Pertes en capital sur les assurances-vie : l’expertise judiciaire s’impose

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Pertes en capital sur les assurances-vie : l’expertise judiciaire s’impose
Ce point juridique est utile ?

Dans le cadre de contrats d’assurance vie et face à des pertes financières importantes, le recours à l’expertise judiciaire s’impose.

L’article 145 du code de procédure civile énonce que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il appartient au demandeur à l’organisation d’une telle mesure d’expertise de rapporter la preuve que cette mesure a pour objet de permettre d’établir des faits probants en vue d’un procès potentiel, non manifestement voué à l’échec et qu’elle est de nature à éclairer le juge susceptible d’être ultérieurement saisi du litige opposant les parties.

1. Il est important de vérifier la viabilité du montage financier proposé, d’apprécier si cette proposition était susceptible de constituer un placement rentable et correspondait aux critères d’investissement des clients. Il est recommandé de demander l’avis d’un expert pour évaluer ces aspects et engager la responsabilité de la société en cas de manquements à ses obligations d’information et de conseil.

2. Il est essentiel de documenter et de conserver toutes les pièces contractuelles et les échanges entre les parties, notamment les rapports de mission, les questionnaires de recueil d’informations clients/prospects, les conditions particulières du contrat d’assurance-vie, etc. Ces documents peuvent être cruciaux pour établir la responsabilité de la société intimée et évaluer le préjudice financier subi par les clients.

3. En cas de litige portant sur des manquements à des obligations d’information et de conseil, il est recommandé de demander une mesure d’expertise pour éclairer le juge sur les faits probants en vue d’un éventuel procès. Il est important de respecter les règles de procédure et de ne pas demander à l’expert de se prononcer sur des questions relevant du pouvoir juridictionnel.

Résumé de l’affaire

En juillet 2018, les époux [E] ont sollicité des conseils en investissement auprès de la SAS Bien Prévoir.fr et ont investi une somme importante dans un contrat d’assurance-vie. Ils ont ensuite accusé la société de ne pas leur avoir proposé un placement rentable correspondant à leurs critères d’investissement, entraînant des pertes conséquentes en capital et des frais disproportionnés. Après avoir saisi le tribunal judiciaire d’Angers en référé, ils ont été déboutés de leur demande d’expertise judiciaire. Les époux [E] ont fait appel de cette décision et demandent à la cour de désigner un expert judiciaire pour évaluer le préjudice subi et déterminer la responsabilité de la société Bien Prévoir.fr. La société, de son côté, conteste les demandes des époux [E] et demande leur condamnation à lui verser des frais irrépétibles.
En l’espèce, les appelants justifient le recours à une mesure d’instruction par la nécessité de vérifier la viabilité du montage financier qui leur a été proposé, d’apprécier si cette proposition était susceptible de constituer un placement rentable et si elle correspondait à leurs critères d’investissement. Ils entendent, avec les investigations et avis d’un technicien sur ces différents points, engager la responsabilité de la société intimée au titre de manquements à ses obligations d’information et de conseil.

Sur la demande d’expertise judiciaire

Le juge des référés a rejeté la demande d’expertise, estimant que les demandeurs pouvaient évaluer et justifier leurs préjudices sans qu’une expertise ne soit nécessaire. Les appelants contestent cette décision, affirmant avoir subi un défaut de conseil et d’assistance de la part de la société intimée.

Les arguments des appelants

Les appelants reprochent à la société intimée un défaut de conseil et d’assistance, notamment en ce qui concerne les frais exorbitants générés par le contrat d’assurance-vie, le manque d’information sur les risques et la mauvaise allocation d’actifs. Ils estiment avoir subi des pertes importantes en raison de ces manquements.

Les arguments de la société intimée

La société intimée conteste les accusations des appelants, affirmant avoir fourni une information détaillée et complète sur les risques des investissements proposés. Elle soutient que les appelants ont accepté un profil d’investisseur dynamique avec un risque de perte en capital de 100%. Elle estime que les documents contractuels suffisent à prouver qu’elle a respecté ses obligations.

La décision de la cour

La cour ordonne une mesure d’expertise pour vérifier la viabilité du montage financier proposé aux appelants et évaluer si cette proposition correspondait à leurs critères d’investissement. Elle estime que les pièces contractuelles produites ne nécessitent pas la désignation d’un expert pour se prononcer sur d’éventuels manquements de la société intimée. La cour reconnaît cependant un intérêt des appelants à évaluer le préjudice financier subi et ordonne une expertise détaillée de la vie de leur portefeuille.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme les dépens à la charge des appelants, la société intimée n’étant pas considérée comme la partie perdante. Les frais d’expertise seront avancés par les appelants. Aucune indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’est accordée, compte tenu de l’équité entre les parties.

Les montants alloués dans cette affaire:
– La provision fixée à 3 000 euros pour M. [S] [E] et Mme [I] [E]
– Les dépens d’appel condamnés in solidum à M. [S] [E] et Mme [I] [E]

Réglementation applicable

– Code de procédure civile

– Code des assurances

– Code monétaire et financier

– Article 145 du code de procédure civile

– Article R 132-3 du code des assurances

– Articles L 533-11, L 533-12 et L 533-13 du code monétaire et financier

Article 145 du code de procédure civile:
“S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.”

