MINUTE N° :
ORDONNANCE DU :30 Janvier 2024
DOSSIER N° :N° RG 23/01460 – N° Portalis DB2H-W-B7H-YGA3
AFFAIRE :[K] [H] C/ [N] [Y]
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
PRÉSIDENT :Monsieur Victor BOULVERT, Juge
GREFFIER :Madame Patricia BRUNON
PARTIES :
DEMANDERESSE
Madame [K] [H]
née le 03 Novembre 1952 à [Localité 3],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Frédéric ZENATI – CASTAING de la SAS ATRHET, avocat au barreau de LYON
DEFENDEUR
Monsieur [N] [Y]
né le 06 Mars 1984 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Sylvain NIORD de la SELAS D.F.P & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
Débats tenus à l’audience du 28 Novembre 2023
Notification le
GROSSE ET COPIE A :
Maître Frédéric ZENATI – CASTAING de la SAS ATRHET – 651, Maître Sylvain NIORD de la SELAS D.F.P & ASSOCIES – 125
EXPOSE DU LITIGE
Madame [K] [H] est propriétaire d’une maison d’habitation avec piscine sise [Adresse 1].
En début d’année 2022, elle a confié à la société HOME PISCINE, dirigée par Monsieur [N] [Y], des travaux de rénovation de sa piscine, pour un prix total de 48 431,98 euros TTC.
Les travaux ont été intégralement réalisés et ont été payés le 08 juillet 2022.
Madame [K] [H] s’est plainte de plis du nouveau PVC armé sur la totalité de la piscine, d’éclats sur le carrelage et les margelles, du fait qu’elles ne sont pas anti-dérapantes, de fuite sur une pompe, d’un dysfonctionnement des buses, d’un fonctionnement insatisfaisant du robot.
Par courrier en date du 05 octobre 2022, Madame [K] [H] a proposé à la société HOME PISCINE de remédier aux désordres dénoncés par ses soins ou de lui restituer la somme de 48 431,98 euros.
Par courrier en date du 18 novembre 2022, le conseil de Madame [K] [H] a mis la société HOME PISCINE en demeure de remédier à six désordres affectant ses travaux.
Par acte sous seing privé en date du 29 novembre 2022, Monsieur [N] [Y] s’est engagé à faire remplacer le PVC armé de la piscine de Madame [K] [H] avant le 21 juin 2023 par une société disposant d’une garantie décennale, à défaut de quoi il paierait personnellement la somme de 30 000,00 euros à Madame [K] [H].
Le 21 juin 2023, Maître [D] [J], huissier de justice mandaté par Madame [K] [H], a dressé un procès-verbal de constat portant sur la piscine.
Par courriel en date du 08 juillet 2023, le conseil de Madame [K] [H] a mis Monsieur [N] [Y] en demeure de payer la somme de 30 000,00 euros sous deux jours, ce à quoi celui-ci a renvoyé vers son propre conseil.
Par acte de commissaire de justice en date du 09 aout 2023, Madame [K] [H] a fait assigner en référé :
-Monsieur [N] [Y] ;
aux fins de condamnation au paiement d’une provision de 30 000,00 euros.
A l’audience du 28 novembre 2023, Madame [K] [H], représentée par son avocat, a soutenu oralement ses conclusions n° 2 notifiées par RPVA le 30 octobre 2023 et demandé de :
condamner Monsieur [N] [Y] à lui payer la somme provisionnelle de 30 000,00 euros ;condamner Monsieur [N] [Y] à lui payer la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Monsieur [N] [Y], représenté par son avocat, a demandé de :
à titre principal, déclarer Madame [K] [H] irrecevable en sa demande de provision ;à titre subsidiaire, débouter [K] [H] de sa demande de provision ;condamner Madame [K] [H] à lui payer la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour le détail des moyens des parties, à leurs écritures précitées.
A l’issue de l’audience, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision à la date du 09 janvier 2024, par mise à disposition au greffe.
Le délibéré a été prorogé au 30 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande
En application de l’article 446-2, alinéa 2, du code de procédure civile : « Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat […] Le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. […] »
En l’espèce, Monsieur [N] [Y] ne développe aucune fin de non-recevoir à l’encontre de la demande de Madame [K] [H].
Par conséquent, elle sera déclarée recevable en sa demande.
2. Sur la demande de provision
L’article 1103 du code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
L’article 1231-5 du code civil énonce : « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »
En application de l’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le président du tribunal judiciaire peut] accorder une provision au créancier […] »
En l’espèce, l’acte en date du 29 novembre 2022 est rédigé de manière manuscrite dans les termes suivants : « Je soussigné Mr [Y] [N], gérant de la société Home piscine m’engage à remplacer le PVC armé de Mme [H] demeurant au [Adresse 1] avant l’été 2023 soit le 21 Juin 2023 par une société détenant une garantie décenale (sic) sur la pose du PVC armé si cela n’ai (sic) pas fait je m’engage personelement (sic) à paye (sic) la somme de 30 000 € (trente mille euros) à Mme [H]. »
Il est signé par Monsieur [N] [Y].
Contrairement à ce que celui-ci indique, il ne s’agit pas d’une reconnaissance de dette.
Par ailleurs, si c’est pas erreur que Madame [K] [H] allègue qu’il s’agirait d’une promesse de porte-fort assortie d’une clause pénale, alors que le Défendeur n’a pas promis le fait d’un tiers mais s’est engagé à remplacer le liner en PVC armé en faisant appel à un tiers, il n’en demeure pas moins que l’obligation à laquelle s’est engagé le Défendeur est assortie d’une clause pénale en cas d’inexécution des travaux avant le 21 juin 2023.
Or, l’inexécution des travaux de remplacement du PVC armé a été constatée par Maître [J] le 21 juin 2023.
Pour s’opposer à la prétention tendant au paiement provisionnel de la somme de 30 000,00 euros prévue par la clause pénale, Monsieur [N] [Y] indique tout d’abord que l’acte ne serait que partiellement causé.
Or, la cause est une notion juridique du droit général des contrats qui a été abrogée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, si bien que son moyen est manifestement mal fondé.
Il invoque ensuite le but du contrat, tel qu’il résulte de l’article 1162 du code civil, pour soutenir que la notion de cause aurait survécu à travers ce nouveau concept.
Ce moyen est inopérant du fait que cette survivance ne concerne pas l’équilibre du contrat découlant de l’équivalence des obligations, que le contrat conclu par le Défendeur est unilatéral et non pas synallagmatique et que Monsieur [N] [Y] ne prétend pas que le but de son propre engagement serait contraire à l’ordre public.
Il ajoute que son obligation de remboursement serait disproportionnée par rapport au coût des travaux, le remplacement du liner ayant été facturé par la société HOME PISCINE au prix de 11 850,00 euros.
Sur ce point, la Demanderesse produit un devis de la SAS JPM PISCINES en date du 30 aout 2023, d’un montant de 31 778,00 euros, portant sur le remplacement du PVC armé et sur le bridage du skimmer et des buses de refoulement, cette dernière prestation représentant une somme de 1 170,00 euros TTC.
Dès lors, le montant de la clause pénale n’apparait pas manifestement excessif eu égard aux conséquences préjudiciables de l’inexécution de l’engagement unilatéralement souscrit.
Monsieur [N] [Y] poursuit en contestant l’importance des désordres du liner, relevant l’absence de mesure d’investigation et avançant l’existence de mesures réparatoires ne nécessitant pas le remplacement du liner.
Ceci est sans emport sur la solution du litige au vu de l’obligation qu’il a souscrite de remplacer le liner et ne saurait constituer une contestation sérieuse de la teneur de son obligation, de son inexécution ou de la clause pénale, celle-ci étant indépendante de l’existence d’un préjudice.
