Péremption d’instance : 9 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 19/00814

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Péremption d’instance : 9 mai 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 19/00814
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 09 Mai 2023

N° RG 19/00814 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GGZD

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY en date du 28 Mars 2019

Appelant

M. [I] [X]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Guillaume PUIG, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimée

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DES SAVOIE, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocats postlants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL EYDOUX – MODELSKI, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 février 2023

Date de mise à disposition : 09 mai 2023

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Composition de la cour :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

– Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et Procédure

Selon contrat en date du 13 septembre 2008, M. [I] [X] a souscrit un prêt de 684 000 euros au taux d’intérêt fixe annuel de 4,95%, majoré au taux de 7,95% à compter du 20 juillet 2017, remboursable en 120 mensualités. Les mensualités n’étant plus remboursées, la déchéance du terme était prononcée en septembre 2015.

Par jugement contradictoire rendu le 28 mars 2019, le tribunal de grande instance de Chambéry a :

– condamné M. [I] [X] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie (le Crédit Agricole) la somme de 465 987,73 euros au titre du prêt n° 00000136459, outre intérêts au taux conventionnel majoré de 7,95 % à compter du 21 juillet 2017 ;

– rejeté la demande de M. [X] tendant au prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente de la régularisation d’un protocole de règlement ;

– ordonné la capitalisation des intérêts dus sur une année entière ;

– condamné M. [X] à payer au Crédit Agricole la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ;

– condamné M. [X] aux dépens, en ce compris les frais d’inscription hypothécaire, et avec distraction au profit de Me Alain Marter ;

– ordonné l’exécution provisoire.

Ce jugement a été signifié à M. [X] le 11 avril 2019. Il en a interjeté appel par déclaration du 30 avril 2019.

M. [X] a notifié ses conclusions d’appelant par voie électronique le 30 juillet 2019. En réponse, le Crédit Agricole a notifié ses conclusions d’intimé le 18 octobre 2019.

Par ordonnance rendue le 9 avril 2020, le conseiller de la mise en état, saisi par le Crédit Agricole aux fins de radiation de l’affaire sur le fondement des dispositions de l’article 526 (ancien) du code de procédure civile, a :

– ordonné la radiation du rôle de l’affaire enregistrée sous le n° de RG 2019/00814 ;

– dit que l’affaire ne pourra être réinscrite au rôle que sur justification de l’exécution de la décision de première instance ;

– condamné M. [X] à payer au Crédit Agricole la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [X] à supporter les dépens de l’incident.

Par conclusions sur incident notifiées le 8 avril 2022 et récapitulatives du 12 octobre 2022, M. [X] a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de réinscription de l’affaire en arguant de l’exécution de la décision attaquée et sollicitant que les demandes de la banque soient déclarées irrecevables.

Par conclusions sur incident notifiées le 16 août 2022, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie demandait au conseiller de la mise en état de débouter M. [X] de sa demande de réinscription au rôle de l’affaire et de constater et au besoin de prononcer la péremption de l’affaire enrôlée sous le RG n° 19/00814.

Par ordonnance en date du 10 novembre 2022, le conseiller de la mise en état :

– disait n’y avoir lieu à réinscription de l’affaire enrôlée sous le n° RG 19/00814, et déboutait en conséquence M. [I] [X] de cette demande ;

– constatait la péremption de l’instance inscrite sous le n° RG 19/00814 ;

– déclarait l’instance éteinte et constatait le dessaisissement de la cour ;

– condamnait M. [I] [X] à payer à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamnait M. [I] [X] aux entiers dépens.

Par requête en déféré en date du 24 novembre 2022, M. [I] [X] saisissait la cour.

Prétentions des parties :

Par requête en date du 24 novembre 2022, régulièrement notifiée par voie de communication électronique, M. [I] [X] sollicitait l’infirmation de l’ordonnance et demandait à la cour de :

– déclarer irrecevable la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie en son moyen tiré de la péremption d’instance ;

En tout état de cause,

– débouter la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie du moyen tiré de la péremption d’instance ;

– autoriser la réinscription de l’affaire initialement enregistrée sous le numéro 19/00814 (appel du jugement entrepris) ;

– condamner la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’indemnité procédurale.

Au soutien de ses prétentions, M. [I] [X] faisait notamment valoir que :

‘ la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie était irrecevable à soulever la péremption, ayant soulevé en premier la non réinscription au rôle ;

‘ l’ordonnance de radiation n’avait jamais été notifiée, de sorte que le délai de péremption n’avait pas couru ;

‘ il démontrait avoir fait des actes manifestant sa volonté d’exécuter le jugement.