Article R 132-3 du code des assurances:
“Les frais prélevés par l’entreprise d’assurance doivent être mentionnés dans le contrat d’assurance. Tout manquement à cette obligation est passible de sanctions.”

Articles L 533-11, L 533-12 et L 533-13 du code monétaire et financier:
“Ces articles définissent les obligations des intermédiaires financiers en matière d’information et de conseil envers les clients non professionnels.”

Ces articles imposent notamment aux intermédiaires financiers de fournir des informations détaillées sur les produits proposés, de conseiller les clients en fonction de leur profil d’investisseur et de respecter les règles de transparence en matière de frais et commissions.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
– Me Marc ROUXEL de la SELARL CONSILIUM AVOCATS
– Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS
– Me Audrey PAPIN

Mots clefs associés & définitions

– Motifs de la décision
– Demande d’expertise judiciaire
– Mission expertale
– Perception des époux [E]
– Tolérance au risque de pertes en capital
– Connaissance des produits complexes de placement
– Profils d’investisseurs
– Preuve des faits
– Intérêt légitime à agir
– Défaut de conseil et d’assistance
– Contrat d’assurance-vie
– Frais exorbitants
– Client non professionnel
– Obligations prévues par le code monétaire et financier
– Gestionnaire de patrimoine
– Notice d’information
– Qualification du profil d’investisseur
– Résultats négatifs
– Rendements des contrats d’assurance-vie
– Mode de calcul des parts des fonds structurés
– Valeurs liquidatives du portefeuille
– Montant des pertes
– Expertise détaillée
– Mesures d’instruction
– Motif légitime
– Preuve des faits
– Mesures d’expertise légalement admissibles
– Responsabilité de la société intimée
– Obligations d’information et de conseil
– Pièces contractuelles
– Lettre de mission
– Rapport de mission
– Document de mise en relation
– Questionnaire
– Conditions particulières du contrat d’assurance-vie
– Avenant de versement complémentaire
– Rapport patrimonial
– Note expertale
– Défaut de conseil sur la qualification du profil d’investisseurs
– Défaut de conseil et d’assistance en cours de vie du contrat
– Produit de placement complexe
– Frais et commissions
– Préjudice financier
– Perte de chance
– Mission d’expertise
– Frais irrépétibles
– Dépens
– Article 145 du code de procédure civile
– Article 238 du code de procédure civile
– Article 699 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile.
————————-
– Motifs de la décision: Raisons qui ont conduit à prendre une décision judiciaire.
– Demande d’expertise judiciaire: Requête adressée au tribunal pour obtenir une expertise réalisée par un expert.
– Mission expertale: Tâche confiée à un expert pour réaliser une expertise.
– Perception des époux [E]: Manière dont les époux perçoivent une situation ou un élément.
– Tolérance au risque de pertes en capital: Capacité à supporter des pertes financières.
– Connaissance des produits complexes de placement: Compréhension des produits financiers complexes.
– Profils d’investisseurs: Catégories d’investisseurs en fonction de leurs caractéristiques et de leurs objectifs.
– Preuve des faits: Éléments permettant de démontrer la réalité d’un fait.
– Intérêt légitime à agir: Motif valable pour engager une action en justice.
– Défaut de conseil et d’assistance: Manquement à l’obligation de conseiller et d’assister un client.
– Contrat d’assurance-vie: Accord entre un assuré et un assureur pour garantir un capital ou une rente.
– Frais exorbitants: Frais excessifs ou démesurés.
– Client non professionnel: Personne n’exerçant pas une activité professionnelle liée à l’investissement.
– Obligations prévues par le code monétaire et financier: Devoirs imposés par la législation financière.
– Gestionnaire de patrimoine: Professionnel spécialisé dans la gestion des actifs financiers d’un individu.
– Notice d’information: Document explicatif accompagnant un produit financier.
– Qualification du profil d’investisseur: Attribution d’un profil d’investisseur en fonction des caractéristiques et des objectifs.
– Résultats négatifs: Conséquences défavorables ou contraires aux attentes.
– Rendements des contrats d’assurance-vie: Gains générés par un contrat d’assurance-vie.
– Mode de calcul des parts des fonds structurés: Méthode utilisée pour déterminer la valeur des parts de fonds structurés.
– Valeurs liquidatives du portefeuille: Valeurs des actifs liquides détenus dans un portefeuille.
– Montant des pertes: Somme d’argent perdue dans un investissement.
– Expertise détaillée: Analyse approfondie réalisée par un expert.
– Mesures d’instruction: Actions entreprises pour recueillir des éléments de preuve.
– Motif légitime: Raison valable ou justifiée.
– Mesures d’expertise légalement admissibles: Actions d’expertise conformes à la loi.
– Responsabilité de la société intimée: Obligation de la société mise en cause dans une affaire.
– Obligations d’information et de conseil: Devoirs de renseigner et de guider un client.
– Pièces contractuelles: Documents relatifs à un contrat.
– Lettre de mission: Document définissant les objectifs et les modalités d’une mission.
– Rapport de mission: Compte-rendu des résultats d’une mission.
– Document de mise en relation: Papier établissant un lien entre deux parties.
– Questionnaire: Formulaire à remplir pour collecter des informations.
– Conditions particulières du contrat d’assurance-vie: Clauses spécifiques d’un contrat d’assurance-vie.
– Avenant de versement complémentaire: Modification apportée à un contrat pour ajouter un versement supplémentaire.
– Rapport patrimonial: Document détaillant la situation financière d’une personne.
– Note expertale: Avis émis par un expert.
– Défaut de conseil sur la qualification du profil d’investisseurs: Manquement à conseiller sur la catégorie d’investisseur appropriée.
– Produit de placement complexe: Instrument financier nécessitant une expertise particulière.
– Frais et commissions: Coûts et rémunérations liés à un investissement.
– Préjudice financier: Dommage matériel causé par une décision ou une action.
– Perte de chance: Privation d’une opportunité ou d’un avantage.
– Mission d’expertise: Tâche confiée à un expert pour évaluer une situation.
– Frais irrépétibles: Dépenses non récupérables.
– Dépens: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Article 145 du code de procédure civile: Disposition légale permettant d’obtenir des pièces avant un procès.
– Article 238 du code de procédure civile: Article régissant les mesures d’instruction.
– Article 699 du code de procéd

