soit intentée afin de ne pas compromettre la situation financière de SUD OPTIC et qu’il y a eu un appauvrissement intentionnel de la société D&D DIFFUSION CYCLOPE au bénéfice de la société SUD OPTIC.
– la rémunération excessive des dirigeants de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE :
Le liquidateur judiciaire rappelle que la jurisprudence fait de la rémunération excessive une faute de gestion pouvant entraîner la responsabilité pour insuffisance d’actif et soutient que Monsieur [W] [D] s’est octroyé des rémunérations et avantages conséquents au cours des années 2014, 2015 et 2016, atteignant le montant cumulé de 156 071 euros, représentant une rémunération mensuelle nette moyenne de 4 335,30 euros, à laquelle il convient d’ajouter les charges sociales et ce, alors que la société était dans une situation financière difficile.
– la poursuite d’une activité déficitaire pendant plus de 2 ans dans le seul intérêt personnel des gérants :
Il soutient que les gérants ont adopté un comportement inadéquat ayant contribué à l’aggravation du passif, relevant qu’une partie des sommes dont ils ont bénéficié aurait pu permettre de conserver une trésorerie conséquente et/ou de rembourser des fournisseurs et d’autres créanciers. Il fait valoir que la poursuite de l’activité déficitaire avait pour unique but de permettre aux dirigeants de continuer à percevoir des avantages conséquents et des rémunérations constantes qui ont complètement asséché la trésorerie et épuisé les finances de la société.
– l’octroi fautif de dividendes en période déficitaire :
Il soutient que les dirigeants se sont octroyés de manière fautive des dividendes alors que la société était en déficit.
– le remboursement préférentiel des comptes courants d’associés au détriment des créanciers de la société :
Il expose que l’évolution des comptes courants associés permet de constater que les gérants ont procédé à d’importants remboursements personnels alors que la société accusait de très importantes difficultés financières et retards auprès de ses créanciers financiers et institutionnels.
– l’absence d’assemblée générale de détermination ou d’approbation des revenus et avantages octroyés aux gérants :
Il constate qu’il n’existe aucune assemblée générale de détermination préalable ou d’approbation postérieure des avantages et rémunérations octroyés aux gérants et ce en violation de l’article L223-18 du code de commerce.
– l’absence d’assemblée générale relative à la perte de plus de la moitié des capitaux propres de la société :
Il relève que sur l’exercice 2016, les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social et qu’en conséquence les gérants auraient dû convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de décider d’une reconstitution des fonds propres de la société ou de dissoudre la société conformément aux dispositions de l’article L233-42 du code de commerce.
– l’absence de mesure d’économie et le maintien de charges dispendieuses :
Il dénonce une absence ou une insuffisance des mesures de restructuration relevant qu’au cours des exercices 2015 et 2016 les dirigeants ont continué à exposer la société à des charges totalement dispendieuses et inutiles.
– non-respect des obligations sociales et fiscales :
Il constate le désintérêt manifeste des dirigeants concernant leurs obligations sociales et fiscales pointant de nombreux et importants retards tant de règlement que de déclarations.
Il rappelle, en réponse à l’argumentation de l’appelant qui considère que ces dettes sont postérieures au jugement d’ouverture de redressement judiciaire, que les créances antérieures déclarées sont celles dont le fait générateur existe au jour du jugement d’ouverture de la société débitrice.
– absence de tenue de comptabilité pour l’exercice 2017 :
Le liquidateur indique qu’il est constant qu’aucune comptabilité de la société D&D DIFFUSION CYCLOPE n’a été tenue pour l’exercice de 2017 précisant que les dirigeants auraient dû a minima établir les comptes de la société jusqu’à sa mise en redressement judiciaire le 13 juin 2017.
Il conclut que l’ensemble des fautes commises par les dirigeants ont contribué à la naissance et à l’aggravation du passif ayant entraîné une situation irrémédiablement compromise.
Par un avis en date du 8 septembre 2023, le ministère public requiert la confirmation du jugement querellé.
Assigné le 31 janvier 2023 dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile, Monsieur [F] [D] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire
La cour constate que c’est à la suite d’une erreur matérielle que Maître [U] [X] es qualités a, dans le dispositif de ses conclusions intitulées « CONCLUSIONS D’INTIME 02 DEVANT LA COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE », indiqué s’adresser à Messieurs le Président et juges composant le tribunal de commerce de TOULON, dès lors qu’il est établi et non contesté que ces conclusions ont été déposées devant la cour dans le cadre de la procédure d’appel.
