Tentative de conciliation : quelle effet sur l’assignation ?

·

·

Tentative de conciliation : quelle effet sur l’assignation ?
Ce point juridique est utile ?

Le premier juge a prononcé la nullité de l’assignation délivrée le 12 septembre 2019 sur le fondement de l’article 56 du code de procédure civile au motif qu’elle ne contenait aucune précision sur la nature des diligences entreprises par la société Earsonics en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

L’appelante soutient que l’absence de mention dans l’assignation des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est pas sanctionnée par la nullité et rappelle sur ce point la jurisprudence de la cour de cassation ainsi que celle de la cour d’appel de Nîmes. Elle fait par ailleurs observer que la mise en demeure préalable délivrée à la partie adverse le 12 septembre 2019 constituait une diligence en vue de parvenir à une solution amiable.

[M] [T] relève que la société Earsonics ne lui ayant adressé avant de l’assigner aucun courrier préalable tendant à régler le litige à l’amiable, l’assignation est nulle.

L’obligation de préciser dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est assortie par l’article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, d’aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public. S’il n’est pas justifié de son respect, le juge ne peut, selon l’article 127 du code de procédure civile, que proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a annulé l’assignation délivrée le 12 septembre 2019 par la Sas Earsonics.


 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02861 – N°Portalis DBVH-V-B7F-IEA7

MPF-AB

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

08 juin 2021

RG:19/04712

S.A.S. EARSONICS

C/

[T]

Grosse délivrée

le 25/05/2023

à Me Emmanuelle VAJOU

à Me Hubert MARTY

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 25 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nîmes en date du 08 Juin 2021, N°19/04712

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 27 Avril 2023 et prorogé au 25 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. EARSONICS

poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité en son siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Lisa LE STANC de la SCP LE STANC, CARBONNIER, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

Madame [M] [T]

née le 27 Décembre 1971 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hubert MARTY de la SELARL SELARL PLMC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 25 Mai 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Par acte sous seing privé du 22 janvier 2013, la SAS Earsonics et sa salariée Mme [T] ont signé un protocole d’accord transactionnel afin de mettre fin au litige les opposant dans le cadre de la procédure de licenciement : les parties se sont notamment entendues sur les indemnités de licenciement revenant à Mme [T] et sur la cession de l’intégralité des actions de cette dernière au profit des associés restants.

Par acte du 12 septembre 2019 la SAS Earsonics a assigné Mme [T] devant le tribunal de grande instance de Nîmes afin de voir, à titre principal, prononcer la nullité relative du protocole transactionnel pour dol, condamner Mme [T] à rembourser les indemnités transactionnelles perçues de 45 000 euros et la voir condamner au paiement d’une somme de 600 000 euros en réparation du préjudice subi.

Parallèlement et par acte du même jour, la société Earsonics a assigné la société Earcare devant le tribunal de commerce de Nîmes pour actes de concurrence déloyale.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

– prononcé la nullité en application de l’article 56 du code de procédure civile de l’assignation délivrée le 12 septembre 2019 à Mme [M] [T] à la demande de la SAS Earsonics ;

– débouté Mme [M] [T] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

– condamné la SAS Earsonics au paiement des entiers dépens

– condamné la SAS Earsonics à payer à Mme [M] [T] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a prononcé la nullité de l’acte introductif d’instance au motif que l’acte ne contenait aucune précision sur les diligences entreprises par la société Earsonics en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Par déclaration du 23 juillet 2021, la société Earsonics a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 16 mars 2022, la société Earsonics a saisi le conseiller de la mise en état afin de voir prononcer la jonction des instances engagées par la société Earsonics à l’encontre de Mme [T] et de la société Earcare développement, désigner la 4ème chambre civile de la cour d’appel de Nîmes pour statuer sur le tout, et à titre subsidiaire, distribuer la présente affaire à la 4ème chambre de la cour d’appel, enfin, à titre infiniment subsidiaire, prononcer la jonction de l’examen au fonds de l’affaire relative à la concurrence déloyale reprochée à la société Earcare et Mme [T] et désigner la 1ère chambre de la cour d’appel pour statuer sur le tout.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 14 mars 2023 et la clôture de la procédure à effet au 28 février 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2023, la société Earsonics demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [T] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive, et, statuant à nouveau, de :

– juger que l’assignation n’est pas nulle,

– rejeter toutes les demandes de la défenderesse,

A titre principal,

– juger que l’action en nullité du protocole transactionnel conclu le 22 janvier 2013 n’est pas prescrite ni forclose,

– prononcer la nullité relative du protocole transactionnel conclu le 22 janvier 2013 pour vice du consentement de la société Earsonics en ce qu’il concerne les dispositions relatives au licenciement et indemnités y afférentes de Mme [T], la défenderesse lui ayant sciemment dissimulé des informations déterminantes de son consentement,

