Péremption d’instance : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04088

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Péremption d’instance : 8 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 22/04088
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9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/04088 – N° Portalis DBVL-V-B7G-S4YB

M. [O] [W]

C/

[6]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Mme [C] [L] lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 21 Juin 2023

devant Madame Véronique PUJES, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 06 Novembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de BREST

Références : 17/00129

****

APPELANT :

Monsieur [O] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

[6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Mme [S] [Y], en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 11 février 2016, M. [O] [W], salarié de la société [8] (la société) en tant que soudeur-tuyauteur, a complété une déclaration de maladie professionnelle au titre d’un ‘cancer – adénocarcinome pulmonaire métastasé’.

Le certificat médical initial établi le 25 janvier 2016 fait état d’un ‘adénocarcinome- scanner thoracique du 9/01/2016 (…)’.

Par lettre du 3 octobre 2016 et sur la base d’un avis défavorable du [5] ([7]) de Bretagne du 16 septembre 2016, la [4] (la caisse) a notifié à M. [W] un refus de prise en charge de la maladie ‘cancer broncho-pulmonaire’ au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles.

Contestant cette décision, M. [W] a saisi la commission de recours amiable le 4 novembre 2016, laquelle a rejeté son recours par décision du 26 janvier 2017, notifiée le 2 février 2017.

Le 22 mars 2017, il a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest qui, par jugement du 26 septembre 2018, a sollicité l’avis du [7] sur l’existence d’un lien direct entre le travail habituel de M. [W] et la maladie dont il est atteint.

Le 30 avril 2019, ce comité a émis un avis défavorable.

Par jugement du 6 novembre 2019, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Brest a :

– constaté que la durée d’exposition de M. [W] aux poussières d’amiante auxquelles il a été exposé pendant une durée de 4 ans, 2 mois et 16 jours dans le cadre de ses activités professionnelles est largement inférieure à la durée de 10 années prévue par le tableau n°30B ;

– dit qu’en l’absence de présomption d’imputabilité, M. [W] ne rapporte pas la preuve, au regard des données de la science, que cette exposition est en lien direct avec l’adénocarcinome métastasé des poumons qu’il a développé ;

– jugé, en conséquence, que l’affection présentée par M. [W] ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels;

– débouté M. [W] de son recours et rejeté en conséquence sa demande de condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [W] aux dépens.

Par déclaration adressée le 4 décembre 2019, ce dernier a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre du 6 novembre 2019.

Il critique le jugement en ce qu’il :

– juge que son affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

– le déboute de son recours et rejette en conséquence sa demande de condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le condamne aux dépens.

Par ordonnance du 2 février 2021, le magistrat chargé d’instruire l’affaire a prononcé la radiation du dossier.

Le 24 juin 2022, M. [W] en a sollicité la réinscription.

Aux termes d’une ordonnance du 31 août 2022, le magistrat précité a enjoint les parties de conclure sur la péremption éventuelle de l’instance.

Par ses écritures parvenues au greffe le 5 décembre 2022 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, M. [W] demande à la cour :

– de constater que l’instance n’est pas périmée ;

– de déclarer recevable et bien fondé son appel ;

– d’infirmer la décision entreprise ;

– d’infirmer la décision rendue par la commission de recours amiable de la caisse et notifiée le 2 février 2017 ;

Au visa des dispositions de l’article L. 461-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale,

– de constater que le lien direct est établi entre la maladie dont il est atteint et son exposition professionnelle à l’amiante ;

– de dire et juger que le caractère professionnel de la maladie (adénocarcinome des poumons) dont il est atteint doit être reconnu au titre de la législation sur les maladies professionnelles ;

En tout état de cause,

– de condamner la caisse à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la caisse aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 17 janvier 2023 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles 386 et suivants du code de procédure civile, L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et du tableau n°30 bis des maladies professionnelles, de :

A titre principal,

– constater l’absence de diligences de M. [W] avant le 30 juin 2022 ;

– dire, en conséquence, que l’instance est périmée et débouter M. [W] de son appel ;

A titre subsidiaire,

– constater que, par avis du 30 avril 2019, le [7] a confirmé l’avis du [7] et a conclu à l’absence d’un lien direct entre l’affection présentée par M. [W] et son activité professionnelle ;

– dire que les avis du [7] et du [7] sont clairs, précis et exempts de toute ambiguïté ;

– juger, en conséquence, que l’affection présentée par M. [W] ne peut être reconnue d’origine professionnelle ;

– rejeter la demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la péremption d’instance

La caisse soulève la péremption en faisant valoir que l’appelant n’a accompli aucune diligence dans les deux ans de son appel.

M. [W] réplique que le délai de péremption de deux ans n’a couru qu’à compter du 30 juin 2020, correspondant à la date qui lui a été fixée pour conclure par le magistrat chargé d’instruire l’affaire aux termes de son ordonnance du 31 mars 2020 ; qu’ayant sollicité la réinscription du dossier et conclu le 22 juin 2022, soit dans le délai de deux ans, la péremption n’est pas acquise.

Sur ce :

Par application des dispositions de l’article 2 du code de procédure civile, les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent.

Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis, à peine de péremption d’instance dans les termes de l’article 386 du même code qui énonce que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Par application des dispositions de l’article R.142-22 du code de la sécurité sociale qui dérogeait à l’article 386 précité, l’instance n’était périmée que lorsque les parties s’abstenaient d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction (2e Civ., 22 octobre 2020, n° 19-17.835).

Toutefois, l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, applicable aux instances devant la cour par renvoi de l’article R. 142-30 du même code, a été abrogé par le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018, relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, entré en vigueur le 1er janvier 2019.

Selon l’article 17 III du dit décret, les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

Depuis le 1er janvier 2019 sont applicables les dispositions non modifiées de l’article R. 142-11 du même code qui énonce que devant la cour d’appel la procédure est sans représentation obligatoire. Il s’en déduit que la procédure est orale.

Les dispositions de l’article R.142-10-10, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, ne sont applicables qu’en première instance.

Ainsi, à défaut d’un texte spécial subordonnant l’application de l’article 386 du code de procédure civile à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n’ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n’en aurait pas mis à leur charge.( 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-21.401).

Comme l’a jugé la Cour de cassation, il résulte de la combinaison des articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile et R. 142-22, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, ce dernier texte dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2119 du 30 décembre 2011, abrogé à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, que si les dispositions de l’article 386 du code de procédure civile étaient applicables dans le contentieux de la sécurité sociale dès le 1er janvier 2019, le juge ne peut fixer le point de départ du délai de péremption dans les conditions qu’elles prévoient à une date antérieure, correspondant à la période durant laquelle le délai ne pouvait courir en l’absence de diligences expressément mises à la charge des parties par la juridiction. (2e Civ., 18 février 2021, pourvoi n°20-12.013)

Le délai de péremption de l’instance est un délai de procédure régi, en tant que tel, par les règles générales de computation des délais et, en particulier, par les dispositions de l’article 642 du code de procédure civile relatives au dies ad quem. (2e Civ., 1er octobre 2020, pourvoi n° 19-17.797).

Il s’ensuit qu’en l’espèce, c’est à la date de la déclaration d’appel du 4 décembre 2019 qu’il convient de fixer le point de départ de la péremption et de rechercher si des diligences ont été accomplies avant le 4 décembre 2021.

Seules les diligences émanant des parties ont un effet interruptif de péremption ( 2e Civ., 6 octobre 2005, pourvoi n° 03-17.680 et 03-18.239).

Si en matière de procédure orale, les conclusions écrites d’une partie ne saisissent valablement le juge que si elles sont réitérées verbalement à l’audience, leur dépôt constitue une diligence dès lors qu’il a été ordonné par la juridiction pour mettre l’affaire en état d’être jugée (Soc., 11 juin 2002, pourvoi n° 00-42.654).

M. [W], qui a été mis en mesure d’interrompre la péremption nonobstant le délai de comparution devant la juridiction, ne justifie pas avoir déféré avant le 4 décembre 2021 à l’injonction de conclure et de communiquer ses pièces du 31 mars 2020 qui lui avait été décernée pour le 30 juin 2020, à laquelle il ne s’est pas davantage opposé dans le délai de 10 jours qui lui était imparti.

Il n’est pas par ailleurs discuté qu’aucune des parties n’a demandé la fixation de l’affaire avant le 4 décembre 2021.

Ce n’est de fait que le 24 juin 2022 que, par l’intermédiaire de son conseil, M. [W] a communiqué ses conclusions à la cour en justifiant de l’envoi fait à la partie adverse.

C’est dès lors à bon droit que la caisse demande in limine litis que soit constatée la péremption d’instance à défaut d’acte interruptif accompli avant le 4 décembre 2021.

Sur les dépens

L’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

En conséquence, les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de M. [W] qui succombe à l’instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Dit que l’instance d’appel est périmée ;

Constate l’extinction de l’instance d’appel ;

Renvoie les parties à l’exécution du jugement entrepris ;

Condamne M. [W] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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