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L’accès, par une secrétaire, aux photographies stockées sur les agendas synchronisés des salariés de l’entreprise, constitue une atteinte à la vie privée et expose cette dernière à un licenciement pour faute grave.
Au cas présent, Mme [B] admet qu’elle a, depuis son poste informatique professionnel, au moyen de l’agenda partagé synchronisé avec le compte personnel de M. et Mme [M], consulté les photographies, géolocalisées, de ces derniers (salariés) ce qu’a confirmé l’audit de son poste informatique et qu’elle les a montrées à des collègues de travail ce que confirment MM. [H], qui a dénoncé les faits à ses employeurs.
La Salariée ne peut sérieusement soutenir que c’est par inadvertance qu’elle a eu accès à ces photographies dès lors que l’employeur justifie par la production de l’attestation de M. [I] que « la totalité de ces informations n’apparaît pas sur une seule page internet, une action humaine doit être opérée et le mot de passe doit être utilisé ».
La Salariée ne peut pas davantage prétendre que ces photos présentaient un caractère professionnel au motif qu’elles étaient accessibles depuis un ordinateur de l’entreprise (le sien exclusivement du reste, l’employeur n’étant pas contredit lorsqu’il affirme qu’elle était la seule à utiliser cet agenda partagé) alors que les sujets et les situations photographiées ne laissaient aucun doute sur leur caractère éminemment privé, ce que, du reste, Mme [B] ne discute pas, qu’il ne s’agissait pas de photographies prises au temps et au lieu du travail et que lesdits clichés relevaient de la protection de la vie privée.
Elle ne peut pas non plus avancer que cet état de fait est exclusivement imputable à M. et Mme [M] (« Je suis persuadée que si vous faisiez la part des choses entre votre vie privée et votre vie professionnelle, cette situation ne se serait pas produite », qui n’ont pas été suffisamment vigilants, ou qu’il s’agissait du simple exercice de sa liberté d’expression, dès lors que celle-ci n’est pas sans limite et se trouve bornée par l’abus qui peut en être fait (article L1121-1 du code du travail).
Par ailleurs, la salariée était liée par un engagement de confidentialité aux termes duquel elle était tenue de « ne pas utiliser les données auxquelles elle peut accéder à des fins autres que celles prévues par ses attributions, de ne divulguer ces données qu’aux personnes dûment autorisées en raison de leurs fonctions, à en recevoir communication, qu’il s ‘agisse de personnes privées, publiques, physiques ou morales ; elle y reconnaissait en outre avoir été informée que toute violation du présent engagement l’exposait a des sanctions disciplinaires et pénales conformément à la réglementation en vigueur. »
En s’abstenant d’informer M. et Mme [M] du risque (qui s’était matérialisé) d’accès à leurs données personnelles via l’agenda partagé synchronisé avec leur compte google, Mme [B] a d’abord manqué à son obligation de loyauté (définie comme la fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l’honneur et de la probité), découlant de l’article L1222-1 du code du travail (« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi »).
De seconde part, en montrant ces photographies à plusieurs collègues de travail, elle leur a donné une publicité et a porté une atteinte grave à l’intimité de la vie privée de ses employeurs (sans que le grief du dénigrement évoqué dans les conclusions de l’intimée n’ait été mentionné dans la lettre de licenciement, de sorte que ce reproche précis ne peut être retenu).
Ce comportement rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée du préavis prévu à l’article L1234-1 du code du travail et licenciement pour faute grave s’en trouve justifié.
Il résulte de l’article L1232-1 du code du travail que, pour que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c’est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l’existence ou la matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c’est-à-dire que les faits invoqués par l’employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
La faute grave, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis prévu à l’article L1234-1 du code du travail. La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.
La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d’un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à avertissement préalable.
La faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l’employeur (la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l’employeur, en revanche, d’établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. La sanction disciplinaire prononcée par l’employeur, y compris une mesure de licenciement, ne doit pas être disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise par le salarié.
Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l’employeur à l’encontre du salarié n’est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.
Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité de licenciement, du préavis ou de l’indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).
Dans tous les cas, l’indemnité compensatrice de congés payés reste due.
Licenciement, faute grave, vie privée, données personnelles, obligation de loyauté, agenda partagé, photos, géolocalisation, confidentialité, liberté d’expression, heures supplémentaires, rappel de salaire, indemnités, dépens, article 700 du code de procédure civile.
Le licenciement est une décision prise par l’employeur de mettre fin au contrat de travail d’un salarié. Il peut être motivé par différents motifs, tels que des fautes graves, des difficultés économiques de l’entreprise ou une inaptitude du salarié à son poste.
La faute grave est une faute commise par le salarié qui rend impossible son maintien dans l’entreprise. Elle peut être caractérisée par un comportement inapproprié, une négligence grave ou un manquement aux obligations contractuelles.
La vie privée fait référence à la sphère personnelle et intime d’un individu, protégée par la loi. Les employeurs doivent respecter la vie privée de leurs salariés et ne pas interférer de manière injustifiée dans celle-ci.
Les données personnelles sont des informations qui permettent d’identifier une personne, telles que son nom, son adresse, son numéro de sécurité sociale. Les employeurs doivent traiter ces données avec précaution et respecter la réglementation en vigueur, notamment le RGPD.
L’obligation de loyauté impose aux salariés de ne pas nuire aux intérêts de leur employeur et de respecter les règles de l’entreprise. Tout manquement à cette obligation peut entraîner des sanctions, voire un licenciement.
Un agenda partagé est un outil de gestion du temps utilisé par les entreprises pour organiser les rendez-vous, les réunions et les tâches des salariés. Il peut être consulté par plusieurs personnes autorisées.
Les photos des salariés peuvent être utilisées par l’employeur à des fins professionnelles, telles que l’identification sur un badge ou un annuaire interne. Cependant, leur utilisation abusive peut constituer une atteinte à la vie privée.
La géolocalisation des salariés peut être utilisée par l’employeur pour suivre leurs déplacements professionnels ou pour optimiser l’organisation du travail. Cependant, son utilisation doit être encadrée et respecter la vie privée des salariés.
La confidentialité concerne la protection des informations sensibles de l’entreprise, telles que les données clients, les stratégies commerciales ou les secrets de fabrication. Les salariés ont l’obligation de respecter la confidentialité et de ne pas divulguer ces informations.
La liberté d’expression des salariés est protégée par la loi, mais elle peut être limitée dans le cadre professionnel pour préserver les intérêts de l’entreprise. Les salariés doivent faire preuve de discernement dans l’exercice de leur liberté d’expression.
Les heures supplémentaires sont des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale du travail. Les salariés doivent être rémunérés pour ces heures supplémentaires, selon les modalités prévues par la loi et la convention collective.
Le rappel de salaire est une régularisation financière effectuée par l’employeur pour compenser un paiement incomplet ou erroné du salaire. Les salariés peuvent réclamer un rappel de salaire en cas d’erreur de l’employeur.
Les indemnités sont des sommes versées par l’employeur au salarié en cas de licenciement, de rupture conventionnelle ou de tout autre motif prévu par la loi. Elles visent à compenser la perte de revenus ou le préjudice subi par le salarié.
Les dépens sont les frais engagés lors d’une procédure judiciaire, tels que les honoraires d’avocat, les frais de justice ou les frais d’expertise. Les dépens peuvent être mis à la charge de la partie perdante.
L’article 700 du code de procédure civile prévoit le versement d’une somme d’argent par la partie perdante à la partie gagnante pour compenser les frais de justice engagés. Cette somme vise à réparer le préjudice subi par la partie gagnante.
