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Dès lors qu’un investisseur ne dispose pas d’une marge suffisante pour maintenir ses positions sur les cours du Forex une banque est en droit de clôturer les positions qu’il détient sur ces cours.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2015, un investisseur a mis en demeure la société Saxo Banque France de remettre en état son compte à la date du 14 janvier 2015, par l’annulation de l’ensemble des conséquences négatives induites par les évènements du 15 janvier 2015 en rapport avec les positions sur les paires euro/franc suisse et dollar américain/franc suisse.
Le même jour, à 23 heures 23, la société Saxo Banque France lui a indiqué par courriel que, à la suite de la forte baisse à partir du niveau plancher de 1,20 entre le franc suisse et l’euro, elle allait « au regard de la liquidité disponible sur le marché, appliquer les prix d’exécution selon les modalités suivantes :
— pour les transactions qui ont eu lieu entre 10:30:00 et 10:41:30, le prix appliqué sur vos positions EURCHF sera de 0,9625,
— pour les transactions qui ont eu lieu entre 10:41:30 et 11:01:00, le prix appliqué sur vos positions EURCHF sera de 0,8800 ». Concernant les autres paires, la société Saxo Banque France a indiqué que le prix avait été calculé « sur la base des prix EURCHF ci-dessus et du taux de la devise concernée contre l’euro à l’instant donné ».
Critiquant le niveau de débouclage des positions retenu par la société Saxo Banque France à hauteur de 0,88 pour la paire euro/franc suisse et à hauteur de 0,75515 pour la paire dollar américain/franc suisse, et soutenant n’avoir pas été informé de l’abandon par la Banque nationale suisse du taux plancher, l’investisseur lésé a poursuivi sans succès la banque.
Aucun manquement de la banque à son obligation d’information n’a été retenu.
Aux termes de l’article L. 533-11 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à l’espèce, lorsqu’ils fournissent des services d’investissement et des services connexes à des clients, les prestataires de services d’investissement agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients.
L’article L. 533-12 du même code dispose :
‘I. ‘ Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d’investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles.
II. ‘ Les prestataires de services d’investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause.’
La société Saxo Banque France démontre avoir communiqué à l’investisseur, tant lors de l’ouverture du compte de négociation que dans ses documents de formation, les informations lui permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents.
L’appelant n’est donc pas fondé à reprendre les griefs invoqués à titre principal au soutien du dol allégué pour imputer à la société Saxo Banque France une présentation trompeuse des risques induits par le marché des changes sur la paire euro/franc suisse.
L’obligation de mise en garde de la banque a également été jugée satisfaite.
L’article L. 533-13, paragraphe II, du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d’investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent.
Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l’instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s’agit.’
S’agissant des opérations passées, la juridiction a considéré qu’au regard du niveau de formation de l’investisseur, des avertissements répétés qu’il avait déjà reçus, et de l’expérience qu’il avait acquise sur le marché des changes, il était alors averti des risques auxquels il était exposé.
Diplômé de l’école de commerce IMD, ancien professionnel du capital-investissement, l’investisseur s’était également vu délivrer le titre d’analyste financier agréé en septembre 2013. Ayant, depuis le 11 décembre 2012, passé plus de 850 ordres sur le marché des devises, et subi dès l’année 2013 une perte de 6 562,67 euros en spéculant sur les devises au comptant (pièce no 21 de l’intimée), il était à même de mesurer les risques courus du fait des positions sur la paire euro/franc suisse et des ordres conditionnels qu’il avait en cours sur la plateforme de négociation.
L’obligation de la banque a également été respectée.
Pour rappel, l’article L. 541-8-1 code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘Les conseillers en investissements financiers doivent :
1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;
2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs;
3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces ressources et procédures avec un souci d’efficacité ;
4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ;
5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.
Ces règles de bonne conduite sont précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
Les codes de bonne conduite mentionnés à l’article L. 541-4 doivent respecter ces prescriptions qu’ils peuvent préciser et compléter.’
En vertu des conditions générales du contrat, dès lors que la couverture minimale requise par la banque n’est pas respectée, la banque peut résilier tout ou partie des opérations sur marge, liquider ou vendre tous actifs figurant sur le compte du client, ce à son entière discrétion et sans que sa responsabilité ne puisse être engagée vis-à-vis du client à ce titre.
Concernant l’obligation de meilleure exécution des ordres du client, l’article L. 533-18 code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘I. ‘ Les prestataires de services d’investissement prennent toutes les mesures raisonnables pour obtenir, lors de l’exécution des ordres, le meilleur résultat possible pour leurs clients compte tenu du prix, du coût, de la rapidité, de la probabilité d’exécution et du règlement, de la taille, de la nature de l’ordre ou de toutes autres considérations relatives à l’exécution de l’ordre. Néanmoins, chaque fois qu’il existe une instruction spécifique donnée par les clients, les prestataires exécutent l’ordre en suivant cette instruction.
II. ‘ Les prestataires de services d’investissement établissent et mettent en oeuvre des dispositions efficaces pour se conformer au premier alinéa. Ils établissent et mettent en oeuvre une politique d’exécution des ordres leur permettant d’obtenir, pour les ordres de leurs clients, le meilleur résultat possible.
III. ‘ La politique d’exécution des ordres inclut, en ce qui concerne chaque catégorie d’instruments, des informations sur les différents systèmes dans lesquels le prestataire de services d’investissement exécute les ordres de ses clients et les facteurs influençant le choix du système d’exécution. Elle inclut au moins les systèmes qui permettent au prestataire d’obtenir, dans la plupart des cas, le meilleur résultat possible pour l’exécution des ordres des clients.
Les prestataires de services d’investissement fournissent des informations appropriées à leurs clients sur leur politique d’exécution des ordres. Ils obtiennent le consentement préalable de leurs clients sur cette politique d’exécution.
Lorsque la politique d’exécution des ordres prévoit que les ordres des clients peuvent être exécutés en dehors d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation, le prestataire de services d’investissement informe notamment ses clients ou ses clients potentiels de cette possibilité. Les prestataires obtiennent le consentement préalable exprès de leurs clients avant de procéder à l’exécution de leurs ordres en dehors d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation.
Les prestataires de services d’investissement peuvent obtenir ce consentement soit sous la forme d’un accord général soit pour des transactions déterminées.
IV. ‘ A la demande de leurs clients, les prestataires de services d’investissement doivent pouvoir démontrer qu’ils ont exécuté leurs ordres conformément à leur politique d’exécution.’
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 26 OCTOBRE 2022
(n° ,18pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/14871 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCP5A
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Septembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 17/03663
APPELANT
Monsieur [F] [C] [U]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 6] (Algérie),
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Pascal-andré GÉRINIER de la SARL PASCAL-ANDRE GERINIER – PAG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0755
INTIMEE
BINCKBANK NV
société de droit étranger immatriculé au RCS de Paris : 495 193 849, agissant en la personne de son représentant légal en France audit siège,
Venant aux droits de la société SAXO BANQUE (FRANCE), société par actions simplifiée à associé unique,immatriculé au RCS de Paris sous le numéro 483 632 501,société absorbée par l’effet d’un traité de fusion en date du 11 février 2021.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
Ayant pour avocat plaidant : Maître Bénédicte MICHEL,Avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère et M. Vincent BRAUD, Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président, chargé du rapport
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
— CONTRADICTOIRE
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par et M. Vincent BRAUD, Président par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
La société par actions simplifiée Saxo Banque France appartient au groupe Saxo Bank qui a développé une plateforme de négociation d’instruments financiers, laquelle donne accès au Forex.