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

2 avril 2024
Cour d’appel d’Angers
RG n°
22/01527
COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

IG/ILAF

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/01527 – N° Portalis DBVP-V-B7G-FBTS

ordonnance du 07 Juillet 2022

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 22/00182

ARRET DU 02 AVRIL 2024

APPELANTS :

Monsieur [S] [E]

né le 18 Février 1949 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [I] [E]

née le 15 Mai 1953 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Marc ROUXEL de la SELARL CONSILIUM AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 281457

INTIMEE :

S.A.S. BIENPREVOIR.FR

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71220241 substitué par Me Audrey PAPIN

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 08 Janvier 2024 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme GANDAIS, conseillère

M WOLFF, conseiller

Greffière lors des débats et du prononcé : Mme GNAKALE

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 02 avril 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Isabelle GANDAIS, conseillère faisant fonction pour la présidente empêchée et par Flora GNAKALE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE

Courant juillet 2018, M. [S] [E] et Mme [I] [E] se sont rapprochés de la SAS Bien Prévoir.fr afin d’être conseillés en solutions d’investissement pour leur épargne.

Après avoir signé une lettre de mission le 25 juillet 2018, les époux [E] ont investi, le 26 octobre 2018, une somme de 125 000 euros dans un contrat d’assurance-vie Wealins Life, prenant effet au 17 octobre 2018.

Ils ont réalisé un versement complémentaire d’un montant de 225 000 euros, le 14 janvier 2019, sur ce même produit financier.

Par la suite, ils ont déploré des pertes conséquentes en capital ainsi que des frais disproportionnés, reprochant à sa cocontractante de ne pas leur avoir proposé un placement rentable correspondant à leurs critères d’investissement.

Suivant acte d’huissier signifié le 5 avril 2022, les époux [E] ont alors fait assigner la SAS Bien Prévoir.fr devant le président du tribunal judiciaire d’Angers, statuant en référé, aux fins de voir désigner un expert judiciaire, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance du 7 juillet 2022, le juge des référés :

– a déclaré M. et Mme [E] recevables en leur demande,

– les a déboutés de leur demande expertise judiciaire,

– a rejeté la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné M. et Mme [E] aux dépens,

– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

– a rappelé que la décision est, de plein droit, exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 2 septembre 2022, les époux [E] ont formé appel de cette décision en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant déclaré recevable leur demande.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 décembre 2023 et conformément à l’avis délivré par le greffe aux parties le 13 décembre 2023, l’affaire a été plaidée à l’audience du 8 janvier 2024 au cours de laquelle elle a été retenue.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures déposées le 23 décembre 2022, les époux [E] demandent à la cour, au visa des articles 145, 696 et 700 du code de procédure civile,1984 et suivants, 1103 du code civil, R 132-3 et L’132-22 du code des assurances, L. 533-11 à L. 533-13 du code monétaire et financier, de :

– les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et prétentions,

– infirmer l’ordonnance en date du 7 juillet 2022,

– par conséquent, ordonner une expertise judiciaire et désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de :

– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

– se faire remettre tous documents qu’il estime nécessaires à l’exercice de sa mission et en prendre connaissance ;

– procéder à tout constat et recueillir toutes informations utiles ;

– préciser le profil des investisseurs lors de la contractualisation de la mission avec la société BIENPREVOIR.FR ;

– indiquer si le placement orienté par la société BIENPREVOIR.FR était en lien avec le profil d’investissement des consorts [E] ;

– consulter l’intégralité des documents contractuels liant les parties ainsi que les pièces comptables et financières relatives aux différents comptes ouverts par les époux [E] par l’entremise de la société BIENPREVOIR.FR et sur les orientations et préconisations de cette société ; – analyser l’évolution desdits comptes entre le 25 juillet 2018 et le 24 mars 2022;

– préciser si les dates de valeur des opérations ont eu un impact sur la valorisation des actifs ;

– calculer, après avoir relevé l’ensemble des frais, notamment, administratifs, de gestion, d’arbitrage et de tenue de comptes, le taux de rendement exact des produits souscrits au regard des documents commerciaux présentés ;

– donner tous les éléments permettant d’apprécier si la société BIENPREVOIR.FR, s’est comportée comme un professionnel de sa catégorie normalement prudent et diligent dans le cadre d’une gestion libre conseillée tel que le prévoyait la société BIENPREVOIR.FR ;

