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03/03/2023
ARRÊT N°2023/100
N° RG 21/00830 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N7Y3
MD/SN
Décision déférée du 02 Février 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE
( F 17/01167)
SECTION ACTIVIT”S DIVERSES
[B] [X]
[H] [E]
C/
Organisme URSSAF [Localité 4]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 3/03/2023
à Me ROSSI-LEFEVRE et
à Me L’HOTE
ccc Pôle Emploi
Le 3/03/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [H] [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”
Organisme URSSAF [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S.BLUME, présidente et M.DARIES, conseillère, chargées du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
Mme [H] [E] a été embauchée le 24 novembre 1992 par l’Urssaf en qualité de technicien suivant contrat emploi solidarité puis contrat d’emploi consolidé qui s’est poursuivi en contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 1995, au coefficient 185, niveau 3.
Elle a exercé les fonctions de vérificateur agent comptable à compter du 23 juillet 2007 ( assistant technique vérificateur) classée coefficient 240, niveau 4.
Après avoir adhéré au syndicat CGT en 1996, Madame [E] a été titulaire des mandats suivants :
– Membre du comité d’entreprise depuis 1996, réélue en 1998, 2002, 2004 et 2006.
– Elle a exercé les fonctions de:
. trésorière et de secrétaire suppléante de ce comité,
. déléguée du personnel à partir de 2006,
. représentante du personnel au conseil d’administration à compter de 2006,
. trésorière du syndicat CGT Urssaf [Localité 2].
Elle a été désignée déléguée syndicale de 2006 à 2008.
Elle a exercé jusqu’à son départ à la retraite début 2021 les fonctions de membre du CHSCT depuis la fin de l’année 2016 tout en restant trésorière du syndicat local CGT.
Le 27 juin 2013, Mme [E] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Toulouse, bureau de conciliation, avec 5 autres salariés d’une demande indemnitaire pour discrimination syndicale à l’encontre de l’Urssaf.
Devant le bureau de conciliation, à l’audience du 28 octobre 2013, elle a, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, demandé qu’il soit ordonné pour chaque salarié, à l’Urssaf de produire diverses pièces sous astreinte, demande rejetée le 27 janvier 2014 par la formation de départage.
Une décision de retrait du rôle est intervenue le 22 avril 2014.
Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 19 juillet 2017 pour faire reconnaître une discrimination syndicale et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement de départage du 2 février 2021, a :
-rejeté les fins de non recevoir tirées de l’unicité de l’instance et de la prescription,
-débouté Mme [E] de l’ensemble de ses demandes,
-débouté l’Urssaf [Localité 4] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [E] aux entiers dépens.
Par déclaration du 23 février 2021, Mme [H] [E] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 9 février 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 avril 2021, Mme [H] [E] demande à la cour de :
-confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a déclaré ses demandes recevables,
-infirmer la décision dont appel en ce qu’elle l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes au fond,
en conséquence:
-condamner l’Urssaf [Localité 4] à lui payer la somme de 70000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,
-condamner l’Urssaf [Localité 4] à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner l’Urssaf [Localité 4] aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 23 décembre 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
I/ Sur les fins de non-recevoir soulevées par l’Urssaf tirées du principe de l’unicité de l’instance et de la prescription de l’action:
* L’Urssaf fait valoir que Mme [E], ayant saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 27 juin 2013, l’instance a été soumise au principe d’unicité de l’instance et elle ne pouvait saisir de nouveau, d’une nouvelle instance, la juridiction prud’homale le 19 juillet 2017.
L’intimée considère qu’il y a analogie entre les deux instances et donc violation du principe d’unicité et qu’en outre la péremption ne pouvant résulter que du prononcé d’une décision de justice, la salariée devait réintroduire l’instance suspendue du fait de la décision de retrait de rôle.
En outre l’Urssaf soulève la prescription de l’action de Mme [E] en application de l’article L.1134-5 du code du travail lequel dispose que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq années à compter de sa révélation.
L’intimée soutient que la salariée disposait depuis plus de cinq ans de tous les éléments y compris comparatifs sur l’évolution de carrière de ses collègues, lui permettant d’avoir la révélation de la discrimination dont elle se plaint.
Ainsi elle a bénéficié des informations diffusées par l’Urssaf à destination de chaque salarié de l’entreprise outre de celles en direction des instances représentatives du personnel, tel qu’il résulte des échanges avec l’Inspection du travail datant de 2010. Elle ajoute que tous les postes créés ou vacants font l’objet d’un appel interne sauf secteur spécifique.
* Mme [E] conclut à la recevabilité de son action.
Elle expose que lors de la saisine de la juridiction prud’homale le 27 juin 2013 concernant une potentielle situation de discrimination, elle n’avait accès à aucun élément permettant d’établir une analyse comparative avec d’autres salariés se trouvant dans une situation comparable.
Ayant été déboutée de sa demande visant à la communication de pièces afin de comparaison par jugement de départage du 27 janvier 2014, un retrait du rôle a été prononcé le 22 avril 2014.
