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La plateforme Art Majeur bénéficie bien du statut protecteur des hébergeurs. Son objet est de mettre en ligne à la disposition des internautes des images d’oeuvres d’artistes amateurs que ces derniers postent après avoir ouvert un compte à leur nom auprès du site afin de les divulguer et d’obtenir la réaction du public.
Elle ne procède à aucun tri des travaux ainsi publiés pour les présenter selon un certain ordre ou mettre en avant certaines images. La présentation de la page de chaque artiste n’est l’objet d’aucun traitement par la société Art Majeur.
La plate-forme propose un service d’impression des oeuvres publiées et de livraison à l’internaute l’ayant commandée.
Toutefois, ce service ne permet pas à la société Art Majeur de prendre connaissance du caractère illicite de l’image par rapport au droit d’auteur ou au droit des dessins et modèles.
En l’occurrence, la responsabilité de la plateforme n’était pas engagée au titre d’une contrefaçon de photographie. En sus de la possibilité de signaler un contenu illicite, la victime avait en tout état de cause la possibilité d’adresser un message ou un courrier recommandé contenant tous les éléments prévus par l’article 6 I.5 de la loi du 21 juin 2004 à la société Art Majeur dont les coordonnées figuraient dans les mentions légales du site.
La société Art Majeur a procédé au retrait du contenu argué de contrefaçon dès qu’elle a été informée du litige concernant le photomontage publié lors de la saisie-contrefaçon réalisée.
La société qui propose un service de plate-forme de publication d’images dont elle ne contrôle pas le contenu n’a pas été alertée par la victime, avant que la saisie-contrefaçon soit pratiquée, du fait qu’il s’agissait d’une copie.
Dès lors, la société Art Majeur, en qualité d’hébergeur, n’encourt aucune responsabilité civile du fait de la publication sur sa plate-forme du photomontage contenant un logo contrefait.
L’article 6 I.2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, dans la rédaction applicable à la date des faits, prévoit que sont hébergeurs « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services.” ».
Selon ce même article 6-I-2, ces personnes physiques ou morales « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible »
L’article 6 I.5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique définit la notion de connaissance du caractère illicite des informations stockées comme suit :
« La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants :
-la date de la notification ;
-si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
-si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
-les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
-la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
-les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
-la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté »
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Tribunal judiciaire de Marseille, 1re chambre civile, 15 septembre 2022 Monsieur X., alias SX., a déposé auprès de l’INPI, au titre de la protection des dessins et modèles le 22 juin 1992, un dessin sous la désignation “logotype d’un club moto” portant le nom de “Desperados”. Cette inscription n’a pas été renouvelée à l’issue du délai de protection. Le 23 décembre 2018, il a déposé auprès de l’INPI un logo apposable sur tout support dont la description correspond au premier cité. Le 31 décembre 2018, il a procédé au dépôt auprès de l’INPI du dessin du logo “Desperados Amigo” sous 2 versions. Au mois de janvier 2019, il a acquis et a fait acquérir par un tiers une composition réalisée par Monsieur Y., publiée sur le site internet de la société Art Majeur, sur laquelle figurent des logos qui seraient, selon lui, des contrefaçons de ceux qu’il a créés. Des opérations de saisie-contrefaçon, autorisées sur requête de Monsieur Y., ont été menées simultanément le 25 juillet 2019 dans les locaux de la société Art Majeur et au domicile de Monsieur Y.. Le gérant de la société Art Majeur a indiqué supprimer immédiatement les publications litigieuses de Monsieur Y.. Par acte d’huissier de justice du 19 août 2019, Monsieur X. a fait assigner la société Art Majeur et Monsieur Y. devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d’obtenir réparation