– vérifier la viabilité du montage financier proposé aux consorts [E] et apprécier si cette proposition était susceptible de constituer un placement rentable et correspondait à leurs critères d’investissement autant qu’à leur profil ; – recueillir les explications des parties et entendre tout sachant ;

– se prononcer et chiffrer le préjudice subi par les consorts [E] notamment au regard des pertes affichées par les produits souscrits et ce, en corrélation avec un placement prudent ;

– fournir d’une manière générale, tout élément de nature à permettre à la juridiction qui sera saisie au fond d’apprécier la nature et l’étendue des responsabilités encourues et d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects ;

– faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

– établir un pré-rapport avant tout rapport définitif ;

– fixer la consignation au titre des frais d’expertise en mettant à leur charge le montant de celle-ci,

– mettre à leur charge les dépens de l’instance,

– réserver les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 20 janvier 2023, la SAS’Bien Prévoir.fr demande à la cour, au visa des articles 143, 145 et 238 du code de procédure civile, de :

– juger les époux [E] non fondés en leur appel, ainsi qu’en leurs demandes fins et conclusions,

– les en débouter,

– à titre principal :

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit mal fondée l’action des époux [E] aux fins de désignation d’un expert judiciaire,

– débouter en conséquence les époux [E] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– à titre subsidiaire, limiter la mission de l’expert judiciaire aux seuls chefs de mission légalement admissibles,

– en tout état de cause, condamner les époux [E] in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions ci-dessus mentionnées.
MOTIFS DE LA DECISION :

I- Sur la demande d’expertise judiciaire

Le juge des référés, pour rejeter la demande d’expertise, a observé que la mission expertale, par nature objective, ne saurait conduire à établir le degré de divergence entre d’une part la perception par les époux [E] de leur tolérance au risque de pertes en capital ainsi que leur connaissance des produits complexes de placement et d’autre part la réalité de ces tolérance et connaissance, telle qu’objectivée par des questionnaires qui ont conduit la SAS’Bien Prévoir à établir leurs profils d’investisseurs. Il a considéré que cela reviendrait à porter une appréciation qui relève de l’office du juge du fond. En outre, le juge des référés a retenu que les demandeurs étaient à même d’évaluer et de justifier des préjudices allégués au moyen des nombreux documents financiers dont ils disposent, établissant l’évolution défavorable de leurs investissements, le temps de mise en ‘uvre des changements d’allocations, ses conséquences et les frais induits et ce, sans qu’une mesure d’expertise ne s’impose. Il a ainsi considéré que celle-ci n’était pas nécessaire pour établir la preuve des faits dont pourrait dépendre un éventuel procès au fond et que partant, les demandeurs ne disposaient pas d’un intérêt légitime à agir contre la SAS Bien Prévoir.

Aux termes de leurs dernières écritures, les appelants font valoir qu’ils n’ont pas pu appréhender l’évolution de leur contrat d’assurance-vie, en évaluer la qualité financière et opérer des choix éclairés du fait des manquements de la société intimée. S’appuyant notamment sur une note expertale établie à leur demande, ils imputent ainsi à ladite société un défaut de conseil et d’assistance. Ils soulignent d’une part que le contrat litigieux souscrit, qui ne comporte aucune mention relativement aux frais prélevés par l’entreprise d’assurance et ce, en méconnaissance de l’article R 132-3 alinéa 1 du code des assurances, a généré des frais exorbitants avoisinant les 30’000 euros et réduisant d’autant les rendements. Ils ajoutent d’autre part qu’à aucun moment ils n’envisageaient de souscrire, à titre exclusif, des placements à haut risque et ce, alors que la lettre de mission les avait classés en tant que ‘client non professionnel, catégorisation [leur] permettant de bénéficier du plus haut degré de protection offert par la législation et la réglementation’. Ils affirment qu’au regard de leurs objectifs d’investissement, ils devaient être considérés comme devant conserver la maîtrise des produits financiers sans prendre de risques sur des pertes en capital. À ce titre, ils relèvent que ces risques n’ont absolument pas été évoqués par l’intermédiaire financier alors même que pèse sur ce dernier diverses obligations prévues aux articles L 533-11, L 533-12 et L 533-13 du code monétaire et financier. Aussi, les appelants font grief à la société intimée de s’être comportée comme un placier de fonds rémunéré par l’assureur et non comme un réel ‘gestionnaire de patrimoine’, ne s’étant pas suffisamment informée sur les caractéristiques de l’opération proposée et plus spécialement sur son sérieux, sa faisabilité et sa fiabilité. Ils soulignent n’avoir reçu aucune notice d’information relative au placement choisi. Ils s’appuient également sur la note d’expertise