– condamner Mme [M] [T] au remboursement des indemnités transactionnelles perçues, soit un total de 45 000 euros,

A titre subsidiaire,

– juger que Mme [M] [T] a violé les dispositions du protocole transactionnel signé avec la société Earsonics le 22 janvier 2013,

– condamner Mme [M] [T] au remboursement des indemnités transactionnelles perçues soit un total de 45 000 euros,

En tout état de cause,

– débouter Mme [M] [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, outre appel incident,

– condamner Mme [M] [T] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante soutient que l’absence d’indication des diligences précédemment accomplies pour tenter de résoudre le litige ne constitue ni une cause de nullité de l’assignation, ni une fin de non recevoir conformément à la circulaire du 20 mars 2015 de présentation du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 modifiant l’article 56 du code de procédure civile. Elle considère que la mise en demeure délivrée à l’intimée par huissier le 12 septembre 2019 constitue une démarche préalable à la saisine de la juridiction et que la partie adverse ne rapporte pas la preuve d’un grief, condition de l’annulation.

La Sas Earsonics soutient aussi que le point de départ du délai de prescription de son action doit être fixé au 18 mars 2019, date de la découverte dans un article de presse des agissements de Mme [T] de sorte que son action, introduite par acte du 12 septembre 2019, n’est pas prescrite.

Sur le fond, elle fait observer que dans ses écritures son ancienne salariée reconnaît qu’elle n’a jamais eu l’intention de cesser son activité, contrairement à son engagement lequel a déterminé son employeur à accepter le protocole transactionnel. L’appelante s’estime dès lors fondée à obtenir réparation de son préjudice par le remboursement des indemnités versées à Mme [T] en application dudit protocole. A titre subsidiaire, elle est fondée à engager la responsabilité contractuelle de Mme [T] pour inexécution des obligations mises à sa charge par le protocole et à obtenir la restitution immédiate des sommes versées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2021, Mme [T], intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a prononcé la nullité, en application de l’article 56 du code de procédure civile, de l’acte d’assignation délivrée le 12 septembre 2019,

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas statué sur l’irrecevabilité de l’action introduite par la société Earsonics,

– juger irrecevable comme forclose l’assignation délivrée le 12 septembre 2019,

– infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas statué sur le fond du droit et débouter la société Earsonics de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive,

– condamner la société Earsonics au paiement d’une somme de 50 000 euros pour procédure abusive et injustifiée,

– condamner la société Earsonics au paiement d’une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimée estime que le premlier juge a prononcé à bon droit la nullité de l’assignation sur le fondement de l’article 56 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle considère irrecevable comme prescrite l’action de la société Earsonics, le délai de prescription quinquennal ayant commencé à courir au jour du protocole d’accord conclu le 22 janvier 2013. Elle s’oppose à l’annulation du protocole, les éléments constitutifs du dol n’étant pas démontrés. Elle rappelle enfin que toute condamnation mise à sa charge reviendrait à la condamner au paiement de dommages-intérêts en violation des dispositions d’ordre public prévues à l’article 1331-2 du code du travail, et réfute avoir commis la moindre faute en reprenant en toute légalité et transparence son activité professionnelle puisque le protocole d’accord était dépourvu de clause de non-concurrence. Elle s’estime enfin victime d’une procédure abusive de son ancien employeur.

MOTIFS :

Sur la nullité de l’assignation :

Le premier juge a prononcé la nullité de l’assignation délivrée le 12 septembre 2019 sur le fondement de l’article 56 du code de procédure civile au motif qu’elle ne contenait aucune précision sur la nature des diligences entreprises par la société Earsonics en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

L’appelante soutient que l’absence de mention dans l’assignation des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est pas sanctionnée par la nullité et rappelle sur ce point la jurisprudence de la cour de cassation ainsi que celle de la cour d’appel de Nîmes. Elle fait par ailleurs observer que la mise en demeure préalable délivrée à la partie adverse le 12 septembre 2019 constituait une diligence en vue de parvenir à une solution amiable.

[M] [T] relève que la société Earsonics ne lui ayant adressé avant de l’assigner aucun courrier préalable tendant à régler le litige à l’amiable, l’assignation est nulle.

L’obligation de préciser dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est assortie par l’article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, d’aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public. S’il n’est pas justifié de son respect, le juge ne peut, selon l’article 127 du code de procédure civile, que proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a annulé l’assignation délivrée le 12 septembre 2019 par la Sas Earsonics.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription:

La société Earsonics a licencié [M] [T], sa salariée, à laquelle elle reprochait entre autres griefs de développer des activités personnelles durant ses horaires de travail et avec les moyens du travail. Le 22 janvier 2013, les parties ont signé un protocole transactionnel aux termes duquel l’employeur s’engageait à verser une indemnité de 45 000 euros à sa salariée laquelle s’engageait en contrepartie renonçait à toute procédure contentieuse et prenait l’engagement de ne pas porter préjudice, à quelque titre que ce soit, à la société.

[M] [T] souléve l’irrecevabilité de l’action engagée contre elle par son ancien employeur, l’assignation ayant été délivrée plus de cinq ans après la signature le 22 janvier 2013 du ptotocole transactionnel dont l’annulation est demandée.

L’appelante considère que le point de départ de son action en nullité pour dol du protocole transactionnel est le 18 mars 2019, jour où elle a découvert dans un article de presse, que son ancienne salariée s’était lancée avec un autre ancien salarié dans la commercialisation, via la société Earcare, de produits similaires ‘ protecteurs, casques intra-auriculaires ‘ à ceux qu’elle commercialise elle-même et qu’elle avait commencé à effectuer des démarches en vue de cette activité avant même de signer le protocole transactionnel.

L’article 2224 du code civil dispose : «  les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité d’un contrat pour dol n’est pas le jour de la signature de l’acte litigieux mais le jour où le cocontractant découvre que son consentement a été vicié.

La société Earsonics dont l’activité est la fabrication et la commercialisation d’équipements auditifs destinés à protéger l’audition des musiciens et à leur assurer un retour de son de haute qualité sur scène reproche à sa cocontractante de lui avoir dissimulé lors de la signature du protocole transactionnel qu’elle avait entrepris des démarches pour créer la société Earcare Développement dans le dessein de commercialiser des produits directement concurrents. Elle précise qu’elle n’aurait pas signé le protocole transactionnel si elle avait connu cette situation.

A la lecture de l’acte litigieux, l’ancien employeur de [M] [T] ne pouvait pas connaître les démarches qui étaient en cours en vue de la création d’une société qui exercerait une activité concurrente de celle exercée par la société Earsonics.

L’appelante produit un article paru le 18 mars 2019 dans le quotidien local «  Midi Libre » intitulé : «  une entreprise qui parle à l’oreille des musiciens » relatant que la société Earcare fabriquait des protections auditives grâce à une technologie innovante et que sa gérante était [M] [T]. Cet article marque le point de départ de ses recherches qui lui ont permis de découvrir que son ancienne salariée avait entrepris des démarches pour créer la société concurrente avant même de signer le protocole transactionnel, en réservant le nom de domaine Earcare en novembre 2012, en accomplissant les formalités nécessaires à l’immatriculation de la société Earcare dès janvier 2013 et en déposant la marque Earcare Développement le 7 janvier 2013.

La découverte des man’uvres dolosives alléguées est donc nécessairement postérieure au 18 mars 2019, date de parution de l’article de presse révélant à la société Earsonics l’existence d’une société concurrente dont son ancienne salariée était la gérante.

[M] [T] ne rapporte pas la preuve que l’appelante a eu connaisance ou aurait eu connaissance de la réticence dolosive qu’elle lui reproche à une date antérieure.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée contre [M] [T] par la société Earsonics sera donc écartée.

Sur le fond :

Sur la réticence dolosive :

L’appelante soutient qu’elle a licencié sa salariée notamment parce que parallèlement à son travail salarié elle exerçait sous le nom commercial « Audiphonics » une activité de commercialisation de protections auditives et utilisait la plateforme de la société Earsonics pour commander aux fournisseurs les produits vendus ensuite par Audiphonics.

Elle explique qu’après avoir reçu sa lettre de licenciement et avant de signer le protocole transactionnel, son ancienne salariée s’était engagée à cesser cette activité litigieuse, avait justifié de la radiation de l’entreprise en nom personnel Audiphonics. Elle estime que [M] [T] l’a trompée en ne lui révélant pas qu’elle avait entrepris des démarches pour créer une société qui vendrait les mêmes produits qu’elle. L’appelante soutient qu’elle n’aurait pas signé le protocole transactionnel si elle avait connu l’existence de ces démarches révélant qu’elle continuait à mener une activité concurrente à la sienne.

L’intimée conteste toute man’uvre dolosive et considère que la cessation de toute activité concurrente n’a pas été la condition déterminante de la signature du protocole transactionnel, lequel ne contient ni clause de non-concurrence ni clause lui interdisant d’exercer l’activité de vente de protections auditives.

Aux termes de l’article 1116 du code civil dans sa version applicable au présent litige, le dol est une cause de nullité du contrat lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Il importe donc de rechercher si la cessation par [M] [T] de toute activité de vente de protections auditives a été la condition déterminante du consentement de la société Earsonics.

