Porte-Fort : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00611

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Porte-Fort : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 23/00611

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 86D

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 SEPTEMBRE 2023

N° RG 23/00611 –

N° Portalis DBV3-V-B7H-VWYN

AFFAIRE :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE ENTREPRISE SERVICE FRANCE

Syndicat CFTC DE LA METALLURGIE DES HAUTS DE SEINE

Syndicat UNION GENERALE DES INGENIEURS, CADRES ET TECHNICIE NS, UGICT-CGT HEWLETT-PACKARD

Syndicat METALLURGIE ISERE CFE-CGC

C/

S.A.S. ENTERPRISE SERVICES FRANCE IMMATRICULEE AU RCS DE NANTERRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Décembre 2022 par le Pole social du TJ de NANTERRE

N° RG : 22/09649

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Julie GOURION

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE ENTERPRISE SERVICE FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 et Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH – AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923

CFTC DE LA METALLURGIE DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 et Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH – AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923

Syndicat UNION GENERALE DES INGENIEURS, CADRES ET TECHNICIE NS, UGICT-CGT HEWLETT-PACKARD

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 et Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH – AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923

Syndicat METALLURGIE ISERE CFE-CGC

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Julie GOURION, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 et Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH – AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923

APPELANTES

****************

S.A.S. ENTERPRISE SERVICES FRANCE IMMATRICULEE AU RCS DE NANTERRE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Laurent GUARDELLI de la SCP COBLENCE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0053

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Vu le jugement rendu le 21 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

Vu la déclaration d’appel du comité social et économique Enterprise Services France, des syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et du syndicat métallurgie Isère CFE-CGC du 28 février 2023,

Vu l’ordonnance à jour fixe du 23 mars 2023,

Vu les conclusions du comité social et économique Enterprise Services France, des syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et du syndicat métallurgie Isère CFE-CGC du 5 avril 2023,

Vu les conclusions de la société Enterprise Services France du 4 mai 2023.

EXPOSE DU LITIGE

La société Enterprise Services France (ESF), dont le siège social est [Adresse 1]), est spécialisée dans l’étude, la conception, l’installation, l’intégration, la maintenance de tous systèmes de traitement de l’information et de tous logiciels et, plus généralement toutes activités de conseil, d’assistance et de services dans les domaines de l’informatique et de l’imagerie.

Cette société a repris l’activité Enterprise Services (Es) des sociétés Hewlett Packard France (HPF) et Hewlett Packard Centre de compétences France (HPCCE), lesquelles appliquent la convention collective de la métallurgie.

Le 20 septembre 2016, les directions des sociétés Hewlett Packard Centre de compétences France et Hewlett Packard France ont conclu avec les organisations syndicales représentatives un accord « de méthodologie » relatif à la scission des activités de l’entité Enterprises services à ‘Enterprise services Newco’, renommée Enterprises Services France (ESF).

Par cet accord, les sociétés Hewlett Packard Centre de compétences France et Hewlett Packard France se portaient fort de l’engagement de ‘Enterprise services Newco’ à maintenir un certain nombre de garanties au profit des salariés, et notamment l’application de la convention collective de la métallurgie.

Par lettre du 20 mars 2017, la société ESF a ‘ratifié’ ledit accord.

Lors de la réunion du comité social et économique (CSE) du 19 juillet 2022, la direction de la société ESF a informé et consulté les élus sur le projet de dénonciation de l’application des conventions collectives de la métallurgie au bénéfice de l’application de la convention collective des bureaux d’études techniques (SYNTEC). Les élus ont décidé de recourir à l’assistance d’un expert afin de disposer d’une étude complète sur les enjeux et les impacts de ce projet.

Le 23 novembre 2022, le CSE de la société ESF, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, et l’UGICT-CGT Hewlett-Packard ont fait assigner à jour fixe la société ESF devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Le 5 décembre 2022, le syndicat de la métallurgie Isère CFE-CGC a indiqué intervenir volontairement à l’instance.