Bravo aux Avocats ayant plaidé cette affaire:
– Me Gaëlle PENEAU-MELLET de la SELARL PENEAU & DOUARD AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de RENNES
– Me Karine RIVOALLAN de la SELARL RIVOALLAN, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
– Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°5/2024
N° RG 20/05770 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RDKY
Mme [R] [B]
C/
S.A.R.L. ARMOR CLOISONS ISOLATION SARL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 11 JANVIER 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Novembre 2023, devant Monsieur Bruno GUINET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [Z], médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [R] [B]
née le 30 Décembre 1974 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparante en personne, assistée de Me Gaëlle PENEAU-MELLET de la SELARL PENEAU & DOUARD AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
ARMOR CLOISONS ISOLATION SARL Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Karine RIVOALLAN de la SELARL RIVOALLAN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE
La SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION immatriculée depuis le 21 juin 2005 est une entreprise de plâtrerie, pose de cloisons sèches, isolation.
Elle comprend un établissement principal situé à [Localité 4] et compte 22 salariés. Elle est dirigée par Monsieur et Madame [M], co-gérants.
Madame [R] [B], qui entretenait des relations amicales avec ces derniers, a été embauchée par la société ARMOR CLOISONS ISOLATION en qualité de secrétaire comptable statut ETAM de la convention collective du Bâtiment, à compter du 26 avril 2010 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée d’accroissement d’activité puis par avenant en contrat à durée indéterminée.
La rémunération mensuelle de Madame [B] s’élevait à 2923.77 € bruts en dernier lieu.
Le 17 avril 2019, Monsieur [H], chargé d’affaires au sein de la SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION, a révélé à Monsieur et Madame [M], co-gérants, que Madame [B] avait consulté leurs photos personnelles synchronisées sur le compte Google de l’entreprise et qu’elle en avait parlé et les avait montrées à Monsieur [Y], métreur, ce que ce dernier a confirmé le 29 avril.
Le 10 mai 2019, Madame [B] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, convocation assortie d’une mise à pied conservatoire. Lors de cet entretien, Monsieur [P], délégué du personnel était présent.
Par lettre recommandée datée du 27 mai 2019, l’employeur a notifié à Madame [B] son licenciement pour faute grave « caractérisée par d’importants manquements à son obligation de discrétion et de loyauté, un détournement de documents à caractère privé et confidentiel constituant une atteinte à la vie privée de l’employeur. »
Contestant son licenciement, Mme [B] a saisi le 9 septembre 2019, le Conseil de prud’hommes de ST BRIEUC aux fins de voir :
– « CONDAMNER la société employeur à régler à Madame [B] la somme de 26.307 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois application du plafond Macron).
– CONDAMNER la société employeur à régler à Madame [B] la somme de 6.576,70 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement.
– CONDAMNER la société employeur à régler à Madame [B] la somme de 5.846 euros à titre de rappel d’indemnité de préavis outre 584 euros de congés payés y afférents.
– CONDAMNER la société employeur à régler à Madame [B] la somme de 2.923 euros à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire outre 223 euros de congés payés y afférents.
– CONDAMNER la société employeur à régler à Madame [B] la somme de 728,66 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires (30,25 heures) outre 73 euros de congés payés y afférents.
– CONDAMNER la société employeur à régler à Madame [B] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Suivant jugement du 4 novembre 2020, le Conseil de Prud’hommes de SAINT-BRIEUC a :
– Dit que le licenciement de Madame [R] [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse constituant une faute grave
– Dit que la demande de rappel d’heures supplémentaires est insuffisamment justifiée
-Déboute Madame [R] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions
– Condamne Madame [R] [B] à payer à la SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION la somme de 1000 euros (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
– Condamne Madame [R] [B] aux dépens y compris les frais d’exécution du présent jugement »
Dans le dernier état de ses conclusions, communiquées par RPVA le 12 juillet 2021 Mme [B] demande à la cour de :
– INFIRMANT en tous points la décision entreprise et STATUANT de nouveau SUR LES CHEFS INFIRMES
– DIRE que le licenciement dont a fait l’objet madame [B] par courrier en date du 27 mai 2019 pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
CONDAMNER LA SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION à régler à Madame [B] la somme de 26.307 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois application du plafond Macron).
