Plaquettes publicitaires des promoteurs immobiliers
Plaquettes publicitaires des promoteurs immobiliers

En matière de publicité immobilière (plaquettes de promotion immobilière), une certaine exagération est tolérée par les juges. En tout état de cause, l’acheteur a l’obligation de prouver en quoi la simple exagération publicitaire du promoteur a pu le tromper sur les qualités environnementales de la résidence et l’induire en erreur au point de la déterminer à contracter. En l’occurrence, le dol n’était pas établi, l’acheteur a été débouté de sa demande indemnitaire.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re Chambre A

ARRET DU 22 MARS 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/03500

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 AVRIL 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 13/04700

APPELANTE :

Madame X Y

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentée et assistée de Me Fanny MEYNADIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

S.A.R.L. CALIFORNIA

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social sis

[…]

[…]

Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

et assistée de Me Nicolas JONQUET de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Janvier 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le Vendredi 08 Février 2019 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne-Marie HEBRARD, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Marie-José TEYSSIER

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Madame Anne-Marie HEBRARD, Président de chambre, et par Madame Marie-José TEYSSIER, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte notarié du 24 juin 2009, X Y a acquis de la Sarl California des lots en l’état futur d’achèvement, dont un appartement, dépendant de la résidence Verdissimo. Le procès-verbal de livraison est intervenu le 30 juin 2010 avec des réserves.

Invoquant divers vices et défauts de conformité, X Belmadjoub a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier, par acte d’huissier en date du 12 janvier 2011, afin de voir ordonner une expertise.

Par ordonnance en date du 17 mars 2011, l’expert Granier a été désigné et le rapport a été déposé le 30 septembre 2011.

Par acte du 21 août 2013, X Y a assigné la Sarl California devant le tribunal de grande instance de Montpellier en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 9 avril 2015, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

  • dit irrecevable comme forclose l’action relative aux défauts de conformité ;

  • rejeté les autres demandes ;

  • condamné X Belmadjoub à payer à la Sarl California la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

  • l’a condamnée aux dépens.

Le 7 mai 2015, X Belmadjoub a relevé appel du jugement.

Vu les conclusions de X Y remises au greffe le 2 novembre 2017 ;

Vu les conclusions de la Sarl California remises au greffe le 22 septembre 2015 ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 18 janvier 2019 ;

MOTIFS :

Sur les vices et non-conformités apparents :

X Y conclut à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son action forclose sur le fondement de l’article 1642-1 du code civil en faisant valoir qu’il ne s’agit pas d’une garantie spécifique et exclusive de l’application des règles relatives à la responsabilité contractuelle de droit commun.

Sans discuter le caractère apparent des vices et défauts de conformité dont elle sollicite la réparation, l’appelante soutient que ces derniers relèvent du régime de la responsabilité et de la prescription de droit commun, ainsi que l’a décidé la Cour de cassation dans divers arrêts rendus en 1995 et 1997, ce qui doit conduire à faire application des règles de la prescription quinquennale (2224) ou décennale (1792-4-3) et à rejeter la forclusion annale opposée par le vendeur.

Mais le moyen soulevé par l’appelante est inopérant et les jurisprudences citées sont obsolètes.

En effet, d’une part, les défauts de conformité apparents qui n’étaient pas soumis au régime des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil jusqu’en mars 2009 ont été inclus dans ces dispositions d’ordre public par la loi du 25 mars 2009 entrée en vigueur le 28 mars 2009 et applicable au présent litige puisque le contrat de vente a été signé le 24 juin 2009.

Et d’autre part, la responsabilité du vendeur d’un immeuble à construire ne peut être recherchée sur le fondement contractuel de droit commun pour les vices et défauts de conformité apparents qu’il n’est pas tenu de garantir au-delà des limites résultant des dispositions d’ordre public des articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil (civ, 3e, 3 juin 2015 14.15796).

Il s’agit donc bien d’une garantie spécifique aux vices et défauts de conformité apparents qui a pour effet d’éluder la responsabilité et les règles de prescription de droit commun contrairement à ce qui est soutenu.

C’est donc à tort que l’appelante croit pouvoir échapper à la forclusion annale prononcée par le premier juge en revendiquant l’application des règles de prescription de droit commun.

Aucune autre contestation n’étant formée par l’appelante concernant les modalités de mise en œuvre du délai de forclusion annal retenu par le premier juge, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le désordre de nature décennale :

X Y conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré son action forclose sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 du code civil alors que celle-ci portait sur un désordre de nature décennale consistant en des moisissures dans l’angle du placard de la chambre 2.

La garantie décennale prime sur la garantie des articles 1642-1 et 1648 du code civil si le vice ou défaut de conformité est apparu après la réception et s’il rend l’ouvrage impropre à sa destination ou porte atteinte à sa solidité.

L’expert judiciaire a mis en évidence l’existence de moisissures affectant l’angle du placard de la chambre 2 durant les opérations d’expertise.

Nul ne conteste que ces moisissures sont apparues après la réception de l’ouvrage.

L’expert ne décrit pas l’ampleur ni la nature de ces moisissures et se borne à procéder de manière hypothétique concernant leur cause en les imputant à un éventuel défaut d’étanchéité de la toiture sans procéder par lui-même à aucune vérification ni écarter les autres causes envisageables telles qu’une simple insuffisance d’aération du placard ou la survenance d’un sinistre ponctuel provenant du lot voisin.

L’appelante ne dit rien sur l’évolution de ce désordre en cause d’appel.

Contrairement à ce que laisse entendre l’appelante, l’expertise de l’assureur dommages ouvrage du 17 mars 2016 (Exetech) ne dit rien de ce désordre puisqu’elle concerne un désordre d’infiltration affectant l’appartement n°11 de la résidence et que l’appartement n°17 de l’appelante n’est visé dans ce rapport que parce que les travaux de reprise de ce désordre d’infiltration du lot 11 trouve son origine dans un défaut de jointoiement de la terrasse du lot 17.

La nature des travaux de reprise, qui aurait pu constituer un indice sur l’origine et l’ampleur des moisissures, n’est pas indiquée par l’expert qui a englobé le coût de réfection dans un prix global forfaitaire comprenant, de manière indissociée, le coût de reprise d’autres désordres.

Dès lors que l’expert judiciaire n’a pas déterminé la nature, l’ampleur et la cause des moisissures affectant l’angle du placard, ce désordre ne peut être qualifié de décennal, contrairement aux prétentions de l’appelante.

X Y sera déboutée de sa demande de garantie décennale au titre de ces moisissures et le jugement sera complété de ce chef.

Sur l’inaccessibilité des parties communes :

X Belmadjoub conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation de son préjudice résultant de l’inaccessibilité aux espaces verts de la résidence.

Elle explique que la résidence est constituée de trois bâtiments (A, B et C), que son appartement est situé dans le bâtiment A qui donne sur la rue et que, contrairement à ce qui lui avait été promis, seuls les bâtiments B et C sont pourvus d’espaces verts clôturés. Elle fonde sa prétention à titre principal sur le défaut de conformité et à titre subsidiaire sur le dol.

La Sarl California conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré l’action en réparation des défauts de conformité apparents forclose et en ce qu’il a rejeté toutes les autres demandes de X Y.

L’inaccessibilité aux espaces verts de la résidence constitue un défaut de conformité apparent pour lequel X Y a été déclarée forclose dans les motifs qui précèdent de sorte qu’elle sera déclarée irrecevable sur ce fondement.

S’agissant du dol, il appartient à X Y de démontrer que la Sarl California l’a délibérément induite en erreur sur la qualité environnementale de la résidence afin de la déterminer à contracter.

Si la plaquette publicitaire remise aux acquéreurs par la Sarl California présente la résidence comme un ensemble de bâtiments qui « bénéficient d’un espace végétal dense permet(tant) aux appartements de jouir pleinement de l’environnement méditerranéen», le plan de masse annexé à l’acte authentique et visé par l’appelante montre bien que la façade de l’appartement choisi donne sur la rue desservant la résidence et sur les places de stationnement et non sur un parc arboré.

Ainsi, en prenant connaissance de ce plan, X Y savait qu’elle acquérait un appartement qui ne donnait pas sur l’espace vert commun.

En outre, le descriptif de vente ne dit pas que l’espace vert commun sera un endroit accessible pour la promenade ou le repos et il résulte des photographies versées aux débats que cet espace est en réalité limité à une série de plates-bandes engazonnées ou recouvertes de graviers et plantées d’arbustes bas à la vocation uniquement « esthétique » qui ne permet pas aux résidents d’y déambuler ou de s’y asseoir de sorte que la question de son accessibilité est inopérante.

Même si l’environnement immédiat de la résidence ne ressemble pas au parc arboré et luxuriant représenté sur la plaquette publicitaire, le promoteur vendeur a fait en sorte de séparer les emplacements de stationnement par des espaces végétalisés et d’agrémenter la rue de bordures plantées d’arbres ainsi que cela ressort des photographies annexées au constat d’huissier du 15 janvier 2016.

L’appartement de l’appelante dispose également d’un jardin privatif planté d’arbustes.

X Y, grâce au plan de masse, a disposé de tous les éléments d’information lui permettant de savoir que l’appartement acquis en l’état futur ne donnerait pas sur un espace vert.

Et aucune des indications figurant dans les documents contractuels ne décrit cet espace comme un lieu de promenade ou de repos.

Dès lors, elle ne démontre pas en quoi la simple exagération publicitaire de la Sarl California a pu la tromper sur les qualités environnementales de la résidence et l’induire en erreur au point de la déterminer à contracter.

Le dol n’est pas établi et X Y sera déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la diminution du prix de vente :

X Y conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de restitution de la somme de 20.550 € correspondant à un trop-versé au titre de la TVA. Elle soutient que la Sarl California a usé de manoeuvres dolosives pour l’inciter à signer un second contrat de réservation dans lequel le taux de TVA était fixé à 5,5 % au lieu de 19,6 % sans modifier le prix final d’acquisition ce qui constitue une tromperie préjudiciable.

Le premier contrat de réservation signé le 23 novembre 2008 par X Y mentionnait un prix de vente de 174.316 € TTC avec un taux de TVA à 19,6 %.

Le promoteur, après s’être aperçu de son erreur concernant le taux de TVA, a adressé un second contrat de réservation mentionnant un taux à 5,5 % sans modification du prix.

X Y a été informée expressément de cette modification dans un courrier du promoteur en date du 15 janvier 2009 (annexe 18 du rapport d’expertise).

Forte de cette information qui résulte de son courrier en date du 29 janvier 2009 (annexe 19 du rapport), X Y a accepté de signer le second contrat de réservation le 19 février 2009 avec un prix de 174.316 € TTC et un taux de TVA à 5,5 %.

L’acte notarié du 24 juin 2009 reprend ce prix de vente de 174.316 €, TVA de 5,5 % incluse.

X Belmadjoub ne peut donc prétendre que son consentement a été vicié par une manœuvre de la Sarl California alors qu’elle a été informée de manière expresse par le promoteur de la modification du taux de TVA et de l’absence de changement du prix final et qu’elle y a consenti librement.

La preuve d’un dol n’étant pas rapportée, la demande indemnitaire de X Y sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le retard de livraison :

X Y sollicite, pour la première fois en cause d’appel, la condamnation de la Sarl California au paiement de la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice né du retard de livraison.

Il ressort des conclusions récapitulatives déposées le 23 janvier 2015 devant le premier juge que cette demande n’a pas été formulée en première instance.

Il s’agit d’une demande nouvelle dès lors qu’elle ne tend pas à réparer le même préjudice que celui résultant des vices et défauts de conformité apparents ou du dol.

Par conséquent, cette demande de X Y doit être déclarée irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Déclare irrecevable comme nouvelle en cause d’appel la demande indemnitaire fondée sur le retard de livraison ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant ;

Déboute X Y de sa demande au titre de la garantie décennale ;

Condamne X Y aux dépens de l’appel et à payer à la Sarl California la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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