Le CSE de la société ESF, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat de la métallurgie Isère CFE-CGC demandaient au tribunal judiciaire :

– la condamnation de la société ESF à appliquer les dispositions des articles L. 2261-9 et suivants du code du travail sur la dénonciation des accords collectifs et à ouvrir une période de négociation,

– la condamnation de la société ESF à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– la condamnation de la société ESF à verser la somme de 5 000 euros au comité social et économique et la somme de 1 000 euros à chaque syndicat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société ESF avait, quant à elle, conclu au rejet des demandes et sollicité la condamnation solidaire des demandeurs à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 21 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

– reçu l’intervention volontaire du syndicat de la métallurgie Isère CFE-CGC.

– débouté le CSE de la société ESF, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat de la métallurgie Isère CFE-CGC de l’ensemble de leurs demandes,

– mis à la charge du CSE de la société ESF, du syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, de l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et du syndicat de la métallurgie Isère CFE-CGC la somme de 1 500 euros à payer à la société Enterprises Services France en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis à la charge du CSE de la société ESF, du syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, de l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et du syndicat de la métallurgie Isère CFE-CGC les entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 28 février 2023, le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC ont interjeté appel de ce jugement.

Par une ordonnance rendue le 23 mars 2023, la cour d’appel de Versailles a autorisé le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC à assigner à jour fixe la société Enterprise Services France le 23mai 2023.

Par acte en date du 30 mars 2023, le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC ont fait assigner devant la cour d’appel de Versailles la société Enterprise Services France.

Aux termes de leurs conclusions en date du 5 avril 2023, le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC demandent à la cour de :

– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté (à jour fixe) par le comité social et économique Enterprise Services France, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts de Seine, le syndicat Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC,

Y faisant droit,

– réformer le jugement rendu le 21 décembre 2022 par le pôle social (conflits collectifs du travail) du tribunal judiciaire de Nanterre, en ce qu’il a :

– débouté le comité social et économique Enterprise Services France, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts de Seine, le syndicat Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC de l’ensemble de leurs demandes,

– mis à la charge du comité social et économique Enterprise Services France, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts de Seine, le syndicat Union générale des Ingénieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC, la somme de 1 500 euros à payer à la société Enterprise Services France (ESF) en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis à la charge du comité social et économique Enterprise Services France, le syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts de Seine, le syndicat Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC, les entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

Vu les articles L. 2261-9 et suivants du code du travail

Vu l’article 1104 du code civil,

– juger que l’application de la convention collective de la métallurgie au sein de la société ESF Enterprise Services France relève d’un accord et non d’un usage,

– enjoindre à la société Enterprise Services France d’appliquer les dispositions des articles  L.2261-9 et suivants du code du travail,

– ordonner à la société Enterprise Services France de procéder à l’ouverture d’une période de négociation avec le CSE de la société ESF,

– condamner la société Enterprise Services France à verser au comité social et économique Enterprise Services France, au syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts de Seine, au syndicat Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, à l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et au syndicat métallurgie Isère CFE-CGC, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reçu l’intervention volontaire du syndicat métallurgie Isère CFE CGC,

– débouter la société Enterprise Services France en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

– condamner la société Enterprise Services France à verser au comité social et économique Enterprise Services France la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Enterprise Services France à verser, à chacun, soit au syndicat CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, au syndicat Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, à l’UGICT-CGT Hewlett-Packard et au syndicat métallurgie Isère CFE-CGC, la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Enterprise Services France aux entiers dépens,

– dire qu’ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en date du 4 mai 2023, la société Enterprise Services France demande à la cour de :

– recevoir la société Enterprise Services France dans ses conclusions,

– la dire bien fondée en ses demandes et, ce faisant :

– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre le 21 décembre 2022,

– condamner solidairement les requérants au versement à la société Enterprise Services France d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’audience a été fixée le 23 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur la demande d’injonction de procéder à l’ouverture d’une période de négociation

Les appelants soutiennent que l’accord de méthodologie relatif au projet de scission des activités ‘enterprise services’ (ES) de Hewlett Packard (HP) est un accord d’entreprise pour lequel les sociétés HP se sont portées fort de l’engagement de ‘Enterprise Services Newco’ d’appliquer les conventions collectives de la métallurgie, et non un usage ; que l’application de la convention collective de la métallurgie est issue de la loi et non d’un usage et relève de l’activité principale exercée par l’employeur ; que les dispositions légales relatives à la dénonciation d’un accord s’appliquent en application des articles L. 2261-9 et L. 2261-10 alinéas 1 et 2 du code du travail. Ils exposent que l’intimée avait l’obligation dans les délais prévus par les textes suivant la dénonciation de l’accord d’organiser une négociation, l’accord continuant à produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord ou de la convention qui lui est substitué.