CONDAMNER LA SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION à régler à Madame [B] la somme de 6.576,70 € à titre de rappel d’indemnité de licenciement.
CONDAMNER LA SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION à régler à Madame [B] la somme de 5.846 € à titre de rappel d’indemnité de préavis outre 584 euros de congés payés y afférents.
CONDAMNER LA SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION à régler à Madame [B] la somme de 2.923 € à titre de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire outre 223 € de congés payés y afférents.
CONDAMNER LA SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION à régler à Madame [B] la somme de 728,66 € à titre de rappel d’heures supplémentaires (30,25 heures) outre 73 € de congés payés y afférents.
CONDAMNER LA SARL ARMOR CLOISONS ISOLATION à régler à Madame [B] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la même aux entiers dépens
Dans ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 3 janvier 2022, la société ARMOR CLOISONS ISOLATION demande à la cour de :
– DEBOUTER Madame [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– CONDAMNER Madame [B] à verser à la Société ARMOR CLOISONS ISOLATION la somme de 3.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
– LA CONDAMNER aux éventuels dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 26 septembre 2023 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 7 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Deux déclarations d’appel ont été enregistrées sous deux numéros différents et il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de joindre l’affaire n°20/5777 à l’affaire n°20/5770.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
« Vous avez été recrutée par notre société le 26 avril 2010, en qualité de secrétaire comptable, statut ETAM, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
A ce titre, vous êtes, notamment, chargée du suivi administratif et de la tenue comptable quotidienne de la société : saisie factures clients, fournisseurs, bancaire, règlements fournisseurs, suivi règlements clients etc’
En octobre 2014, vous nous avez proposé de mettre en place un agenda partagé informatique au sein de l’entreprise. Nous avons acquiescé à votre demande et vous l’avez seule mise en place disposant des capacités techniques pour le faire et le gérer. Pour notre part, nous n’avons pas de telles compétences et c’est d’ailleurs pour cela que l’entreprise a régulièrement recours aux services d’une entreprise informatique.
Votre poste et vos fonctions dans l’entreprise impliquent une confiance sans faille, confiance que nous vous avons accordée, sans difficulté au regard de vos qualités professionnelles et au fil de nos années de collaboration. Nous avons même tissé une relation cordiale, qui nous a amené, à titre personnel, à soutenir vos actions personnelles telles que achat de tupperweare, produits nutrimetics, de chocolats pour votre fille’
Au regard de ces liens que nous avons tissés, les évènements de ces dernières semaines ont été d’autant plus violents.
Nous vous avons convoquée à un entretien préalable fixé au 10 mai 2019, entretien préalable à la mesure de licenciement envisagée à votre encontre et assorti d’une mise à pied conservatoire.
Vous vous êtes présentée à cet entretien accompagnée d’un membre du personnel, délégué.
Nous avons donc pu vous exposer les faits, ci-après, qui justifient votre licenciement pour faute grave : Le mercredi 17 avril 2019 au matin, [J] [H], un de vos collègues, nous demande à nous parler pour échanger sur son avenir.
En fin d’entretien, il nous dit qu’il a quelque chose de grave à nous dire. Il est très mal à l’aise. Il nous dit « [R] consulte nos photos personnelles (qui sont synchronisées via Google Agenda avec nos téléphones portables). Elle a les photos simultanément dès que nous en prenons une. De plus, elle en a parlé et les a montrées à [G], notre métreur. ».
Nous décidons alors de contacter LTIO INFORMATIQUE et leur demandons de passer au bureau. Ce faisant, nous ne faisons volontairement pas appel à l’informaticien qui suit habituellement l’entreprise car nous savons qu’il a des liens de proximité avec vous.
LTIO INFORMATIQUE se déplace le soir même et constate qu’effectivement, vous avez accès depuis votre poste à nos photos personnelles, qui se trouvent sur nos téléphones portables. Plus précisément, LTIO INFORMATIQUE trouve 2900 photos.
