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délivrée le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre sociale
ARRET DU 29 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/04637 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OHMF
ARRET n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 JUIN 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE POLE SOCIAL
N° RG18/00947
APPELANT :
Monsieur [W] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Sylvain RECHE de la SCP RECHE-GUILLE MEGHABBAR, avocat au barreau de CARCASSONNE
INTIMEES :
CPAM DE L’AUDE
[Adresse 2]
[Localité 7]
Mme [R] [I] (Représentante de la CPAM) en vertu d’un pouvoir du 09/01/2023
S.A.S. [9]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Romain BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. [8]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Charlotte BLANC-LAUSSEL substituant Me Catherine CHAT de la SCP PEREZ ET CHAT, avocat au barreau de CHAMBERY
En application de l’article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l’audience.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 FEVRIER 2023,en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère et Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRET :
– Contradictoire.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour ;
– signé par Monsieur Richard BOUGON, Conseiller, faisant fonction de président spécialement désigné à cet effet , et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier.
*
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
La société de travail temporaire [9] a mis M. [W] [O] à la disposition de la SARL [8] en qualité de man’uvre. Dès le premier jour, le 27 septembre 2011, le salarié a été victime d’un accident de travail lui occasionnant des lésions au niveau de la jambe gauche.
Se plaignant de la faute inexcusable de l’employeur, M. [W] [O] a saisi le 23 septembre 2013 le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Aude.
Les blessures du salarié ont été déclarées consolidées au 30 janvier 2015, un taux d’IPP de 10 % lui étant alors attribué. Ce taux a été contesté par les parties. Dans les rapports caisse/assuré, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Montpellier a fixé le taux d’incapacité à 20 % dont 5 % au titre du taux professionnel. Dans les rapports caisse/employeur, le tribunal du contentieux de l’incapacité de Paris a maintenu le taux de 10 %.
Le 16 juin 2015 le salarié a déclaré une rechute de l’accident du travail.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale, par jugement du 12 janvier 2016 a :
dit que la SARL [8], substituée à la société [9] dans la direction des salariés, a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont le salarié a été victime ;
sursis à statuer sur la majoration de rente servie sollicitée par la victime dans l’attente de la décision du tribunal du contentieux de l’incapacité sur le taux d’IPP pouvant être retenu ;
avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices subis par le salarié, ordonné une expertise médicale, confiée au docteur [D], qui aura pour mission de :
‘convoquer les parties qui pourront se faire assister par le médecin de leur choix ;
‘se faire remettre les documents nécessaires à la réalisation de sa mission, y compris ceux détenus par des tiers ;
‘décrire les lésions subies par la victime et recueillir ses doléances ;
‘préciser les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, avant consolidation, dans l’incapacité de poursuivre ses activités personnelles habituelles, et le taux de cette incapacité temporaire ; indiquer le cas échéant si l’assistance d’une tierce personne a été nécessaire pendant cette période ;
‘déterminer la nature et évaluer la gravité des souffrances physiques et morales endurées par le salarié avant sa consolidation, selon l’échelle de sept degrés ;
‘déterminer la nature et évaluer la gravité du préjudice esthétique, selon l’échelle de sept degrés ;
‘évaluer l’existence et l’importance du préjudice d’agrément, résultant de la répercussion des troubles sur les activités de loisir et sportives ;
‘le cas échéant, donner au tribunal tous éléments médicaux d’information lui permettant d’apprécier les préjudices liés aux frais d’aménagement d’un véhicule ou d’un logement, le préjudice sexuel et les préjudices permanents exceptionnels ;
‘donner tous éléments médicaux d’information utiles sur l’existence d’un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
dit que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision ;
fixé à 3 000 € la provision à valoir sur l’indemnisation des préjudices subis par le salarié ;
dit que la CPAM de l’Aude devra faire l’avance des réparations dues au salarié, et pourra en récupérer le montant à l’encontre de la société [9] ;
dit que la SARL [8] devra garantir la société [9] de l’ensemble des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable ;
ordonné l’exécution provisoire du jugement ;
réservé les demandes formées au titre des frais irrépétibles ;
rejeté toute prétention contraire ou plus ample.
L’expert a déposé son rapport le 29 juin 2016 rédigé en ces termes :
« II ‘ DISCUSSION MÉDICO-LÉGALE
I ‘ L’AT du 27/09/11
Celui a été consolidé le 29/01/15. Nous pouvons donc fixer les préjudices en rapport avec la faute inexcusable de l’employeur.
Le taux d’AIPP, à 15 % avec 5 % complémentaire pour l’incidence professionnelle, fixé par le tribunal du contentieux de Montpellier nous parait correspondre tout à fait à la situation clinique de M. [O] en 2015.