Sur l’appel incident de Maître [U] [X] es qualités
Il résulte des dispositions de l’article 909 du code de procédure civile que l’intimé, à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident ou provoqué.
Il résulte des éléments de la procédure que :
– Maître [U] [X] es qualité a déposé et notifié ses conclusions en date du 24 mars 2023 soit dans le délai de trois mois suivant la notification des conclusions d’appelant de Monsieur [W] [D] notifiées le 23 février 2023,
– que dans ces conclusions intitulées « conclusions d’intimé 01 devant la cour d’appel d’Aix en Provence », Maître [U] [X] es qualités a sollicité la confirmation en tous points du jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Toulon, sans faire référence à un appel incident,
– que dans des conclusions ultérieures intitulées « conclusions d’intimé 02 devant la cour d’appel d’Aix en Provence » déposées et notifiées au RPVA le 3 septembre 2023, Maître [U] [X] es qualités a sollicité la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce :
*qu’il n’a pas retenu les deux fautes de gestion consistant en l’octroi de rémunérations et avantages financiers et le versement de dividendes alors que la société était déficitaire en 2015 et 2016,
*qui concerne le quantum de la condamnation prononcée à l’encontre de Monsieur [W] [D].
Il appert, en application des dispositions légales susvisées, que l’appel incident formé par l’intimé dans ses conclusions déposées et notifiées le 13 septembre 2023 est irrecevable.
Au fond
Il résulte des dispositions de l’article L 651-2 du code de commerce que le tribunal peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d’une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.
En application du texte susvisé, pour que l’action initiée par Maître [U] [X] es qualité puisse prospérer il faut que soit établi :
une insuffisance d’actif
une ou plusieurs fautes de gestion imputables à Monsieur [W] [D] en sa qualité de gérant de droit ou de fait
un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif
Sur l’insuffisance d’actif:
L’insuffisance d’actif s’établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice.
Il résulte des éléments de la procédure et notamment de l’état des créances que le montant du passif déclaré dans la procédure de liquidation a été, après vérification, admis à hauteur de 238 793,98 euros.
Il appert cependant que des créances salariales prises en charges par l’UNEDIC CGEA à hauteur de 52 395,16 euros, au titre d’indemnités de préavis et de licenciement, sont postérieures et doivent être déduites.
Il est justifié de ce que le liquidateur judiciaire a pu recouvrer la somme totale de 34 915,35 euros se décomposant comme suit :
– 24 275,40 euros correspondant à la vente du stock et du matériel d’exploitation
– 37,86 euros correspondant au recouvrement taxable
-15,84 euros correspondant aux intérêts compte répartition
-10 586,25 euros correspondant au solde bancaire.
Il en résulte que l’insuffisante d’actif s’établit à la somme de 151 483,47 euros.
Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.
Sur la qualité de gérant de Monsieur [W] [D]
Il résulte des éléments de la procédure, et notamment des procès-verbaux d’assemblée générale, que la gérance de droit de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE a été assurée :
– avant le 29 janvier 2001, par Monsieur [F] [D]
– du 29 janvier 2001 au 28 avril 2014, par Monsieur [F] [D] et Monsieur [W] [D]
– du 28 avril 2014 au 19 février 2016, par Monsieur [B] [D]
– du 19 février 2016 et jusqu’à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire soit le 3 octobre 2017, par Messieurs [B], [F] et [W] [D].
Le liquidateur judiciaire, sur lequel pèse la charge de la preuve, soutient que Monsieur [W] [D] avait la qualité de gérant de fait sur la période du 28 avril 2014 au 19 février 2016, aux motifs, retenus par le tribunal de commerce dans sa décision du 18 octobre 2022, d’une part qu’il a signé le 15 décembre 2015 une proposition de rectification d’un contrat de location, et d’autre part qu’il a perçu au cours de l’année 2015 des émoluments et rémunérations à hauteur de 16 925 euros ainsi que le remboursement de frais (carburant, déplacements et autoroute).
Le dirigeant de fait est la personne qui exerce, directement ou par personne interposée, une activité positive et indépendante d’administration générale d’une personne morale sous le couvert ou aux lieu et place de ses représentants légaux.
Il est établi, par les pièces versées aux débats, que Monsieur [W] [D] a signé le 24 octobre 2012, alors qu’il était co-dirigeant de droit de la SARL D&D DIFFUSION CYCLOPE, les conditions générales d’un contrat de location longue durée de véhicules automobiles conclu avec ADL Automobile.
Il est produit un document édité par ADL Automobile et intitulé « proposition de rectification ‘ Avenant N°921903 » adressé à « D ET D DIFFUSION CYCLOPE- M. [W] [D] » portant sur un véhicule Mercedes A(3) 200CDI SENS BA et daté du 15 décembre 2015. Monsieur [W] [D] ne conteste pas être l’auteur de la signature apposée sur ce document avec le cachet de D&D DIFFUSION CYCLOPE.
Si la signature d’un avenant à un contrat constitue un acte positif de gestion, elle ne peut à elle seule, et alors qu’une modification dans les conditions de location d’un véhicule ne peut être considérée comme un acte essentiel ou déterminant pour la société, démontrer que Monsieur [W] [D] se chargeait de manière habituelle et indépendante de l’exercice effectif de la gestion de l’entreprise.
Par ailleurs la perception d’émoluments et le remboursement de frais ne sauraient sérieusement être assimilés à des actes positifs de gestion ou de direction en l’absence d’éléments relatifs aux conditions de leur octroi.
Il s’en déduit que c’est à tort que le tribunal de commerce a jugé les éléments de fait soumis à son appréciation par le liquidateur judiciaire suffisants à caractériser une gestion de fait.
Sur les fautes de gestion reprochées à M. [W] [D] et leur lien de causalité avec l’insuffisance d’actif :
Il convient de préciser, au regard de ce qui précède, que seules peuvent être retenues à l’encontre de Monsieur [W] [D] les fautes de gestion commises durant les périodes où il est établi qu’il était gérant de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE soit du 29 janvier 2001 au 28 avril 2014 et à compter du 19 février 2016 jusqu’à l’ouverture de la procédure collective.
1/ Sur la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire
Il résulte des éléments de la procédure et notamment des comptes annuels des exercices 2013 à 2016 que :
– le chiffre d’affaires de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE est passé au cours de l’exercice 2016 de 796 715 euros à 706 250 euros,
– les résultats d’exploitation ont été en chute constante depuis 2014, la perte atteignant en 2016 la somme de 304 354 euros,
– les résultats nets ont été en chute constante depuis 2014, la perte atteignant en 2016 la somme de 311 995 euros.
Parallèlement, l’endettement de la société n’a cessé de s’accroître, les dettes fournisseurs atteignant 196 832 euros et les dettes sociales et fiscales la somme de 71 590 euros en 2016.
Il appert en outre que la société a accumulé des dettes fiscales et sociales sur plusieurs exercices.
Enfin, il convient de relever que le passif antérieur déclaré était de 655 269,01 euros.
Monsieur [W] [D], dont il sera rappelé qu’il a été de nouveau dirigeant de droit de la société à compter du 19 février 2016, ne pouvait, au regard de ces éléments, ignorer le caractère déficitaire de l’activité de la société, qu’il a cependant poursuivie sans que soient mises en place de mesures de nature à contrôler et à rétablir la situation financière de l’entreprise qui n’a cessé de s’aggraver.
Il en résulte que cette faute de gestion est caractérisée à l’égard de Monsieur [W] [D] et doit être retenue.
2/ Sur l’absence de procédure de recouvrement contre la société SUD OPTIC
Il résulte des éléments de la procédure que la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE a fourni des marchandises à la S.A.R.L. SUD OPTIC laquelle restait lui devoir une somme de 95 707,67 euros au titre de factures émises entre juillet 2012 et janvier 2014.
Il est établi et non contesté que la S.A.R.L. SUD OPTIC avait pour dirigeant et associé unique Monsieur [F] [D], frère de l’appelant.
Il ne peut être fait grief à Monsieur [W] [D] de ne pas avoir mis en ‘uvre de mesure tendant au recouvrement de cette dette durant la période où il n’assurait pas la direction de la société. Il sera en revanche constaté qu’il n’a effectué aucune démarche en ce sens entre le 19 février 2016, date à laquelle il a de nouveau retrouvé la qualité de co-gérant de droit, et le 11 avril 2017 date à laquelle la société SUD OPTIC a été assignée en référé.