des actes de contrefaçon des dessins “Desperados” et “Amigo” résultant de leur utilisation par Monsieur Y. dans des productions commercialisées par la société Art Majeur. Selon ses dernières conclusions du 7 novembre 2021, monsieur X. demande au tribunal de débouter Monsieur Y. et la société Art Majeur de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts. Il réclame que le tribunal ordonne la destruction, devant huissier, de tout produit comportant une reproduction ou une imitation de l’un des deux dessins « Desperados » et « Amigo » dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de six mois à l’issue duquel il pourra être de nouveau statué. Il sollicite du tribunal qu’il interdise à Monsieur Y. et à Art Majeur de fabriquer, faire fabriquer, importer, exporter, distribuer, vendre tout produit comportant une reproduction ou une imitation des deux dessins « Desperados » et « Amigo » sur tout support, sous astreinte de 200 euros par exemplaire et par jour à compter du jour de la signification du jugement à intervenir. Il demande l’autorisation de faire publier un résumé du dispositif du jugement dans les quotidiens “Le Journal de Saône et Loire” aux frais de Monsieur Y. et le “Midi Libre” aux frais de la société Art Majeur, pour un montant n’excédant pas 5.000 euros hors taxes chacune. Il demande leur condamnation solidaire aux dépens comprenant les frais de saisie-contrefaçon et avec autorisation de recouvrement direct. Il réclame la somme de 12.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et le prononcé de l’exécution provisoire de la décision. En réponse à l’exception de nullité de l’assignation, il réplique que les droits revendiqués sont visés de manière précise dans cet acte de même que les actes contrefaisants, soit un photomontage et un écusson retrouvés au domicile de Monsieur Y.. Il indique que Monsieur Y. a été en mesure de répondre sur le fond du droit par de longues conclusions. Il rappelle que l’article 56 ancien du code de procédure civile n’exigeait pas la mention dans l’assignation, des diligences en vue de la résolution amiable du litige. En réponse à l’exception d’irrecevabilité tirée du défaut de qualité à agir à l’encontre de Monsieur Y., Monsieur X. réplique que le profit tiré de l’acte de contrefaçon n’est pas une condition de l’action. S’agissant de l’action contre la société Art Majeur, il soutient qu’elle ne remplit pas les conditions pour être qualifiée d’hébergeur au sens de l’article 6-1-2 de la loi du 21 juin 2004. Il fait valoir qu’elle offre aux artistes des prestations de commercialisation, vente, production et expéditions de leurs oeuvres et qu’elle facture les produits litigieux dont elle verse une partie aux auteurs. Il soutient que cette action lui permet d’avoir connaissance du contenu illicite stocké dans son serveur. Il ajoute que le site géré par la société Art Majeur permet la réalisation de l’acte de contrefaçon qui est la mise à disposition au public. Sur le fond, il soutient que les logos “Desperados” et “Amigo” sont originaux et résultent d’une démarche personnelle de son auteur. Il indique qu’il s’est réservé la preuve de la création de ces logos. Il soutient que les défendeurs ont dénaturé son oeuvre en l’adaptant, en portant atteinte à son esprit et à la paternité qu’il détient sur ces oeuvres en supprimant sa signature. Il revendique aussi la protection de ces logos au titre des dessins et modèles. Il soutient qu’il est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les deux logos même si il en a cédé ponctuellement les droits de reproduction et de communication au public à l’association “Les Desperados”. Il ajoute que l’adhésion à ce club de motards permet seulement de porter un blouson frappé de ce logo mais non d’en exploiter l’image. Il ajoute que Monsieur Y. a présenté à l’huissier de justice des objets contrefaits comme le photomontage et un écusson imitant le logo “Amigos” et qu’il a commercialisés sur le site Art Majeur. Au titre du préjudice subi, il invoque que la société Art Majeur et Monsieur Y. ont profité de son aura et de sa réputation en tant que tatoueur de Johnny Halliday. Il ajoute qu’en dépréciant son oeuvre, ils ont porté atteinte à son image en tant qu’artiste. Il réplique que Monsieur Y. ne peut soutenir sérieusement être un simple profane puisqu’il revendique par ailleurs le statut d’artiste reconnu. Selon ses dernières conclusions communiquées le 21 janvier 2022, Monsieur Y. demande au tribunal d’annuler l’assignation. Subsidiairement, il soutient que Monsieur X. n’a plus d’intérêt à agir. A titre plus subsidiaire, il conclut au rejet des demandes. A titre plus subsidiaire encore, il demande la réduction des sommes qui seraient allouées à la somme maximum de 134,40 euros. Il conclut au rejet des demandes de la société Art Majeur à son encontre. Il sollicite reconventionnellement la condamnation de Monsieur X. à lui régler la somme de 13.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 12.500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure outre les dépens de l’instance qui seront distraits au profit de son conseil. A l’appui de l’exception de nullité de l’assignation, il soutient que Monsieur X. ne justifie pas du nombre des oeuvres critiquées, ni ne les décrit. Il ajoute qu’il n’a pas tenté de résolution amiable du litige. Il se prévaut de l’absence d’intérêt à agir à son encontre au motif qu’il a retiré les images publiées sur le site Art Majeur dès qu’il a eu connaissance des ordonnances ayant autorisé les saisies-contrefaçon et qu’il s’est excusé par écrit auprès de Monsieur X.. Il ajoute qu’il ne s’est pas enrichi par la commercialisation des oeuvres critiquées. Sur le fond, il se prévaut de l’absence de description des oeuvres prétendument originales et d’absence de preuve de l’originalité des oeuvres sur lesquelles la protection est revendiquée. Il soutient que les logos litigieux ne sont pas empreints de la personnalité de Monsieur X. mais de celle de Johnny Hallyday qui a fondé le clubs de bikers et en a conçu les représentations. A titre subsidiaire, il invoque le fait que les photomontages réalisés ne sont que des copies privées en hommage au chanteur Johnny Halliday. Il soutient qu’il les a publiés sur le site de la société Art Majeur pour faire partager aux internautes sa passion pour les arts plastiques et l’association Desperados à laquelle il a adhéré. Il soutient que les seuls exemplaires vendus ont été achetés par Monsieur X. et l’un de ses amis afin de fonder son action en contrefaçon. Il précise qu’il publie les oeuvres qu’il réalise sur internet dans le seul but qu’elles soient observées par ses proches. Il conteste tout manque à gagner de Monsieur X. A l’appui de sa demande reconventionnelle, il soutient que l’action de Monsieur X. est uniquement mercantile et sans fondement et qu’elle lui a causé un état de stress permanent depuis 3 ans ayant eu des répercussions négatives sur sa santé. En réponse aux demandes de la société Art Majeur, il conteste avoir accepté les conditions générales de vente sur ce site. Il indique ne pas comprendre pourquoi cette société crée des posters de ses photomontages sans son accord pour les vendre. Par ses dernières conclusions du 11 mars 2022, la société Art Majeur conclut au rejet des demandes de Monsieur X. Elle réclame, subsidiairement, que Monsieur Y. soit condamné à la relever et garantir de toutes condamnations qu’elle subirait par sa faute. Elle demande la condamnation de la partie succombante à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure et aux dépens. A l’appui de sa demande de rejet, elle soutient qu’elle n’encourt aucune responsabilité en qualité de simple hébergeur de données. Elle indique qu’elle exploite un portail qui a pour destination de mettre en relation des artistes et des clients potentiels sans pouvoir contrôler les données qui y sont stockées. Elle ajoute qu’elle n’avait pas connaissance de l’illicéité du contenu posté par Monsieur Y. qui ne lui a pas été signalé par Monsieur X.. Elle précise que l’option d’impression par ses soins et d’expédition du contenu posté sur sa plate-forme doit être activée par l’utilisateur et que ce service n’a qu’une finalité technique ou logistique. Elle précise qu’elle n’a perçu aucune somme de la vente des objets qualifiés de contrefaisants, ayant reversé l’ensemble des royalties à Monsieur Y. Elle soutient qu’elle a rempli ses obligations en supprimant promptement, dès qu’il lui en a été fait la demande, soit au jour de la saisie-contrefaçon, les objets litigieux. Subsiairement, elle soutient que Monsieur X. ne justifie pas du quantum du préjudice qu’il invoque