Les souffrances endurées, en raison d’une intervention chirurgicale, des contraintes de soins, le retentissement psychique, sont fixées à 3 sur l’échelle habituelle à sept degrés. Le préjudice esthétique en prenant en compte l’amyotrophie et les cicatrices, peut être fixé à 1 sur l’échelle habituelle à sept degrés.
Le préjudice d’agrément est de moyenne importance pour la pratique des activités de loisirs allégués.
Il n’existe pas de préjudice sexuel.
Il existe un préjudice permanent exceptionnel sous forme d’une difficulté à la pratique rituelle de la prière musulmane en raison de la raideur du genou.
II ‘ LA RECHUTE DU 07/ 03/15
Celle-ci a été acceptée par la CPAM, a nécessité une réintervention chirurgicale et des soins sont toujours en cours. L’arrêt de travail est également en cours. La consolidation ne peut être prononcée à ce jour. Nous ne pouvons donc pas fixer les préjudices en relation avec la faute inexcusable de l’employeur.
III ‘ LES PATHOLOGIES INTERCURRENTES
Il faudra prendre en compte, lorsque la rechute sera consolidée, trois pathologies intercurrentes :
‘ une pathologie rachidienne lombaire avec une discarthrose étagée ;
‘ une pathologie aortique, qui semble nécessiter une intervention chirurgicale ;
‘ une rupture du LCP du genou droit suite à un accident de scooter.
III ‘ RÉPONSE AUX QUESTIONS DE LA MISSION
Nous fixons ici les préjudices en rapport avec l’accident du travail du 27/09/11, consolidé le 29/01/15. Il nous est impossible de fixer les préjudices de la rechute du 17/03/15 qui n’est pas encore consolidée.
M. [O] a été victime d’un accident de travail le 27/09/11 qui a entraîné une contusion de la face interne de la cuisse gauche.
Les doléances, qui sont détaillées dans le chapitre expertise, sont actuellement plus en rapport avec la rechute et la nouvelle intervention chirurgicale qu’avec la première période d’accident du travail.
L’accident du 27/09/11 a entraîné :
‘ un DFT total du 02 au 28/01/12.
‘ un DFT classe I (soins en cours) du 29/01/12 au 28/01/15.
Il n’a pas été allégué d’assistance par tierce personne.
En prenant en compte l’importance des lésions initiales, la nécessité d’une ligamentoplastie chirurgicale, les contraintes de soins, les douleurs physiques et le retentissement psychique, nous fixons les souffrances endurées à 3 sur l’échelle habituelle à sept degrés.
En prenant en compte les cicatrices de la 1re intervention chirurgicale et l’amyotrophie du quadriceps constatées lors de la consolidation par le Dr [T], nous fixons le préjudice esthétique à 1 sur l’échelle habituelle à sept degrés.
En raison des séquelles constatées par le Dr [T] avec amyotrophie du quadriceps, difficulté de la flexion, nous estimons qu’il existe un préjudice d’agrément de moyenne importance pour la pratique de la musculation et de la boxe.
Il n’y a pas de nécessité médicalement justifiée d’aménagement du véhicule ou du logement.
Il n’existe pas de préjudice sexuel allégué.
Il existe un préjudice permanent exceptionnel sous forme d’une difficulté à la pratique rituelle de la prière musulmane.
Nous sommes en accord avec l’expert du tribunal du contentieux de Montpellier qui a fixé une diminution des possibilités de promotion professionnelle à 5 %. »
Par jugement du 25 avril 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Aude a :
ordonné la majoration de la rente servie au salarié par la CPAM de l’Aude dans les limites maximales prévues par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et dit qu’elle devra suivre l’évolution éventuelle du taux d’incapacité du salarié ;
dit que la CPAM de l’Aude pourra agir à l’encontre de la SAS [9], employeur, en remboursement du montant de la rente majorée versée au salarié, le cas échéant dans la limite du taux retenu comme opposable à cet employeur dans la décision susceptible d’avoir été rendue par le tribunal du contentieux de l’incapacité de PARIS, si cette décision est définitive ;
accordé au salarié une provision complémentaire de 5 000 € à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices ;
dit que la CPAM de l’Aude devra faire l’avance de cette somme et pourra en récupérer le montant à l’encontre de la société [9] ;
ordonné une expertise complémentaire du salarié confiée au Dr [D], et prié cet expert de bien vouloir, dans la mesure du possible, ne la réaliser qu’après fixation par la CPAM de l’Aude de la date de consolidation de la victime à la suite de la rechute de son accident de travail initial ;
fixé comme suit la mission confiée à cet expert :
‘convoquer les parties qui pourront se faire assister par le médecin de leur choix ;