Par dernières écritures en date du 19 décembre 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie sollicitait de la cour de :

– confirmer l’ordonnance déférée ;

– débouter M. [I] [X] de sa demande de réinscription au rôle de l’affaire ;

– juger que les règlements effectués par M. [I] [X] étaient sans commune mesure avec le montant de la dette et de ses facultés de paiement ;

– juger en conséquence que les actes ainsi accomplis ne démontraient pas la volonté sans équivoque de M. [I] [X] d’exécuter le jugement ;

– constater et au besoin prononcer la péremption de l’affaire enrôlée sous le n° RG 19/00814 ;

– débouter M. [I] [X] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner M. [I] [X] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie faisait valoir notamment que :

‘ elle s’était bornée à s’opposer au rétablissement de l’affaire et demander de voir constater la péremption ;

‘ l’ordonnance de radiation avait été notifiée à l’avocat puis par acte d’huissier le 10 juin 2020 à M. [I] [X] ;

‘ les actes accomplis par M. [I] [X] étaient insuffisants à démontrer sa volonté d’exécuter la décision et donc à interrompre le délai de péremption.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.

MOTIFS ET DÉCISION :

I – Sur la demande de réinscription au rôle

En vertu de l’article 526 al 1 ancien du code de procédure civile, ‘lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision’.

L’article 383 du même code dispose que ‘la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administration judiciaire.A moins que la péremption ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande d’une partie’.

L’ordonnance initiale du 9 avril 2020 a prononcé la radiation de l’affaire du rôle au motif que le jugement dont appel, exécutoire par provision pour une condamnation en principal de 465 987,73 euros, n’était pas exécuté et que si M. [I] [X] versait des acomptes mensuels à la banque à hauteur de 5 400 euros, il ne justifiait pas de sa situation financière et ne démontrait donc nullement que l’entière exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu’il était dans l’impossibilité de l’exécuter.

Par conclusions du 8 avril 2022, M. [I] [X] a sollicité la réinscription au rôle de cette affaire, indiquant qu’il avait versé la somme de 108 000 euros, manifestant sans équivoque sa volonté d’exécuter la décision dont appel et qu’il justifiait de cette exécution.

Actuellement, M. [I] [X] a versé la somme mensuelle de 5 400 euros entre avril 2020 et janvier 2022 ainsi qu’en octobre 2022, la somme de 217 050 euros provenant de la vente d’un appartement à [Localité 5].

Selon la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie, il restait devoir au 13 octobre 2022, la somme de 198 478,46 euros en principal.

D’une part, il y a lieu de constater que M. [I] [X] n’a pas exécuté entièrement le jugement dont appel, peu important que les sommes déjà versées depuis le début du crédit souscrit aient dépassé le montant du capital emprunté. La condamnation prononcée a été exécutée à hauteur d’environ 58 %, trois ans après son prononcé. D’autre part, comme en 2020, M. [I] [X] ne justifie pas ni de conséquences manifestement excessives en cas d’exécution ni de son impossibilité de procéder à l’exécution totale de la décision dont appel. S’il fournit des éléments de ressources, ceux-ci datent de 2021, alors que la cour statue en mai 2023 et qu’au cours de l’année 2021, il n’était plus notaire, profession qu’il exerce à nouveau depuis avril 2022. Certes, son épouse bénéficie de la qualité de travailleuse handicapée depuis le 1er avril 2019, mais elle a perçu en 2021 deux pensions d’un montant total de 40 733 euros, sans que son salaire en 2020 n’ait été précisé et que des informations récentes n’aient été fournies sur les pensions perçues. M. [I] [X] ne justifie pas non plus du patrimoine immobilier qui a été à l’origine en 2021 d’un revenu de 39 608 euros, ni de l’impossibilité de vendre le bien immobilier pour lequel il avait souscrit un prêt initial de 456 000 euros et dont les échéances de prêt mensuelles sont de 2 293 euros.

En conséquence, la demande de réinscription au rôle rejetée par l’ordonnance déférée doit être confirmée.

II – sur la péremption d’instance

‘ sur la recevabilité de la demande de péremption

Aux termes de l’article 388 du code de procédure civile : ‘La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. Elle ne peut être relevée d’office par le juge’.

L’incident de péremption devant être soulevé ‘avant tout autre moyen’, le moyen dont il s’agit est un ‘moyen de défense’ qui ‘s’entend des raisons que le plaideur oppose aux prétentions de son adversaire pour les faire rejeter par le juge comme irrégulières, irrecevables ou mal fondées’. Il ne peut s’agir d’un moyen opposé à l’aboutissement d’une prétention telle que la demande de réinscription au rôle. En l’espèce, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie, alors que le conseiller de la mise en état était saisi d’une demande de rinscription au rôle, s’est d’abord opposée à cette demande, et a soulevé la péremption de l’instance. Il était en effet nécessaire que le juge se prononce d’abord sur le rétablissement au rôle dont la demande a été présentée avant l’acquisition du délai de péremption de deux ans. En effet, si la réinscription avait été ordonnée, le délai de péremption aurait été interrompu de sorte que la banque devait répliquer à cette demande de réinscription pour s’y opposer et invoquer ensuite utilement la péremption, demande examinée en l’absence de réinscription, cet ordre empêchant la banque de soulever la péremption en premier lieu.

‘ sur le point de départ du délai de péremption

L’article 526 ancien précité, dans sa modification intervenue en 2017, prévoit que ‘La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d’administration judiciaire…..le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.’

En l’espèce, il résulte des mentions portées sur l’ordonnance de radiation en date du 9 avril 2020 que le greffe a notifié la décision aux avocats des parties mais il n’est pas fait état d’une notification à M. [I] [X] par lettre simple. En revanche, la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie démontre avoir signifié à M. [I] [X] cette ordonnance par exploit d’huissier en date du 10 juin 2020, de sorte que le délai de deux ans partait à compter du 11 juin 2020.

Par ailleurs, la péremption ne peut être demandée qu’après l’expiration des délais nécessaires à son acquisition. En l’espèce, elle n’a été soulevée par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie que par écritures en date du 16 août 2022, soit postérieurement à l’échéance du délai de deux ans.

‘ sur l’interruption du délai de péremption

Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. Lorsqu’en application de l’article 526 du même code, l’appel fait l’objet d’une radiation du rôle faute pour l’appelant de justifier avoir exécuté la décision frappée d’appel, tout acte d’exécution significative de cette décision manifeste la volonté non équivoque de l’exécuter et constitue par conséquent une diligence interrompant le délai de péremption de l’instance d’appel. Il résulte en outre de l’article 480 du code de procédure civile, que l’appréciation du caractère significatif de l’exécution de la décision frappée d’appel est faite en considération de ce qui a été décidé par le premier juge dans le dispositif de sa décision.

En l’espèce, et au vu des éléments déjà susvisés, c’est à bon droit que le conseiller de la mise en état a relevé que

– malgré les deux années dont il a disposé, M. [I] [X] n’a procédé qu’à des versements mensuels de 5.400 euros (équivalents à 9 euros près aux mensualités du prêt), qui ont été interrompus en janvier 2022 et n’ont pas repris depuis ;

– M. [X] ne produisait toujours que son seul avis d’imposition établi en 2022 sur les revenus de 2021, sans aucune précision sur le patrimoine dont il peut disposer, alors que cet avis d’imposition révélait l’existence de revenus fonciers nets de 39.608 euros.

Certes, M. [I] [X] démontre avoir engagé des démarches à partir de janvier 2022 pour vendre un appartement à [Localité 5] mais cette vente est intervenue plusieurs mois après la demande en rétablissement du rôle et après l’expiration du délai de péremption, mais il n’a pas précisé la raison pour laquelle il n’avait pas débuté ces démarches avant d’autant que le bien semblait dégradé et surtout, il ne précise pas pourquoi il a désormais interrompu tout versement mensuel et comment il envisage de solder les sommes encore dues qui représentent encore une large partie de la condamnation initiale.

Ainsi, M. [I] [X] ne démontre pas une réelle volonté d’exécuter la décision contestée.

En conséquence, le délai de péremption d’instance n’a pas été interrompu et l’instance est désormais éteinte.

L’équité commande de faire droit à la demande d’indemnité procédurale de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie à hauteur de 1 000 euros. M. [I] [X] sera condamné aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état déférée,

Y ajoutant,

Condamne M. [I] [X] aux dépens de l’instance

Condamne M. [I] [X] à payer à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie une indemnité procédurale de 1 000 euros.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 09 mai 2023

à

Me Guillaume PUIG

la SELARL VIARD-HERISSON GARIN

Copie exécutoire délivrée le 09 mai 2023

à

la SELARL VIARD-HERISSON GARIN

 


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