Péremption d’instance : 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02487

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Péremption d’instance : 30 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02487
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 30 MARS 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02487 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDKUD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/02141

APPELANT

Monsieur [R] [L]

chez M. [J] [L] – [Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

INTIMÉES

S.A.S. RANDSTAD venant aux droits de la société RANDSTAT INHOUSE SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.A.S. SUEZ RV ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, Présidente de chambre

Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre

Mme Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-Présidente placée

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Sophie GUENIER LEFEVRE, Présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

A compter du 6 octobre 2008, M. [R] [L] a été engagé en qualité de ripeur dans le cadre de contrats d’intérim par la Société Randstadt Inhouse Services aux droits de laquelle se présente aujourd’hui la société Randstadt et mis à la disposition de la société Suez RV Ile de France exerçant sous la dénomination Sita Île de France [Localité 7] (la société Suez RV IDF).

La convention collective applicable à la relation de travail était celle des activités du déchet.

Cent dix huit contrats successifs ont été ainsi conclus pour le même poste au sein de la même société utilisatrice tantôt à raison d’un accroissement d’activité, tantôt pour pourvoir au remplacement d’un salarié absent, le dernier contrat du 6 mai 2013 ayant trouvé son terme le 13 mai 2013, date à laquelle le salarié a été informé qu’il ne ferait plus partie des effectifs.

Contestant les conditions de cette interruption et sollicitant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, M. [L] a saisi le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny, contre les sociétés Randstadt et Sita Île de France le 6 mai 2015, pour faire valoir ses droits.

L’affaire enregistrée sous le N° RG 15-01985 a été radiée le 27 juin 2016 et rétablie au rôle sur demande de M. [L] le 10 juillet 2018 sous le numéro 18/02141.

Par jugement en date du 2 février 2021 notifié aux parties par lettre du 4 février 2021, le Conseil de Prud’hommes de Bobigny a :

– rejeté la demande tendant à ce que soit constatée la péremption d’instance,

– débouté M. [L] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté les sociétés Randstad et Suez Rv Ile-de-France exerçant sous la dénomination SITA Ile-de-France PARIS de leurs demandes reconventionnelles,

– condamné M. [L] aux dépens de l’instance de la présente instance.

Par déclaration en date du 4 mars 2021, l’intéressé a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique en date du 17 novembre 2022, il demande à la Cour :

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé la demande de M. [L] recevable, la péremption d’instance n’étant pas acquise, et en ce qu’il a débouté les sociétés de leurs demandes reconventionnelles.

– d’infirmer pour le surplus,

En conséquence, la Cour :

– de condamner in solidum les sociétés RANDSTAD et Suez RV IDF à lui verser les sommes de:

– indemnité de requalification : 4.541,88 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 3.028 euros

– congés-payés afférents : 302 euros

– indemnité de licenciement : 1.393 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.139 euros

– rappel de salaires du mois de mai 2012 au mois d’octobre 2012 : 6.758 euros

– congés payés afférents : 675 euros

– prime d’ancienneté afférente : 270 euros

– article 700 du DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE : 3.500 euros

– d’ordonner la remise des certificats de travail et des bulletins de paie conformes à l’arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte.

– de fixer les intérêts au taux légal.

– de condamner aux entiers dépens.

Subsidiairement,

– de condamner la société Suez RV IDF à lui verser les sommes de :

– indemnité de requalification : 4.541,88 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 3.028 euros

– congés-payés afférents : 302 euros

– indemnité de licenciement : 1.393 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.139 euros

– rappel de salaires du mois de mai 2012 au mois d’octobre 2012 : 6.758 euros

– congés payés afférents : 675 euros

– prime d’ancienneté afférente : 270 euros

– article 700 du DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE : 3.500 euros

– d’ordonner la remise des certificats de travail et des bulletins de paie conformes à l’arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte.

– de fixer les intérêts au taux légal.

– de condamner aux entiers dépens.

Encore plus subsidiairement,

– de condamner la société Randstadt à payer les mêmes sommes de :

– indemnité de requalification : 4.541,88 euros

– indemnité compensatrice de préavis : 3.028 euros

– congés-payés afférents : 302 euros

– indemnité de licenciement : 1.393 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.139 euros

– rappel de salaires du mois de mai 2012 au mois d’octobre 2012 : 6.758 euros

– congés payés afférents : 675 euros

– prime d’ancienneté afférente : 270 euros

– article 700 du DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE : 3.500 euros

– d’ordonner la remise des certificats de travail et des bulletins de paie conformes à l’arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la Cour se réservant la liquidation de l’astreinte.

– de fixer les intérêts au taux légal.

– de condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 10 novembre 2022, la société Randstadt demande à la Cour :

A titre principal,

– de déclarer mal fondée la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée,

En conséquence :

– de confirmer le jugement entrepris,

– de condamner M.[L] à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens de l’instance.

– de dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

subsidiairement,

– de juger que le défaut de justification des motifs à l’origine du recours au travail temporaire ne peut engager sa responsabilité,

– de déclarer la société SUEZ RV Ile-De-France dépourvue de qualité à agir pour modifier le débat juridique et invoquer en lieu et place de M. [L] des griefs à l’encontre de la société RANDSTAD et, en tout état de cause,

– de constater que le respect des règles relatives au délai de carence entre deux contrats de mission de travail temporaire n’incombe pas à l’entreprise de travail temporaire,

En conséquence :

– de déclarer irrecevable toute demande formulée par la société SUEZ RV ILE-DE-FRANCE à l’encontre de la société RANDSTAD,

– de rejeter toutes demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société RANDSTAD,

– de condamner M . [L] à verser à la société RANDSTAD la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– de condamner M. [L] aux entiers dépens de l’instance.

– de dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire,

– de juger que M.[L] ne démontre pas s’être tenu à la disposition de la société SUEZ RV ILE-DE-FRANCE durant les périodes interstitielles,

– de fixer son salaire de référence à la somme mensuelle brute de 801,19 €,

– de fixer l’ancienneté de M. [L] au sein de la société RANDSTAD à 3 ans.

En conséquence :

– de réduire à la somme brute de 1 602,38 € la demande formulée par M. [L] à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme brute de 160,24 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,

– de réduire à la somme de 480,71 € la demande formulée par M. [L] à titre d’indemnité de licenciement,

– de réduire à la somme de 4 807,14 € la demande formulée par M. [L] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de débouter M. [L] du surplus de ses demandes.

En tout état de cause,

– de condamner M. [L] à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– de condamner M. [L] aux entiers dépens de l’instance.

– de dire que ceux d’appel seront recouvrés par Maître Audrey Hinoux, SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 1er avril 2022 la société SUEZ RV IDF demande au contraire à la courà la Cour :

A titre principal,

– de constater que les contrats de mission de M. [L] se sont succédés de manière discontinue, avec des périodes d’inactivité cumulées atteignant 28 mois.

Par conséquent :

– de mettre hors de cause la société Suez RV IDF,

– de débouter M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l’encontre de la société Suez RV IDF,

– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

– de condamner M.[L] au paiement d’une somme de 1.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

A titre subsidiaire, en cas de prescription de l’action en requalification,

– de constater la prescription des demandes,

– d’ordonner, telle que sollicitée par M.  [L], la condamnation in solidum des sociétés Suez RV IDF et RANDSTAD.

– A défaut, de condamner la société RANDSTAD à garantir la société Suez RV IDF à hauteur de 50% des condamnations mises à sa charge,

– de constater l’absence de préjudice subi et démontré par M. [L],

– de fixer le quantum de l’indemnité de requalification à la somme de 801,19 €,

– de limiter le quantum des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire soit 4.807,14 €,

– de fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1.602,38 €, outre la somme de 160,24 € au titre des congés payés afférents,

– de fixer l’indemnité de licenciement à la somme de 484,44 €,

– de débouter M.[L] du surplus de ses demandes telles que dirigées à l’endroit de la société Suez RV IDF.

A titre infiniment subsidiaire, en cas de requalification sur la période sollicitée par M.[L] : – d’ordonner telle que sollicitée par M. [L] , la condamnation in solidum des sociétés Suez RV IDF et RANDSTAD. A défaut, condamner la société RANDSTAD à garantir la société Suez RV IDF à hauteur de 50% des condamnations mises à sa charge,

– de constater l’absence de préjudice subi et démontré par M. [L],

– de fixer le quantum de l’indemnité de requalification à la somme de 801,19 €,

– de limiter le quantum des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à six mois de salaire soit 4.807,14 €,

– de fixer l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 1.602,38 €, outre la somme de 160,24 € au titre des congés payés afférents,

– de fixer l’indemnité de licenciement à la somme de 738,15 €,

– de débouter M. [L] du surplus de ses demandes telles que dirigées à l’endroit de la société Suez RV IDF.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 janvier 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 19 janvier 2023 pour y être examinée.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

Il doit être observé ici que la cour n’est pas saisie de la disposition du jugement ayant rejeté la demande relative au constat de la péremption d’instance.

I- sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée,

A- sur la prescription de l’action en requalification,

En application de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Il est admis que cette prescription biennale est applicable à l’action en requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée.

Conformément à l’article 2222 alinéa 2 du code civil, l’article 21 V de la loi N° 2013-504 du 14 juin 2013 précise que le nouvel article L 1471-1 du code du travail s’applique aux prescriptions en cours à compter de la date de la promulgation de la loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi ancienne.

Antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, les demandes en requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de l’indemnité de requalification, qui ne constituent pas une action en paiement de salaires, étaient soumises à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi N° 2008-561 du 17 juin 2008, publiée le 18 juin suivant et qui en son article 26 II énonçait également qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, étant précisé qu’antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi le délai de prescription de droit commun était de trente ans.

S’agissant d’une action fondée sur un vice de forme du contrat de mission, il est admis que le salarié a eu connaissance dès la conclusion du contrat irrégulier et que l’action en requalification court donc à compter de ce jour.

S’agissant en revanche de l’action en requalification fondée sur un vice de fond tel que celui tenant au fait que les contrats de mission avaient pour but de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, le délai de prescription a pour point de départ le terme du contrat en cause ou, en cas de succession de contrat de mission, le terme du dernier contrat.

En l’espèce, M. [L] a introduit son action en requalification devant le conseil des prud’hommes le 6 mai 2015, en soutenant que l’entreprise utilisatrice ne rapportait pas la preuve de la réalité des motifs tenant au surcroît temporaire d’activité ou au remplacement d’un salarié absent.

Il ne peut être retenu que le salarié était en mesure le jour de la conclusion des contrats litigieux de savoir qu’il était ainsi pourvu durablement à un emploi permanent.

Le dernier contrat de mission de M. [L] a trouvé son terme le 13 mai 2013.

A cette date le salarié disposait d’un délai de cinq ans courant à compter de ce terme pour solliciter la requalification de sa relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée fondée sur un vice de fond.

La loi N° 2013-504 du 14 juin 2013 a réduit ce délai à deux ans.

L’action de M.[L] a été intentée le 6 mai 2015 dans le délai de deux ans imposé par le nouveau texte de l’issue du dernier contrat de mission.

Elle est donc recevable.

B- au fond.

De l’article L. 1251-5 du code du travail, il résulte que la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail avait été suspendu et pour faire face à un accroissement d’activité ne peut avoir pour effet ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice qui ne peut recourir de façon systématique aux missions d’intérim pour faire face à un besoin structurel de main d’oeuvre.

Il est admis qu’en application de, l’article L. 1251-40 susvisé l’entreprise utilisatrice qui ne respecte pas ces prescriptions peut se voir opposer les droits attachés à un contrat de travail à durée indéterminée, prenant effet au premier jour de la mission irrégulière.

La société Suez RV IDF verse aux débats les seuls calendriers de mise à disposition sans aucunement justifier, ce qui lui appartient, ni de la réalité de l’accroissement temporaire d’activité ni de celle des absences des salariés que M. [L] avait été amené à remplacer.

Dans ces conditions, il doit être retenu qu’il a été pourvu par le biais du recours aux missions d’intérim, à un emploi permanent, la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du premier jour de la mission irrégulière soit le 6 octobre 2008 devant être prononcée.

C- sur les sommes dues au titre de la requalification

L’article L. 1251-41 du code du travail prévoit l’allocation au salarié intérimaire dont la relation de travail a été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, d’une indemnité dite de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

A ce titre M. [L] sollicite 4 541,88 euros représentant trois mois de salaire à raison de la précarité que lui a imposé le recours abusif et pendant plus de cinq ans aux missions d’intérim.

La réalité d’une situation de précarité liée à la brièveté de ces missions et au nombre de missions confiées dans un délai de quatre ans et demi (118 missions, soit une moyenne de 26 missions par an) est démontrée par le rapprochement du nombre de contrats signés avec la durée effective d’emploi de M. [L] au sein de la société utilisatrice qui renouvelait donc fréquemment et successivement des contrats de brève durée.

Le dommage qui en résulte justifie l’octroi d’une indemnité de requalification de 4 000 euros.

II- sur les rappels de salaires liés aux périodes interstitielles,

Le salarié mis à disposition de la même entreprise par plusieurs contrat d’interim non successifs et dont la relation de travail avec l’entreprise utilisatrice est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée ne peut prétendre au rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il s’est tenu à disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail, ce qu’il lui appartient de démontrer.

Pour établir qu’il devait se tenir à la disposition de la société Suez RV IDF, M. [L] rappelle qu’il n’a pas travaillé pour d’autres entreprises pendant les périodes intermédiaires de mai à septembre 2012 ainsi que le démontre son relevé de carrière et qu’il ne connaissait ses dates de début de mission qu’au fur et à mesure qu’il les effectuait, la plupart des contrats étant de durées très courtes et n’étant signés que le jour même de leur date d’effectivité, l’information du renouvellement ne lui parvenant qu’oralement et la veille de la prise de poste, voire au jour le jour pour la période de février à octobre 2012.

Ces éléments ne suffisent pas à établir qu’il s’est tenu à la disposition de la société Suez RV IDF, ce d’autant que le relevé des périodes non travaillées tel qu’il ressort des écritures de la société en cause révèle des plages importantes pouvant atteindre trois mois consécutifs pendant lesquelles il n’a pas été fait recours aux services de M. [L].

La demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles doit donc être rejetée et le jugement entrepris, confirmé de ce chef.

III- sur la rupture du contrat de travail,

l’article L. 1232-1 du code du travail prévoit que le licenciement pour cause personnelle doit être motivé par une cause réelle et sérieuse et doit être prononcé dans le cadre d’une procédure spécifique prévue par les articles  L. 1232-2 et suivants, l’article L. 1232-6 imposant à l’employeur de faire figurer l’énoncé du ou des motifs du licenciement dans la lettre de licenciement devant être adressée au salarié.

De ce qui précède il résulte que la rupture de la relation de travail unissant M. [L] à la société Suez RV IDF est survenue par la seule arrivée d’un terme fixé dans le cadre d’une mission d’intérim requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.

Dans ces conditions, aucune des dispositions précitées n’a été respectée, le licenciement étant de ce fait dénué de cause réelle et sérieuse.

M. [L] totalisait plus de quatre ans d’ancienneté dans une entreprise comptant plus de onze salariés et était âgé de 39 ans au moment de la rupture de son contrat de travail.

Il justifie de son admission à l’Aide au Retour à l’Emploi puis au Revenu de Solidarité Active en janvier 2019.

L’ensemble de ces éléments justifie l’allocation d’une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Par ailleurs, en application de l’article L. 1234-1, et au regard de son ancienneté supérieure à deux ans, il doit lui être alloué de ce chef  3 028 euros à titre d’indemnité de préavis et 302 euros au titre des congés payés afférents.

Enfin, au titre de l’indemnité de licenciement et en application des articles L.1234-9 et R. 1234-2 du code du travail M. [L] doit bénéficier d’un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté en tenant compte des mois de service accomplis au delà des années pleines.

De ce chef il doit lui être alloué la somme de 1 393 euros.

IV- sur la demande de condamnation in solidum de la société Randstadt.

Selon l’article L. 8241-1 du code du travail , dans sa rédaction antérieure à la loi N° 2011-893 du 28 juillet 2011, sauf exception expressément visée par le texte, toute opération à but lucratif ayant pour objet le prêt exclusif de main d’oeuvre est illicite.

Il est admis que le non respect par l’entreprise de travail temporaire, de l’une des prescriptions de l’article L. 1251-16 du code du travail sur le contenu du contrat de mission autorise le salarié à agir simultanément contre la société de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice à l’encontre de laquelle la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée est recherchée sur le fondement de l’article L.1251-40 du code du travail, en raison notamment du non respect des dispositions de l’article L1251-5 à 7 du même code.

Par ailleurs, la signature d’un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié est destinée à garantir qu’ont été observées les diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d’oeuvre est illicite, cette prescription étant d’ordre public, son omission entraînant à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée.

Pour solliciter la condamnation de la société Randstadt in solidum avec la société utilisatrice, M.[L] relève que plusieurs de ses contrats ne sont pas signés sur la période du 2 février au 15 octobre 2012, ce que ne conteste pas la société Randstadt qui fait en réponse état de la mauvaise foi de l’intéressé dont elle prétend qu’il se prévaut ainsi de sa propre turpitude.

Cependant, outre que la mauvaise foi de M. [L] ne peut résulter du seul constat de l’absence de signature de certains contrats quand bien même est-il démontré que l’intéressé s’est engagé en signant la charte d’engagements réciproques, à se soumettre à cette obligation et a reçu avec les contrats un rappel sur ce point, la société de travail temporaire ne démontre pas que sur la période litigieuse le salarié a été en mesure de signer ses contrats comme les ayant reçus dans le délai de deux jours fixé par l’article L. 1242-13 du code du travail tel qu’exigé par l’article L.1245-1 du même code dans sa rédaction applicable à l’espèce et donc antérieure à l’ordonnance N° 2017-1387 du 24 septembre 2017 et qu’il s’est intentionnellement soustrait à son obligation.

Le défaut de signature des contrats de travail tel que constaté démontre que l’entreprise de travail temporaire n’a pas respecté ses obligations et justifie le partage de la responsabilité avec l’entreprise utilisatrice relativement à la requalification de la relation de travail et aux suites qui en découlent sur l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture.

Il doit donc être fait droit à ce titre, à la demande de condamnation in solidum au paiement des sommes résultant de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée.

V- sur le remboursement des allocations de chômage et les autres demandes,

Les conditions d’application de l’article L.1235 – 4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Au regard de la requalification de la relation de travail unissant M.[L] à la société SUEZ RV IDF, cette dernière sera tenue de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt,

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. [L] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l’appel,

CONFIRME le jugement entrepris mais seulement en ce qu’il a:

– rejeté la demande de rappel de salaire au titre des périodes interstitielles,

– rejeté les demandes formées par les sociétés SUEZ RV IDF et Randstadt, dispositions confirmées par le présent arrêt,

INFIRME pour le surplus et,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

DÉCLARE RECEVABLES comme non prescrites les actions de M. [L] contre les sociétés SUEZ RV IDF et Randstadt,

PRONONCE la requalification de la relation de travail initiée le 6 octobre 2008 en contrat de travail à durée indéterminée,

CONDAMNE les sociétés Suez RV IDF et Randstadt in solidum à verser à M.[L] les sommes de :

– 4 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 393 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 3 028 euros à titre d’indemnité de préavis

– 302 euros au titre des congés payés afférents,

– 3 000 euros au titre des frais Irrépétibles engagés en première instance et en cause d’appel,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

DIT que la société SUEZ RV IDF sera tenue de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt

ORDONNE aux sociétés SUEZ RV IDF et Randstadt in solidum, le remboursement à l’organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d’indemnités.

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

CONDAMNE les sociétés SUEZ RV IDF et Randstadt in solidum aux entiers dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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