‘se faire remettre les documents nécessaires à la réalisation de sa mission, y compris ceux détenus par des tiers ;
‘décrire les lésions subies par la victime et recueillir ses doléances ;
‘préciser les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, avant les consolidations, dans l’incapacité de poursuivre ses activités personnelles habituelles, et le taux de cette incapacité temporaire ; indiquer le cas échéant si l’assistance d’une tierce personne a été nécessaire pendant cette période ;
‘déterminer la nature et évaluer la gravité des souffrances physiques et morales endurées par le salarié avant ses consolidations, selon l’échelle de sept degrés ;
‘déterminer la nature et évaluer la gravité du préjudice esthétique, selon l’échelle de sept degrés ;
‘évaluer l’existence et l’importance du préjudice d’agrément, résultant de la répercussion des troubles sur les activités de loisir et sportives ;
‘le cas échéant, donner au tribunal tous éléments médicaux d’information lui permettant d’apprécier les préjudices liés aux frais d’aménagement d’un véhicule ou d’un logement, le préjudice sexuel et les préjudices permanents exceptionnels ;
‘donner tous éléments médicaux d’information utiles sur l’existence d’un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
dit que l’expert devra déposer son rapport dans le délai d’un an à compter de la notification de la présente décision ;
précisé qu’en cas d’absence de consolidation intervenue dans un délai d’un an, le dossier devra être rappelé à une audience à fixer avant le 30 juin 2018, le cas échéant pour faire l’objet d’un retrait du rôle ;
dit que les sommes accordées au salarié dans la cadre du jugement du 12 janvier 2016 et de la présente décision produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la décision les accordant ;
dit n’y avoir lieu à statuer à nouveau ou à rappeler la garantie due par la SARL [8] à la SAS [9] ;
dit que les frais d’expertise seront avancés par la CPAM ;
ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
sursis à statuer sur les autres demandes des parties.
L’expert a rendu son second rapport d’expertise le 19 octobre 2018, rédigé en ces termes :
« II ‘ DISCUSSION MÉDICO-LÉGALE
1 ‘ LA RECHUTE DU 07/03/15
Celle-ci a été acceptée par la CPAM, a nécessité une réintervention chirurgicale et des soins de kinésithérapie ont été réalisés jusqu’à l’été 2017. L’arrêt de travail est également en cours. À nos yeux, en l’absence de soins en relation directe et certaine avec l’accident à partir de fin juin 2017, nous considérons qu’il n’y a plus de déficit fonctionnel temporaire ultérieurement, même si la consolidation de l’AT n’a pas été prononcée.
II ‘ LES PATHOLOGIES INTERCURRENTES
Il faut prendre en compte, trois pathologies intercurrentes :
‘ une pathologie rachidienne lombaire avec une discarthrose étagée ;
‘ une pathologie aortique, qui a nécessité une intervention chirurgicale ;
‘ une rupture du LCP du genou droit suite à un accident de scooter.
III ‘ RÉPONSE AUX QUESTIONS DE LA MISSION
Nous fixons ici les préjudices en rapport avec la rechute de l’accident du travail du 07/03/15.
M. [O] a été victime d’un accident de travail le 27/09/11 qui a entraîné une contusion de la face interne de la cuisse gauche. Les doléances, qui sont détaillées dans le chapitre expertise, sont actuellement plus en rapport avec la rechute et la nouvelle intervention chirurgicale qu’avec la première période d’accident du travail.
La rechute du 07/03/15 a entraîné :
‘ un DFT total du 26 au 27/06/15 ;
‘ un DFT classe I (soins en cours) du 28/06/15 au 28/06/17.
Il n’a pas été allégué d’assistance par tierce personne.
En prenant en compte l’importance des lésions initiales, la nécessité d’une intervention chirurgicale, les contraintes de soins, les douleurs physiques et le retentissement psychique, nous fixons les souffrances endurées à 2,5 sur l’échelle habituelle à sept degrés.
En prenant en compte les cicatrices de la 2e intervention chirurgicale et l’amyotrophie du quadriceps, nous fixons le préjudice esthétique à 1 sur l’échelle habituelle à sept degrés.
En raison des séquelles avec amyotrophie du quadriceps, difficulté de la flexion, nous estimons qu’il existe un préjudice d’agrément de moyenne importance pour la pratique de la musculation et de la boxe.
Il n’y a pas de nécessité médicalement justifiée d’aménagement du véhicule ou du logement.
Il n’existe pas de préjudice sexuel allégué.
Il existe un préjudice permanent exceptionnel sous forme d’une difficulté à la pratique rituelle de la prière musulmane.
Par rapport au 1er accident du travail, il n’y a pas eu de réelle aggravation de la situation clinique et nous restons en accord avec l’expert du tribunal du contentieux de Montpellier qui avait fixé une diminution des possibilités de promotion professionnelle à 5 %. »
Le pôle social du tribunal de grande instance de Carcassonne, par jugement rendu le 4 juin 2019, a :
fixé comme suit les indemnisations résultant de la faute inexcusable commise par la société [9], à l’origine de l’accident de travail dont le salarié a été victime :
‘au titre de son accident de travail initial du 27 septembre 2011 :
‘déficit fonctionnel temporaire : 3 323,50 € ;
‘réparation des souffrances endurées : 7 000 € ;
‘réparation du préjudice esthétique : 1 500 € ;
‘au titre de la rechute du 7 mars 2015 :
‘déficit fonctionnel temporaire : 1 725 € ;
‘réparation des souffrances endurées : 5 000 € ;
‘réparation du préjudice esthétique : 1 000 € ;
dit que la caisse primaire d’assurance maladie devra faire l’avance de ces sommes au salarié, sous déduction des provisions de 3 000 € et 5 000 € qui lui ont été précédemment accordées, et condamné la société [9] à les rembourser à cette caisse ;
condamné la société [9] à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie les sommes avancées par elle au titre des frais d’expertise ;
condamné la société [9] à payer au salarié la somme de 960 € au titre des honoraires d’assistance à expertise ;
condamné la société [9] à payer au salarié la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
condamné la société [9] aux dépens éventuellement engagés à compter du 1er janvier 2019.
Cette décision a été notifiée le 5 juin 2019 à M. [W] [O] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 3 juillet 2019.
Vu les écritures déposées à l’audience et soutenues par son conseil aux termes desquelles M. [W] [O] demande à la cour de :
constater que l’accident dont il a été victime a été reconnu imputable à la faute inexcusable de son employeur la SAS [9] ;
déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation des préjudices personnels en lien avec l’accident de travail initial et sa rechute ;
constater qu’a déjà été jugé que la SAS [9] demeure son employeur et reste tenue des conséquences de la faute inexcusable ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘condamné l’employeur au paiement des sommes suivantes :
‘au titre de l’accident de travail initial du 27/09/2011 :
déficit fonctionnel temporaire : 3 323,50 € ;
réparation des souffrances endurées : 7 000 € ;
réparation du préjudice esthétique : 1 500 € ;
‘au titre de la rechute du 7 mars 2015 :
déficit fonctionnel temporaire : 1 725 € ;
réparation des souffrances endurées : 5 000 € ;
réparation du préjudice esthétique : 1 000 € ;
‘dit que la CPAM devrait lui faire l’avance de ces sommes, sous déduction des provisions de 3 000 € et 5 000 € précédemment accordées et condamné la société [9] à les rembourser à cette caisse ;
‘condamné la société [9] à lui payer la somme de 960 € au titre des honoraires d’assistance à expertise outre la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;
infirmer le jugement entrepris :
‘en ce qu’il l’a débouté de ses demandes d’indemnisations suivantes :
‘réparation du préjudice permanent et exceptionnel à hauteur de 4 000 € ;
‘réparation de la perte de chance de promotion professionnelle à hauteur de 42 164,99 € ;
‘en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnisation d’un préjudice d’agrément ;
‘en ce qu’il l’a débouté de sa demande de prise en charge des frais liés aux soins non-remboursés pour 280 € et des frais de déplacements pour 954,40 € ;
‘en ce qu’il n’a pas statué sur la demande tendant à ce que les sommes allouées portent intérêt au taux légal à compter de la demande de reconnaissance de faute inexcusable, soit le 12 janvier 2016 ;
pour la période du 27/09/2011 au 29/01/2015 (objet du 1er rapport du Dr [D]),
condamner l’employeur, la SAS [9], à lui verser :
‘préjudice d’agrément : 4 000 € ;
‘préjudice permanent exceptionnel : 4 000 € ;
‘perte de chance de promotion professionnelle : 42 238,18 € au principal et 37 360,82 € en subsidiaire ;
‘frais liés aux soins non remboursés : 280 € ;
dire qu’en vertu des dispositions de l’article 1153-1 du code civil, l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter de la demande de reconnaissance de faute inexcusable, soit à compter du 12/01/2016, date du jugement portant reconnaissance de la faute inexcusable ;
pour la période suivant la rechute de l’accident du travail,
condamner l’employeur, la SAS [9], à lui verser la somme de 3 000 € en réparation du préjudice d’agrément ;
en tout état de cause,
condamner la SAS [9] au paiement de la somme de 5 000 € au titre des frais d’avocat outre celle de 1 560 € au titre des frais de médecin de recours sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris la somme de 954,40 € au titre des frais de déplacement ;
dire que l’arrêt sera commun et opposable à la CP AM de l’Aude ;
dire que l’arrêt sera commun et opposable à la SARL [8].
Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son conseil selon lesquelles la SAS [9] demande à la cour de :
in limine litis,
constater l’acquisition de la péremption de la présente instance ;
dire que l’instance est d’ores et déjà éteinte depuis le 5 juillet 2021 ;
sur la liquidation des préjudices,
sur l’omission de statuer concernant le capital représentatif de la majoration de rente pouvant être mis à sa charge,
dire que seul le taux initial de 10 % pourra être pris en compte pour déterminer le montant du capital représentatif de la majoration de la rente mise à sa charge ;
sur les préjudices relatifs à l’accident initial du 27 septembre 2011,
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes indemnitaires au titre :
‘du préjudice d’agrément ;
‘du préjudice de perte de chance de promotion professionnelle ;
‘du préjudice permanent exceptionnel ;
‘des dépenses de santé (frais non-remboursés et non-pris en charge) ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer au salarié la somme de 223,10 € au titre d’un déficit fonctionnel temporaire pour la période du 27 septembre 2011 au 2 janvier 2012 ;
débouter le salarié de sa demande indemnitaire au titre d’un déficit fonctionnel temporaire pour la période du 27 septembre 2011 au 2 janvier 2012 non-retenue dans le rapport du Dr [D] ;
dire que les sommes allouées au salarié en réparation de ses préjudices ne pourront porter intérêt légaux qu’à compter de l’arrêt se prononçant sur la liquidation des préjudices personnels et non de la décision reconnaissant l’existence de la faute inexcusable de l’employeur ;
sur les préjudices relatifs à la rechute du 7 mars 2015,
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande indemnitaire au titre du préjudice d’agrément ;
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer au salarié la somme de 1 725 € au titre du déficit fonctionnel temporaire pour les périodes postérieures à la date de la première consolidation ;
débouter le salarié de sa demande indemnitaire au titre du déficit fonctionnel temporaire postérieur à la rechute déclarée afin d’éviter une double indemnisation d’un même préjudice ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que seule la somme de 960 € était indemnisable au titre des frais d’assistance aux opérations d’expertise et des frais de déplacements puis à débouté le salarié du surplus de sa demande indemnitaire ;
dire que la somme sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera le cas échéant réduite à de plus justes proportions et mise à la charge de la société [8], auteur de la faute inexcusable.
Le conseil du salarié a répliqué oralement à la demande relative à la péremption d’instance, faisant valoir que cette dernière ne trouvait pas à s’appliquer en matière de sécurité sociale et soutenant subsidiairement que le délai de péremption s’est trouvé suspendu durant les périodes d’hospitalisation.
Vu les écritures déposées à l’audience et reprises par son conseil selon lesquelles la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aude demande à la cour de :
constater qu’elle s’en remet à l’appréciation de la cour quant à la réévaluation du montant des préjudices alloués au salarié en première instance ;
dans le cas où le montant des préjudices serait réévalué, dire que la société [9] sera condamnée à lui rembourser les sommes qu’elle sera éventuellement amenée à verser au salarié.
Vu les écritures notifiées par RPVA le 9 janvier 2023 aux termes desquelles la SARL [8] demande à la cour de :
débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes ;
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
condamner le salarié à lui payer la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner le salarié aux dépens d’appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la péremption d’instance
La société de travail temporaire fait valoir que le salarié a interjeté appel le 4 juillet 2019 et que dès lors le point de départ de la péremption d’instance doit être fixé au 5 juillet 2019 alors qu’il a déposé ses conclusions le 15 février 2022, soit plus de 2 ans et 7 mois après sa déclaration d’appel et qu’ainsi la péremption d’instance se trouve acquise.
Mais, concernant le contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale, le code de la sécurité sociale a comporté un article R. 142-22 qui en son dernier alinéa, depuis un décret du 18 mars 1986, limitait la péremption d’instance à l’hypothèse où les parties s’abstenaient d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui avaient été expressément mises à leur charge par la juridiction. Cette disposition avait été rendue applicable à la procédure d’appel par l’ancien article R. 142-30 du même code.
Cette limitation de la péremption d’instance que l’on retrouvait aussi en matière de contentieux prud’homal en vertu d’une autre exception textuelle ne tenait pas au seul caractère oral de la procédure dès lors qu’une jurisprudence constante faisait application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile au contentieux des baux ruraux en l’absence d’exception textuelle.
Le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé au 1er janvier 2019 l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale, l’article 17 III du même décret précisant que ses dispositions relatives à la procédure étaient applicables aux instances en cours.
Concernant uniquement la première instance, le pouvoir réglementaire est rapidement revenu sur cette réforme par un décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au 1er janvier 2020, qui introduit dans le code de la sécurité sociale un article R. 142-10-10, lequel limite à nouveau la péremption à l’abstention, durant deux ans, par les parties, d’accomplir les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Conformément à son article 9-III, cette nouvelle réforme a été rendue applicable à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date.