L’absence de procédure de recouvrement pendant plus d’un an après la prise de fonction de Monsieur [W] [D], qui a eu pour conséquence d’empêcher la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE de recouvrer une somme conséquente alors même qu’elle subissait des difficultés importantes, constitue une faute de gestion qui a contribué à l’aggravation de l’insuffisance d’actif et doit être retenue à l’encontre de l’appelant.
3/ Sur le remboursement préférentiel des comptes courants d’associés
Le liquidateur judiciaire fait valoir, au visa des comptes annuels 2015 et 2016, que Monsieur [W] [D] s’est, au cours de l’exercice 2015, fait rembourser la somme de 29 641 euros (différence entre compte courant exercice 2014 soit 38 396,24 euros et compte courant exercice 2015 soit 8 755,74 euros) de manière prioritaire par rapport aux autres créanciers alors qu’il aurait pu attendre ou abandonner sa créance afin d’essayer de sauver la société.
Toutefois, a été préalablement démontré que Monsieur [W] [D] n’avait pas la qualité de gérant, qu’elle soit de droit ou de fait, entre le 28 avril 2014 et le 19 février 2016. Il en résulte que la faute susvisée ne peut être retenue à son encontre.
4/ Sur l’absence d’assemblée générale de détermination ou d’approbation des rémunérations et avantages octroyés aux gérants
La rémunération du gérant peut être fixée dans les statuts de la S.A.R.L. ou par une décision des associés réunis en assemblée générale.
Il n’est pas contesté, comme l’a relevé le tribunal de commerce de Toulon, que le montant de la rémunération des gérants de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE n’a été prévu ni par ses statuts ni par aucune assemblée générale, plus particulièrement s’agissant des périodes au cours desquelles Monsieur [W] [D] avait la qualité de gérant.
Il n’est cependant pas démontré par le liquidateur judiciaire, sur lequel repose la charge de la preuve, l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et l’insuffisance d’actif constaté.
Il en résulte que la faute susvisée ne peut être retenue à l’encontre de [W] [D].
5/ Sur l’absence d’assemblée générale suite à la perte de plus de la moitié des capitaux propres
L’article L. 223-42 du code de commerce dispose que si du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés décident, dans les 4 mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte s’il y a lieu à dissolution anticipée de la société.
Il résulte des comptes annuels 2016 produits que, sur cet exercice, les capitaux propres s’élevant à la somme de -109 048,56 euros sont devenus inférieurs à la moitié du capital social s’élevant à 120 000 euros.
Il n’est pas contesté que face à cette situation les associés gérants dont Monsieur [W] [D], qui ont procédé à la déclaration de cessation des paiements à la fin du second trimestre de l’année 2017, soit plusieurs mois après leur prise de connaissance des résultats de l’activité 2016, n’ont convoqué aucune assemblée générale afin de décider d’une reconstitution des fonds propres de la société D&D DIFFUSION CYCLOPE ou d’une dissolution de celle-ci.
Cette abstention de convoquer les associés, afin qu’ils se prononcent sur les conséquences à tirer de cette situation, constitue une faute de gestion qui a directement participé à l’aggravation du passif. Elle sera en conséquence retenue à l’encontre de Monsieur [W] [D].
6/ Sur l’absence de mesure économique et les charges dispendieuses
Le liquidateur judiciaire fait grief à Monsieur [W] [D] d’avoir continué à faire supporter à la société D&D DIFFUSION CYCLOPE des dépenses qui n’étaient pas nécessaires à son activité alors que celle-ci avait enregistré un déficit de 304 354 euros pour un chiffre d’affaires de 706 250 euros sur l’exercice 2016, relevant notamment :
– la prise en location d’une flotte de véhicules de prestige (Mercedes classe A, Land Rover, Fiat 500, Mini One’),
– la prise en charge des cotisations d’assurance et des frais de carburant correspondant auxdits véhicules,
-la signature, le 12 janvier 2017, d’un contrat de location avec la société DE LAGE LANDEN LEASING pour 5 ordinateurs portables ACER avec un copieur numérique pour une valeur globale de matériel de 70 040,75 euros TTC avec des échéances trimestrielles de 4 641,52 euros.
