Péremption d’instance : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01986

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Péremption d’instance : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01986
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MINUTE N° 23/635

NOTIFICATION :

Copie aux parties

– DRASS

Clause exécutoire aux :

– avocats

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB

ARRET DU 07 Septembre 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 21/01986 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HR6C

Décision déférée à la Cour : 15 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Haut-Rhin, devenu le pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [U] [H] veuve [I]

[Adresse 6]

[Localité 3]

[Localité 4] (ALGERIE)

Représentée par Me Valérie BISCHOFF – DE OLIVEIRA, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme [Z] [W], munie d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. LAETHIER, Vice-Président placé, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme HERBO, Président de chambre

Mme GREWEY, Conseiller

M. LAETHIER, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme HERBO, Président de chambre,

– signé par Mme HERBO, Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 9 janvier 2012, Mme [U] [H] veuve [I] a sollicité de la caisse primaire d’assurance maladie du Haut-Rhin (ci-après la « CPAM du Haut-Rhin ») le bénéfice d’une rente accident du travail suite au décès de son conjoint, [X] [I], survenu le 6 janvier 1979.

Par décision du 28 février 2012, la CPAM du Haut-Rhin lui a refusé le bénéfice de cette prestation au motif que le décès de [X] [I] n’est pas consécutif à un accident du travail et que les services de la caisse n’ont pas enregistré de déclaration d’accident du travail en date du 6 janvier 1979, ni procédé à la liquidation d’une rente au titre du risque professionnel.

Le 20 mars 2012, Mme [H] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui a confirmé le refus de la caisse, dans sa séance du 9 mai 2012.

Par requête du 25 juin 2012, Mme [H] a contesté la décision de rejet de la commission de recours amiable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mulhouse.

Par décision du 16 octobre 2012, le tribunal a prononcé la radiation de l’affaire au motif que Mme [H] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter à l’audience.

Par courrier du 31 décembre 2012, Mme [H] a sollicité le rétablissement de son affaire au rôle du tribunal.

L’affaire a été rappelée à l’audience du 17 septembre 2013, à laquelle Mme [H] ne s’est pas présentée ni fait représenter.

Par décision du 17 septembre 2013, le tribunal a prononcé la radiation de l’affaire.

Par courrier du 9 novembre 2016, Mme [H] a une nouvelle fois sollicité le rétablissement de son affaire au rôle du tribunal.

Par jugement contradictoire du 15 novembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Haut-Rhin a constaté l’extinction de l’instance pour cause de péremption.

Mme [H] a interjeté appel par courrier envoyé le 23 décembre 2018.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 22 juin 2023.

Par conclusions du 17 mai 2023, soutenues oralement à l’audience, Mme [H] demande à la cour de :

– déclarer Mme [I] recevable et bien fondée en son appel,

en conséquence,

– infirmer la décision entreprise,

statuant à nouveau,

– accorder à Mme [I] une rente accident du travail du fait du décès de son époux.

L’appelante fait valoir que seule la décision du juge imposant une diligence à un plaideur fait courir le délai de péremption et qu’une décision de radiation ne met expressément aucune diligence à la charge des parties, de sorte que la péremption d’instance n’est pas acquise.

Sur le fond, Mme [H] veuve [I] soutient que son époux était employé chez [5] en qualité d’agent de fabrication lorsqu’il a été victime d’une occlusion de l’intestin grêle qui a provoqué son décès et qu’il doit pouvoir bénéficier de la présomption de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale.

Elle ajoute que l’action en reconnaissance de l’accident du travail n’est pas prescrite car elle se trouvait dans l’impossibilité d’agir, étant une personne vulnérable qui ne maîtrise pas la langue française.

Par conclusions du 9 juin 2023, soutenues oralement à l’audience, la CPAM du Haut-Rhin demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement attaqué,

– constater l’extinction de l’instance pour cause de péremption et, par conséquent,

– débouter Mme [I] [U] de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que c’est à bon droit que la CPAM du Haut-Rhin a refusé le bénéfice d’une rente « accident du travail » au profit de Mme [I] [U] à la suite du décès de son époux survenu le 6 janvier 1979,

– débouter Mme [I] [U] de l’ensemble de ses prétentions.

La CPAM fait valoir que l’appelante a saisi le tribunal par courrier du 9 novembre 2016 soit au-delà du délai de 2 ans mentionnée dans la décision de radiation du 17 septembre 2013, de sorte que la péremption est acquise en application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile.

Sur le fond, l’intimée soutient que Mme [I] ne démontre pas que le décès de son époux serait lié à un accident du travail et qu’aucune déclaration d’accident du travail n’a été établie, ni enregistrée auprès des services de la caisse. Elle indique également que la demande de Mme [I] est prescrite et qu’il n’est pas démontré qu’elle se trouvait dans l’impossibilité d’agir.

Il est renvoyé aux conclusions précitées pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel :

Interjeté dans les forme et délai légaux, l’appel est recevable.

Sur la péremption d’instance :

L’article R142-22 du code de la sécurité sociale, abrogé au 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 mais applicable en l’espèce, prévoyait que l’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

En conséquence, à défaut de diligences décidées par le juge, le délai de péremption ne pouvait courir.

Le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile pour accomplir les diligences qui ont été expressément mises à la charge des parties par la juridiction court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne (Cass. 2e civ., 15 mai 2008, 07-12.767).

Par ailleurs, il a été jugé qu’une ordonnance de radiation qui se borne à rappeler les conditions de rétablissement de l’affaire prévues à l’article 383 alinéa 2, doit être regardée comme n’ayant mis aucune diligence à la charge des parties (Soc., 3 décembre 2008, n° 07-41.368 ; 7 novembre 2018, n° 17-14.072).

En l’espèce, l’ordonnance de radiation du 17 septembre 2013 doit être regardée comme n’ayant mis aucune diligence à la charge des parties puisqu’elle se borne à indiquer que l’affaire pourra être rétablie à la diligence de l’une des parties, de sorte que la péremption d’instance ne pouvait être opposée à Mme [H].

De plus, une décision de radiation prononcée par un tribunal de sécurité sociale devait faire l’objet d’une notification par lettre recommandée, en vertu des dispositions de l’article R142-27 du code de la sécurité sociale, en vigueur jusqu’au 1er janvier 2019 et applicable en l’espèce.

Or, aucun élément du dossier ne permet de connaître les modalités de la notification de l’ordonnance du 17 septembre 2013 et sa date de réception par les parties.

A défaut de notification de l’ordonnance de radiation conforme aux dispositions de l’article R142-27 en vigueur au jour de l’ordonnance, le délai de péremption n’a pas commencé à courir.

En conséquence, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que l’instance était périmée, ce qui commande l’infirmation du jugement.

Il résulte de l’article 568 du code de procédure civile que « lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction (…) ».

En l’espèce, il apparaît de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive.

Sur la demande de rente de conjoint survivant :

La demande de Mme [H] est fondée sur les article L434-7 et L434-8 du code de la sécurité sociale, qui font partie du livre IV de ce même code relatif aux accidents de travail et maladies professionnelles qui disposent que :

– en cas d’accident suivi de mort une rente est servie à partir du décès aux ayants droit

– le conjoint a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de la victime en cas de reconnaissance de l’imputabilité du décès à l’accident du travail. La charge de la preuve de cette imputabilité incombe aux ayants droit. Toutefois l’article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, introduit une présomption d’imputabilité à l’accident si la victime bénéficiait depuis dix ans d’une rente avec majoration pour assistance d’une tierce personne et si le conjoint a effectivement apporté pendant cette même durée une telle assistance de la victime.

Aux termes de l’article L431-2 du code de la sécurité sociale: « les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre (livre IV) se prescrivent par deux ans ».

Ce texte, qui prévoit une prescription générale de deux ans pour toutes les sommes versées en application des dispositions du livre IV, s’applique à la rente de conjoint survivant.

En l’espèce, Mme [H] devait faire sa demande de rente et justifier du bien-fondé de celle-ci dans le délai de 2 ans après le décès de son époux, soit avant le 7 janvier 1981.

Or, sa demande de pension a été formulée le 9 janvier 2012, à une date où elle était manifestement prescrite.

Pour s’opposer à la prescription, Mme [H] invoque les dispositions de l’article 2234 du code civil selon lesquelles « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».

Il lui appartient en conséquence de démontrer que l’inobservation du délai est due à un événement de force majeure et qu’elle justifie de l’impossibilité absolue d’agir dans laquelle elle se serait trouvée en raison d’un événement extérieur imprévisible et irrésistible.

En l’espèce, Mme [H] indique qu’elle est une personne particulièrement vulnérable qui ne maîtrise pas la langue française.

Cependant, la vulnérabilité alléguée n’est pas démontrée et le défaut de maîtrise de la langue française ne l’a pas empêché de se faire assister dans ses démarches et d’adresser des courriers argumentés à la cour afin de faire valoir ses droits (courriers du 23 décembre 2018, du 8 avril 2019, du 2 mai 2021 et du 26 septembre 2021).

Les circonstances invoquées par l’appelante ne peuvent donc être assimilées à un cas de force majeure l’ayant mise dans l’impossibilité d’agir, de nature à justifier un relevé de forclusion.

Par conséquent, la demande de Mme [H] sera déclarée irrecevable pour cause de prescription.

Sur les dépens :

Succombant, Mme [H] sera condamnée aux dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

DECLARE l’appel interjeté recevable,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a constaté l’extinction de l’instance pour cause de péremption,

Statuant à nouveau,

CONSTATE que la péremption de l’instance n’est pas acquise,

Y ajoutant,

DECLARE irrecevable pour cause de prescription la demande de rente de conjoint survivant formulée par Mme [U] [H] veuve [I],

CONDAMNE Mme [U] [H] veuve [I] aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

 


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