En application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le droit à l’accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d’accomplir les charges procédurales leur incombant. L’effectivité de ce droit impose, en particulier, d’avoir égard à l’obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter. L’ensemble des dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel instaure un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d’accomplir les actes de la procédure d’appel.
L’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme doit être lue à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme laquelle rappelle en un arrêt du 30 mars 2021, OORZHAK c. RUSSIE, n° 001-208885, que le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constitue un aspect particulier, n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation ; que toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable d’une manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même ; qu’enfin, elles ne se concilient avec l’article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
Ces principes ont conduit la Cour européenne des droits de l’homme à reprocher au gouvernement en cause de ne pas indiquer quel serait le but légitime poursuivi par la norme et de ne pas préciser par exemple s’il s’agit d’assurer une bonne administration de la justice, de désengorger la juridiction de cassation en simplifiant l’attribution des pourvois, ou encore de raccourcir la durée d’examen des dossiers. Retenant que les explications du gouvernement défendeur ne permettent pas de déceler un but légitime visé par la mesure contestée et que cette dernière avait porté atteinte au droit du requérant à accéder à un tribunal, compte tenu de l’absence de but légitime déclaré, la Cour européenne des droits de l’homme a dit qu’il n’y avait pas lieu d’examiner la proportionnalité de la mesure.
L’ancienne limitation de la péremption d’instance à l’hypothèse où les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction participait d’un formalisme allégé retenu en considération des spécificités du contentieux alors dévolu au tribunal des affaires de sécurité sociale.
Il convient donc de rechercher si, en excluant la limitation de la péremption d’instance applicable au contentieux de la sécurité sociale au seul stade de l’appel, le pouvoir réglementaire n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit à l’accès au juge au regard de la légitimité des buts qu’il poursuit.
Il sera tout d’abord relevé que le contentieux prud’homal a connu un semblable retour au droit commun de l’article 386 du code de procédure civile. Mais cette évolution n’éclaire pas le présent débat dès lors qu’elle s’est accompagnée à hauteur d’appel d’un passage en procédure écrite et d’une assistance obligatoire par avocat ou par défenseur syndical, toutes réformes guidées explicitement par le constat de la complexité de plus en plus grande du droit du travail et de la nécessité corrélative d’offrir au contentieux prud’homal un traitement de droit commun adapté, toutes considérations qui ont permis de retenir que le retour au droit commun de la péremption d’instance poursuivait en cette matière un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique et ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable.
Concernant cette fois spécifiquement le contentieux de la sécurité sociale, le pouvoir réglementaire peut légitimement chercher à accélérer le traitement des procédures d’appel. Il y va en effet d’une obtention plus rapide par les parties d’une décision définitive et de la réduction du stock des affaires que doivent gérer les cours d’appel, laquelle gestion spécifique du retard ampute d’autant les moyens disponibles pour instruire et juger ces mêmes affaires.
Mais l’accélération du traitement des procédures peut être obtenu par deux types de moyens, directs ou indirects. Les premiers accélèrent les procédures qu’ils concernent directement, il en va ainsi des délais de procédure qui enserrent l’accomplissement d’un acte dans une durée précise ou de la standardisation des actes qui permet de les traiter plus aisément et donc plus rapidement. Les seconds visent au contraire à soulager les juridictions de certaines affaires dans l’espoir qu’elles puissent traiter dès lors plus rapidement les affaires restantes. Il en va ainsi de toutes les formalités qui ne facilitent pas le traitement des affaires auxquelles elles s’appliquent. Même si les moyens directs sont susceptibles d’effets indirects, ils ne sauraient se confondre au regard de leur légitimité.
L’alourdissement du formalisme procédural, dans le seul but de priver d’accès au juge les parties qui ne parviendraient pas à le maîtriser, en espérant que celles qui s’en seront accommodé avec succès puissent voir leur affaire traitée plus rapidement, ne saurait constituer en soi un but parfaitement légitime. Dans ce cas, le contrôle de rapport raisonnable de proportionnalité à l’atteinte au droit à l’accès au juge doit être particulièrement strict.
En l’espèce, compte tenu de l’engorgement de certaines cours d’appel, le retour au droit commun de la péremption d’instance, sous l’apparence de la réforme d’un délai de procédure, constitue effectivement l’imposition aux parties d’une formalité de vigilance les forçant à interrompre un délai, même dans l’hypothèse où elles n’ont aucune prétention à un traitement particulier de leur contentieux, uniquement pour éviter de perdre leur droit d’accès au juge. Ce retour au droit commun ne se justifie pas par la cohérence d’une réforme globale de la procédure, celle-ci restant orale et sans représentation obligatoire, et il n’a même plus vocation à s’appliquer à la procédure de première instance depuis le 1er janvier 2020. Dès lors, il n’apparaît pas chercher à accélérer directement le traitement des procédures, mais uniquement à décharger les juridictions des affaires dans lesquelles il n’aura pas été respecté. Sa faible légitimité, seulement indirecte, n’est pas raisonnablement proportionnée à l’atteinte qu’il porte au droit à l’accès au juge concernant un contentieux mettant en ‘uvre une législation d’ordre public qui assure la sanction de fautes inexcusables ainsi que la réparation de préjudices importants, notamment par des majorations significatives de rentes.
En conséquence, il convient de retenir que la péremption d’instance, qui résulte de l’application des dispositions de l’article 386 du code de procédure civile au contentieux de la sécurité sociale seulement à hauteur d’appel, doit être écartée en l’espèce afin d’assurer l’effectivité du droit d’accès au juge, étant relevé qu’aucune diligence n’avait été mise à la charge des parties avant l’ordonnance d’injonction du 6 décembre 2022, laquelle ne concernait pas l’appelant qui avait conclu depuis le 15 février 2022.
2/ Sur les préjudices causés par l’accident de travail initial du 27 septembre 2011
2-1/ Sur le déficit fonctionnel temporaire
L’entreprise de travail temporaire demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer au salarié la somme de 223,10 € au titre d’un déficit fonctionnel temporaire pour la période du 27 septembre 2011 au 2 janvier 2012, non retenue par l’expert.
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 3 323,50 € en réparation de son déficit fonctionnel temporaire sur la base de 23 € par jour, soit 27 jours de DFTT pour 621 € concernant la période allant du 2 au 28 janvier 2012 et 1 096 jours de DFT de classe 1 à 10 %, soit une somme de 2 520,80 € pour la période allant du 29 janvier 2012 au 28 janvier 2015.
La cour retient que si l’expert judiciaire n’a fait état que d’un DFT total du 2 au 28/01/12 et postérieurement d’un DFT classe I (soins en cours) du 29/01/12 au 28/01/15, il rappelle tout de même état les faits suivants durant la période litigieuse :
« Le 27/09/11, M. [W] [O] est victime d’un accident dans le cadre de son activité professionnelle. Il est victime d’un écrasement du membre inférieur gauche par un godet de pelle mécanique avec une torsion du membre inférieur gauche et une chute.
Il se rend au service des urgences du CH de [Localité 7] où est diagnostiqué une contusion de la face interne du genou gauche.
Il lui est prescrit des anti-inflammatoires, une paire de béquilles, pas d’attelle et il est demandé de faire réaliser une échographie dans 3 jours.
Le 30/09/11, l’échographie met en évidence un épanchement intra articulaire.
Le 24/10/11, est réalisée une IRM qui met en évidence une rupture partielle du LCA et des lésions sur la corne postérieure du ménisque interne.
Le 24/11/11, il consulte le Dr [X], chirurgien orthopédiste à la clinique [10], qui pose une indication opératoire de ligamentoplastie. »
De plus, le Dr [L], médecin conseil du salarié, fait bien état d’un DTF de classe I depuis l’accident de travail jusqu’à la première opération. Au vu de l’ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
2-2/ Sur les souffrances endurées
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 7 000 € en réparation des souffrances endurées. En l’absence de contestation le jugement est définitif de ce chef.
2-3/ Sur le préjudice esthétique
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 500 € en réparation de son préjudice esthétique. Comme précédemment, en l’absence de contestation le jugement est définitif de ce chef.
2-4/ Sur le préjudice d’agrément
Le salarié sollicite la somme de 4 000 € en réparation de son préjudice d’agrément en faisant valoir que l’expert retient qu’en raison des séquelles constatées par le Dr [T] avec amyotrophie du quadriceps, difficulté de la flexion, il existe un préjudice d’agrément de moyenne importance pour la pratique de la musculation et de la boxe.
L’entreprise de travail temporaire s’oppose à cette demande en reprochant au salarié de ne pas justifier de sa pratique alléguée de la boxe et de la musculation.
La cour retient que le salarié ne produit qu’une carte d’un club de remise en forme ne comportant pas de date et qu’ainsi il ne justifie pas des pratiques de loisir qu’il allègue et dont il se serait trouvé privé, à savoir la musculation et la boxe.
En conséquence, le salarié sera débouté de ce chef de demande.
2-5/ Sur le préjudice permanent exceptionnel
Le salarié réclame la somme de 4 000 € en réparation d’un préjudice permanent exceptionnel consistant en l’impossibilité d’effectuer ses prières compte tenu des difficultés de flexion du genou. Il produit l’attestation du président de l’association islamique de l’Aude qui indique qu’il n’a plus fréquenté la mosquée depuis l’accident.
