RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 10
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11126 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3UF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2021 – Tribunal Judiciaire d’EVRY
RG n° 20/02956
APPELANTS
Madame [F] [S] ‘ [T]
Née le 5 juin 1995 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 5]
ET
Monsieur [K] [S]
Né le 8 janvier 1983 A [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés et assistés par Me Ousmane CISSE, avocat au barreau de l’ESSONNE
INTIMÉE
S.A.R.L. GARAGE M.T. AUTOS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Défaillante, régulièrement avisée le 09 juin et 13 juillet 2021 par procès-verbal de remise à l’étude
INTERVENANTE FORCÉE
Madame [L] [D], ès qualités d’administrateur ad hoc de la SARL M.T AUTOS, désignée par ordonnance du Tribunal de commerce d’Evry-Courcouronnes en date du 25 octobre 2022
[Adresse 1]
[Localité 6]
Défaillante, régulièrement avisée le 15 novembre 2022 par procès-verbal de recherches infructueuse
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été appelée le 23 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Florence PAPIN, Présidente
Mme Valérie MORLET, Conseillère
Mme Anne ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Anne ZYSMAN, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA
ARRÊT :
– par défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence PAPIN, Présidente, et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 novembre 2018, M. [K] [S] et son épouse, Mme [F] [T], ont fait l’acquisition, auprès de la société M.T. Autos, d’un véhicule d’occasion Citroën C3 mis en circulation le 20 juin 2012, immatriculé [Immatriculation 8], au prix de 5.990 euros TTC.
Soutenant avoir été confrontés à l’impossibilité d’immatriculer le véhicule et, par suite, de l’utiliser, M. et Mme [S] ont fait assigner la société M.T. Autos devant le tribunal judiciaire d’Evry, par acte d’huissier du 4 juin 2020, en nullité de la vente pour vices du consentement, restitution du prix et indemnisation des préjudices subis.
Assignée par acte déposé à l’étude d’huissier, la SARL M.T. Autos n’a pas constitué avocat.
Par jugement réputé contradictoire en date du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire d’Evry a :
– débouté M. [K] [S] et Mme [F] [T] épouse [S] de leur demande de nullité du contrat de vente conclu avec la SARL M.T. Autos le 3 novembre 2018 et par suite de leur demande de restitution du prix de vente,
– débouté M. [K] [S] et Mme [F] [T] épouse [S] de leur demande de dommages et intérêts,
– condamné M. [K] [S] et Mme [F] [T] épouse [S] aux dépens de l’instance,
– dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [K] [S] et Mme [F] [T] épouse [S] de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
M. [K] [S] et Mme [F] [T] épouse [S] ont formalisé deux déclarations d’appel, la première, le 18 avril 2021 (RG 21/7471) et la seconde, le 14 juin 2021 (RG 21/11126).
Une demande de jonction a été adressée au greffe par message RPVA du 6 juillet 2021 dans l’affaire RG 21/7471, M. et Mme [S] ayant précisé que la seconde déclaration d’appel avait pour objet de « régulariser » la première, à laquelle il n’a pas été fait droit.
Par arrêt rendu par défaut le 9 juin 2022 dans l’affaire RG n° 21/7471, la cour a dit qu’elle n’était saisie par la déclaration d’appel du 18 avril 2021 d’aucun chef du jugement du tribunal judiciaire d’Evry en date du 22 mars 2022, l’effet dévolutif n’ayant pas opéré.
Par ordonnance du 23 mars 2022 rendue dans l’affaire RG 21/11126, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de l’appel aux motifs que les appelants n’avaient pas signifié la déclaration d’appel dans le délai imparti.
Par requête en date du 1er avril 2022, M. et Mme [S] ont déféré cette décision devant la cour.
