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N° RG 20/03412 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ISXS
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 03 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
19/0000007
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 01 Octobre 2020
APPELANTE :
S.A.R.L. [4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Rachid MEZIANI de la SARL MEZIANI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Michaël GUILLE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CPAM DE L’EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 10 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 10 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mars 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 03 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [E] [L] a été engagée par la société à responsabilité limitée [4] (la société) en qualité d’agent-hospitalier à compter du 21 décembre 1988.
Le 13 février 2015, une déclaration d’accident du travail la concernant a été transmise à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure (la caisse). Selon Mme [E] [L], ce même jour elle était ‘en train de toiler le sol’ lorsqu’elle a ‘glissé’ et est ‘tombée en arrière’.
Un certificat médical initial également en date du 13 février 2015 fait état d’une ‘entorse épaule gauche”. Un arrêt de travail lui a été prescrit jusqu’au 20 février 2015 puis prolongé jusqu’au 17 juin 2015. Un nouvel arrêt lui a ensuite été prescrit du 21 juillet 2015 au 21 août suivant ainsi que des soins.
La caisse a pris en charge le fait accidentel au titre de la législation sur les risques professionnels.
La société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de contester l’opposabilité à son égard de l’ensemble des arrêts de travail et des soins rattachés à l’accident survenu le 13 février 2015.
En vertu de la loi du 18 novembre 2016, le dossier a été transféré au pôle social du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire.
Par jugement du 1er octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d’Evreux a :
– débouté la société de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société aux dépens nés depuis le 1er janvier 2019.
Le jugement a été notifié à la société qui en a relevé le 23 octobre 2020.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 13 décembre 2022, soutenues oralement à l’audience, la société demande à la cour de :
– A titre liminaire :
rejeter la demande de péremption d’instance formulée par la caisse,
rejeter la demande d’irrecevabilité formulée par la caisse,
infirmer le jugement entrepris,
– A titre principal : juger inopposable à son égard la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, des soins et arrêts de travail prescrits à Mme [E] [L] à compter du 14 avril 2015, avec toutes suites et conséquences de droit,
– A titre subsidiaire : ordonner une mesure d’instruction afin de vérifier l’imputabilité des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l’accident du 13 février 2015.
Par conclusions remises le 16 décembre 2022, soutenues oralement à l’audience, la caisse demande à la cour de :
– A titre liminaire : constater la péremption de l’instance,
– A titre principal :
débouter la société de l’ensemble de ses demandes,
condamner la société au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
juger ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur le moyen tiré de la péremption d’instance
La caisse soutient qu’en application de l’article 386 du code de procédure civile, la société disposait d’un délai de deux ans pour accomplir une diligence, ce à quoi elle a manqué.
Le décret du 29 octobre 2018 a abrogé l’article R 142-22 du code de la sécurité sociale qui prévoyait la péremption d’instance en l’absence de diligences expressément mises à la charge des parties par la juridiction.
Ainsi, l’application des dispositions de droit commun de l’article 386 du code de procédure civile, selon lequel l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans, est applicable devant la cour d’appel depuis le 1er janvier 2019.
Il est constant que constitue une telle diligence toute action manifestant la volonté des parties de poursuivre l’instance et de faire avancer le procès.
En procédure orale, les parties qui n’ont aucune obligation de conclure, n’ont d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire.
Or, en l’espèce, l’affaire a été fixée à l’audience du 10 janvier 2023 par convocation du greffe du 3 octobre 2022, soit dans le délai de deux ans de l’appel qui a été interjeté le 23 octobre 2020.
Il en résulte que les parties n’avaient pas d’autre diligence à accomplir après cette fixation et que la péremption n’est pas acquise.
La société est dès lors déboutée de sa demande.
2/ Sur la recevabilité de la saisine
Les premiers juges ont estimé qu’en l’absence de décision de la commission de recours amiable, le tribunal n’était saisi d’aucune décision de la caisse primaire d’assurance maladie, de sorte que les demandes de la clinique ne pouvaient prospérer. Le jugement entrepris a débouté la société de ses demandes.
La clinique soutient que l’objet du litige vise à contester la durée des soins et arrêts de travail prescrits à Mme [E] [L] suite à son accident et non à contester une quelconque décision qui lui aurait été notifiée, de sorte qu’aucun délai et surtout aucune voie de recours n’a été portée à sa connaissance, ce dont il s’évince qu’aucune obligation préalable, notamment de saisine de la CRA, ne s’imposait à elle.
Sur ce ;
Il résulte des articles R 142-1 et R 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable à l’espèce, que le tribunal ne peut être saisi d’une réclamation contre une décision d’un organisme de sécurité sociale qu’après la soumission de celle-ci à la commission de recours amiable.
L’omission de cette saisine préalable constitue une fin de non recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause.
En l’espèce, il ressort des éléments produits que par décision du 20 février 2015 la caisse a notifié à la société sa décision de reconnaître le caractère professionnel de l’accident dont a été victime Mme [E] [L] le 13 février précédent.
Il n’est pas contesté qu’aucune saisine de la commission de recours amiable n’a été effectuée par la société, celle-ci ayant directement formé un recours le 31 décembre 2018 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure.
Il s’évince des demandes formées par la société que cette dernière conteste le lien de causalité entre les troubles et lésions indemnisés et l’accident de travail, invoque l’existence d’un état pathologique antérieur, ce dont il doit être déduit que la société, si elle indique ne pas contester la prise en charge de l’accident de travail du 13 février 2015, devait saisir préalablement ladite commission d’un recours portant sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail prescrits à compter de l’accident.
Il convient donc de déclarer irrecevables les demandes formées par la société. Le jugement entrepris, qui a débouté la société, doit être infirmé de ce chef.
2/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, la société [4] est condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la caisse les frais non compris dans les dépens qu’elle a pu exposer. Il convient en l’espèce de condamner la société, appelante succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
Rejette le moyen tiré de la péremption d’instance ;
Infirme le jugement du tribunal judiciaire d’Evreux du 1er octobre 2020 en ce qu’il a débouté la société de ses demandes ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
Déclare irrecevables les demandes formées par la société [4] ;
Condamne la société [4] à verser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la société [4] aux entiers dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE