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N° RG 22/00743 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OCT3
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
1ère CH
du 30 octobre 2014
RG : 13/14006
ch n°
[O]
C/
LA PROCUREURE GENERALE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
2ème Chambre B
ARRET DU 06 Avril 2023
APPELANT :
M. [I] [O]
né le 26 Décembre 1983 à [Localité 11] (SENEGAL)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Kabaluki BAKAYA, avocat au barreau de LYON, toque : 38
INTIMEE :
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Mme Laurence CHRISTOPHLE, substitut général
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 07 Février 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Février 2023
Date de mise à disposition : 06 Avril 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Anne-Claire ALMUNEAU, président
– Carole BATAILLARD, conseiller
– Françoise BARRIER, conseiller
assistés pendant les débats de Priscillia CANU, greffier
en présence d’Anne Sophie MERLE, greffière stagiaire
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne-Claire ALMUNEAU, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [I] [O], né le 26 décembre 1983 à [Localité 11] (Sénégal) et Mme [J] [P], née le 29 novembre 1984 à [Localité 9] (Haute-Savoie), Mme [P] ayant la double nationalité française et suisse, se sont mariés le 10 septembre 2005, à [Localité 8] (Haute-Savoie), sans contrat de mariage préalable. Deux enfants sont nés de cette union le 21 juin 2008 et le 23 novembre 2011.
Le 9 février 2011, M. [I] [O] a déposé à la préfecture de Haute-Savoie (service des naturalisations) une déclaration d’acquisition de la nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil et y a annexé une attestation sur l’honneur de communauté de vie signée des deux époux datée du même jour, la déclaration et son annexe ayant été enregistrées le 29 décembre 2011.
Mme [P], qui exposait que ses relations avec son mari s’étaient dégradées depuis janvier 2011 depuis la découverte de l’infidélité de celui-ci, déposait une requête en divorce le 18 octobre 2011 et une ordonnance sur tentative de conciliation était prononcée le 23 décembre 2011 par le juge aux affaires familiales de Thonon-les-Bains, qui constatait notamment que les époux s’accordaient sur le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci (signature du procès-verbal d’acceptation par les époux).
Le 5 janvier 2012, naissait des relations de M. [I] [O] et de Mme [R] [Z] l’enfant [K] [O].
Le divorce des époux [O]/[P] a été prononcé par jugement du 18 février 2013 du juge aux affaires familiales du tribunal de Thonon-les-Bains sur le fondement de l’article 233 du code civil, M. [O] étant alors domicilié chez Mme [R] [Z] [Adresse 3] à [Localité 9] et Mme [P] [Adresse 2] à [Localité 9].
M. [O] dit avoir quitté le 20 janvier 2012 (et non en 2022 comme indiqué par erreur dans ses écritures) le domicile conjugal à la suite de l’ordonnance de non-conciliation du 23 décembre 2011, qui a octroyé à l’épouse la jouissance exclusive de ce bien et octroyé un délai d’un mois à l’époux pour quitter le domicile conjugal sis [Adresse 2] à [Localité 9].
Une première assignation, délivrée le 7 novembre 2013 à l’adresse du [Adresse 2] à [Localité 9] (Haute-Savoie), retenue comme étant le domicile de M. [O] (dépôt en l’étude) n’est pas mentionnée dans le cadre du jugement déféré, mais résulte des pièces qui figurent au dossier.
Par un second acte d’huissier délivré le 23 décembre 2013 (cette fois-ci à l’adresse du [Adresse 6] à [Localité 9], qui ressort comme étant celle de M. [O] dans le cadre d’une enquête des services de police, avec dépôt de l’acte en l’étude de l’huissier instrumentaire), le procureur de la République près le tribunal de Lyon a assigné M. [O] en annulation de l’enregistrement de la déclaration souscrite, aux fins de voir constater son extranéité et d’ordonner la mention prévue à l’article 28 de code civil.
Par jugement réputé contradictoire du 30 octobre 2014, auquel il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé du litige, le tribunal de grande instance de Lyon a :
– constaté que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
– annulé l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [I] [O], et constaté l’extranéité de celui-ci,
– ordonné que la mention de cette décision soit portée en marge des registres d’état civil et de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations de M. [I] [O] ayant pour effet de l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration de cette nationalité, et le cas échéant sur les actes établis au service central de l’État civil de [Localité 10], en application des dispositions de l’article 28 du code civil,
– laissé les dépens à la charge de M. [I] [O].
Ce jugement a été signifié le 10 avril 2015 par acte d’huissier délivré en l’étude de l’huissier instrumentaire, après que l’huissier se soit présenté au [Adresse 2] à [Localité 9] (Haute-Savoie), cette adresse étant celle de l’ancien domicile conjugal que M. [O] aurait quitté le 20 janvier 2012.
Par déclaration reçue au greffe le 24 janvier 2022, M. [O] a interjeté appel de cette décision, libellant ainsi la portée de son appel dans le cadre de sa déclaration d’appel : «appel nullité».
Selon ses dernières conclusions notifiées le 7 avril 2022 M. [O], demande à la cour, au visa des articles 21-1 à 21-6, 26 à 26-5 du code de l’état civil et de la nationalité, de déclarer recevable et bien fondé son appel et, statuant à nouveau :
– de prononcer l’annulation de l’assignation de M. le procureur par acte de l’huissier de justice en date du 23 décembre 2013,
– de prononcer l’annulation du jugement subséquent du tribunal judiciaire de Lyon en date du 30 octobre 2014,
– de statuer sur les dépens selon ce que de droit.
M. [O] estime son appel recevable puisqu’ayant été dénoncé par son épouse, ce qui a donné lieu à enquête, de telle sorte que le procureur de la République était informé de son changement de domicile, d’autant que le jugement de divorce rendu le 18 février 2013 signalait qu’il partageait sa vie avec une autre femme, avec laquelle il a eu un enfant. Il s’étonne en conséquence de ce que le jugement déféré le domicilie toujours au [Adresse 2] à [Localité 9], qui est l’ancien domicile conjugal, attribué à l’épouse par le juge conciliateur, à titre de jouissance exclusive, ce qui rend selon lui la saisine de la juridiction irrégulière.
Selon lui Mme [P], qui connaissait son adresse aurait pu en tenir informé l’huissier de justice, qui aurait dû délivrer un procès-verbal de recherches infructueuses par application de l’article 659 du code de procédure civile, le non-respect de ces formalités entraînant l’annulation de l’assignation et en conséquence du jugement, intervenu en son absence.
Il ajoute avoir souscrit la déclaration de nationalité le 9 février 2011 et non comme indiqué par le jugement de façon erronée le 29 décembre 2011, alors qu’à cette date, il justifiait d’une communauté de vie avec son épouse de plus de cinq ans et était père de deux enfants mineurs issus du mariage, qui sont de nationalité française, et indique exercer sur les enfants l’autorité parentale et pourvoir à leur entretien et à leur éducation, conformément au jugement de divorce.
Il ajoute toujours bénéficier d’un passeport et d’une carte d’identité française, et de tous les privilèges attachés au statut de français, à défaut d’avoir reçu signification du jugement, et c’est en voulant renouveler son passeport en mairie, au mois de novembre 2021, qu’il a été informé du jugement dont on lui a remis copie, avec obligation de restituer ses pièces d’identité. Selon lui, à défaut de signification régulière, il y a péremption d’instance et il faut écarter la présomption de fraude de sa part, au vu de la stabilité de sa situation familiale, avec renversement de la charge de la preuve et obligation à la charge du procureur de la République de démontrer la preuve d’une fraude.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2022, Mme la procureure générale près la cour d’appel de Lyon demande à la cour de dire la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile et :
– à titre principal, de déclarer irrecevable comme tardif l’appel formé par M. [O],
– à titre subsidiaire, de débouter M. [O] de ses demandes d’annulation de l’assignation du 23 décembre 2013 et d’annulation du jugement déféré, et confirmer celui-ci,
– annuler l’enregistrement en date du 29 décembre 2011 de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [O] le 9 février 2011,
– constater l’extranéité de M. [O], né le 26 décembre 1983 à [Localité 11] (Sénégal),
– ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.
Le parquet général estime en effet irrecevable car tardif cet appel, formé en dehors du délai d’un mois à compter de la signification du jugement déféré, qui a été signifié à M. [O] en l’étude de l’huissier instrumentaire le 10 avril 2015, l’huissier s’étant rendu à l’adresse déclarée de M. [O] et ayant opéré les diligences nécessaires, ce qui fait que le délai d’appel expirait le 11 mai 2015, et M. [O] ne justifiant pas avoir été été relevé de forclusion conformément aux dispositions de l’article 540 du code de procédure civile.
Si l’appel était toutefois déclaré recevable, le ministère public demande confirmation du jugement déféré, une première assignation ayant été délivrée le 7 novembre 2013 en l’étude de l’huissier instrumentaire à l’adresse du [Adresse 2] à [Localité 9], puis une seconde assignation au [Adresse 6] à [Localité 9] le 23 décembre 2013, l’acte ayant été remis en l’étude de l’huissier instrumentaire, M. [O] ne démontrant pas qu’il n’habitait pas à cette seconde adresse à la date de la seconde assignation, ce qui fait que sa demande d’annulation de l’assignation du 23 décembre 2013 et partant d’annulation du jugement doit être rejetée
Le ministère public ajoute que la souscription d’une déclaration de nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil tel qu’issu de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 suppose une communauté de vie qui n’a pas cessé depuis le mariage, ce qui implique la volonté de vivre durablement ensemble, toujours active à la date de déclaration acquisitive de nationalité, alors qu’une enquête démontre que, dès le mois de janvier 2011, les relations entre les époux s’étaient dégradées du fait de l’infidélité de M. [O] avec Mme [R] [Z], dont il a eu un enfant le 5 janvier 2012 et que M. [O], qui a été entendu au cours de l’enquête, confirmait sa séparation d’avec son épouse en octobre 2011 (sa pièce 3).
Le ministère public rappelle que, selon les dispositions de l’article 26-4 du code civil, l’enregistrement d’une déclaration de nationalité peut être contestée par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte, et que la cessation de la communauté de vie dans les 12 mois qui suivent l’enregistrement de la déclaration constitue une présomption de fraude, soulignant qu’en l’espèce la séparation a eu lieu en octobre 2011, avant même l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité et que M. [O] a eu peu après un enfant avec une autre femme ([K] [O], née le 5 janvier 2012), estimant que la cessation de la vie commune pendant le délai d’enregistrement constitue une présomption de fraude.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
La clôture de la procédure a été prononcée le 7 février 2023.
Par message du réseau privé virtuel des avocats du 23 février 2023, la cour a demandé aux parties leurs observations, par note en délibéré, sur la question de la recevabilité de l’appel, s’agissant de la différence entre appel-nullité et appel-annulation qui se pose dans ce dossier.
Par message du réseau privé virtuel des avocats du 24 février 2023, le conseil de M. [O], qui exposait avoir été absent à l’audience, disait ne pas avoir eu l’occasion d’appréhender la difficulté soulevée par la cour en rapport avec la question de l’appel-nullité. Il communiquait par le même message divers justificatifs liés à l’application des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile et demandait au cas où la cour n’accepterait pas ces pièces en cours de délibéré la révocation de l’ordonnance de clôture en vue de leur communication.
Par message du réseau privé virtuel des avocats du 28 février 2023, le parquet géral signalait au conseil de M. [O] qu’il a considéré que le recours doit s’analyser comme un appel tendant à l’annulation du jugement, au regard du contenu des écritures de l’appelant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’effet dévolutif de l’appel
Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Enfin, l’article 901 du même code précise que la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le troisième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° la constitution de l’avocat de l’appelant,
2° l’indication de la décision attaquée,
3° l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté,
4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Il en résulte que seul l’acte d’appel opère la dévolution à la cour des chefs critiqués du jugement ou de la demande d’annulation du jugement, sans que les conclusions de l’appelant ne puissent venir ultérieurement modifier ou expliciter sa déclaration d’appel, seule une seconde déclaration d’appel émise dans le délai imparti à l’appelant pour conclure pouvant venir rectifier sa première déclaration d’appel erronée.
La déclaration d’appel de M. [O] évoquant, de manière erronée, un appel nullité (voie de recours prétorienne destinée à sanctionner l’excès de pouvoir du juge, qui userait de prérogatives que la loi ne lui a pas dévolues, dépasserait les attributions que la loi lui a conférées, ou encore refuserait de juger ou de reconnaître un pouvoir que la loi lui confère, un tel appel n’étant ouvert qu’à trois conditions : qu’un texte porte atteinte au principe du double degré de juridiction, que la décision à l’encontre de laquelle l’appel nullité est interjeté soit affectée d’un vice suffisamment grave constitutif d’un excès de pouvoir et qu’aucun autre recours ne soit ouvert), tandis que ses conclusions tendent en réalité à l’annulation de l’assignation et du jugement subséquent, l’effet dévolutif ne peut opérer.
La déclaration d’appel erronée de l’appelant n’ayant pas fait fait l’objet d’une régularisation par une nouvelle déclaration d’appel émise dans le délai imparti à l’appelant pour conclure, elle sera considérée comme irrecevable, la cour n’étant pas valablement saisie.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare irrecevable la déclaration d’appel de M. [O].
Constate que la cour n’est pas valablement saisie.
Condamne M. [O] à supporter la totalité des dépens d’appel.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Anne Claire ALMUNEAU, président, et par Priscillia CANU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président