car il ne justifie pas du manque à gagner qui lui aurait été causé. Sur les demandes de Monsieur Y., elle soutient que la création d’un compte sur sa plate-forme suppose l’acceptation des conditions d’utilisation, lesquelles excluent toute responsabilité de la société Art Majeur concernant les contenus postés. Elle réfute le fait qu’elle ait pu décider elle-même de procéder à l’impression d’une image publiée par Monsieur Y. sans option de sa part en ce sens. Le juge de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure le 25 avril 2022 et a renvoyé les parties devant le tribunal à l’audience du 16 juin 2022. DISCUSSION Sur l’exception de nullité de l’assignation L’article 771 ancien du code de procédure civile et l’article 789 nouveau de ce texte prévoient que le pouvoir d’annuler l’assignation appartient au seul juge de la mise en état. Ce dernier n’a pas été saisi de cette demande qui est dès lors irrecevable devant le tribunal statuant au fond. Sur l’exception d’irrecevabilité à l’encontre de Monsieur Y. Monsieur X. démontre avoir acquis le photomontage litigieux avant que la saisie-contrefaçon soit réalisée. Un préjudice a pu naître de ces faits antérieurs s’il est admis qu’il s’agit de contrefaçons. Dès lors, le retrait par Monsieur Y. des publications des logos “Desperados” et “Amigo” postérieurement à la saisie ne prive pas Monsieur X. de tout intérêt à agir, même si les actes ont cessé. Il convient, en conséquence, de déclarer recevable l’action de Monsieur X. contre Monsieur Y. Sur l’existence des droits d’auteurs L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit “L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.” L’article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que “Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.” Une création oeuvre de l’esprit est caractérisée par une manifestation physique , en cela différente d’une simple idée, originale, c’est à dire empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité doit être justifiée par son auteur qui seul peut exprimer les ressorts des choix et exclusions opérés qui l’ont conduit à la création revendiquée. L’originalité des logos est contestée par Monsieur Y.. Il appartient donc au tribunal d’apprécier si Monsieur X., dans ses écritures, caractérise l’existence d’une oeuvre de l’esprit protégeable au titre du droit d’auteur. Dans l’assignation délivrée et dans les conclusions postérieures, Monsieur X. a reproduit des photographies des logos et dessins qu’il revendique et en a donné une description précise. Concernant l’originalité des logos, il était mentionné, en page 4 de l’assignation, que Monsieur X. avait réalisé une “ composition originale” à propos du logo “Desperados” puis “un certain nombre de créations originales” à propos des logos “Amigo”. Il était mentionné, en page 12 de l’assignation, que le logo Desperados” était nécessairement protégé par le droit d’auteur dans la mesure où il s’agit d’une composition de plusieurs éléments “résultant d’une démarche personnelle de son auteur , Monsieur X., et est particulièrement empreinte de la personnalité de son auteur lequel a arbitrairement choisi de mêler tête de mort, pistons, plume.”Il est ajouté : “Le placement des différents éléments composant l’oeuvre est également révélateur de la personnalité de l’auteur.” A propos du logo “Amigo”, l’originalité est décrite, en page 14 de l’assignation, par la phrase suivante : “Qu’il bénéficie également de la protection au titre du droit d’auteur compte tenu de son caractère original”. Les conclusions postérieures contiennent ces mêmes phrases. En outre, en pages 23 et 24, elles contiennent des développements en réplique sur la question de l’originalité. Monsieur X. y rappelle qu’il agit aussi sur la protection des dessins et modèles. Or, l’enregistrement auprès de l’INPI des logos ne suffit pas à leur conférer la qualification d’oeuvres de l’esprit. Il y affirme aussi que Monsieur Y. ne justifie pas des faits et des raisons pour lesquelles les oeuvres ne seraient pas empreintes de la personnalité de leur auteur alors qu’il appartient à l’auteur prétendu de rapporter la preuve contraire. Il ressort de ces éléments que, tant l’assignation dont les termes sont repris dans les dernières conclusions que les écritures postérieures contiennent des descriptions précises des oeuvres revendiquées mais aucune explication de la démarche de leur auteur ayant présidé à ses choix et à sa création. La seule affirmation que Monsieur X. a effectué des choix personnels et mêlé trois éléments et que les logos qu’il a créés sont originaux ne suffit pas à en démontrer l’originalité. En effet, Monsieur X. n’explique pas sa démarche artistique dans le choix des images, de leur couleur, de leur composition, ni la signification pour lui des images créées. Il convient en conséquence de juger que Monsieur X. ne fait pas la preuve que les logos créés sont des oeuvres originales protégeables au titre d’oeuvres de l’esprit. Les demandes de condamnation sur ce fondement seront donc rejetées. Sur les demandes fondées sur la protection des dessins et modèles L’article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit la protection de l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit caractérisée par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux, lorsque le produit ou partie de produit a fait l’objet d’un dépôt au sein d’un registre tenu par l’INPI. La protection joue si l’impression visuelle d’ensemble produite sur le consommateur par l’objet protégé et par l’objet contrefaisant est la même. Les dispositions des articles L. 511-4 et L. 513-5 du code de la propriété intellectuelle imposent ces vérifications. L’article L. 521-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : “Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle tels qu’ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8 constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.” L’enregistrement qui confère la protection produit ses effets pendant 5 ans à compter du dépôt jusqu’à un total de 25 ans. Les dessins et modèles enregistrés avant le 1er octobre 2001 étant protégés pendant 25 ans sans prorogation possible sauf prorogation antérieure à cette date. Aucune contrefaçon ne peut être retenue tant que le dessin déposé n’a pas fait l’objet d’une publication. En l’espèce, Monsieur X. justifie de l’enregistrement, le 2 septembre 1992, du logo “Desperados” déposé auprès de l’INPI le 22 juin 1992. Les droits dont peut se prévaloir Monsieur X. sur ce dessin ont cependant expiré le 22 juin 2017. Le même logo a été déposé le 23 décembre 2018 puis enregistré et publié le 22 mars 2019 pour une durée de 10 ans jusqu’au 23 décembre 2028. Ce dépôt est complété d’une description du dessin et d’une reproduction en couleur. Il s’agit d’un logotype décrit comme suit : “haut : Desperados sur bande courbe, bas HDC Harley Davidson et aigle en aplat sur bande courbe inversée, centre : emblème JH sur crâne avec bandana et plume d’aigle sur la droite au dessus de pistons croisés. Typographie et bordures bleues sur fond jaune.” Le 31 décembre 2018, Monsieur X. a demandé l’enregistrement à l’INPI du logo « Desperados Amigo ». L’enregistrement et la publication datent du 3 mai 2019 et la durée d’enregistrement est de 10 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2028. Il a déposé deux logos Amigo, l’un en dégradés de gris bleu et l’autre en couleurs. Les logos déposés peuvent être décrits comme suit :un demi-cercle dont les extrémités se referment en entonnoir, marqué «Desperados » en lettres majuscules. Sous cette forme, est situé un monogramme « JH » en lettres majuscules. En dessous de ce monogramme, est dessiné une barrette portant l’inscription « HARLEY DAVIDSON » en lettres majuscules. Sous cette barrette en minuscule les mots « since 1992 ». Au niveau de la forme en entonnoir, à droite, des traits prenant la forme de la lettre S. La publication par Monsieur Y. du photomontage ne peut, avant même que soient comparés les deux dessins, être constitutive de contrefaçon avant la date de publication des dessins déposés, soit les 22 mars 2019 et 3 mai 2019. Dès lors, les impressions du photomontage expédiées et reçues par Monsieur X. et Monsieur Z. au mois de janvier 2019, avant ces dates, ne peuvent être retenues comme actes de contrefaçon. Il a en effet été révélé par l’examen par un spécialiste du contenu de l’ordinateur de Monsieur Y. que ce dernier a été créé pendant ce mois et en tout état de cause à une date postérieure au 31 octobre 2018, date à laquelle Monsieur Y. a reçu la carte de membre des amis du club de motards Despérados accompagné d’un courrier contenant ces deux logos. Cependant, le 25 juillet 2019, il a été constaté par l’huissier de justice, et admis par la société Art Majeur et Monsieur Y., que le photomontage qu’il a réalisé en mêlant son portrait, des drapeaux américains et deux logos du club Despérados était toujours en ligne à cette date sur la plate-forme www.artmajeur.com. La présentation au public d’un produit contenant le dessin litigieux après l’enregistrement et la publication du dessin est susceptible de constituer un acte de contrefaçon si il en résulte une impression d’ensemble identique. Il est établi que les seules ventes réalisées par Monsieur Y. par l’intermédiaire de ce site ont été celles au profit de Monsieur X. et de Monsieur Z. dans le seul but de se réserver des preuves. Toutefois, l’exception prévue par l’article L. 513-6 du code de la propriété intellectuelle au profit des “actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales” ne peut être admise. En effet, il convient de tenir compte des actes et non des intentions de Monsieur Y.. Or, ce dernier, par l’ouverture d’un compte sur la plate-forme Art Majeur et par la publication sur cette plate-forme du photomontage litigieux, accompagné d’un prix et de la possibilité offerte au client de se le procurer sous la forme d’un poster ou d’un tableau imprimé, constitue une mise à disposition à des fins commerciales puisque l’accès à cette plate-forme est ouverte à tous les utilisateurs d’internet potentiellement acheteur. En revanche, en ce qui concerne l’écusson retrouvé à son domicile, il ne ressort d’aucune pièce qu’il a été proposé à la vente ou même exposé à des fins commerciales. Il a seulement été retrouvé sur le blouson de moto de Monsieur Y. à son domicile au cours des opérations de saisie-contrefaçon qui y ont été menées. Cet élément ne constitue pas un acte de contrefaçon car son utilisation n’a pas dépassé le cercle privé. En ce qui concerne le photomontage, l’article L. 511-3 prévoit que les dessins et modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne différent que par des détails insignifiants. Le tribunal doit donc s’attacher a examiner les différences plutôt que les ressemblances. L’article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit l’interdiction sans consentement du propriétaire du dessin, de l’offre ou de la détention à des fins d’offre et de mise sur le marché d’un produit incorporant le dessin ou modèle. Le tribunal doit apprécier, par comparaison entre les dessins enregistrés à l’INPI et le photomontage litigieux, si il en ressort une impression visuelle d’ensemble identique ou si il existe des différences, lesquelles doivent être insignifiantes pour qu’ils soient considérés comme étant identiques. En ce qui concerne le logo Desperados, l’impression visuelle d’ensemble est très différente entre le dessin enregistré et celui figurant sur le photomontage litigieux. En effet, alors que le logo enregistré est en couleurs et qu’y figure en bas les mots “HDC HARLEY DAVIDSON”, il apparaît en couleur uniforme métallisée grise et ces mots sont absents. Ces différences ne sont pas des détails insignifiants car ils modifient l’impression d’ensemble qu’il provoque chez l’observateur. En effet, le dessin enregistré marque par ses couleurs et par les mots “Desperados” en haut et “HARLEY DAVIDSON” en bas alors que le logo représenté sur le photomontage met en avant la tête de mort coiffée d’une plume colorée en blanc sur fond sombre qui est plus discrète sur le dessin de Monsieur X. En revanche, l’impression d’ensemble faite par le logo Amigo figurant sur le photomontage réalisé par Monsieur Y. est identique à celle provoquée par le dessin enregistré en dégradés de gris par Monsieur X.. En effet, à l’exception de la couleur (noir et blanc sur le photomontage) qui représente une différence insignifiante, les autres éléments de ce logo sont identiques à celui dessiné par Monsieur X. tel que décrit plus haut. Monsieur Y. justifie qu’il a eu connaissance de ces logos en adhérant au club des amis des Desperados. Il figurait sur le tee-shirt qu’il a reçu en contrepartie de son adhésion et il l’a reproduit à l’identique sur le photomontage qu’il a réalisé, complété par son portrait en tenue de moto avec casque et un drapeau américain. Cependant, l’adhésion à ce groupe ne lui permettait pas d’utiliser ce logo à des fins personnelles en dehors du cercle privé. En publiant sur la plate-forme Art Majeur ce photomontage comportant, en dimension très visible, le logo protégé et en le proposant à la vente Monsieur Y. l’a reproduit à des fins commerciales. Il a commis ainsi un acte de contrefaçon qui s’est prolongé depuis l’enregistrement du dessin le 3 mai 2019, rendant les droits de Monsieur X. opposables aux tiers, jusqu’au 25 juillet 2019, date de la saisie-contrefaçon à laquelle la société Art Majeur a supprimé le photomontage de son site. Il ne ressort d’aucune pièce et notamment pas du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 25 juillet 2019 réalisé à son domicile qu’il a publié ce photomontage sur un autre site. En ce qui concerne la réparation, il convient de tenir compte de la faible ampleur de la contrefaçon dans le temps et dans l’auditoire, Monsieur Y. étant un artiste amateur non côté et dont il n’est pas prouvé que l’audience au sein du site Art Majeur a touché de nombreuses personnes. En outre, il a été démontré par les opérations de saisie-contrefaçon que le seul revenu perçu concernant ce logo est le coût de l’impression payé par Monsieur X. et son ami Monsieur Z. Par ailleurs, Monsieur X. ne démontre par aucune pièce le bénéfice qu’il prétend tirer de la vente des logos litigieux. Il indique qu’ils ont été mis à la disposition du club de motards « Desperados » sans qu’il soit indiqué si ce club lui règle une redevance ou lui a payé le coût de la création du logo. Il convient donc de retenir uniquement le préjudice moral causé au créateur du dessin qui l’a vu reproduit par un tiers qui tentait d’en tirer profit. Il lui sera alloué en contrepartie la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts. En outre, il sera interdit à Monsieur Y. d’utiliser le logo “Desperados Amigo” objet de la contrefaçon et ce sous toute forme que ce soit et à quelque usage que ce soit sous peine d’une astreinte de 1000 euros par infraction dûment constatée qui courra pendant 18 mois. Dans la mesure où le photomontage incriminé n’a pas fait l’objet d’une publicité en dehors d’un site d’artistes amateurs, où Monsieur Y. a supprimé immédiatement ses publications litigieuses et où Monsieur X. ne démontre pas subir de préjudice distinct du fait d’agissements de Monsieur Y., la publication de la décision dans des journaux locaux n’apparaît pas nécessaire pour faire cesser les infractions. Sur la question de la qualité d’hébergeur de la société Art Majeur L’article 6 I.2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, dans la rédaction applicable à la date des faits, prévoit que sont hébergeurs « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services.” ». Selon ce même article 6-I-2, ces personnes physiques ou morales « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible » L’article 6 I.5 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique définit la notion de connaissance du caractère illicite des informations stockées comme suit : « La connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants : -la date de la notification ; -si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; -si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ; -les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ; -la description des faits litigieux et leur localisation précise ; -les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ; -la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté » En l’espèce, l’objet du site de la société Art Majeur est de mettre en ligne à la disposition des internautes des images d’oeuvres d’artistes amateurs que ces derniers postent après avoir ouvert un compte à leur nom auprès du site afin de les divulguer et d’obtenir la réaction du public. Il ressort des pièces produites qu’elle ne procède à aucun tri des travaux ainsi publiés pour les présenter selon un certain ordre ou mettre en avant certaines images. La présentation de la page de chaque artiste n’est l’objet d’aucun traitement par la société Art Majeur. La plate-forme Art Majeur propose un service d’impression des oeuvres publiées et de livraison à l’internaute l’ayant commandée. Toutefois, ce service ne permet pas à la société Art Majeur de prendre connaissance du caractère illicite de l’image par rapport au droit d’auteur ou au droit des dessins et modèles. En outre, les seuls impressions du photomontage litigieux ont été réalisées à la demande de Monsieur X. et d’un de ses amis dans l’intention de se réserver une preuve de la contrefaçon dont il entendait se prévaloir. Il n’a pas tenté avant d’y procéder, de signaler à la société Art Majeur le caractère illicite du contenu publié. Il n’apporte pas la preuve que le bouton “signaler” a été mis en place sur le plate-forme après la saisie-contrefaçon. Il avait en tout état de cause la possibilité d’adresser un message ou un courrier recommandé contenant tous les éléments prévus par l’article 6 I.5 de la loi du 21 juin 2004 à la société Art Majeur dont les coordonnées figuraient dans les mentions légales du site. Il convient de noter que la société Art Majeur a procédé au retrait du contenu argué de contrefaçon dès qu’elle a été informée du litige concernant le photomontage publié lors de la saisie-contrefaçon réalisée. Il convient de déduire de ces éléments que la société Art Majeur propose un service de plate-forme de publication d’images dont elle ne contrôle pas le contenu et qu’elle n’a pas été alertée par Monsieur X., avant que la saisie-contrefaçon soit pratiquée, du fait qu’il s’agissait d’une copie. Dès lors, la société Art Majeur, en qualité d’hébergeur, n’encourt aucune responsabilité civile du fait de la publication sur sa plate-forme du photomontage contenant un logo contrefait. Les demandes à son encontre seront rejetées. Sur les demandes accessoires Il n’apparaît pas inéquitable de laisser supporter à Monsieur Y. qui succombe en partie les frais irrépétibles de procédure non compris dans les dépens. Monsieur X. a choisi la voie judiciaire sans mise en demeure préalable pour tenter de mettre fin à l’usage contrefaisant alors que Monsieur Y. et la société Art Majeur ont retiré les produits allégués comme étant contrefaisant immédiatement lorsqu’ils ont eu connaissance de ses prétentions et alors que Monsieur Y. a rédigé une lettre d’excuse. Il supportera, en conséquence, les frais de procédure non compris dans les dépens exposés à l’occasion de la présente procédure. Les dépens seront supportés par Monsieur Y. en ce qui concerne les frais des actes menés à son encontre, soit assignation et saisie-contrefaçon ainsi que les frais des actes de signification du jugement. Monsieur X. supportera le coût de l’assignation et de la saisie-contrefaçon concernant la société Art Majeur. Compte tenu de la nature du litige et des mesures d’interdiction, il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision. DECISION Le tribunal, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort : Déclare irrecevable l’exception de nullité de l’assignation ; Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par Monsieur Y. ; Rejette les demandes de condamnation fondées sur l’atteinte au droit d’auteur ; Condamne Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de deux mille euros (2000 euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de la contrefaçon du dessin dont la demande de publication a été enregistrée le 31 décembre 2018 et publiée le 3 mai 2019 portant sur le logo “Desperados Amigo” par le publication sur la plate-forme Art Majeur d’un photomontage le contenant ; Rejette la demande fondée sur la contrefaçon du logo “Desperados” ; Interdit à Monsieur Y. d’utiliser le logo “Desperados Amigo” objet de la contrefaçon et ce sous toute forme que ce soit et à quelque usage que ce soit, sous peine d’une astreinte de 1000 euros par infraction dûment constatée qui courra pendant 18 mois ; Rejette les demandes à l’encontre de la société Art Majeur ; Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles de procédure ; Condamne Monsieur Y. aux dépens afférents à l’acte d’assignation qui lui a été délivré et la saisie-contrefaçon et les actes y afférents qui seront recouvrés directement par les avocats de la cause qui en ont fait la demande et l’avance ; Dit que Monsieur X. supportera les dépens concernant l’acte d’assignation destiné à la société Art Majeur et la saisie-contrefaçon réalisée au siège de cette société ainsi que les actes y afférents qui seront recouvrés directement par les avocats de la cause qui en ont fait la demande et l’avance ; Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision. | |