Par acte sous seing privé du 11 décembre 2012, [F] [C] [U] a ouvert un compte de trading auprès de la société Saxo Banque France afin de réaliser des opérations sur la plateforme en ligne de cette dernière.
Le 15 janvier 2015, à 10 heures 30, la Banque nationale suisse a supprimé le seuil plancher entre le franc suisse et l’euro à 1,20, ce qui a entraîné des fluctuations de la paire euro/franc suisse pendant la journée du 15 janvier 2015, ainsi qu’une augmentation de la valeur du franc suisse par rapport à l’euro.
Considérant qu'[F] [C] [U] ne disposait pas d’une marge suffisante pour maintenir ses positions sur les cours euro/franc suisse et dollar américain/franc suisse, la société Saxo Banque France a clôturé les positions qu’il détenait sur ces cours le 15 janvier 2015 à 10 heures 41 minutes 51 secondes et lui a adressé un courriel l’avisant de cette clôture à 10 heures 42.
Le même jour, à 23 heures 23, la société Saxo Banque France lui a indiqué par courriel que, à la suite de la forte baisse à partir du niveau plancher de 1,20 entre le franc suisse et l’euro, elle allait « au regard de la liquidité disponible sur le marché, appliquer les prix d’exécution selon les modalités suivantes :
— pour les transactions qui ont eu lieu entre 10:30:00 et 10:41:30, le prix appliqué sur vos positions EURCHF sera de 0,9625,
— pour les transactions qui ont eu lieu entre 10:41:30 et 11:01:00, le prix appliqué sur vos positions EURCHF sera de 0,8800 ». Concernant les autres paires, la société Saxo Banque France a indiqué que le prix avait été calculé « sur la base des prix EURCHF ci-dessus et du taux de la devise concernée contre l’euro à l’instant donné ».
Critiquant le niveau de débouclage des positions retenu par la société Saxo Banque France à hauteur de 0,88 pour la paire euro/franc suisse et à hauteur de 0,75515 pour la paire dollar américain/franc suisse, et soutenant n’avoir pas été informé de l’abandon par la Banque nationale suisse du taux plancher, [F] [C] [U] a sollicité un audit sur les niveaux d’exécution retenus par courriel du 16 janvier 2015.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2015, [F] [C] [U] a mis en demeure la société Saxo Banque France de remettre en état son compte à la date du 14 janvier 2015, par l’annulation de l’ensemble des conséquences négatives induites par les évènements du 15 janvier 2015 en rapport avec les positions sur les paires euro/franc suisse et dollar américain/franc suisse.
Par acte d’huissier en date du 1er mars 2017, [F] [C] [U] a assigné la société Saxo Banque France devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement contradictoire en date du 11 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris :
— Débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes
— Condamné Monsieur [U] à payer à la société Saxo Banque France la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
— Condamné Monsieur [U] aux dépens
— Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
****
Par déclaration d’appel en date du 18 octobre 2020, [F] [C] [U] a interjeté appel dudit jugement contre la société Saxo Banque France.
Par l’effet d’un traité de fusion en date du 11 février 2021, la société Saxo Banque France a été absorbée par la société BinckBank NV qui vient donc aux droits de cette dernière.
Aux terme de ses dernières conclusions en date du 19 juillet 2021, [F] [C] [U] demande à la cour de :
« Vu les articles 1147 ancien (1231-1 nouveau) et 1382 ancien (1240 nouveau) du Code civil,
Vu l’article L.213-1 du code de la consommation,
Vu les articles L.533-11 à 13, L.533-18 et L.541-8-1 du code des marchés financiers ;
Vu les pièces versées aux débats,
INFIRMER le jugement du 11 septembre 2020 RG 17/03663 du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :
« Débouté monsieur [F] [C] [U] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamné monsieur [F] [C] [U] à payer à la société par actions simplifiée Saxo banque France la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné monsieur [F] [C] [U] aux dépens ; »
STATUANT A NOUVEAU
À TITRE PRINCIPAL :
— JUGER le contrat conclu entre SAXO BANQUE et M. [U] nul pour cause de dol ;
— ORDONNER la remise en état du compte de M. [U] a la date du 14 janvier par l’annulation de l’ensemble des conséquences négatives induites par les évènements du 15 janvier 2015 en rapport avec les positions de M. [U] sur EUR/CHF et USD/CHF, soit la restitution de la somme de 108.248,89 € ;
— COMDAMNER en tant que de besoin la société SAXO BANQUE d’avoir à payer ladite somme à M. [U]
À TITRE SUBSIDIAIRE :
— JUGER que la société SAXO BANQUE, en sa qualité de prestataire de services d’investissement et de conseil en investissement financiers, a manqué à ses différentes obligations d’information précontractuelle et contractuelle ;
— CONDAMNER la société SAXO BANQUE à payer à M. [U], sur le fondement de sa responsabilité à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, la somme de 108.248,89 € ;
À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
Si la Cour souhaite retenir le taux effectif à 10h41
— CONDAMNER la société SAXO BANQUE à payer à M. [U], sur le fondement de sa responsabilité à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, la somme de : 27.490,86 € pour la paire EUR/CHF ;
5.331,18 € pour la paire USD/CHF ;
Soit un total de 32.822.04 €
Si la Cour souhaite retenir le taux effectif à 10h53
— CONDAMNER la société SAXO BANQUE à payer à M. [U], sur le fondement de sa responsabilité à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, la somme de :
11.597,20 € pour la paire EUR/CHF ;
5.331,18 € pour la paire USD/CHF ;
Soit un total de 16.928.38 €
EN TOUTES HYPOTHESES :
— CONDAMNER en outre la société SAXO BANQUE à payer 5.000 € à M. [U], à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
— JUGER que l’ensemble des condamnations portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure adressée à la société SAXO BANQUE en date du 21 mai 2015 ;
— PRONONCER la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du Code civil ;
— ORDONNER à titre de réparation des préjudices subis la mise en ligne par la société SAXO BANQUE sur le site internet accessible à l’adresse http://fr.saxobank.com, d’un communiqué informant les internautes de l’illicéité des pratiques commerciales ainsi constatées ; Ce communiqué, placé sous le titre ‘DECISION JUDICIAIRE’, sera rédigé en caractères de taille 12, accessible dans les huit jours qui suivront la signification du jugement à intervenir et pendant une durée de 30 jours, soit directement sur le premier écran de la page d’accueil du site (en haut de celle-ci), soit par l’intermédiaire, depuis ce premier écran, d’un lien hypertexte identique au titre et en mêmes caractères et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard pendant quinze jours ;
— CONDAMNER la société SAXO BANQUE à verser la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
— CONDAMNER la société SAXO BANQUE aux entiers dépens de l’instance, dont distraction sera faite au profit de la SARL PAG Avocats, avocats au Barreau de Paris, dans les formes de l’article 699 du Code de procédure civile ;
— CONDAMNER la société BINCKBANK NV solidairement avec la société SAXO BANQUE, à défaut de produire la justification de la fusion absorption intervenue entre ses deux sociétés à l’issue de laquelle elle indique venir aux droits de SAXO BANQUE ;
— DIRE qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, dans l’hypothèse où l’exécution devrait être forcée par l’intermédiaire d’un Huissier, les sommes retenues en application du Décret du 10 mai 2007 n°2007-774, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers), devront être entièrement supportées par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du CPC et des dépens ».