Par arrêt du 29 juin 2023, la cour, statuant sur déféré, a infirmé l’ordonnance du 23 mars 2022 prononçant la caducité de la déclaration d’appel du 14 juin 2021 après avoir constaté que les appelants justifiaient avoir signifié à l’intimée la déclaration d’appel du 14 juin 2021 et les conclusions d’appelants le 13 juillet 2021 (par remise de l’acte à étude d’huissier) et, statuant à nouveau, a dit n’y avoir lieu à caducité de la déclaration d’appel et réservé les dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 juillet 2021, Mme [F] [S]-[T] et M. [K] [S], appelants, demandent à la cour de :
Vu les articles 1178, 178, 1133, 1137 du code civil
Vu l’article 700 du code de procédure civile
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées aux débats ;
– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant de nouveau :
– Accueillir la demande présentée par les époux [S],
– La dire recevable et bien fondée,
– Dire et juger que le contrat conclut le 3 novembre 2018 entre les époux [S] et la société Garage M.T. Auto est entaché de vices de consentement,
– Prononcer la nullité du contrat de vente conclut le 3 novembre 2018 entre les époux [S] et la société Garage M.T. Auto,
– Condamner le vendeur à verser aux époux [S] la somme 5.990 euros au titre de la restitution de la vente,
– Condamner le vendeur à verser aux époux [S] la somme de 1.859,64 euros soit 1.270,36 (frais de réparation du véhicule) + 73.91 + 442.90 + 72.47 (cotisations d’assurance),
– Condamner le vendeur à verser aux époux [S] la somme de 1.000 euros au titre du préjudice moral,
– Assortir les condamnations des intérêts au taux d’intérêt légal à compter du prononcé du jugement avec anatocisme,
– Condamner le vendeur à verser aux époux [S] la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner le défendeur aux entiers dépens ;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
La société M.T. Autos a fait l’objet d’une dissolution à compter du 31 mars 2022 selon procès-verbal d’assemblée générale en date du 31 mars 2022 et Mme [L] [D] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par ordonnance du 25 octobre 2022, le président du tribunal de commerce d’Evry a désigné, à la demande de M. et Mme [S], Mme [L] [D] en qualité de mandataire ad hoc de la société M.T. Autos avec pour mission de la représenter dans le cadre de la présente instance.
Une citation à comparaître lui a été délivrée le 15 novembre 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.
Mme [L] [D], en qualité de mandataire ad hoc de la société M.T. Autos, n’a pas constitué avocat. Le jugement sera rendu par défaut en application des dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
M. et Mme [S] demandent l’infirmation du jugement qui les a déboutés de leur demande de nullité de la vente en l’absence de démonstration des manoeuvres et de l’erreur alléguées et, par suite, de leurs demandes de restitution du prix et de dommages et intérêts.
Ils expliquent que le véhicule litigieux, qui leur a été présenté en cinq places, devait passer en « véhicule particulier à l’occasion de la demande de carte grise » ; qu’à cet effet, la société M.T. Autos leur a fait signer un mandat afin que la société Autos CI 94 puisse effectuer les démarches concernant la carte grise ; qu’après quatre demandes auprès de l’ANTS, des doutes sont apparus concernant la conformité des documents présentés ; que le 7 novembre 2019, soit plus d’un an après l’achat, ils ont été convoqués par la gendarmerie, la société Autos CI 94, garage partenaire de la société M.T. Autos et intervenant dans le cadre de la transformation de la voiture faisant l’objet d’une enquête pour fraude ; que de ce fait, ils restent toujours dans l’impasse car le véhicule qui leur a été vendu ne peut être ni immatriculé, ni revendu, ni utilisé.
Ils demandent à la cour de prononcer la nullité de la vente pour vices du consentement sur le fondement du dol et de l’erreur.
Concernant le dol, M. et Mme [S] font valoir qu’aucune demande de transformation n’a été effectuée pour le véhicule qu’ils ont acquis, ce qui prouve que celui-ci a été transformé et vendu en l’état sans contrôle de Citroën et sans respect des procédures administratives et techniques requises à cet effet ; que la société Autos CI 94, mandataire de la société M.T. Autos, a fourni un faux document d’homologation validant le passage du véhicule en cinq places afin d’obtenir la carte grise du véhicule ; que dans ces conditions, le dol doit être retenu en ce qu’il émane d’un tiers de connivence.
Ils soutiennent par ailleurs que le véhicule qu’ils ont acquis ne pouvant être ni immatriculé, ni revendu, ni utilisé, ils sont fondés à se prévaloir d’une erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue, à savoir l’impossibilité de mise en circulation du véhicule.
Sur le dol
Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Selon l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
L’article 1138 du même code précise que le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence.
