Photographies de portrait en studio : les droits d’auteur exclus 

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Photographies de portrait en studio : les droits d’auteur exclus 
Ce point juridique est utile ?

Dépassement de la durée de cession

Un photographe est intervenu, au sein de son studio, pour réaliser les photographies du Président d’une société. La prestation était assortie d’une cession de droits limitée dans le temps. Ayant constaté que ses prises de vue avaient été étaient utilisées au-delà de la durée  accordée, le photographe a poursuivi (sans obtenir gain de cause) son client en contrefaçon. Le travail du photographe, en studio, n’a pas été jugé suffisamment original.

Savoir-faire technique et originalité

La CJUE a fixé les contours de la protection des portraits photographiques (CJUE, 1/12/2011, affaire C-145/10, Eva-Maria) : une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu’elle reflète la personnalité de celui-ci. Tel est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’oeuvre en effectuant des choix libres et créatifs. S’agissant d’une photographie de portrait, l’auteur pourra effectuer ses choix de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation : i) Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage ; ii) Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée. Enfin, iii) lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels.

En l’occurrence, les choix techniques du photographe n’étaient pas explicités : aucun détail sur les raisons pour lesquelles il aurait choisi un type particulier d’éclairage ; choix du fond uniforme très banal pour ce type de photographies ; le changement de vêtement et de pose n’est pas suffisant en soi. Les choix opérés lors de la phase du tirage n’ont pas été faits pour exprimer la personnalité de l’auteur mais pour gommer les défauts tels que les cernes ou le caractère plus ou moins lisse de la peau, c’est-à-dire pour offrir au sujet, un portrait de qualité mettant en valeur ce que lui-même souhaitait montrer de sa personnalité grâce aux services d’un excellent technicien. Les juges ont donc conclu que c’est la personnalité du dirigeant qui ressortait des clichés et non la façon dont le photographe a vu lui-même le sujet qu’il a photographié

A noter que le fait qu’un contrat de cession de droit d’auteur ait été conclu entre les parties est insuffisant à conférer aux photographies une protection au titre du droit d’auteur car celle-ci est toujours subordonnée à l’explicitation de l’originalité et à sa reconnaissance par le juge.

La faute contractuelle exclut le parasitisme

Le parasitisme est constitué lorsqu’une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Le photographe a fondé sa demande au titre du parasitisme (articles 1240 et 1241 du code civil) alors qu’en réalité sa demande ressortait clairement d’une inexécution contractuelle ; en effet, le client, en dépassant l’exploitation concédée, a dépassé les limites du contrat et a donc commis une inexécution contractuelle dont la réparation ne peut être demandée sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil mais seulement sur le fondement de l’article 1147 du code civil.

Quid de l’enrichissement sans cause ?

En désespoir de cause, le photographe a plaidé l’enrichissement sans cause. Là aussi le moyen a été écarté : l’action de in rem verso (article 1371 du code civil), ne peut être admise que dans les cas où le patrimoine d’une personne se trouvant sans cause légitime enrichi au détriment de celui d’une autre personne, celle-ci ne jouirait, pour obtenir ce qui lui est dû, d’aucune action naissant d’un contrat, d’un quasi-contrat, d’un délai ou d’un quasi-délit. Or, le photographe disposait bien d’une action pour inexécution contractuelle.

Preuve à la charge du photographe

Dans ce type de contentieux la preuve de l’originalité pour les photographes ne disposant pas d’une certaine notoriété, n’est pas facilement admise. En application de l’article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Et, en application de l’article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Dans ce cadre, si la protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.

A cet égard, si une combinaison d’éléments connus ou naturels n’est pas a priori exclue de la protection du droit d’auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l’étendre à un genre insusceptible d’appropriation. Et, les notions de nouveauté et d’originalité sont distinctes, la seconde présupposant certes objectivement la première mais y ajoutant une dimension subjective résidant dans l’incarnation formelle de choix exprimant une personnalité.

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