Le 18 avril 2019, une nouvelle intervention de LTIO INFORMATIQUE a lieu et ils parviennent à supprimer l’accès aux photos.
Un autre informaticien passe au bureau le 24 avril 2019 pendant l’heure de midi : il constate que sur votre poste de travail, nous sommes géolocalisés. Là aussi, il fait ce qu’il faut pour supprimer cet accès.
Vous avez-vous-même compris que quelqu’un était intervenu sur votre ordinateur puisque vous en avez fait part à votre collègue, [G] [Y]. Ce dernier nous a d’ailleurs précisé « être au courant pour les photos, que c’est [R] qui les lui a montrées. Elle lui a même montré comment faire informatiquement pour y avoir accès ».Monsieur [Y] nous explique ne pas avoir regardé les photos, que ce n’est pas un pervers, qu’il ne veut surtout pas nous nuire, qu’il est bien chez nous’ il n’a pas voulu nous en parler car c’était trop délicat, qu’il regrette, qu’il a conscience que c’est grave mais qu’il avait peur de la réaction de sa collègue.
Lors de notre entretien du 10 mai, nous vous avons exposé ces faits et vous avons demandé si vous les reconnaissiez : vous nous avez d’abord indiqué être tombée par hasard sur les photos mais vous ne savez pas depuis combien de temps. Vous nous indiquez alors ne pas nous avoir géolocalisés et n’avoir regardé qu’une seule fois.
Cela étant, vous saviez dire à vos collègues quand j’étais chez le coiffeur ou à faire mes ongles et quand [F] était au tennis par exemple’ de la même manière, vous ne vous êtes jamais gênée de dire à votre collègue, Monsieur [Y], « et venez voir il y a du nouveau », preuve que vous êtes allée regarder nos photos à plusieurs reprises. A cela, vous n’avez pas su quoi répondre.
Finalement, à l’issue de notre entretien, vous avez fini par reconnaitre les faits et avoir regardé les photos plusieurs fois.
Nous avons été profondément choqués et affectés par votre comportement insidieux et contraire à vos obligations contractuelles. Nous vous rappelons à ce titre que votre contrat de travail stipule une obligation de discrétion sur tout ce qui a trait à l’entreprise et que le 28 janvier dernier, dans le cadre de la RGPD, vous avez régularisé un engagement de confidentialité relativement aux données à caractère personnel dont vous pourriez avoir connaissance.
Dès lors que vous avez mis en place cet agenda partagé, vous avez eu accès à toutes nos données personnelles. A aucun moment, nous n’avons pu imaginer qu’une telle chose était possible, n’ayant ni l’un, ni l’autre les compétences techniques nécessaires. Mais à aucun moment non plus, vous ne nous avez alerté sur cet état de fait.
La loyauté réciproque qui doit entourer l’exécution du contrat de travail aurait dû vous conduire à nous prévenir de cet accès de manière à ce que nous mettions en place les solutions techniques pour couper cet accès. Le fait de garder le silence et de consulter fréquemment ces données personnelles démontrent une absence totale de loyauté à notre égard.
Non seulement vous avez maintenu cet accès à nos données personnelles mais qui plus est, vous avez pris l’initiative de les diffuser en les montrant à vos collègues et en leur précisant, fréquemment, et « venez voir, il y a du nouveau ». Il s’agit d’une atteinte manifeste à notre vie privée, d’autant plus que nous avons découvert également que nous étions géolocalisés sur votre ordinateur de telle sorte que vous saviez à tout moment, y compris en dehors des moments professionnels, où nous étions.
A cela, viennent s’ajouter les perturbations créées dans l’entreprise par cette situation, dont notamment la déstabilisation de Monsieur [Y] et un sentiment de suspicion générale.