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
S’agissant de la qualité de profane de Monsieur [U]. Tout d’abord, Monsieur [U] est bien titulaire de la certification « Chartered Financial Analyst » mais elle ne saurait par sa seule possession justifier un quelconque savoir dans le domaine spécifique du trading. En outre, Monsieur [U] a étudié à l’IMD qui est une école de commerce destinée principalement à former au management d’entreprise et n’y a pas suivi de formation dédiée au trading de devises étrangères. Par ailleurs, Monsieur [U] n’exerce plus la profession de « private equity professionnal » depuis 2011, date depuis laquelle il est sans profession.
S’agissant de la nullité du contrat conclu avec Saxo Banque France. Saxo Banque France se présente comme un « spécialiste de l’investissement et du trading en ligne et la filiale française de la banque internationale danoise Saxo Bank » tout ceci afin de permettre « aux particuliers, banques et courtiers de négocier des devises, des CFD, des actions, des futures, des options et autres dérivés à travers ses plateformes de trading en ligne ». Elle ne peut donc nier sa qualité de prestataire de services d’investissement selon la définition du code monétaire et financier. Elle est donc tenue de délivrer les informations, conseils et mises en garde adéquates. Le manquement à ces obligations caractérise nécessairement une réticence qui peut constituer un dol si l’erreur commise est déterminante et si le dol était intentionnel.
Concernant l’élément matériel du dol, Saxo Banque France a fourni des informations contradictoires et erronées. En effet, les informations publicitaires fournis sur la page « avantages » du Forex qui sont de nature à influencer le consentement de l’utilisateur et à l’encourager à investir doivent, selon la Cour de cassation, être nécessairement prises en compte pour apprécier un engagement.
Concernant l’élément intentionnel de la tromperie, les analystes de la banque savaient que leur stratégie était dangereuse à moins d’être incompétents et de ne pas connaître le fonctionnement du Forex.
Concernant la prétendue absence de caractère déterminant, Monsieur [U] a contracté sur le Forex en ayant la conviction qu’il pourrait obtenir des gains et que même en cas de pertes, celles-ci seraient fortement limitées grâce aux outils proposés par Saxo Banque France.
Par conséquent, échouant à démontrer la communication d’informations précontractuelles et d’avertissements quant aux risques encourus, Saxo Banque France ne saura qu’être jugée comme ayant failli à ses obligations intentionnellement. Cette faute déterminante du consentement de Monsieur [U] emporte la nullité du contrat.
S’agissant des fautes et manquements commis par la société Saxo Banque France. La banque n’a pas respecté son obligation générale d’information précontractuelle et le devoir de mise en garde en sa qualité de prestataire de services d’investissement. Elle n’a pas non plus respecté son obligation de conseil et de prudence en sa qualité de prestataire de conseil en investissements financiers. En outre, elle a présenté de façon manifestement trompeuse les risques induits par le Forex sur la paire EUR/CHF. Par ailleurs, elle a violé l’obligation de meilleure exécution car pour calculer les pertes de ses clients, elle a fixé des taux de manière unilatérale et rétroactive, fortement défavorables à Monsieur [U].
Saxo Banque France soutient la cause étrangère pour tenter de s’exonérer de sa responsabilité mais aucune faute de Monsieur [U] n’est démontrée et aucune force majeure ne saurait être envisagée.
Concernant le préjudice matériel subi, la réparation doit être calculée, à titre principal, sur la base de la perte de valeur du compte, soit la somme de 108 248,89 €.
A titre subsidiaire, la réparation doit être calculée sur le taux de change effectif au moment de l’émission des ordres. Pour les positions sur l’EUR/CHF, le préjudice s’élève à
27 490,86 € en retenant l’heure d’envoi de l’ordre de vente, soit 10 h 41 et à 11 597,20 € en retenant l’heure retenue par la banque, soit 10 h 53. Pour les positions USD/CHF, le préjudice est de 5 331,18 €.
S’agissant du préjudice moral subi par Monsieur [U]. Une telle situation de crise, son extrême violence, sa soudaineté et la gestion de celle-ci par la banque ont généré un préjudice moral évalué à 5 000 €.
S’agissant des autres demandes. Afin d’éviter la réitération de tels actes et à titre de réparation des préjudices subis, il est sollicité que soit ordonnée la mise en ligne par la société Saxo Banque France sur son site Internet d’un communiqué informant les internautes de l’illicéité de ses pratiques commerciales.
Saxo Banque France sera condamnée au paiement de la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Enfin, dans l’hypothèse d’un défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, et d’une exécution forcée réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, toutes les sommes retenues par celui-ci devront être supportées par le débiteur.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 mai 2022, la société de droit étranger BinckBank NV, venant aux droits de la société Saxo Banque France, société absorbée par l’effet d’un traité de fusion du 11 février 2021, demande à la cour de :
« Vu les articles 1116, 1134, 1147 et suivants du Code civil dans leur version en vigueur au moment des faits de l’espèce,
Vu les articles L. 533-11 et suivants du Code monétaire et financier dans leur version en vigueur au moment des faits de l’espèce,
Vu les articles L. 541-1 et suivants du Code monétaire et financier dans leur version en vigueur au moment des faits de l’espèce,
Vu l’article L. 213-1 du Code de la consommation dans sa version en vigueur au moment des faits de l’espèce,
Vu les Conditions générales de SBF,
A TITRE PRINCIPAL
‘ Confirmer le Jugement du tribunal judiciaire de Paris du 11 septembre 2020 en ce qu’il a :
— Débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes ;
— Condamné Monsieur [U] à payer à SAXO BANQUE (FRANCE) la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
‘ Dire et juger que SAXO BANQUE (FRANCE) n’a commis aucune man’uvre dolosive à l’égard de Monsieur [U] ;
En conséquence,
‘ Débouter Monsieur [U] de sa demande en nullité du contrat conclu entre Monsieur [U] et SAXO BANQUE (FRANCE) ;
‘ Débouter Monsieur [U] de sa demande de remise en état de ses comptes à la date du 14 janvier 2015 ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
‘ Dire et juger que SAXO BANQUE (FRANCE) a respecté l’ensemble de ses obligations légales et règlementaires à l’égard de Monsieur [U], et notamment son obligation d’information et de mise en garde ;
‘ Dire et juger que SAXO BANQUE (FRANCE) n’a pas le statut de Conseiller en investissements financiers, qu’elle n’a pas fourni de service de conseil en investissement financier à Monsieur [U] et qu’elle n’est pas débitrice d’un devoir de conseil à son égard ;
‘ Dire et juger que SAXO BANQUE (FRANCE) n’a commis aucun manquement contractuel à l’égard de Monsieur [U] ;
‘ Dire et juger que Monsieur [U] est seul à l’origine de son propre dommage ;
‘ Dire et juger que le dommage de Monsieur [U] résulte d’une cause étrangère à SBF;
En conséquence,
‘ Dire et juger que la société SAXO BANQUE (FRANCE) ne peut être tenue pour responsable du dommage allégué par Monsieur [U] ;
‘ Débouter Monsieur [U] de sa demande en responsabilité contractuelle à l’encontre de SAXO BANQUE (FRANCE) ;
A TITRE TRES INFINIMENT SUBSIDIAIRE
‘ Dire et juger que le préjudice matériel de Monsieur [U] n’est pas démontré ;
‘ Dire et juger que seule la perte de chance de Monsieur [U] est indemnisable ;
‘ Dire et juger que Monsieur [U] n’aurait, en toutes circonstances, pas modifié sa stratégie d’investissement ;
‘ Dire et juger que Monsieur [U] ne peut se prévaloir d’aucun préjudice moral ;
En conséquence,
‘ Dire et juger que Monsieur [U] n’a subi aucun préjudice indemnisable ;
‘ Débouter Monsieur [U] de sa demande d’indemnisation à l’encontre de SAXO BANQUE (FRANCE) ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
‘ Débouter Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de SAXO BANQUE (FRANCE) ;
‘ Débouter Monsieur [U] de sa demande de publication du jugement à intervenir ;
‘ Condamner Monsieur [U] à verser à la société SAXO BANQUE (FRANCE) la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ Condamner Monsieur [U] aux entiers dépens ».