privée pour soutenir que leur contradictrice a manqué à son obligation de conseil sur la qualification de leur profil d’investisseur dès lors qu’ils étaient des clients ‘non professionnels’. Ils relèvent ainsi que l’énoncé de leurs objectifs principaux et le profil de risque retenu par l’intermédiaire financier sont parfaitement antinomiques l’un de l’autre. Les appelants déplorent au final des résultats négatifs et ce, dès le commencement de l’exécution du contrat, relevant que 34’des 38 relevés mensuels reçus ont été négatifs, c’est à dire en dessous des 350’000 euros apportés par eux malgré une situation boursière favorable, signifiant ainsi que l’allocation d’actifs n’a pas été judicieuse. Ils ajoutent que les rendements d’autres contrats d’assurance-vie proposés par d’autres conseillers en investissements financiers pour un investisseur avec un profil dynamique, ont été supérieurs, au cours des années 2019 à 2021 au placement proposé par la société intimée. Ils reprochent encore à la société intimée de ne pas avoir précisé le mode de calcul des parts des fonds structurés Phoenix Resilio, lesquels ont été vendus de 5 à 10 % en dessous de leur valeur réelle. Ils ajoutent que les décomptes établis par le structureur Adequity afférents à la vente du produit Phoenix Resilio sont erronés et qu’à tout le moins, la société intimée n’est jamais parvenue à préciser les véritables valeurs liquidatives de leur portefeuille. À ce titre, ils concluent à une différence en leur défaveur d’un montant de 2 188 euros. Les appelants énoncent que selon l’expert privé, le dommage qu’ils ont subi se situe dans une fourchette comprise entre 55’000 et 70’000 euros (dont 29’642 euros de pertes en capital) alors que l’évolution des actions boursières était favorable. Les appelants font valoir qu’au regard du manquement de l’intimée à ses obligations d’information et de conseil, la mesure d’expertise permettra de vérifier la viabilité du montage financier qui leur a été proposé et d’apprécier si cette proposition était susceptible de constituer un placement rentable, correspondant à leurs critères d’investissement. Ils ajoutent que l’expert privé précise qu’une expertise détaillée de la vie de leur portefeuille doit être réalisée afin d’obtenir le score réel des placements et le poids relatif des frais et commissions.

Aux termes de ses dernières écritures, la société intimée rappelle qu’une mesure d’instruction ne peut être prononcée au préjudice d’un professionnel qu’à la condition qu’il puisse être démontré préalablement que sa responsabilité pourrait être sérieusement recherchée et ce, pour des motifs précis. Au cas particulier, elle considère que le contenu de la mission sollicitée est bien trop large et son but manifeste est de rechercher un fondement juridique à une éventuelle action en responsabilité à venir. Elle relève que les appelants demandent à l’expert judiciaire qui serait désigné de se substituer purement et simplement à la juridiction qui pourrait, le cas échéant, avoir à connaître d’une demande sur le fond. L’intimée ajoute que les griefs émis à son encontre ne la concernent pas puisqu’en sa qualité de conseiller en investissements financiers ou courtier en assurance, elle n’est pas l’assureur et n’est donc pas tenue des obligations légales d’information pesant sur ce dernier et visées notamment à l’article R 132-3 du code des assurances ou encore au titre de l’obligation d’information annuelle sur l’évolution du contrat. Elle indique également que les articles L 533-11 à L’533-13 du code monétaire et financier ne lui sont pas applicables et ne peuvent constituer un fondement pour engager son éventuelle responsabilité dans la mesure où elle n’est pas un prestataire de services d’investissement. S’agissant de la note expertale produite par les appelants, l’intimée, qui la qualifie de ‘subjective’, relève sa contradiction intrinsèque puisqu’elle tend à démontrer la nécessité absolue de désigner un expert judiciaire pour éclairer sur l’investissement litigieux tout en prétendant apporter tous les éclairages sur ledit investissement. En définitive, l’intimée considère que le seul grief pouvant potentiellement être invoqué est celui d’un éventuel défaut d’information et de conseil au moment de la souscription du contrat d’assurance mais que ses contradicteurs n’apportent aucun commencement de preuve de manquement à cet égard. Elle rappelle qu’il s’agit en tout état de cause d’une obligation de moyens puisqu’il existe une part d’aléa dans tout investissement et qu’elle ne peut être garante de la rentabilité du produit conseillé. L’intimée souligne, s’agissant du profil de risque des appelants, que toute la documentation contractuelle signée par eux établit leur acceptation d’un risque pouvant aller jusqu’à la perte de 100’% du capital investi. Elle reproche à l’expert privé de discuter la qualification de profil dynamique retenu en ne prenant pas en considération l’ensemble des pièces contractuelles et notamment du questionnaire rempli par les appelants et dont l’authenticité n’est pas remise en cause. Par ailleurs, l’intimée affirme que les appelants ont reçu une information particulièrement détaillée, complète et personnalisée relativement aux risques des investissements proposés. S’agissant des frais divers, elle fait remarquer que les conditions particulières du contrat d’assurance-vie détaillent bien ces frais supportés par les souscripteurs dans le cadre de leur investissement, tout en rappelant que cette obligation d’information sur ces frais incombe exclusivement à l’assureur. Au regard de ces éléments démontrant que les appelants ont pu prendre leurs décisions d’investissement en toute connaissance de cause des risques existants, l’intimée conclut que l’expertise sollicitée est parfaitement inutile au regard de son objectif probatoire concernant d’éventuels manquements de sa part aux obligations d’information et de conseil. En tout état de cause, elle souligne que l’ensemble des documents se rapportant à l’investissement litigieux sont suffisants à eux seuls pour juger d’un éventuel manquement à ses obligations, relevant que la note expertale est à même de démontrer toutes les fautes prétendument commises par elle. Elle considère qu’il en est de même s’agissant de l’appréciation du préjudice allégué par les appelants qui ne sauraient en tout état de cause consister qu’en une perte de chance de ne pas avoir souscrit le produit litigieux et certainement pas le montant des pertes subies. S’agissant de ses éventuelles pertes, elle affirme que les appelants, au regard des documents reçus par le gestionnaire du contrat, sont en mesure de les évaluer, sans nécessité de recourir à un expert judiciaire.