L’intimée fait valoir que l’application de la convention collective de la métallurgie ne résulte plus des stipulations de l’accord de méthodologie car par application de l’article L. 2261-14 du code du travail qui est d’ordre public lorsque la mise en cause de l’application d’une convention ou d’un accord collectif résulte de la survenance de la fusion, cession, scission, changement d’activité, il n’est nul besoin d’une dénonciation selon la procédure prévue à l’article L. 2261-9 du code du travail ; que l’accord de méthodologie a cessé de produire ses effets le 1er juin 2018 soit 15 mois après le transfert des contrats de travail. Elle soutient que le maintien des accords de branche de la métallurgie relève d’une application volontaire de l’employeur qu’elle peut dénoncer en tant qu’acte unilatéral selon la procédure de dénonciation des usages. Elle indique enfin que la demande d’injonction de négocier avec le CSE n’est fondée sur aucune base légale, les organisations syndicales étant titulaires du pouvoir de négociation et fait observer qu’elle a bien mis en oeuvre des négociations avec les organisations syndicales relatives aux conditions de transition des salariés des accords de la métallurgie vers la convention collective SYNTEC.

Aux termes de l’article L. 2261-9 du code du travail, ‘la convention et l’accord à durée indéterminée peuvent être dénoncés par les parties signataires.

En l’absence de stipulation expresse, la durée du préavis qui doit précéder la dénonciation est de trois mois.

La dénonciation est notifiée par son auteur aux autres signataires de la convention ou de l’accord.

Elle est déposée dans des conditions prévues par voie réglementaire.’

L’article L. 2261-10 dudit code dispose, dans ses alinéas 1 et 2, ‘lorsque la dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés, la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure.

Une nouvelle négociation s’engage, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent le début du préavis mentionné à l’article L. 2261-9. Elle peut donner lieu à un accord, y compris avant l’expiration du délai de préavis […]’

Cependant, en vertu du premier alinéa de l’article L. 2261-14 du même code ‘lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, d’une cession, d’une scission ou d’un changement d’activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis prévu à l’article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure […]’

En l’espèce, l’accord de méthodologie du 20 septembre 2016 relatif au projet de scission des activités Enterprise Services France conclu entre les sociétés Hewlett Packard et les organisations syndicales représentatives (pièces n°6 appelants; n°2 intimée) indique au ‘I/Rappel des modalités envisagées du projet de séparation’, le transfert de l’activité Es de HPF et HPCCF au sein d’une nouvelle entité juridique et le transfert des salariés attachés à cette activité Es, à la nouvelle entité par application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Il stipule également :’Pour garantir leurs engagements, les sociétés HPF et HPCCF se portent fort tant à l’égard des signataires du présent accord qu’à l’égard de l’ensemble des salariés HPF, HPCCF ou des salariés de toutes autres sociétés qui leur seraient substituées et des futurs salariés de la société ES Newco, conformément aux dispositions de l’article 1120 du code civil, de la ratification par la société ES Newco du présent accord dès le premier jour du transfert des salariés HPF et HPCCF au sein de la société ES Newco.

La société ES Newco prend l’engagement irrévocable de ratifier la promesse de porte-fort dès le premier jour du transfert du personnel en son sein et d’appliquer aux personnels toutes les dispositions du présent accord soit le 1er mars 2017.’

Il est ajouté que ‘à compter de cette date, les sociétés HPF, HPCCF et ES Newco ou toutes autres entités qui leur seraient substituées seront responsables du respect des engagements contractés au titre du présent accord et relatifs à leur propre société.’

Il est également stipulé à l’accord :

‘II/ Engagements de HPF et HPCCF

A/ statut collectif au sein de la société ES Newco

1/convention collective

S’agissant du statut collectif qui sera appliqué au sein de la société ES Newco, ES Newco maintiendra à l’ensemble des salariés l’application de la convention collective de la branche de la métallurgie pour une durée indéterminée conformément au point 6 ci-dessous.’

Le point 6 intitulé ‘usages’ mentionne : ‘enfin les usages, pratiques et politiques d’Enterprise de HPF et HPCCF listés en annexe 1 seront transférés au sein de la société ES Newco.’

L’annexe 1 ‘liste des usages, pratiques et politiques d’entreprise d’HCF et HPCCF’ de l’accord indique notamment la convention collective de la métallurgie applicable au sein de HPF et HPCCF.

En l’espèce, par lettre du 20 mars 2017, la société ESF, qui n’est pas partie à l’accord précité, ‘ratifie purement et simplement la promesse de porte-fort traduisant ainsi sa volonté que l’accord de méthodologie du 20 septembre 2016 reçoive pleine et entière exécution comme si elle y avait concouru et l’avait signé elle-même.’ (pièce n°18 appelants)

En application de l’article 1204 du code civil (ancien article 1120) relatif à la promesse de porte-fort, la ratification d’une promesse de porte-fort constitue un acte unilatéral.

Si, selon l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée, il ne peut toutefois changer la dénomination ou le fondement juridique, lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Or, l’accord collectif prévoit expressément que l’application volontaire de la convention collective de la métallurgie par la société ES Newco (aujourd’hui ESF) pour une durée indéterminée est un acte unilatéral dont la dénonciation suit les règles de celle des usages.

Si l’application de la convention collective de la métallurgie par les sociétés HPF et HPCCF relève non pas de l’usage mais de leur activité principale (fabrication et ventes de serveurs, stockage, matériels réseau, data centres…), il n’en est pas de même pour la société ESF, l’activité cédée à son bénéfice étant selon les conclusions des appelants l’infogérance, les services informatiques, le consulting et l’implémentation ce que confirme de façon précise l’extrait Kbis de la société, expliquant que l’accord du 20 septembre 2016 se réfère expressément à une application de la convention collective selon l’usage à l’égard de la société ESF, en l’espèce selon un acte unilatéral.

S’agissant de l’application de l’article L. 2261-14 précité, le transfert d’une entité économique autonome, savoir l’activité ‘enterprise services’ avec transfert des contrats de travail des salariés attachés à cette activité, constitue automatiquement la mise en cause de l’accord de méthodologie au sein de la société ESF, et ce de plein droit sans qu’il soit besoin de dénonciation, ouvrant une période de transition pendant laquelle l’accord et donc la convention collective continuent à produire leurs effets pendant 15 mois (préavis 3 mois + 12 mois) et ce à compter du transfert de l’entité économique autonome jusqu’au 1er juin 2018, date où l’accord a cessé de produire ses effets.

Cependant, la société ESF pouvait s’engager à appliquer volontairement la convention collective de l’entreprise cédante au-delà du délai de survie précité prévu par les dispositions d’ordre public de l’article L. 2261-14.

En effet, l’entreprise cessionnaire peut maintenir en vertu de son engagement unilatéral, tout ou partie des dispositions conventionnelles en vigueur dans l’entreprise cédante à la condition, s’agissant d’avantages ayant le même objet ou la même cause, que cet accord soit plus favorable que celui applicable au sein de l’entreprise cessionnaire, ce que ne contestent pas les appelants en l’espèce qui le revendiquent au contraire.

Il en résulte que la ratification intervenue le 20 mars 2017 de l’accord de méthodologie a eu pour conséquence de permettre l’application volontaire de la convention collective de la métallurgie par la société ESF au-delà du 1er juin 2018.