L’ensemble des faits relatés ci-avant rendent impossible votre maintien dans l’entreprise : nous sommes donc au regret de prononcer par la présente votre licenciement pour la faute grave [‘] »
Mme [B] fait valoir en substance que :
– le conseil de prud’hommes n’a pas analysé la qualification juridique des photos de l’employeur sur l’ordinateur de la salariée ; or elle n’a a accompli aucune man’uvre ou manipulation particulière pour accéder aux photos de ses employeurs : en effet, le compte google de l’entreprise était installé sur tous les postes informatiques avec un identifiant et un mot de passe identiques pour tout le monde, donné par M. [M] ; par ailleurs, pour que les photos et la géolocalisation soient sur le compte google, une synchronisation manuelle du téléphone est nécessaire que seuls M. et Mme [M] pouvaient faire et sur laquelle elle n’avait pas la main ; ainsi pour avoir accès à l’agenda partagé professionnel, l’employeur a connecté (synchronisé’) son téléphone portable personnel ; c’est donc involontairement, du fait de la maladresse et de l’imprudence de son employeur, qu’elle a eu accès, sur un réseau collectif professionnel, aux données personnelles de ce dernier et non de manière illicite ;
– il existe une présomption du caractère professionnel des fichiers stockés sur l’ordinateur professionnel ; par conséquent, les photos de M. et Mme [M], sont devenues, en arrivant sur l’outil professionnel, des éléments à vocation professionnelle (les données du téléphone portable y compris les données personnelles qui s’y trouvaient ont été synchronisées sur les ordinateurs de la structure sans être identifiées comme étant personnelles) de sorte qu’elle n’a commis aucune atteinte à leur vie privée au sens de l’article 9 du code civil ;
– elle n’a violé aucune obligation de confidentialité et n’a jamais divulgué ni transmis ces photos, physiquement ou de manière dématérialisée, en dehors de l’entreprise ; on ne peut lui reprocher d’en avoir parlé à ses collègues dès lors qu’elle ne se les ait pas appropriées, ni y a pas eu accès de façon illicite et alors que tous les salariés pouvaient y avoir accès depuis le compte google de l’entreprise ; en parlant de ces photos alors que l’employeur n’avait pas sécurisé ses données, elle a seulement exercé sa liberté d’expression ; c’est l’informaticien qui intervient dans l’entreprise qui avait vocation à signaler le problème et non elle ;
– la lettre de licenciement ne reprend pas le grief de dénigrement évoqué lors de l’entretien préalable.
La SARL Armor Cloisons Isolation réplique que :
via l’agenda partagé, Mme [B] a eu accès à toutes les données personnelles de son employeur en temps réel, tout en se gardant de signaler cet état de fait, ce qui constitue un manquement à l’obligation de loyauté ; pire, elle a invité ses collègues de travail à regarder les photographies intimes de ses employeurs, également géolocalisés en permanence, ce qui constitue une atteinte à la vie privée des dirigeants ; ces faits sont attestés par MM. [Y] et [H] ; en outre, Mme [B] a utilisé les données consultées pour les dénigrer auprès des autres salariés de l’entreprise ;
Mme [B] ne peut pas soutenir qu’elle a eu accès involontairement à ces photographies : c’est-elle qui a installé l’agenda partagé sur son poste de travail, qu’elle était du reste la seule à utiliser avec ses employeurs ; elle ne devait dès lors utiliser que la fonctionnalité de l’agenda, qui ne donne pas en lui-même accès à google photo ; elle a donc accédé aux photographies de ses patrons en cliquant sur google photos, et les a régulièrement géolocalisés, le tout sans leur accord et alors qu’elle avait signé un engagement de confidentialité le 28 janvier 2019 ; les 2.900 photographies privées qu’elle a consultées sur le compte google ne sont pas devenues des éléments à caractère professionnel au motif qu’elle y a accédé depuis son poste de travail .
Il résulte de l’article L1232-1 du code du travail que, pour que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur soit justifiée ou fondée, en tout cas non abusive, la cause du licenciement doit être réelle (faits objectifs, c’est-à-dire précis et matériellement vérifiables, dont l’existence ou la matérialité est établie et qui constituent la véritable raison du licenciement), mais également sérieuse, c’est-à-dire que les faits invoqués par l’employeur, ou griefs articulés par celui-ci, doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
La faute grave, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis prévu à l’article L1234-1 du code du travail. La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire. La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté. La commission d’un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à avertissement préalable. La faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire, mais le prononcé d’une telle mesure n’est pas obligatoire.
Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse pas plus particulièrement sur l’employeur (la preuve du caractère réel et sérieux du motif de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties), il incombe à l’employeur, en revanche, d’établir la faute grave ou lourde. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Dans tous les cas, en matière de bien-fondé du licenciement disciplinaire, le doute doit profiter au salarié.
En cas de licenciement disciplinaire, le juge doit vérifier que le motif allégué constitue une faute. La sanction disciplinaire prononcée par l’employeur, y compris une mesure de licenciement, ne doit pas être disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise par le salarié. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité en matière de sanction disciplinaire et vérifie en conséquence que la sanction prononcée par l’employeur à l’encontre du salarié n’est pas trop sévère compte tenu des faits reprochés.
Selon sa gravité, la faute commise par le salarié emporte des conséquences plus ou moins importantes. Le licenciement pour faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
Si les faits invoqués, bien qu’établis, ne sont pas fautifs ou constituent une faute légère mais non sérieuse, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, donc abusif. En cas de licenciement fondé sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse, le salarié a droit au règlement de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’indemnité de licenciement, du préavis ou de l’indemnité compensatrice de préavis (outre les congés payés afférents).
Dans tous les cas, l’indemnité compensatrice de congés payés reste due.
Au cas présent, Mme [B] admet qu’elle a, depuis son poste informatique professionnel, au moyen de l’agenda partagé synchronisé avec le compte personnel de M. et Mme [M], consulté les photographies, géolocalisées, de ces derniers ce qu’a confirmé l’audit de son poste informatique (pièce n°4 et 5 de l’intimée), et qu’elle les a montrées à des collègues de travail ce que confirment MM. [H], qui a dénoncé les faits à ses employeurs et [Y] (production n°3 et n°1 de l’intimée).
Elle ne peut sérieusement soutenir que c’est par inadvertance qu’elle a eu accès à ces photographies dès lors que l’employeur justifie par la production de l’attestation de M. [I] que « la totalité de ces informations n’apparaît pas sur une seule page internet, une action humaine doit être opérée et le mot de passe doit être utilisé » et de M. [V] (pièce n°9) qui a supprimé l’accès aux photos.
Elle ne peut pas davantage prétendre que ces photos présentaient un caractère professionnel au motif qu’elles étaient accessibles depuis un ordinateur de l’entreprise (le sien exclusivement du reste, l’employeur n’étant pas contredit lorsqu’il affirme qu’elle était la seule à utiliser cet agenda partagé) alors que les sujets et les situations photographiées ne laissaient aucun doute sur leur caractère éminemment privé, ce que, du reste, Mme [B] ne discute pas, qu’il ne s’agissait pas de photographies prises au temps et au lieu du travail et que lesdits clichés relevaient de la protection de la vie privée.
Elle ne peut pas non plus avancer que cet état de fait est exclusivement imputable à M. et Mme [M] (« Je suis persuadée que si vous faisiez la part des choses entre votre vie privée et votre vie professionnelle, cette situation ne se serait pas produite », sa pièce n°6) qui n’ont pas été suffisamment vigilants, ou qu’il s’agissait du simple exercice de sa liberté d’expression, dès lors que celle-ci n’est pas sans limite et se trouve bornée par l’abus qui peut en être fait (article L1121-1 du code du travail), étant rappelé que Mme [B] était liée par un engagement de confidentialité signé le 28 janvier 2019 aux termes duquel elle était tenue de « ne pas utiliser les données auxquelles elle peut accéder à des ‘ns autres que celles prévues par ses attributions, de ne divulguer ces données qu’aux personnes dûment autorisées en raison de leurs fonctions, à en recevoir communication, qu’il s ‘agisse de personnes privées, publiques, physiques ou morales ; elle y reconnaissait en outre avoir été informée que toute violation du présent engagement l’exposait a des sanctions disciplinaires et pénales conformément à la réglementation en vigueur. »
En s’abstenant d’informer M. et Mme [M] du risque (qui s’était matérialisé) d’accès à leurs données personnelles via l’agenda partagé synchronisé avec leur compte google, Mme [B] a d’abord manqué à son obligation de loyauté (définie comme la fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l’honneur et de la probité), découlant de l’article L1222-1 du code du travail (« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi »).
De seconde part, en montrant ces photographies à plusieurs collègues de travail, elle leur a donné une publicité et a porté une atteinte grave à l’intimité de la vie privée de ses employeurs (sans que le grief du dénigrement évoqué dans les conclusions de l’intimée n’ait été mentionné dans la lettre de licenciement, de sorte que ce reproche précis ne peut être retenu).
Ce comportement rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée du préavis prévu à l’article L1234-1 du code du travail et licenciement pour faute grave s’en trouve justifié.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :
Mme [B] soutient qu’elle est fondée à présenter une demande de rappel de salaire pour 30,25 heures supplémentaires effectuées dès lors qu’elle a établi un décompte et que l’employeur ne justifie pas du temps de travail qu’elle a accompli.
La SARL Armor Cloisons Isolation fait valoir que Mme [B] verse aux débats un tableau « excel » qu’elle a elle-même établi et dans lequel elle s’attribue des heures supplémentaires selon son bon vouloir, qu’elle n’avait jusqu’alors jamais réclamées ; elle bénéficiait d’une durée contractuelle de travail de 35 h / semaine et se devait de la respecter ;
par ailleurs, elle s’absentait régulièrement sans remplir aucune fiche de demande d’autorisation d’absence et se garde bien de mentionner l’ensemble de ses absences sur le tableau qu’elle a établi, sans compter les retards.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (en ce sens, Cass. Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).
Mme [B] produit un une série de 4 tableaux pour les mois de janvier, février, mars et avril 2019 et comptabilisant 23,50 heures impayées au 31 décembre 2018 outre 6,75 heures supplémentaires sur cette période à raison de 0,5 h à 1,25 heures certains jours.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en rapportant la preuve des heures de travail effectivement accomplies par le salarié durant les périodes litigieuses.
Pour sa part, la société Armor Cloisons Isolation produit :
le contrat de travail de Mme [B] et ses avenants prévoyant une durée contractuelle de travail de 35 heures par semaine ;
des copies de SMS (envoyés en 2016 et 2017) dans lesquels Mme [B] indique à son employeur qu’elle s’absente ou arrivera en retard ce dont le tableau qu’elle fournit ne tient pas compte.
Si certains de ces éléments permettent de minorer le quantum de la réclamation de la salariée, pour autant la société Armor Cloisons Isolation ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par l’intéressée.
La cour dispose ainsi des éléments qui lui permettent de considérer que Mme [B] a effectué des heures supplémentaires, représentant un rappel de salaire de 162,59 euros que la société Armor Cloisons Isolation sera condamnée à lui payer, outre 16,25 euros au titre des congés payés y afférents.
Dès lors le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a intégralement rejeté ces chefs de demandes.
Echouant sur l’essentiel de ses prétentions, Mme [B] est condamnée aux dépens d’appel et par voie de conséquence déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la société Armor Cloisons Isolation la charge des frais qu’elle a exposés pour sa défense. Mme [B] est condamnée à lui payer une indemnité de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Prononce la jonction des affaires 20/5777 et 20/5770 ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [B] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;
Y ajoutant,
Condamne la société Armors Cloisons Isolation à payer à Mme [B] la somme de 162,59 euros outre 16,25 euros au titre des congés payés y afférents ;
Déboute Mme [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [R] [B] à payer à la SARL Armor Cloisons Isolation la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [B] aux dépens d’appel.
Le Greffier Le Président