Se prévalant encore des articles 1128, 3°, et 1162 du code civil, il argue du fait qu’il existerait une discordance entre l’objet de l’engagement et le montant afférent.
A défaut d’allégation du caractère illicite du contenu du contrat et celui-ci étant déterminé, ainsi que cela ressort manifestement du contrat unilatéral souscrit par le Défendeur, ce moyen de contestation est dépourvu de tout caractère sérieux.
Encore, Monsieur [N] [Y], sur le fondement de l’article 1231-5 du code civil, fait valoir, en premier lieu, que le montant de l’indemnité prévue par la clause pénale serait excessif et que la somme qui excèderait celle de 11 850,00 euros, qu’il estime être le cout de remplacement du liner, serait sérieusement contestable en ce qu’elle serait susceptible de réduction.
Il a été vu que le caractère excessif allégué n’est pas manifeste au vu du devis de la SAS JPM PISCINES, déduction faite des prestations autres que le remplacement du liner, et aucune preuve du caractère surévalué de ce devis n’est produite.
Il relève en second lieu que, son inexécution n’étant pas définitive et à défaut de mise en demeure à l’issue du délai pour exécuter son obligation, Madame [K] [H] ne pourrait demander le paiement de la clause pénale.
Ce nonobstant, il ressort de manière évidente de l’acte unilatéral, qui prévoit le paiement de la somme litigieuse en cas d’inexécution des travaux avant le 21 juin 2023, que Madame [K] [H] n’était pas tenue de mettre le Défendeur en demeure à l’arrivée du terme (Civ. 3, 9 juin 1999, 97-20.977).
Enfin, le moyen articulé par Monsieur [N] [Y] sur le fait qu’une somme de 14 800,00 euros a déjà été restituée à Madame [K] [H] en raison de l’absence de pose d’un volet roulant qui lui avait été offert est étranger à la question du liner et à son engagement personnel de le faire remplacer. Sa contestation n’est donc pas sérieuse.
Il résulte de ce qui précède que l’obligation de payer de Monsieur [N] [Y] est établie dans son principe et son quantum par la Demanderesse et que les contestations qu’il a élevées ne revêtent pas de caractère sérieux.
Par conséquent, il conviendra de condamner Monsieur [N] [Y] à payer à Madame [K] [H] une provision à valoir sur le paiement de la clause pénale stipulée à l’acte du 29 novembre 2022 d’un montant de 30 000,00 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 08 juillet 2023, date de la mise en demeure par courriel.
3. Sur les autres dispositions de la décision
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696, alinéa 1, du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »
En l’espèce, Monsieur [N] [Y], succombant à l’instance, sera condamné aux entiers dépens.
Sur les frais irrépétibles
En vertu de l’article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. […] Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. »
En l’espèce, Monsieur [N] [Y], condamné aux dépens, devra verser à Madame [K] [H] une somme qu’il est équitable de fixer à 1 200,0 euros et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l’article précité.
Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance provisoire rendue en premier ressort, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
DECLARONS Madame [K] [H] recevable en sa demande ;
CONDAMNONS Monsieur [N] [Y] à payer à Madame [K] [H] une provision à valoir sur le paiement de la clause pénale stipulée à l’acte du 29 novembre 2022, d’un montant de 30 000,00 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 08 juillet 2023, date de la mise en demeure par courriel ;
CONDAMNONS Monsieur [N] [Y] aux dépens de la présente instance ;
CONDAMNONS Monsieur [N] [Y] à payer à Madame [K] [H] la somme de 1 200,00 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETONS la demande de Monsieur [N] [Y] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELONS que la présente décision est, de droit, exécutoire à titre provisoire.
Fait à LYON, le 30 janvier 2024.
Le Greffier Le Président
Patricia BRUNONVictor BOULVERT