Il résulte des éléments de la procédure que la société DELAGE LANDEN LEASING a déclaré par courrier reçu par le liquidateur judiciaire le 16 octobre 2017 une créance d’un montant de 77 622,52 euros au titre d’une facture du 12 janvier 2017 ; que cette créance ne figure cependant pas sur l’état des créances admises ; que Monsieur [W] [D] soutient ne pas être le signataire de ce contrat ; que dans ces conditions et en l’absence de tout autre justificatif, cet élément ne peut être pris en compte pour caractériser une faute.
Il convient par ailleurs de relever que le liquidateur se contente de faire référence, dans ses conclusions, aux comptes annuels 2015 et 2016, sans chiffrer les dépenses relatives aux véhicules qu’il qualifie de dispendieuses. L’analyse du projet de comptes annuels de l’exercice 2016, correspondant à la période où Monsieur [W] [D] avait la qualité de co-gérant, permet d’établir que ces dépenses correspondent à une somme totale d’environ 25 000 euros dont le caractère excessif n’est pas démontré au regard du chiffre d’affaires de la société et de son activité.
Cette faute sera en conséquence écartée.
7/ Sur le non-respect des obligations sociales et fiscales
L’état définitif des créances admises au passif de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE fait mention d’une créance de la Direction Générale des Finances Publiques (COMPTABLE DU PÔLE DE RECOUVREMENT SPÉCIALISÉ du Var) d’un montant de 42 696,20 euros.
Le non-respect de la législation fiscale constitue une faute de gestion qui a contribué à l’aggravation de l’insuffisance d’actif dès lors qu’elle a eu pour conséquence d’augmenter faussement la trésorerie de la société. Elle sera à ce titre retenue.
8/ Sur l’absence de tenue de comptabilité 2017
Il résulte des éléments de la procédure que les co-gérants, dont Monsieur [W] [D], n’ont pas remis à Maître [U] [X] es qualités les documents comptables correspondant à l’exercice 2017.
Conformément à l’article L. 123-12 du code de commerce, la notion de comptabilité s’entend de toutes les opérations comptables et de l’inventaire que tout commerçant (personne morale ou physique) doit régulièrement enregistrer et établir au cours d’une année et qui permettent de dresser les comptes annuels qui comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe. L’appelant ne peut dès lors s’exonérer de sa responsabilité en arguant de l’ouverture de la procédure collective avant la fin de l’exercice.
La tenue d’une comptabilité incomplète, irrégulière ou fictive constitue une faute de gestion au sens de l’article L651-2 du code de commerce.
Cette faute, qui a privé le dirigeant d’une vision objective de l’état financier de la société, lui permettant de prendre les mesures nécessaires a contribué directement à l’insuffisance d’actif. Elle doit en conséquence être retenue.
Il convient de rappeler que le dirigeant peut être déclaré responsable même si la faute de gestion n’est qu’une des causes de l’insuffisance d’actif et qu’il en est de même, si la faute n’est à l’origine que de l’une des parties des dettes de la société.
Au regard des fautes retenues à l’encontre de [W] [D], limitées à la période où il a été établi qu’il était gérant de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE, de sa situation personnelle et du principe de proportionnalité, il y a lieu de le déclarer responsable de l’insuffisance d’actif de la procédure de liquidation judiciaire de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE à hauteur de 40 000 euros, somme au paiement de laquelle il sera condamné.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens seront employés en frais de procédure collective.
Au vu des circonstances de l’espèce, aucune considération d’équité n’impose de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice des parties lesquelles seront déboutées de leur demande sur ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe;
DÉCLARE l’appel incident formé par Maître [U] [X] es qualités dans ses conclusions déposées et notifiées le 13 septembre 2023, irrecevable ;
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de TOULON en date du 18 octobre 2022 ;
Statuant à nouveau,
FIXE à la somme de 151 483,47 euros le montant de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE ;
DIT que Monsieur [W] [D] a commis, en sa qualité de gérant de droit, des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE ;
DÉCLARE Monsieur [W] [D] responsable de l’insuffisance d’actif de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION CYCLOPE à hauteur de 40 000 euros ;
LE CONDAMNE à payer à Maître [U] [X] es qualités la somme de 40 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif de la S.A.R.L. D&D DIFFUSION
DÉBOUTE Maître [U] [X] es qualité de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Monsieur [W] [D] de sa demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE que les dépens soient employés en frais de procédure collective.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE