Plainte classée de Molotov c/ TF1 et M6
Plainte classée de Molotov c/ TF1 et M6

L’Autorité de la concurrence a rejeté, pour absence d’éléments probants, la plainte de Molotov visant des pratiques de TF1 et M6

Les services en cause  

Molotov est une plateforme de distribution de chaînes de télévision, qui agrège et diffuse, en tant que diffuseur OTT, c’est-à-dire via le réseau internet, des programmes audiovisuels français. L’application permet aux utilisateurs d’accéder gratuitement aux services de télévision linéaire ainsi qu’à des fonctionnalités complémentaires (recherche, enregistrement, téléchargement, rattrapage, reprise de programmes depuis le début…) dont certaines lui sont facturées. Pour y accéder, le consommateur doit disposer d’un écran connecté et télécharger l’application Molotov.tv. Cette application permet d’accéder à des contenus issus de différentes chaînes de télévision linéaire.

Molotov a recours à un modèle dénommé « freemium », terme qui combine « free », pour désigner un service gratuit, et « premium » pour désigner des services augmentés (ou « améliorés »). L’application permet d’accéder gratuitement aux services de télévision linéaire ainsi qu’à des fonctionnalités complémentaires (de recherche, d’enregistrement, de téléchargement, de rattrapage, de projection sur un écran de télévision ou de reprise de programmes depuis le début) dont certaines sont facturées au consommateur. L’application s’appuie notamment sur une ergonomie innovante et propose aux utilisateurs diverses options de navigation, recherche ou visionnage de contenus. Molotov distribue par ailleurs des contenus supplémentaires à titre payant.

Ses sources de revenus proviennent exclusivement des souscriptions aux fonctionnalités et aux abonnements complémentaires à son offre basique. Molotov ne perçoit aucun revenu publicitaire. À la date de la saisine, Molotov comptait 8,5 millions d’utilisateurs8 et [0-500 000] abonnés à une offre payante. Molotov a fait face à des difficultés financières importantes  et a enregistré des pertes en 2016 et 2017.

La plainte de Molotov

Selon Molotov, TF1 et M6 auraient rompu de manière brutale et abusive les accords de distribution de leurs chaînes sur sa plateforme. Ces comportements seraient liés au lancement concomitant de Salto, la plateforme de télévision et de vidéo à la demande sur abonnement créée par TF1, M6 et France Télévisions. Les comportements de TF1 et M6 constitueraient « une tentative abusive d’éviction de la plateforme de Molotov » (abus de position dominante collective), un abus de dépendance économique de TF1 et M6, et attesteraient également de « l’existence d’une collusion anticoncurrentielle » entre TF1 et M6.

L’Autorité, qui a examiné les différents éléments du dossier et a sollicité l’avis du CSA, a considéré que ni la saisine, ni le dossier d’instruction ne permettent d’étayer les pratiques alléguées. Aucun élément n’est susceptible de démontrer l’existence d’une position dominante détenue collectivement par les groupes France Télévisions, TF1 et M6. En outre, aucun élément n’atteste de l’existence d’un état de dépendance économique dans lequel se trouverait Molotov vis-à-vis de chacun des groupes M6 et TF1.

Enfin, aucun élément ne tend à démontrer l’existence d’un accord de volontés, explicite ou tacite, entre les groupes TF1 et M6 ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, en excluant Molotov du marché.

Comportements en cause

La société Molotov a dénoncé un certain nombre de comportements mis en œuvre par les groupes TF1 et M6 dans le secteur de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision. Selon la saisissante, les groupes TF1 et M6 auraient rompu de manière brutale et abusive les accords expérimentaux conclus, entre chacun des deux groupes et Molotov, pour la distribution de leurs chaînes et services sur sa plateforme. Le groupe M6 aurait, via l’adoption de nouvelles conditions générales de distribution, tenté d’imposer à Molotov la distribution de ses chaînes et services aux consommateurs exclusivement dans le cadre d’offres payantes, ce que Molotov juge incompatible avec son modèle d’affaires « freemium ».

Le groupe TF1 aurait tenté d’imposer à Molotov les conditions de son offre TF1 Premium et aurait par la suite mis fin à l’accord de distribution en cours entre les parties. Le comportement de chacun des groupes TF1 et M6 serait lié à la création de l’entreprise commune Salto, autorisée par l’Autorité le 12 août 2019, dont les groupes TF1, M6 et France Télévisions sont les sociétés mères, et qui constituerait un futur concurrent de Molotov. Selon la saisissante, les faits dénoncés constitueraient une tentative abusive d’éviction de Molotov et attesteraient également de l’existence d’une collusion anticoncurrentielle entre les groupes TF1 et M6. Molotov serait en outre dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de TF1 et de M6, situation dont celles-ci auraient abusé par leur comportement.

L’Autorité a analysé les comportements dénoncés et estimé que la société Molotov n’apportait pas d’éléments suffisamment probants à l’appui de ses allégations. S’agissant en premier lieu de l’allégation d’abus de position dominante collective, ni la saisine ni le dossier ne comportent d’éléments susceptibles de démontrer l’existence d’une telle position détenue collectivement par les groupes France Télévisions, TF1 et M6. S’agissant en deuxième lieu de l’allégation d’abus de dépendance économique, d’une part Molotov ne conduit pas l’analyse, comme le requiert la jurisprudence, de la situation de dépendance économique dans laquelle elle se trouverait vis-à-vis de chacun des deux groupes TF1 et M6 et d’autre part elle n’apporte pas d’éléments permettant d’estimer la part que représentent les chaînes et services des groupes TF1 et M6 respectivement dans son chiffre d’affaires total. S’agissant en troisième lieu des allégations d’entente horizontale, ni la saisine ni les éléments au dossier ne permettent de démontrer l’existence d’un accord de volonté, explicite ou tacite, entre les groupes TF1 et M6 ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, en excluant Molotov du marché. S’agissant en quatrième et dernier lieu de la restriction verticale alléguée, en l’absence de démonstration de l’existence d’un accord de volonté entre M6 et Molotov, toute analyse sous l’angle des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 paragraphe 1 du TFUE est, par définition même, exclue.


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