Sur ce, la cour

L’article 145 du code de procédure civile énonce que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il appartient au demandeur à l’organisation d’une telle mesure d’expertise de rapporter la preuve que cette mesure a pour objet de permettre d’établir des faits probants en vue d’un procès potentiel, non manifestement voué à l’échec et qu’elle est de nature à éclairer le juge susceptible d’être ultérieurement saisi du litige opposant les parties.

En l’espèce, les appelants justifient le recours à une mesure d’instruction par la nécessité de vérifier la viabilité du montage financier qui leur a été proposé, d’apprécier si cette proposition était susceptible de constituer un placement rentable et si elle correspondait à leurs critères d’investissement. Ils entendent, avec les investigations et avis d’un technicien sur ces différents points, engager la responsabilité de la société intimée au titre de manquements à ses obligations d’information et de conseil.

La cour observe ainsi que le débat au fond qui pourrait opposer les parties porterait sur l’appréciation du respect des règles professionnelles pesant sur un conseiller en investissements financiers.

En premier lieu, la cour relève que les appelants disposent d’un certain nombre de pièces contractuelles, lesquelles ont été produites aux débats de part et d’autre, à savoir :

– une lettre de mission que les parties indiquent avoir conclue le 25 juillet 2018 ;

– un rapport de mission établi le 1er août 2018 par la SAS Bien Prévoir présentant trois propositions de placement en assurance-vie et rapportant le choix des appelants en faveur de la souscription du contrat d’assurance-vie Wealins Life auprès de la compagnie d’assurance Foyer International SA ;

– un document de mise en relation établi le 1er août 2018 par la SAS Bien Prévoir et signé le 20 août 2018 par M. [E], rappelant que la société agit en tant que conseiller en investissements financiers, courtier en assurances et mandataire non exclusif en opérations de banque ;

– un questionnaire relatif au recueil d’informations clients/prospects établi le 1er”août 2018 par la SAS Bien Prévoir et signé le 20 août 2018 par M.'[E] ;

– les conditions particulières du contrat d’assurance-vie Wealins Life France signées par les époux [E] le 26 octobre 2018 ;

– un avenant de versement complémentaire sur le contrat d’assurance-vie Wealins Life France, conclu le 28 janvier 2019 et portant sur un montant de 225’000 euros ;

– un rapport de mission signé par les parties le 14 janvier 2019 ;

– un rapport patrimonial établi le 31 mars 2022 par la banque internationale à Luxembourg (BIL), banque dépositaire des fonds.

Les appelants produisent également devant la cour une note expertale établie à leur demande, le 17 octobre 2022 par M. [J] [N], expert comptable. Ce dernier, qui ne fait pas état au titre des pièces contractuelles consultées, du questionnaire relatif au recueil d’informations clients/prospects établi le 1er août 2018 par la SAS Bien Prévoir et signé le 20 août 2018 par M.'[E], a conclu :

– à un défaut de conseil sur la qualification du profil d’investisseurs des époux [E] ; le profil de risque retenu aux termes du contrat d’assurance-vie est celui qualifié de ‘dynamique 100″ qui s’adresse à un investisseur ‘ayant une connaissance approfondie des marchés financiers’ alors que les époux [E] ont été qualifiés de ‘non professionnels’ à la lettre de mission

– à un défaut de conseil et d’assistance en cours de vie du contrat ; la SAS’Bien Prévoir n’est bien souvent pas en mesure de répondre aux questions posées par ses clients sur les produits et leurs supports

– qu’a été proposé un produit de placement complexe, mettant en ligne un nombre important d’intermédiaires générant des frais significatifs ; le nombre d’intervenants dans la vie de ce placement rend particulièrement opaque le niveau des frais et des commissions perçues.

Cet expert privé indique encore qu’une approche globale de la situation fournit les éléments suivants :

– ‘placements successifs de 125’000 euros et de 225’000 euros, soit 350’000 euros

– retraits de 157 000 euros puis de 27 000 euros, total de – 184 000 euros

– relevé des positions au 31 août 2022 : 136’358 euros

soit retraits + relevé = 320’358 euros

d’où une perte en capital de 350 000 euros – 320 358 = – 29’642 euros

A cette perte de -8,5% du capital, s’ajoutent des pertes sur opérations de change et sur achats/ventes d’OPVCM alors que, en même temps, le CAC 40 évoluait de + 21,6%, passant de 5 120 à 6 230″.

L’expert conclut que le dommage subi par les époux [E] se situe dans une fourchette de 55’000 à 70’000 euros et estime qu’une expertise détaillée de la vie de ce portefeuille doit être réalisée afin d’obtenir le score réel des placements et le poids relatif des frais et commissions.

Il importe de relever qu’aux termes du ‘questionnaire relatif au recueil d’informations clients/prospects’ établi par la société intimée le 1er août 2018 et rempli par M. [E] le 20 août 2018, sont renseignés notamment :

– ‘vos orientations patrimoniales (hiérarchisation des priorités) : 1. Accroître la rentabilité de mes placements 2. Transmettre mes biens à mon conjoint, ma famille 3.Obtenir des revenus futurs réguliers’.