Le protocole transactionnel avait pour principal objet de mettre fin à l’amiable au litige opposant les parties devant le conseil de prud’hommes «  concernant la contestation du licenciement et les indemnités y afférentes ». Tant l’employeur que la salariée ont « arrêté…après s’être fait des concessions réciproques les présentes dispositions qu’elles s’engagent à respecter… ». Aux termes de l’article 2 du protocole, la société Earsonics s’est engagée à verser à [M] [T] une indemnité de 45 000 euros au titre des sommes dues à raison de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail ( salaires, accessoires de salaire, indemnités de congés payés) pour réparer l’intégralité des préjudices subis par la salariée et pouvant résulter de l’exécution ou de la rupture de son contrat de travail. Cette clause précise en conclusion : « la présente indemnité…..est destinée à mettre un terme définitif et irrévocable à toute contestation issue de la conclusion, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail ayant lié les parties ».

L’article 5, intitulé «  concessions effectuées par [M] [T] » stipule que cette dernière renonce à toute procédure contentieuse pour tout ce qui a trait à la conclusion, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail, s’engage à se désister sans délai de l’ensemble des procédures en cours, à exercer tout recours et à ne pas porter préjudice à quelque titre que ce soit à la société.

Le protocole transactionnel n’interdit pas à la salariée d’exercer une quelconque activité professionnelle et ne stipule aucune clause de non-concurrence. Quant à l’indemnité versée par l’employeur, elle a pour seul objet de régler les sommes dues à la salariée en exécution du contrat de travail et de réparer le dommage découlant de la rupture de son contrat de travail.

Seul le contrat de travail liant les parties, de sa conclusion à sa rupture, est concerné par le protocole et par le versement d’une indemnité par l’employeur et l’activité professionnelle future de l’ancienne salariée lui est étrangère. La cessation par [M] [T] de l’activité de commercialisation de protections auditives n’est donc pas entrée dans le champ contractuel et elle ne peut a fortiori avoir été la condition déterminante du consentement de l’employeur. Rien ne permet de retenir de la part de [M] [T] des manoeuvres dolosives destinées à dissimuler un élément essentiel dans le dessein de tromper son employeur pour le convaincre de consentir à lui verser une indemnité de 45 000 euros.

Sur la responsabilité contractuelle :

L’appelante soutient que l’intimée a engagé sa responsabilité contractuelle en ne respectant pas son engagement de ne pas porter préjudice à la société Earsonics de quelque façon que ce soit, une telle violation étant sanctionnée par l’article 10 du protocole intitulée « inexécution » par la restitution immédiate de l’indemnité versée. Elle estime que [M] [T] lui a causé un préjudice en qualité de gérante de la société Earcare laquelle aurait accompli divers actes de concurrence déloyale : captation de clientèle, plagiat de son offre et embauche de son responsable de production.

L’intimée rappelle qu’une action en concurrence déloyale a été engagée contre la société Earcare par assignation du même jour et qu’il appartiendra à la juridiction commerciale saisie de statuer.

La société Earsonics expose que les manquements aux dispositions du protocole transactionnel sont constitués par les agissements parasitaires et déloyaux réalisés par [M] [T] via la société Earcare dont elle est la gérante.

Cependant, pour prouver les actes de concurrence déloyale auxquels [M] [T] aurait participé en sa qualité de gérante de la société Earcare, l’appelante se borne à produire l’assignation qu’elle a délivrée contre la société Earcare et à préciser que cette instance est pendante devant la quatrième chambre de la cour d’appel de Nîmes.

Afin de déterminer si la société Earcare dont [M] [T] est la gérante a commis des actes de concurrence déloyale ayant causé un préjudice à la société Earsonics, il convient de surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt rendu par la quatrième chambre de la cour d’appel de Nîmes.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive :

L’intimée ne justifie pas que l’exercice par la société Earsonics de son droit d’agir en justice a dégénéré en abus de droit. Elle sera donc déboutée de sa demande.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de [M] [T] tendant à l’annulation de l’assignation délivrée le 12 septembre 2019,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action engagée contre [M] [T] par la société Earsonics,

Déboute la société Earsonics de sa demande d’annulation du protocole transactionnel pour dol,

Sursoie à statuer sur sa demande de restitution de l’indemnité de 45 000 euros fondée sur l’inexécution du contrat dans l’attente de l’arrêt de la quatrième chambre de la cour dans l’instance en concurrence déloyale opposant la société Earsonics à la société Earcars,

Renvoie à l’audience de mise en état électronique du 20 juin 2023 à 14h00

Déboute [M] [T] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Réserve les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x