S’agissant d’un engagement volontaire unilatéral, la société ESF est en droit de le dénoncer mais seulement selon les règles applicables à la dénonciation d’un acte unilatéral en respectant la procédure de dénonciation des usages et non selon celles de l’article L. 2261-9 du code du travail précité qui s’applique hors les cas prévus par l’alinéa 1 de l’article L. 2261-14 dudit code.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Aux termes du 2ème alinéa de l’article L. 2261-14, il est en outre expressément prévu que lorsque la convention ou l’accord n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans le délai fixé au premier alinéa (préavis minimum 3 mois + 12 mois) les salariés concernés bénéficient d’une garantie de rémunération que détaille la disposition légale, prévoyant ainsi l’absence de négociation d’un nouvel accord ou d’une nouvelle convention.

Or, en l’espèce, il est affirmé selon les écritures de l’intimée non utilement démenties sur ce point et établi par les pièces produites par les parties (pièces n° 9 à 13 appelants ; pièces n°3 et 4 intimée) qu’ont été mises en oeuvre des négociations avec les organisations syndicales relatives aux conditions de transition des salariés des accords de la métallurgie vers la convention collective SYNTEC.

Selon ces écritures et ces pièces, le CSE a été convoqué à une réunion fixée au 19 juillet 2022 sur le projet de dénonciation de l’application des conventions collectives de la métallurgie au bénéfice de l’application de la convention collective des bureaux d’études techniques (SYNTEC). Les élus lors de cette réunion ont décidé de recourir à l’assistance d’un expert afin de disposer d’une étude complète sur les enjeux et les impacts de ce projet (pièces n°9 et 12 appelants).

Un rapport d’expertise rédigé par la société Secafi et intitulé ‘comparatif conventionnel’ a effectivement été remis en octobre 2022 (pièce n° 13 appelants) et deux réunions de négociation se sont tenues les 21 février et 25 avril 2023 avec les organisations syndicales.

Lors de la dernière réunion, il a été proposé de décaler la date de mise en oeuvre de la nouvelle convention au 1er octobre 2023 (pièce n°4 intimée), soit près de 15 mois après la première réunion.

La demande tendant à voir ordonner à la société ESF de procéder à l’ouverture d’une période de négociation avec le CSE n’est motivée ni en fait ni en droit, étant rappelé que le pouvoir de négocier un accord d’entreprise ou d’établissement revient aux organisations syndicales représentatives et non au CSE selon l’article L. 2232-12 du code du travail.

Le jugement qui a rejeté l’ensemble des demandes des syndicats et du CSE sera confirmé.

2-sur la demande de dommages-intérêts

Les appelants font valoir que le refus de négocier de l’employeur ne peut être motivé que par l’intention de nuire, ce dernier comptant sur les délais des procédures judiciaires pour imposer une nouvelle convention collective, une unité économique et sociale, de nouvelles élections et de nouvelles institutions.

L’intimée soutient qu’ayant connaissance des négociations en cours et du report de l’effet de la dénonciation, les syndicats et le CSE qui sont les appelants, ne peuvent prêter une intention de nuire à l’intimée.

Il résulte de ce qui précède l’inapplicabilité de l’article L. 2261-9 dudit code et l’existence de négociations depuis juillet 2022.

Il ne peut être reproché à l’intimée les délais des procédures judiciaires d’une part parce qu’elle n’est pas à l’origine de la saisine du tribunal ni de la cour, la procédure ayant en l’espèce duré moins de dix mois, d’autre part parce que les négociations ont été mises en oeuvre plusieurs mois avant la saisine du tribunal.

L’intention de nuire de l’intimée n’est pas établie, ni aucune faute de nature à commander l’octroi de dommages-intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3-sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les appelants seront condamnés in solidum à payer à la société ESF la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

Ils seront déboutés de leur demande à ce titre et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre du 21 décembre 2022,

Y ajoutant,

Condamne in solidum le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC à payer à la société Enterprise Services France (ESF) la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Déboute le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC de leurs demandes respectives à ce titre,

Condamne in solidum le comité social et économique Enterprise Services France, les syndicats CFTC de la métallurgie des Hauts-de-Seine, Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens, UGICT-CGT Hewlett-Packard et le syndicat métallurgie Isère CFE-CGC aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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