L’appelante affirme que les éléments produits dans le cadre de la nouvelle saisine sont tous postérieurs à la date à laquelle la juridiction prud’homale avait été antérieurement saisie.
En application des articles 386 et 389 du code de procédure civile sur la péremption d’instance et de la décision de retrait du rôle au visa de l’article 382 du code de procédure civile, elle considère que l’instance introduite le 27 juin 2013 était périmée depuis le 22 avril 2016.
La péremption de l’instance n’éteignant pas l’action, elle considère qu’elle pouvait saisir à nouveau la juridiction le 27 juillet 2017 pour des faits dont elle a eu connaissance postérieurement à la première saisine et ce d’autant que les règles relatives à la péremption d’instance avaient été abrogées.
Mme [E] rejette toute prescription de l’action. Elle objecte que le délai pour agir de 5 ans à compter de la révélation de la discrimination n’a pas couru puisque l’Urssaf n’a jamais produit les éléments de comparaison nécessaires à sa situation et qu’à tout le moins, ce délai n’a commencé à courir qu’à compter d’octobre 2015, date d’établissement des panels, tel que l’a jugé la juridiction de première instance.
Sur ce:
Antérieurement au 1er août 2016, aux termes de l’article R 1452-6 du code du travail, lors de la saisine initiale du conseil de prud’hommes, s’appliquait la règle de l’unicité de l’instance, qui consiste à rassembler en un seul procès toutes les demandes entre les mêmes parties, nées du même contrat de travail, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes.
L’article R 1452-7 du code du travail permet au demandeur d’introduire, dans le cadre de l’instance en cours, des demandes nouvelles ‘en tout état de cause’, soit jusqu’à l’extinction de l’instance et même en appel.
La jurisprudence a précisé que le principe de l’unicité de l’instance ne s’applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s’est révélé que postérieurement à la clôture des débats de l’instance antérieure.
Cette règle, abrogée par un décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, continue à s’appliquer pour les instances introduites devant les conseils de prud’hommes avant le 1er août 2016.
A la date de la première saisine le 27 juin 2013, était donc applicable le principe d’unicité de l’instance.
Par décision du 27 janvier 2014, le juge départiteur, saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, a débouté Mme [E] de sa demande de mesure d’instruction tendant à la remise par l’Urssaf de documents sous astreinte, au motif que la demanderesse ne fournissait aucun élément, ni commencement de preuve, de nature à permettre de considérer à ce stade que ses demandes aient une quelconque légitimité.
Le 22 avril 2014, il a été prononcé un retrait du rôle, sollicité par accord des parties.
Madame [E] a formé une nouvelle saisine le 27 juillet 2017.
La règle de l’unicité de l’instance est respectée lorsqu’est présentée devant le juge, saisi d’une première demande dérivant du contrat de travail, une nouvelle demande dérivant du même contrat.
Aux termes de l’article R 1452-8 du code du travail en vigueur à cette date et abrogé par décret du 01 mai 2016, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
En l’espèce, aucune diligence n’a été mise à la charge des parties, lesquelles n’ont pas sollicité la réinscription de l’affaire.
L’instance était donc suspendue.
En application de l’article 385 du code de procédure civile, la péremption d’instance constitue un incident, qui affectant une instance, ne peut être prononcée que par la juridiction devant laquelle elle se déroule.
En l’espèce, elle ne pouvait au regard de la date de l’instance en cours initiée le 27 juin 2013 ( soit avant la réforme du 06 mai 2017) n’être prononcée que sur demande d’une partie ou opposée par elle avant tout autre moyen.
Or aucune décision de péremption n’a été sollicitée par les parties ni n’a été prononcée dans cette instance.
Dans le cadre de la nouvelle saisine du 27 juillet 2017, le juge départiteur ne pouvait donc considérer ‘qu’en l’absence de réinscription au rôle après le retrait du rôle le 22 avril 2014, la péremption d’instance est intervenue deux ans plus tard conformément aux dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, sans qu’un jugement sur le fond n’ait été rendu’.
Il n’y avait donc pas extinction de l’instance initiée le 27 juin 2013 et le juge n’était pas dessaisi.
Mme [E] devait solliciter la réinscription de l’affaire dont l’objet au fond était déjà déterminé à savoir une discrimination syndicale, de sa demande nouvelle fondée sur un panel de comparaison établi en octobre 2015 à partir des éléments d’aide à la préparation des entretiens individuels de salariés.
En conséquence, les demandes formées dans le cadre de la saisine du conseil de prud’hommes du 27 juillet 2017 sont irrecevables .
Le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé par substitution de motifs.
Sur les demandes annexes:
Mme [E], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation aux dépens de Mme [E] et le rejet des demandes au titre de l’article 700 du code de procedure civile,
Y ajoutant,
Déclare recevable la fin de non recevoir soulevée par l’Urssaf,
Déclare irrecevables les demandes de Madame [H] [E],
Condamne Mme [H] [E] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
.