En l’espèce, M. et Mme [S] versent aux débats le certificat de cession qui mentionne que l’ancien propriétaire certifie avoir remis au nouveau propriétaire un certificat établi depuis moins de quinze jours par le ministre de l’intérieur, attestant à sa date d’édition de la situation administrative du véhicule et que ce véhicule n’a pas subi de transformation notable susceptible de modifier les indications du certificat de conformité ou de l’actuel certificat d’immatriculation. Il mentionne également que le nouveau propriétaire a été informé de la situation administrative du véhicule.
Ils produisent également :
– le certificat d’immatriculation supportant plusieurs tampons de sociétés, dont celui de la société M.T. Autos ainsi que des mentions manuscrites relatives aux cessions intervenues. Le champs S.1, relatif au nombre de places assises maximum pour le véhicule incluant celle du conducteur, mentionne le chiffre 2, de sorte qu’il était lisible que la carte grise mentionnait un véhicule de deux places assises.
– un récépissé de déclaration d’achat en date du 23 octobre 2018 mentionnant que le véhicule a été acquis par la société M.T. Autos auprès de la société LCA Auto Shop.
– un mail reçu le 3 mars 2020, en réponse à un mail du 21 février 2020, du service des immatriculations certificats de conformité Peugeot, Citroën et DS automobiles les informant que « votre CITROËN C3 est un véhicule d’origine 2 places, et nous n’avons aucune trace de demande de transformation en 5 places dans notre base de données ».
– les demandes d’immatriculation formulées par la société AUTOS CI aux fins de « passage de VU en VP 5 places » sans qu’il soit établi si cette société a agi en qualité de mandataire de la société M.T. Autos ou de M. et Mme [S], le mandat dont ils font état n’étant pas produit.
Il sera relevé que le procès-verbal d’audition de M. et Mme [S] dans le cadre d’une enquête pour usage de faux documents relatifs à l’immatriculation du véhicule dont il ressortirait que la société Autos CI 94 aurait fourni un faux document d’homologation validant le passage du véhicule en 5 places n’est pas produit, la pièce n° 11 étant un procès-verbal de dépôt de plainte de Mme [F] [T] épouse [S] auprès des services de gendarmerie de [Localité 5] en date du 17 novembre 2019 dans lequel elle indique déposer plainte contre X pour faux en écriture « suite au véhicule CITROËN C3 immatriculé [Immatriculation 8] » et fait état d’une facture de transformation à la demande de la société LCA Auto Shop effectuée par la société Autos CI 94. M. et Mme [S] n’indiquent pas les suites qui ont été données à leur plainte.
Aucune des pièces produites ne confirme les dires de M. et Mme [S] selon lesquels le véhicule leur a été présenté comme devant « passer en véhicule particulier à l’occasion de la demande de carte grise » ni qu’il aurait subi des transformations sans respect des procédures administratives.
Il en résulte que M. et Mme [S] ne rapportent pas la preuve de manoeuvres dolosives émanant de la société M.T. Autos ou de la société Autos CI 94.
Sur l’erreur
Aux termes des articles 1132 et 1133 du code civil, l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie. L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative à cette qualité.
Il résulte des développements qui précèdent que le certificat d’immatriculation du véhicule Citroën C3 immatriculé [Immatriculation 8] mentionne deux places assises et qu’aucun élément versé aux débats ne démontre qu’il aurait été convenu entre les parties lors de la vente que le véhicule devait passer en véhicule particulier cinq places lors de la demande de carte grise.
M. et Mme [S] ne rapportant pas la preuve de l’erreur alléguée, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté leurs demandes de nullité de la vente et de restitution du prix.
Sur les dommages et intérêts
Sur le fondement du dernier alinéa de l’article 1178 du code civil qui prévoit qu’indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle, M. et Mme [S] sollicitent des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’ils estiment avoir subi du fait de l’attitude du vendeur qui les a plongés dans une situation financière inconfortable. Ils invoquent également un préjudice financier résultant des frais de réparation du véhicule et des cotisations d’assurance.
La demande de nullité de la vente formée par M. et Mme [S] ayant été rejetée, leur demande de dommages et intérêts ne peut être accueillie, étant relevé au surplus que les frais de réparation du véhicule ne sont pas justifiés.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. et Mme [S] de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, M. et Mme [S] supporteront les dépens de première instance, ainsi que retenu par le premier juge, et les dépens d’appel. Ils ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Déboute M. et Mme [S] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. et Mme [S] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,