– profil et objectifs d’investissements (à l’aide du questionnaire d’Upsideo) : II. Expérience en matière de services d’investissements : le client a déjà eu un investissement ‘dynamique (4) engendrant un risque allant jusqu’à 100% de perte du capital investi’. A la question ‘Sur quel profil investirait-il”, le client a répondu ‘Dynamique (4)’, engendrant un risque allant jusqu’à 100% de perte du capital investi’.

Le profil ‘Dynamique (4)’ est défini aux termes de ce même document comme suit : ‘Les investisseurs ayant un profil dynamique cherchent consciemment le rendement. Le poste ‘investissements à revenu fixe’ de leur portefeuille est considérablement inférieur à la ‘partie actions’. Ils acceptent que

la valeur de leur portefeuille puisse diminuer (fortement) en raison d’évolution négative sur les marchés des actions notamment ; et ils sont surtout attentifs aux rendements à long terme. Dans leur portefeuille d’obligations, ils prêtent dès lors attention aux obligations dans d’autres monnaies ou de débiteurs plus risqués’. Sous cette définition, un graphique illustre les quatre profils possibles : très prudent, prudent, équilibre et dynamique avec un risque de perte en capital de 100% pour le profil dynamique.

Aux termes de ce même questionnaire, il a été précisé par M. [E] qu’il avait déjà souscrit un investissement ‘dynamique’, engendrant un risque allant jusqu’à 100 % de perte du capital investi, qu’il avait à cette époque assumé cette perte, qu’il serait prêt à assumer cette même perte aujourd’hui, qu’il était prêt à réitérer ce type d’investissement sur un horizon de plus de cinq ans et qu’en cas de chute de 25 % des marchés internationaux, il accepterait pour ce nouveau contrat plus de 20% de moins-values.

Le rapport de mission établi par la société intimée le 1er août 2018 a précisé que le profil des clients ‘(selon les informations de [leur] recueil d’informations)’ est le suivant : ‘vous acceptez que votre investissement engendre un risque pouvant aller jusqu’à 100 % de perte du capital investi’. Pour le montant du placement envisagé, soit 125’000 euros, un horizon d’investissement sur plus de cinq ans et ‘au regard des objectifs principaux d’investissement (accroître la rentabilité de [leurs] placements, transmettre [ses] biens au conjoint, [sa] famille et obtenir un revenu complémentaire’, la société intimée a proposé trois contrats d’assurance-vie dont le premier dénommé ‘Wealins Life’ géré par la compagnie d’assurance Foyer International SA avec les allocations proposées suivantes : ‘via un FID (Fonds Interne Dédié), divers CLN, divers produits structurés sur actions’. Cette solution d’investissement a été choisie par les appelants auxquels il a été rappelé aux termes du rapport de mission : ‘au sein de votre patrimoine financier, les placements non garantis en capital représentent, après cet investissement environ 561’000 euros, soit 88,20 % de votre patrimoine financier, ce qui est cohérent avec votre profil dynamique. Au regard de la proportion de ces placements par rapport à votre patrimoine, vous acceptez d’investir dans des placements présentant un risque de perte partielle ou totale de votre investissement qui y est dévolu (voir les risques de ce placement dans la partie ‘Risques et inconvénients’ du présent rapport de mission).’

Le 14 janvier 2019, les appelants ont réalisé un versement complémentaire d’un montant de 225’000 euros sur le même produit financier. Un nouveau rapport de mission a été établi entre les parties le jour même, rappelant comme le précédent rapport de mission précité du 1er août 2018, le profil ‘stratégie dynamique’ des clients, les risques supportés par ces derniers pour les supports proposés (OPCVM divers, CLN, Phoenix, Athéna) et indiquant que ‘les placements non garantis en capital représentent, après cet investissement, environ 510’000 euros, soit 97,72 % de [leur] patrimoine financier, ce qui est cohérent avec [leur] profil dynamique.’

Par ailleurs, les conditions particulières du contrat d’assurance-vie Wealins Life France signées par les appelants, le 26 octobre 2018, énumèrent les frais d’entrée, de gestion administrative, de gestion financière et d’arbitrage supportés par ces derniers dans le cadre de leur investissement.

Au vu de ce qui précède, compte tenu de la nature de l’ensemble des pièces précitées, dont la teneur de certaines a été retranscrite, il n’apparaît pas que l’analyse de celles-ci impose la désignation d’un expert pour permettre au juge du fond qui pourrait être saisi, de se prononcer sur d’éventuels manquements de la société intimée au regard de ses obligations d’information et de conseil.

En second lieu, à supposer que cette dernière puisse se voir reprocher des manquements à ses obligations d’information et de conseil, cela ne ressort pas de l’appréciation d’un expert. A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 238 du code de procédure civile, il n’appartient pas à un expert, technicien dans une spécialité précise, de se livrer à une appréciation juridique des faits de la cause. Or, certains des chefs de mission proposés par les appelants ‘donner tous les éléments permettant d’apprécier si la société BIENPREVOIR.FR, s’est comportée comme un professionnel de sa catégorie normalement prudent et diligent dans le cadre d’une gestion libre conseillée tel que le prévoyait la société BIENPREVOIR.FR ; vérifier la viabilité du montage financier proposé aux consorts [E] et apprécier si cette proposition était susceptible de constituer un placement rentable et correspondait à leurs critères d’investissement autant qu’à leur profil’ visent précisément à demander à l’expert de porter une appréciation qui relève du seul pouvoir juridictionnel.

S’agissant du préjudice financier allégué, force est de constater, comme souligné exactement par la société intimée, que celui-ci ne peut consister qu’en une perte de chance de ne pas avoir souscrit le produit litigieux et ne peut s’élever au montant des pertes subies. Néanmoins, l’appréciation de cette perte de chance de ne pas choisir l’investissement proposé dépend des avantages qu’il présentait ainsi que des attentes des investisseurs. Il s’ensuit que les appelants ont un intérêt à ce qu’un technicien puisse, dans un cadre contradictoire, détailler la ‘vie du portefeuille’ litigieux ainsi que préconisé par l’expert privé qui n’a pu évaluer ‘le score réel des placements et le poids relatif des frais et commissions’. A cet égard, le rapport patrimonial du 31 mars 2022 établi par la banque dépositaire des fonds, la BIL, doit pouvoir, dans l’hypothèse d’un procès au fond, être utilement exploité par le juge qui serait saisi. En l’état, seule la perte en capital a pu être chiffrée précisément, sans faire l’objet d’une discussion entre les parties. Les autres pertes alléguées par les appelants sont en revanche contestées et en tout état de cause n’ont pu être évaluées précisément par l’expert privé.

Il convient dès lors, par voie de réformation de l’ordonnance entreprise, d’ordonner une mesure d’expertise aux frais avancés des appelants et selon la mission détaillée au dispositif du présent arrêt, étant observé que pour les motifs qui précèdent, il ne sera pas fait intégralement droit à la mission proposée, qui aboutirait à solliciter de l’expert judiciaire qu’il se prononce sur le respect par l’intimée de son obligation d’information et de conseil, ce qui ne relève pas de son office.

II- Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens, la SAS Bien Prévoir.fr ne pouvant être qualifiée de partie perdante dans la procédure de référé expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile. Il convient ainsi de laisser les dépens de première instance et d’appel à la charge des demandeurs à l’expertise. Il sera fait application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit du conseil de l’intimée, ainsi que sollicité par cette dernière.

Par ailleurs, en considération de l’équité et de la situation respective des parties, il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel au profit de l’une ou l’autre des parties.
PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME, dans les limites de sa saisine, l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d’Angers du 7 juillet 2022 sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE une mesure d’expertise et commet pour y procéder Mme [X] [F], [Adresse 8], courriel : [Courriel 5]@gmail.com, laquelle aura pour mission de :

– convoquer les parties ;

– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment les pièces contractuelles relatives au contrat d’assurance-vie Wealins Life souscrit le 26 octobre 2018, les documents établis par la BIL et la note expertale de M. [G] [N] du 17 octobre 2022 ;

– faire une analyse de l’évolution du contrat d’assurance-vie Wealins Life depuis le 26 octobre 2018 ;

– calculer, après avoir relevé l’ensemble des frais (notamment administratifs, de gestion, d’arbitrage et de tenue de comptes), le taux de rendement exact du produit financier souscrit ;

– chiffrer les pertes sur opérations de change et sur achats/vente d’OPCVM ;

– donner tous éléments de fait et techniques utiles à la solution du litige ;

DIT que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

RAPPELLE que l’expert ne pourra recueillir l’avis d’un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu’il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, adresse, et profession ainsi que, s’il y a lieu, leur lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêt avec elles,

FIXE à la somme de 3 000 euros la provision que M. [S] [E] et Mme [I] [E] devront consigner au greffe du tribunal judiciaire d’Angers dans le délai de 2 mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque, à moins que cette partie ne soit dispensée du versement d’une consignation par application de la loi sur l’aide juridictionnelle, auquel cas les frais seront avancés par le Trésor,

DIT que si l’expert entend, au cours de ces opérations, solliciter une consignation complémentaire, il devra en communiquer le montant au juge chargé du contrôle de l’expertise, et ce, après avoir 15 jours auparavant consulté les parties qui devront elles-mêmes communiquer à l’expert et au juge chargé du contrôle de l’expertise leurs observations dans les 10 jours suivant réception de cette information,

DIT que l’expert adressera un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans les quatre semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport définitif,

DIT que l’expert devra notifier aux parties et déposer son rapport définitif au greffe dans un délai de six mois à compter de sa saisine,

DESIGNE, en application de l’article 964-2 du code de procédure civile, le magistrat chargé du contrôle des expertises près le tribunal judiciaire d’Angers pour suivre et contrôler les opérations du technicien ci-dessus désigné, et pour statuer sur toutes difficultés d’exécution,

DIT que l’expert qui souhaite refuser sa mission en informera le service des expertises dans les 15 jours suivant la notification de la décision, sans autre avis du greffe,

DIT que l’expert pourra commencer ses opérations sur justification du récépissé du versement de la provision délivrée par le régisseur à la partie consignataire, à moins que le magistrat chargé du contrôle lui demande par écrit de le commencer immédiatement en cas d’urgence,

DEBOUTE la SAS Bien Prévoir.fr de ses demandes formées au titre de ses frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE in solidum M. [S] [E] et Mme [I] [E] aux dépens d’appel avec distraction au profit du conseil de la SAS Bien Prévoir.fr.

LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE empêchée

F. GNAKALE I. GANDAIS


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