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
S’agissant de l’absence de dol. Monsieur [U] prétend ne pas avoir été informé des risques de pertes susceptibles d’intervenir sur les marchés financiers et notamment sur le marché Forex. Or, lors de la souscription du contrat, Saxo Banque France l’a informé de manière claire et exhaustive des risques de pertes sur les marchés financiers. Il a ainsi pris connaissance du document intitulé « déclaration d’indication des risques des opérations de négociation sur devises et sur dérivés » et des conditions générales de Saxo Banque France. En outre, il était informé que dans le cas où un compte espèce présenterait un solde négatif, la banque « sera en droit en compenser l’ensemble des soldes des comptes du client ». Aussi, Saxo Banque France a dûment averti Monsieur [U] à travers plusieurs documents des risques de volatilité du Forex et des conséquences possibles sur les prix d’exécution.
Si la cour devait retenir que Saxo Banque France a cherché à dissimuler des informations pour obtenir le consentement de Monsieur [U], elle ne pourra que constater que ces man’uvres auraient en toute hypothèse été sans conséquence sur le consentement de Monsieur [U]. En effet, ce dernier est un client averti : il est un professionnel des marchés financiers et dispose de compétences académiques et d’une expérience de tout premier plan dans ce domaine. A ce titre, Monsieur [U] continue de réaliser des opérations financières sur la plateforme de trading de Saxo Banque France à ce jour et ses relations avec cette dernière ne portent pas uniquement sur le Forex mais sur l’ensemble de marchés financiers.
Monsieur [U] sollicite de la cour que ses comptes soient replacés dans l’état dans lequel ils se situaient la veille du 15 janvier 2015. Or, la nullité ayant pour conséquence l’anéantissement rétroactif du contrat, Monsieur [U] devrait solliciter la remise en l’état de la situation dans laquelle il se trouvait au moment de la conclusion du contrat, ce qu’il ne souhaite manifestement pas.
S’agissant de l’absence de faute de Saxo Banque France. Saxo Banque France a respecté son obligation d’information précontractuelle et son obligation de mise en garde. En effet, la banque l’a sollicité pour connaître ses connaissances et son expérience en matière d’investissements financiers et au regard des réponses fournies, elle l’a mis en garde à propos du risque des produits financiers à chaque connexion sur la plateforme par le biais d’un message d’avertissement.
Concernant la prétendue obligation de conseil, Saxo Banque France est un prestataire de services d’investissement assurant un service d’exécution d’ordres pour le compte de tiers : contrairement à ce que prétend l’appelant, elle ne fournit pas de conseils en investissement.
Par ailleurs, comme l’ont relevé les juges de première instance, Saxo Banque France n’a pas présenté de façon manifestement trompeuse les risques induits par le Forex.
Enfin, Saxo Banque France n’a pas violé son obligation de meilleure exécution. En effet, Monsieur [U] feint d’ignorer le fonctionnement du marché du Forex et le rôle des prestataires de services d’investissement qui permettent à leur clientèle un accès aux marchés financiers mais ne peuvent en aucun cas être tenus pour responsables des évènements qui s’y produisent, aussi brutaux soient-ils. Ils ne peuvent d’aucune manière servir de pare-feu à leurs clients et ces derniers savent pertinemment qu’ils sont directement exposés au risque de pertes financières et ne peuvent attendre de leur prestataire une quelconque garantie. A ce titre, Saxo Banque France a fait ses meilleurs efforts pour exécuter au mieux les positions de Monsieur [U] et les prix réévalués étaient conformes à la réalité du marché. Ses positions ont été débouclées à l’initiative de la banque car elles ont présenté une importante insuffisance de marge. Enfin, Saxo Banque France a appliqué le prix réajusté de débouclage des positions de Monsieur [U] sur le cours EUR/CHF et l’avait préalablement averti de l’ensemble des risques réalisés le 15 janvier 2015.
S’agissant de la cause étrangère. Si la cour devait reconnaître un quelconque manquement de la part de Saxo Banque France, elle ne pourra que constater que celle-ci n’est pas à l’origine du prétendu préjudice de Monsieur [U] qui provient d’une cause étrangère. En effet, ce dernier est seul à l’origine de ses pertes car il a accepté le risque qui s’est réalisé le 15 janvier 2015. En outre, la décision subite de la Banque nationale suisse constitue un cas de force majeure.
S’agissant du préjudice de Monsieur [U]. Monsieur [U] réclame à titre de préjudice matériel que la banque supporte l’intégralité des pertes qu’il a subies le 15 janvier 2015. Cette demande fait fi de l’aléa inhérent à tout investissement financier et entre en contradiction avec l’invocation du dol et de l’anéantissement du contrat qui en résulterait car Monsieur [U] ne réclame pas une remise en état, soit un décompte des gains et pertes enregistrés depuis l’ouverture du compte. Le préjudice invoqué par Monsieur [U] n’est aucunement démontré car Saxo Banque France ne saurait être tenue pour responsable du retournement de marché. Tout au mieux, il serait en droit de réclamer la différence entre le taux initialement appliqué à ses positions par Saxo Banque France et celui pratiqué a posteriori. Or, la perte initialement subie par l’appelant était de 115 225 € et elle est passée à 113 209 € suite au réajustement par Saxo Banque France du prix d’exécution, soit un différentiel de 2 016 € favorable à Monsieur [U]. Autrement dit, Monsieur [U] ne peut réclamer un quelconque préjudice financier.
Si la cour devait reconnaître l’existence d’un préjudice, il devrait être mesuré sur la valeur de l’éventuelle chance perdue. Or, Monsieur [U] n’aurait pas modifié, en aucune hypothèse, sa stratégie d’investissement.
Concernant le préjudice moral, Monsieur [U] a réalimenté son compte Saxo Banque France de 80 500 € quelques jours seulement après les pertes sur la paire EUR/CHF. Ainsi, s’il avait réellement perdu toutes ses économies, il ne l’aurait pas fait. Il ne semble pas par ailleurs qu’il ait souffert d’une détresse psychologique.
S’agissant des autres demandes. Saxo Banque France n’ayant commis aucune pratique commerciale illicite, la cour rejettera la demande de publication du jugement.
Enfin, la cour condamnera Monsieur [U] au paiement de la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 10 mai 2022.
CELA EXPOSÉ,
Sur l’intervention de la société Binck Bank NV :
Sont versés aux débats l’avis de publication de la fusion entre la société Binck Bank NV et la société Saxo Banque France, ainsi que l’extrait K bis de cette dernière, si bien que la société Binck Bank NV apparaît recevable en son intervention aux droits et obligations de la société absorbée.
Sur le dol :
[F] [C] [U] poursuit l’annulation pour dol du contrat conclu avec la société Saxo Banque France en alléguant, d’une part, une réticence dolosive en ce que les documents publicitaires de la société ne précisaient pas la réalité des risques courus ; d’autre part, des manoeuvres dolosives consistant à commercialiser des services d’investissement en donnant l’illusion que les investissements étaient sans risque, notamment sur le marché des devises, tout en sachant que les outils présentés comme des protections (ordres stop, appel de marge) ne pouvaient fonctionner en cas de défaut de liquidité du marché. [F] [C] [U] nie par ailleurs avoir eu communication des conditions générales du contrat, de la déclaration d’indication des risques des opérations de négociation sur devises et sur dérivés, et de la politique de meilleure exécution possible, auxquelles se réfère le contrat d’ouverture de compte, au motif que ledit contrat renvoie aux adresses électroniques de ces différentes pièces.
À l’examen des pièces contractuelles produites par les parties, le tribunal a exactement jugé qu’elles étaient opposables à [F] [C] [U]. La jurisprudence citée par l’appelant, selon laquelle le simple renvoi par un lien hypertextuel ne caractérise pas une communication électronique, se rapporte aux contrats à distance et n’est pas pertinente en l’espèce.
La teneur des documents contractuels permet d’écarter l’existence du dol allégué puisqu’ils contiennent des avertissements répétés sur les risques inhérents aux opérations de négociation et d’investissement réalisées en vertu du contrat, parmi lesquels le risque de perdre plus que le montant investi (articles 2.1, III, et 2.2, I et II, des conditions générales), le risque de défaut de liquidité du marché (paragraphe 5 de la déclaration d’indication des risques des opérations de négociation sur devises et sur dérivés), le risque d’inadéquation des ordres ou des stratégies de réduction des risques (paragraphe 2 de la déclaration d’indication des risques des opérations de négociation sur devises et sur dérivés), notamment sur le marché des devises.
Nonobstant ces mises en garde, [F] [C] [U] maintient que des man’uvres dolosives ont été commises par le recours à des documents publicitaires ou de formation faussement rassurants et contredisant les documents contractuels : plaquette commerciale (pièce n° 3 de l’appelant), site de formation de Saxo Banque France (pièces n° 13, 13 bis, 27, 27 bis et 35 de l’appelant).
La publicité délivrée à son client par le prestataire de services d’investissement en vue d’ouvrir un compte de négociation doit être cohérente avec les opérations proposées et mentionner, le cas échéant, les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux opérations qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés.
Il apparaît que la plaquette commerciale de la société Saxo Banque France (pièce n° 3 de l’appelant) s’ouvre en page 2 sur un avertissement consacré au risque attaché à la négociation de devises ou de produits dérivés. Un avertissement analogue figure sur la page de titre de chaque fiche de formation (pièce n° 35 de l’appelant). Les pièces n° 27 et 27 bis de l’appelant sont inopérantes puisqu’elles sont postérieures (5 février 2018) à la conclusion du contrat (11 décembre 2012). Il en est de même des pièces n° 13 et 13 bis, datées du 20 février 2017. Au demeurant, ces dernières présentent en bas de page, sur un bandeau noir, un avertissement sur le risque attaché aux contrats financiers proposés par la société Saxo Banque France ; il ne s’agit en outre que de la reproduction d’un chapitre du site de formation de ladite société, consacré aux avantages du marché des changes, sans que soit produit un autre chapitre du même site consacré aux risques relatifs aux instruments financiers. [F] [C] [U] ne rapporte donc pas la preuve de la contradiction alléguée entre les documents publicitaires ou de formation et les documents contractuels de la société Saxo Banque France. Le jugement querellé mérite confirmation en ce qu’il déboute [F] [C] [U] de sa demande d’annulation du contrat pour dol.
Sur la responsabilité de la société Saxo Banque France :
Sur les fautes :
Sur le manquement à l’obligation d’information et de mise en garde :
a) Sur le manquement à l’obligation d’information :
Aux termes de l’article L. 533-11 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à l’espèce, lorsqu’ils fournissent des services d’investissement et des services connexes à des clients, les prestataires de services d’investissement agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients.
L’article L. 533-12 du même code dispose :
‘I. ‘ Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d’investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles.
II. ‘ Les prestataires de services d’investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause.’
Il a été précédemmemnt jugé que la société Saxo Banque France démontre avoir communiqué à [F] [C] [U], tant lors de l’ouverture du compte de négociation que dans ses documents de formation, les informations lui permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d’investissement et du type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents. L’appelant n’est donc pas fondé à reprendre les griefs invoqués à titre principal au soutien du dol allégué pour imputer à la société Saxo Banque France une présentation trompeuse des risques induits par le marché des changes sur la paire euro/franc suisse.
Il est en revanche constant qu'[F] [C] [U] a reçu de la société Saxo Banque France, le 15 janvier 2015 à 10 heures 37, un message erroné indiquant que la Banque nationale suisse avait modifié son seuil plancher en abaissant la paire euro/franc suisse à 1,01, alors que ce seuil avait été supprimé.
b) Sur le manquement à l’obligation de mise en garde :
L’article L. 533-13, paragraphe II, du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d’investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent.
Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l’instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s’agit.’
[F] [C] [U] soutient que la société Saxo Banque France ne lui a adressé aucune mise en garde sur les risques courus, alors qu’elle aurait dû le faire tant préalablement à la fourniture de ses services, que le 15 janvier 2015 à propos des positions existantes de son client.
La cour constate comme le tribunal que la société Saxo Banque France a, lors de la souscription le 11 décembre 2012, interrogé son client sur ses connaissances et son expérience en matière d’investissement (pièce n° 8 de l’intimée). La cour a précédemment jugé que le prestataire de services d’investissement justifiait avoir alors donné à son client les avertissements requis.
Il n’est pas contesté que la société Saxo Banque France a soumis à [F] [C] [U] un second questionnaire sur son profil et sa connaissance des produits financiers, auquel il a répondu le 28 décembre 2012 (pièce n° 9 de l’intimée).
Sur la base des informations fournies par [F] [C] [U], la société Saxo Banque France a estimé que plusieurs produits n’étaient pas adaptés, au nombre desquels le marché des devises au comptant, les marchés de devises, et les options sur devises. Elle était tenue de le mettre en garde en conséquence.
La société Saxo Banque France soutient qu’elle a satisfait à son obligation en affichant, à chaque connexion sur la plateforme de négociation, une fenêtre contenant un avertissement concernant les risques courus (pièce n° 10 de l’intimée) qu'[F] [C] [U] devait fermer pour pouvoir réaliser ses opérations. Elle produit en ce sens le registre d’activité du compte d'[F] [C] [U] (pièces n° 11 et 20 de l’intimée).
L’appelant dénie toute force probante à cette pièce émanant de la partie qui la lui oppose. Il relève en outre que le rapprochement entre cette pièce, qui recense les avertissements vus par [F] [C] [U], et le relevé de son compte (pièce n° 28 de l’intimée) révèle que la fenêtre d’avertissement ne s’ouvrait pas toujours avant qu’il ne passe des ordres.
À cet égard, la société Saxo Banque France admet avoir rencontré des problèmes techniques le 4 et le 5 décembre 2014. Pour autant, le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique. Aussi les premiers juges ont-ils pu considérer que la banque justifiait qu’elle avait rempli son devoir de mise en garde.
S’agissant des opérations passées le 15 janvier 2015, la cour juge avec le tribunal qu’au regard du niveau de formation d'[F] [C] [U], des avertissements répétés qu’il avait déjà reçus, et de l’expérience qu’il avait acquise sur le marché des changes, il était alors averti des risques auxquels il était exposé. Diplômé de l’école de commerce IMD, ancien professionnel du capital-investissement, [F] [C] [U] s’est vu délivrer le titre d’analyste financier agréé en septembre 2013. Ayant, depuis le 11 décembre 2012, passé plus de 850 ordres sur le marché des devises, et subi dès l’année 2013 une perte de 6 562,67 euros en spéculant sur les devises au comptant (pièce no 21 de l’intimée), il était à même de mesurer les risques courus du fait des positions sur la paire euro/franc suisse et des ordres conditionnels qu’il avait en cours sur la plateforme de négociation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il écarte tout manquement de la société Saxo Banque France à son devoir de mise en garde.
Sur le manquement à l’obligation de conseil :
L’article L. 541-8-1 code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘Les conseillers en investissements financiers doivent :
1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;
2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs;
3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en ‘uvre ces ressources et procédures avec un souci d’efficacité ;
4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ;
5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.
Ces règles de bonne conduite sont précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
Les codes de bonne conduite mentionnés à l’article L. 541-4 doivent respecter ces prescriptions qu’ils peuvent préciser et compléter.’
L’appelant reproche à la société Saxo Banque France, prise en qualité de conseiller en investissements financiers, d’avoir manqué à son devoir de conseil en :
‘ ne le dissuadant pas de recourir à des opérations sur le marché des devises ;
‘ lui recommandant d’investir sur la paire euro/franc suisse ;
‘ lui recommandant d’utiliser l’effet de levier ;
‘ ne lui conseillant pas de limiter ses investissements alors qu’elle indiquait dès le 2 septembre 2014 l’existence d’un risque que le seuil plancher entre l’euro et le franc suisse ne résiste pas à 1,20.
Cependant le tribunal, par de justes motifs que la cour fait siens, a constaté qu'[F] [C] [U] ne prouvait pas que la société Saxo Banque France se soit contractuellement engagée à lui fournir aucun conseil, de sorte qu’aucune faute ne peut lui être reprochée à cet égard.
L’appelant soutient devant la cour que la banque lui a néanmoins fourni des conseils ainsi qu’il ressort des documents publicitaires proposant des formations (pièce n° 3 de l’appelant), des courriels reçus (pièce n° 54 de l’appelant), des fenêtres de recommandation d’investissement (pièce n° 31 de l’appelant), et du site Internet de la société (pièce n° 33 de l’appelant).
La société Saxo Banque France réplique à raison que les recommandations ainsi diffusées sont des recommandations générales et non des recommandations personnalisées qui seules constituent le service de conseil en investissement tel que défini par l’article D. 321-1, 5, code monétaire et financier.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il écarte tout manquement de la société Saxo Banque France à un devoir de conseil.
Sur la violation de l’obligation de meilleure exécution :
L’article L. 533-18 code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable à l’espèce, dispose :
‘I. ‘ Les prestataires de services d’investissement prennent toutes les mesures raisonnables pour obtenir, lors de l’exécution des ordres, le meilleur résultat possible pour leurs clients compte tenu du prix, du coût, de la rapidité, de la probabilité d’exécution et du règlement, de la taille, de la nature de l’ordre ou de toutes autres considérations relatives à l’exécution de l’ordre. Néanmoins, chaque fois qu’il existe une instruction spécifique donnée par les clients, les prestataires exécutent l’ordre en suivant cette instruction.
II. ‘ Les prestataires de services d’investissement établissent et mettent en oeuvre des dispositions efficaces pour se conformer au premier alinéa. Ils établissent et mettent en oeuvre une politique d’exécution des ordres leur permettant d’obtenir, pour les ordres de leurs clients, le meilleur résultat possible.
III. ‘ La politique d’exécution des ordres inclut, en ce qui concerne chaque catégorie d’instruments, des informations sur les différents systèmes dans lesquels le prestataire de services d’investissement exécute les ordres de ses clients et les facteurs influençant le choix du système d’exécution. Elle inclut au moins les systèmes qui permettent au prestataire d’obtenir, dans la plupart des cas, le meilleur résultat possible pour l’exécution des ordres des clients.
Les prestataires de services d’investissement fournissent des informations appropriées à leurs clients sur leur politique d’exécution des ordres. Ils obtiennent le consentement préalable de leurs clients sur cette politique d’exécution.
Lorsque la politique d’exécution des ordres prévoit que les ordres des clients peuvent être exécutés en dehors d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation, le prestataire de services d’investissement informe notamment ses clients ou ses clients potentiels de cette possibilité. Les prestataires obtiennent le consentement préalable exprès de leurs clients avant de procéder à l’exécution de leurs ordres en dehors d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation.
Les prestataires de services d’investissement peuvent obtenir ce consentement soit sous la forme d’un accord général soit pour des transactions déterminées.
IV. ‘ A la demande de leurs clients, les prestataires de services d’investissement doivent pouvoir démontrer qu’ils ont exécuté leurs ordres conformément à leur politique d’exécution.’
L’appelant reproche à la société Saxo Banque France d’avoir manqué à son devoir de meilleure exécution en :
‘ n’exécutant pas un ordre stop ;
‘ déclenchant tardivement l’appel de marge ;
‘ ne vendant pas aux premiers prix d’exécution affichés par la société Saxo Banque France;
‘ appliquant une méthode abusive de calcul rétrospectif des cours de débouclage des paires euro/franc suisse et dollar américain/franc suisse.
a) Sur l’appel de marge :
[F] [C] [U] reproche à la société Saxo Banque France d’avoir clôturé ses positions alors que la marge appelée avait atteint 184 %, en violation de l’engagement pris de limiter l’appel de marge à 125 %, puis au pire à 150 %.
Le tribunal a exactement rappelé qu’en vertu des conditions générales du contrat, dès lors que la couverture minimale requise par la banque n’est pas respectée, la société Saxo Banque France peut résilier tout ou partie des opérations sur marge, liquider ou vendre tous actifs figurant sur le compte du client, ce à son entière discrétion et sans que sa responsabilité ne puisse être engagée vis-à-vis du client à ce titre.
[F] [C] [U] n’apporte pas la preuve que la société Saxo Banque France se soit engagée verbalement à couper ses positions à 125 % comme il le prétend dans un courriel du 2 février 2015 (pièce n° 6, p. 14, de l’appelant). Aux termes de la conversation téléphonique retranscrite le 15 janvier 2015 à 10 heures 40, la société Saxo Banque France évoque ces deux seuils, sans s’engager absolument à couper les positions du client à 150 % (pièce n° 26 de l’intimée).
Le jugement sera confirmé en ce qu’il ne retient pas de faute de la banque de ce chef.
b) Sur la modification du prix d’exécution :
L’appelant reproche en premier lieu à la société Saxo Banque France d’avoir recalculé les prix d’exécution appliqués lors de la clôture des positions d'[F] [C] [U], alors qu’en sa qualité de teneur de marché elle est responsable de ses prix et donc tenue d’assurer la liquidité du marché.
La société Saxo Banque France reconnaît que, conformément aux articles 15.2 et 15.4 des conditions générales, elle intervenait sur le marché des changes en qualité de teneur de marché, lequel fournit au client, dans des conditions normales de marché, des cotations à l’achat et à la vente.
Elle se prévaut toutefois des stipulations suivantes de l’article 5.11 des conditions générales:
‘Des erreurs affectant les cours des transactions fournis par Saxo Banque peuvent survenir. Dans de telles circonstances, et sans préjudice des droits que la législation française pourrait lui conférer, Saxo Banque ne pourra être obligée au titre de tout contrat (même confirmé par elle) qui aurait été conclu sur la base d’un cours :
I dont Saxo Banque serait en mesure de démontrer au client qu’il était manifestement inexact au moment de la transaction ;
II ou dont le client savait ou aurait dû raisonnablement savoir qu’il était inexact au moment de la transaction.
Dans un tel cas, Saxo Banque se réserve le droit : soit 1) d’annuler toutes les transactions exécutées en vertu du contrat, soit 2) de corriger l’erreur de cotation ayant affecté la transaction initialement conclue en appliquant à la transaction (a) le prix auquel Saxo Banque a couvert la transaction auprès d’une contrepartie de marché ou (b) la cotation historiquement exacte.’
Ainsi, les premiers juges ont exactement retenu que si la convention des parties prévoit le cas d’une erreur de cotation commise par le teneur de marché, qui n’est alors pas tenu par les cotations qu’il a fournies au client, c’est à la condition que la société Saxo Banque France démontre au client que le cours erroné était manifestement inexact au moment de la transaction, étant observé qu’en l’espèce l’intimée n’allègue pas qu'[F] [C] [U] savait ou aurait dû raisonnablement savoir que les cours appliqués étaient inexacts au moment de la transaction.
La société Saxo Banque France explique en l’espèce que l’annonce de la décision de la Banque nationale suisse a créé une situation exceptionnelle d’illiquidité du marché. Les grandes institutions bancaires ont, dans les secondes qui ont suivi, continué à fournir des prix, sur lesquels la société Saxo Banque France s’appuyait pour arrêter ses propres cotations. La société Saxo Banque France a alors tenté d’exécuter les transactions aux prix proposés par ces fournisseurs, mais la quasi-intégralité de ses demandes a été rejetée. Elle s’est tournée vers le prestataire de services financiers Electronic Broking Services (EBS), seul capable ce jour-là de proposer des transactions sur le cours euro/franc suisse, mais de manière réduite. Les prix fournis par cette plateforme n’ayant pas été réajustés après coup, ils offrent une représentation exacte de la liquidité disponible. L’intimée verse aux débats une note récapitulant ces faits, intitulée Démonstration du caractère erroné des prix d’exécution originels et argumentaire en faveur d’une rectification des prix d’exécution concernant l’évènement relatif au CHF survenu le 15 janvier 2015 (pièce n° 24 de l’intimée).
Le caractère manifestement inexact des cours fournis par la société Saxo Banque France au moment des transactions initialement conclues avec [F] [C] [U] est un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tout moyen, et auquel le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable. La force probante de la note de synthèse (pièce n° 24 de l’intimée) sur laquelle s’appuie la société Saxo Banque France peut donc être retenue, d’autant que sa démonstration repose non seulement sur les explications sus-rapportées et sur les données émanant de la société Saxo Banque France, mais aussi sur les chiffres fournis par la société Electronic Broking Services et dont dispose également [F] [C] [U] (pièce n° 23 de l’appelant).
Ce dernier conteste en partie la présentation des faits par l’intimée, soutenant pour sa part que pendant les cinq premières minutes de l’évènement, il y avait encore suffisamment de liquidités sur le marché pour pouvoir vendre à des prix supérieurs aux prix retenus. L’appelant ne fournit toutefois aucune traduction de la pièce n° 25 qu’il produit au soutien de son allégation. Sa relation des faits rejoint au contraire celle de l’intimée, puisqu’il explique par ailleurs que l’afflux massif d’ordres de vente à la suite de l’effondrement de la paire euro/franc suisse, provoqué en quelques minutes, ne pouvait être intégralement assouvi (§§ 6 et 7 des conclusions de l’appelant). Les explications de la société Saxo Banque France sont au demeurant corroborées par les termes d’un arrêt de la Cour suprême du Danemark en date du 9 octobre 2019, qui reconnaît qu’à la suite de l’annonce de la Banque nationale suisse, une situation de marché extraordinaire s’est produite, c’est-à-dire qu’un montant très limité de liquidités était disponible sur le marché pour la paire de devises euro/franc suisse. Par conséquent, pendant une période prolongée après 10 heures 30, les ordres de bourse dans la paire de devises ne pouvaient être exécutés que dans une mesure très limitée.
Enfin, si [F] [C] [U] conteste la méthode de calcul adoptée par la société Saxo Banque France pour corriger ses cours d’exécution, il ne critique pas les prémisses de la démonstration détaillée dans la dernière partie de la pièce n° 24 de la banque, qui conclut au caractère manifeste de l’erreur alléguée par le calcul d’un écart de plus de 16 % entre les prix moyens pondérés en fonction du volume des transactions des clients de la société Saxo Banque France sur le franc suisse, selon que l’on utilise les prix d’exécution erronés ou les prix disponibles sur la plateforme EBS.
La société Saxo Banque France fait ainsi la démonstration que les cours fournis à [F] [C] [U] étaient manifestement inexacts au moment des transactions, de sorte qu’elle est en droit de corriger l’erreur de cotation ayant affecté les transactions initialement conclues en leur appliquant le prix auquel la société Saxo Banque France a couvert la transaction auprès d’une contrepartie de marché ou la cotation historiquement exacte.
L’appelant conteste en second lieu la méthode suivie par la banque pour fixer le cours de débouclage de ses positions. Il critique le choix de se référer à la plateforme EBS hors de tout champ contractuel, ainsi que la détermination unilatérale par la société Saxo Banque France de périodes de temps auxquelles elle applique un cours moyen très inférieur à la moyenne des transactions réalisées pendant chaque période, de sorte que les taux choisis par la banque sont inférieurs aux taux réels du marché.
La société Saxo Banque France rappelle dans sa pièce n° 24 que le seul moyen de couvrir ses positions a consisté à placer des ordres manuellement sur la plateforme EBS. Conformément à l’article 5.11 précité des conditions générales, elle est ainsi fondée à se référer aux prix d’exécution disponibles auprès de sa contrepartie de marché.
Elle explique que la méthode d’allocation des ordres consistant à regrouper les ordres des clients en trois phases plutôt qu’une seule phase de type ‘premier entré, premier sorti’, a été choisie pour assurer le traitement équitable de tous les clients, notamment ceux dont les ordres stop avaient été exécutés avec quelques minutes de retard en raison d’un effet de levier moins important. Cette méthode n’altère pas le résultat global du processus de rectification de prix, mais seulement la répartition des ordres entre les clients.
Pour déterminer les phases, la société Saxo Banque France s’est concentrée sur trois niveaux de prix à hauteur desquels ses ordres avaient été exécutés. Après avoir défini les phases, le système ‘premier entré, premier sorti’ a alloué les ordres de couverture de la société Saxo Banque France en proportion du volume client équivalent durant lesdites phases. Les prix auxquels ont été exécutés les ordres des clients concernés ont été rectifiés au prix moyen arrondi pondéré en volume de chaque phase.
La société Saxo Banque France a par ailleurs précisé à [F] [C] [U] en ce qui concerne les autres paires, telles que la paire dollar américain/franc suisse, que leur prix a été calculé sur la base des prix euro/franc suisse ainsi rectifiés et du taux de la devise concernée contre l’euro à l’instant donné (courriel du 15 janvier 2015, à 23 heures 23 : pièce no 29 de l’appelant).
La société Saxo Banque France justifie avoir ainsi corrigé l’erreur de cotation ayant affecté les transactions initialement conclues en appliquant à ces transactions le prix auquel elle les a couvertes auprès de la société EBS, conformément aux stipulations précitées des conditions générales.
c) Sur l’exécution d’un ordre stop :
Il ressort des explications des parties et des pièces (pièces n° 6, 39 et 49 de l’appelant ; n° 35 de l’intimée) que :
‘ [F] [C] [U] avait, le 15 janvier 2015, deux ordres d’achat n° 176815593 et 176170157 sur la paire dollar américain/franc suisse aux seuils de 1,006 et de 0,93878, auxquels étaient associés les ordres stop n° 176815594 et 176170158 aux seuils de 1 et de 0,9549 ;
‘ l’ordre d’achat n° 76815593 a été exécuté à 10 heures 30 minutes 53 secondes (position n° 641486787) ;
‘ [F] [C] [U] a tenté, à 10 heures 32 minutes 30 secondes puis à 10 heures 32 minutes 38 secondes, d’annuler l’ordre stop n° 176815594 ; ses demandes ont été rejetées ;
‘il a annulé, à 10 heures 33 minutres 2 secondes, le second ordre stop n° 176170158 ;
‘ l’ordre d’achat n° 176170157 a été exécuté à 10 heures 33 minutes 10 secondes (position n° 641560628) ;
‘ à 10 heures 41 minutes 51 secondes, lors de la clôture automatique des positions d'[F] [C] [U], un ordre de vente des deux positions n° 641486787 et 641560628 a été passé, et l’ordre stop n° 176815594 a été annulé.
Il apparaît ainsi que le premier ordre stop n° 176815594 n’a pas été exécuté quoi qu’il ait été maintenu, et que son seuil de 1 ait nécessairement été atteint avant l’exécution de l’ordre d’achat n° 176170157 au cours de 0,93878.
Sur le lien de causalité entre les fautes et le dommage :
Les fautes démontrées imputables à la société Saxo Banque France consistent à :
‘ avoir envoyé le 15 janvier 2015 un message erroné reçu à 10 heures 37, indiquant que la Banque nationale suisse avait modifié son seuil plancher en abaissant la paire euro/franc suisse à 1,01 ;
‘ ne pas avoir exécuté l’ordre stop no 176815594.
[F] [C] [U] explique que s’il avait été correctement informé, il aurait pu tenter de liquider ses positions à des prix plus hauts que ceux qu’a définis a posteriori la société Saxo Banque France, et que si l’ordre stop avait été correctement appliqué, il aurait pu limiter ses pertes.
L’intimée lui oppose d’abord le fait de la victime qui serait seule à l’origine de son dommage, au motif qu'[F] [C] [U] a en connaissance de cause maintenu ses positions sur la paire euro/franc suisse malgré un avertissement reçu en septembre 2014 sur les pressions pesant sur cette paire.
Les choix spéculatifs d'[F] [C] [U] ne caractérisent cependant par eux-mêmes aucune faute de la part de l’utilisateur d’une plateforme de négociation.
La société Saxo Banque France oppose encore à son client le cas de force majeure constitué par la décision subite de la Banque nationale suisse de supprimer le taux plancher de 1,20 franc suisse pour 1 euro. L’intimée fait valoir en ce sens qu’une telle décision était d’autant plus inattendue que l’institution avait publié un communiqué de presse le 11 décembre 2014 pour affirmer qu’elle était déterminée à poursuivre sa politique du cours plancher.
La variation soudaine et importante du cours d’une devise est un risque inhérent à ce marché, contre lequel la société Saxo Banque France avait mis en garde [F] [C] [U] de façon répétée. S’agissant plus précisément du franc suisse, elle a elle-même averti ses clients le 2 septembre 2014 que ‘l’accumulation des positions vendeuses que l’on observe peut représenter un risque que le peg EUR/CHF ne résiste pas à 1.20, et l’on pourrait voir l’appréciation du Franc Suisse se poursuivre de façon significative’. L’évènement du 15 janvier 2015 étant prévisible, il ne constitue pas un cas de force majeure, d’autant moins que ses conséquences pouvaient être limitées par une réaction appropriée des investisseurs.
Le tribunal a cependant justement analysé la chronologie des faits et la teneur des pièces versées aux débats pour en déduire qu'[F] [C] [U], tout en ayant connaissance de la décision de la Banque nationale suisse, s’opposait à la clôture de ses positions. Il a en effet tenté d’annuler l’ordre stop no 176815594 à 10 heures 32 et a annulé l’ordre stop no 176170158 à 10 heures 33, soit avant de recevoir l’information erronée à 10 heures 37. Cette dernière faute de la société Saxo Banque France n’est donc pas à l’origine de sa décision de maintenir ses positions, tandis que l’inexécution d’un ordre qu’il voulait annuler ne saurait lui faire grief.
Au cours de l’appel téléphonique passé le 15 janvier 2015 à 10 heures 40, [F] [C] [U] confirmait sa volonté de ne pas clôturer ses positions à la suite de ‘la levée du franc suisse’. Cette décision ne fut pas davantage prise, comme le prétend l’intimé, sur la base de l’information erronée reçue à 10 heures 37, puisqu’il explique dans un courriel du 16 mars 2015 (pièce no 6, p. 9, de l’appelant) : ‘A la chute des prix, j’ai essayé d’enlever le premier stop car j’avais pensé que la volatilité serait temporaire et d’ampleur plus faible au vu de la taille de mon compte’, sans évoquer l’information erronée envoyée par son interlocuteur.
Il n’est ainsi pas démontré que les fautes retenues contre la société Saxo Banque France soient à l’origine du dommage dont se plaint [F] [C] [U], tenant aux pertes subies lors de la clôture de son compte à 10 heures 41.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il déboute [F] [C] [U] de ses demandes de dommages et intérêts et de publication du jugement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’appelant en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, [F] [C] [U] sera condamné à payer à la société BinckBank NV, venant aux droits de la société Saxo Banque France, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE recevable en son intervention la société BinckBank NV, venant aux droits de la société Saxo Banque France ;
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE [F] [C] [U] à payer à la société BinckBank NV, venant aux droits de la société Saxo Banque France, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [F] [C] [U] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT