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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 03 Novembre 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/03197 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3H5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Décembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 18/00742
APPELANTE
CPAM 94 – VAL DE MARNE
Division du contentieux
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A.S. [5] venant aux droits de la société [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Magali DELTEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0202
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme. Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
M. Raoul CARBONARO, président de chambre
M. Gilles REVELLES, conseiller
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [N] [E] était salarié de la société [6] aux droits de laquelle vient désormais la société [5] (ci-après désignée ‘la Société’) lorsque, le 25 octobre 2017, il a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne (ci-après désignée ‘la Caisse’) une déclaration de maladie professionnelle au titre d’une « douleur épaule gauche », à laquelle était joint un certificat médical initial établi le 23 octobre 2017 par le docteur [G] [H] faisant mention d’une « douleur épaule gauche avec tendinopathie fissuraire du supra épineux ».
Par courrier du 27 novembre 2017, la Caisse a transmis à la Société cette déclaration de maladie professionnelle accompagnée du certificat médical initial décrivant la pathologie concernée. Elle l’informait également qu’une instruction allait être menée et lui demandait de compléter un questionnaire sur les conditions de travail de son salarié.
Le 26 janvier 2018, la Caisse a informé la Société que l’instruction du dossier était terminée et l’a invitée à venir en consulter les pièces avant le 15 février 2018, date à laquelle la décision sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par son salarié serait prise.
Puis, par courrier du 15 février 2018, la Caisse a notifié à la Société sa décision reconnaissant le caractère professionnel de l’affection déclarée par M. [E].
La Société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable qui en a accusé réception le 18 avril 2018 puis, à défaut de décision explicite, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil.
En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l’affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Créteil.
Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal a :
– déclaré recevable la demande présentée par la S.A.S [6],
– accueilli sa demande,
– dit que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée par M. [N] [E] prise par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne est inopposable à la S.A.S [6],
– rejeté les autres demandes,
– laissé à la charge de chaque partie les dépens qu’elles avaient pu engager.
La Caisse a régulièrement interjeté appel de cette décision devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 9 juin 2020 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 6 septembre 2023 lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.
In limine litis, la Société soulève la péremption de l’instance, faisant grief à la Caisse son absence de diligences depuis l’acte d’appel.
La Caisse, reprenant oralement le bénéficie de ses conclusions et y ajoutant, demande à la cour de :
– rejeter la demande de la Société tendant à voir prononcer la péremption d’instance,
– la dire recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement entrepris, rendu le 17 décembre 2019 par le tribunal judiciaire de Créteil et, ce faisant,
– déclarer que c’est à bon droit que la Caisse a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l’affection dont M. [E] a été reconnu atteint le 23 octobre 2017,
– juger opposable à la société [6] la décision de la Caisse du 15 février 2018 reconnaissant le caractère professionnel de la maladie dont M. [E] a été reconnu atteint le 23 octobre 2017,
– débouter la société [6] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner cette dernière aux entiers dépens.
Sur le fond, la Société, au visa de ses conclusions, demande au tribunal de :
– dire et juger que la prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels, de la maladie développée par M. [N] [E] est inopposable à son égard et confirmer le jugement rendu en première instance,
– en tout état de cause, condamner la Caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Après s’être assuré de l’effectivité d’un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l’affaire et mis son jugement en délibéré au 3 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la péremption d’instance
Au soutien de ce moyen, la Société fait valoir que la Caisse a interjeté appel du jugement en juin 2020 et que ce n’est que le 28 août 2023, soit plus de trois ans après l’acte introductif d’instance et plus de deux ans après avoir reçu la convocation à l’audience, qu’elle s’est manifestée et a produit ses écritures. Elle estime donc que l’instance est périmée.
La Caisse rétorque oralement qu’en procédure orale, le délai de péremption ne commence à courir qu’à compter de l’audience.
Sur ce,
Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile
L’instance est périmée lorsque aucune des parties n ‘accomplit de diligences pendant deux ans.
L’article 387 du même code se lisant ainsi
La péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties.
Elle peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
l’article 388 du code de procédure civile précisant que
La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit.
Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
et l’article 389 que
La péremption n ‘éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir.
Enfin, aux termes de l’article 390 du code de procédure civile
La péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
Le régime de la péremption applicable à la cour d’appel est ainsi celui de droit commun. Il s’ensuit que pour les procédures en cours, depuis le 1er janvier 2019, le délai de deux ans de droit commun est applicable, sans qu’il ne soit fait référence à de quelconques diligences, sous réserve de difficultés liées à l’application de la loi dans le temps.
En procédure orale, dans laquelle il n’est pas prévu de conclure pour manifester leur intention de voir progresser l’affaire, les parties n’ont d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire. La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer de sorte que le délai de péremption de l’instance ne peut commencer à courir qu’à la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.
En l’espèce, le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Créteil rendu le 17 décembre 2019 a été notifié à la Caisse le 15 mai 2020 et à la Société le 18 mai 2020.
La caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne a interjeté appel de cette décision le 9 juin 2020 et le greffe de la cour a adressé aux parties une convocation à l’audience du 6 septembre 2023 par lettre recommandée avec accusé réception du 13 avril 2021.
Le 28 août 2023, la Caisse a communiqué ses conclusions et pièces à la Société.
Il résulte ainsi de cette chronologie que l’instance engagée par la Caisse n’encourt pas la péremption, le délai n’ayant pas commencé à courir.
La fin de non recevoir tirée de la péremption d’instance sera donc écartée.
Sur la régularité de la procédure d’instruction de la déclaration de maladie professionnelle
A l’appui de son appel, la Caisse conteste ne pas avoir respecté son obligation d’information et méconnu le principe du contradictoire. Elle soutient que la Société a bien été mise en capacité de prendre connaissance des pièces du dossier de M. [E] sur lesquelles elle a fondé sa décision de reconnaître le caractère professionnel de sa pathologie. Elle estime que si l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale dispose que le dossier constitué par la Caisse peut être communiqué, à sa demande, à l’employeur, il s’agit d’une simple faculté et non d’une obligation. Par voie de conséquence, le défaut d’envoi de copie des pièces ou un envoi incomplet à l’employeur ne saurait entraîner l’inopposabilité de la décision de prise en charge. En tout état de cause, la Caisse affirme que la Société ne lui a nullement demandé un rendez-vous mais une demande d’envoi de pièces à laquelle elle n’a pas accédé. Elle conclut qu’en adressant un avis de fin d’instruction à l’employeur, elle a pleinement satisfait à ses obligations d’information.
La Société conteste la pertinence de l’argumentation de la Caisse. Elle explique que le 2 février 2018, un de ses préposés a pris attache avec l’organisme pour obtenir un rendez-vous lequel lui aurait indiqué qu’elle lui adresserait les pièces du dossier par courriel. A défaut de les avoir reçues le 12 février 2018, elle s’est rapprochée de la Caisse qui lui aurait confirmé un envoi par courriel le 7 février 2018 s’engageant néanmoins à lui adresser de nouveau les pièces ou qu’un agent reprendrait contact ultérieurement. Malgré tout, la Société indique n’avoir jamais eu transmission de ces documents ce qui n’a pas empêché la Caisse de prendre sa décision. Elle indique que, faute d’avoir respecté son engagement, la Caisse l’a de fait empêchée d’avoir un accès effectif aux pièces recueillies et susceptibles de lui faire grief et l’a privée de la possibilité de formuler ses observations. L’organisme a donc pris sa décision sans avoir recueilli au préalable ses éventuelles remarques. S’agissant d’une obligation de fond, et non simplement de forme, la Société en déduit que la décision prise par la Caisse doit lui être déclarée inopposable.
Sur ce,
Aux termes de l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 01 décembre 2019 telle qu’issue du décret n°2009-938 du
29 juillet 2009
Lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.
(…)
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13.
(…).
Il n’est pas contesté des parties que la Caisse a bien informé la Société de la fin de son instruction et l’a invitée à consulter les pièces du dossier dans les conditions de l’article R. 441-14 précité.
Si les pièces produites aux débats enseignent, comme le plaide la Société, que, le 2 février 2018, un de ses représentants avait pris attache avec la Caisse afin que lui soit communiquées les pièces du dossier par courriel, et si cette demande a été réitérée le
12 février suivant, il ne résulte pas des textes rappelés ci-dessus qu’un engagement d’un agent de la Caisse, dont les contours ne sont au demeurant pas établis, constituerait une obligation pour l’organisme.
En effet, la Caisse n’est tenue que d’informer l’employeur de la fin de la procédure d’instruction et de la possibilité de consulter le dossier pendant un délai suffisant avant qu’elle prenne sa décision. L’envoi à l’employeur d’une copie des pièces du dossier est, en application de l’article R. 441-13 susvisé, une possibilité pour la Caisse et non une obligation.
La Caisse, qui a par ailleurs laissé à l’employeur un délai de près de 15 jours pour consulter le dossier de son salarié, a donc pleinement satisfait à ses obligations résultant des articles R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale et n’a pas porté atteinte au principe du contradictoire.
Sa décision de prise en charge de l’affection déclarée par M. [E] le 23 octobre 2017 au titre de la législation professionnelle sera déclarée opposable à la société [5].
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
La Société succombant, elle sera condamnée aux dépens de l’instance.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la Société l’intégralité des sommes avancées pour faire valoir ses droits et non comprises dans les dépens. Dès lors, elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire,
DÉCLARE l’appel formé par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne recevable ;
REJETTE la fin de non recevoir tirée de la péremption d’instance ;
INFIRME le jugement du pôle social du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil du 17 décembre 2019 sauf en ce qu’il a laissé à la charge des parties ses dépens ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
DÉCLARE opposable à la société [5], venant aux droits de la société [6], la décision rendue le 15 février 2018 par la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne ayant reconnu le caractère professionnel de la pathologie « tendinopathie supra épineux épaule gauche » déclarée par M. [N] [E] le 23 octobre 2017 ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la société [5] au paiement des dépens d’appel.6
PRONONCÉ par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La greffière La présidente