L’entreprise de travail temporaire répond que selon le rite de la religion musulmane, les gestes et prières peuvent être effectués en position assise dès lors qu’une personne est dans l’incapacité physique de réaliser les gestes religieux habituels en position agenouillée ou accroupie.
L’expert a bien retenu une difficulté à la pratique rituelle de la prière musulmane mais le salarié ne justifie pas du préjudice que lui causerait la nécessité de solliciter une dispense accordée aux pratiquants handicapés ni l’impossibilité ou la difficulté de solliciter une telle dispense. En conséquence, il sera débouté de ce chef de demande.
2-6/ Sur la perte de chance de promotion professionnelle
Le salarié, se plaignant d’une perte de chance de promotion professionnelle, sollicite en réparation la somme de 42 238,18 € et subsidiairement celle 37 360,82 €. Il explique qu’au temps de l’accident de travail il était titulaire de deux certificats de formation professionnelle, l’un en maçonnerie et l’autre en ferronnerie et qu’il était inscrit à un stage pour devenir maçon coffreur mancheur alors qu’il n’a pas repris la moindre activité professionnelle et qu’il a été reconnu adulte handicapé.
La société de travail temporaire s’oppose à cette demande en faisant valoir la promotion professionnelle est essentielle distincte de l’activité professionnelle.
La cour retient que le salarié était âgé de 31 ans au temps de l’accident de travail, qu’il était titulaire de deux certificats de formation de niveau CAP, obtenus en 1999 et 2007, qu’il travaillait en intérim et qu’il n’avait débuté aucune formation qui aurait été interrompue par l’accident et encore qu’il ne disposait pas plus d’une promesse d’embauche. Au vu de l’ensemble de ces éléments, il n’apparaît pas que le salarié intérimaire se soit trouvé privé d’une chance de promotion professionnelle du fait de l’accident du travail. Dès lors, il sera débouté de ce chef de demande.
2-7/ Sur les frais liés aux soins non-remboursés
Le salarié réclame la somme de 280 € au titre des frais liés à des soins non-remboursés. Il produit deux factures de la société [10] pour sa chambre individuelle et la télévision.
L’entreprise de travail temporaire fait valoir que les dépenses de santé au sens de l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, couvertes par le livre IV, et ne peuvent donner lieu à indemnisation sur le fondement de l’article L. 452-3 du même code.
La cour retient, en l’absence de toute indication médicale et compte tenu de la faible durée de l’hospitalisation, que les frais de chambre individuelle et de télévision n’apparaissent pas en lien avec les soins nécessités par l’accident de travail mais uniquement avec des choix individuels.
3/ Sur les préjudices causés par la rechute du 7 mars 2015
3-1/ Sur le déficit fonctionnel temporaire
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 725 € en réparation de son déficit fonctionnel temporaire.
L’entreprise de travail temporaire s’oppose à cette demande en soutenant qu’elle conduit à la double indemnisation d’un même préjudice dès lors que dès le 31 janvier 2015, date de la première consolidation, le salarié a bénéficié d’une rente accident de travail de 20 % laquelle indemnise le déficit fonctionnel permanent.
Mais suivant arrêt du 20 janvier 2023, pourvoi n° 20-23.673, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a décidé que désormais la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d’accident de travail ou de maladie professionnelle n’indemnisait plus leur déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les souffrances qu’elles éprouvent dans le déroulement de leur vie quotidienne.
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
3-2/ Sur les souffrances endurées
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 5 000 € en réparation des souffrances endurées. En l’absence de contestation le jugement est définitif de ce chef.
3-3/ Sur le préjudice esthétique
Le salarié sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice esthétique. En l’absence de contestation le jugement est définitif de ce chef.
3-4/ Sur le préjudice d’agrément
Le salarié réclame la somme de 3 000 € en réparation du préjudice d’agrément. Mais, comme il a été montré précédemment, il ne justifie pas de la pratique de la musculation et de la boxe et ainsi d’avoir été empêché de poursuivre une pratique de loisir déjà régulière. En conséquence, il sera débouté de ce chef de demande.
4/ Sur le capital représentatif de la majoration de rente pouvant être mis à la charge de la société de travail temporaire
L’entreprise de travail temporaire demande à la cour de dire que seul le taux initial de 10 % pourra être pris en compte pour déterminer le montant du capital représentatif de la majoration de la rente mise à sa charge.
La caisse ne répond pas à cette demande qui apparaît fondée et à laquelle il sera dès lors fait droit.
5/ Sur les autres demandes
Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et non de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.
Le salarié sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’entreprise de travail temporaire à lui payer la somme de 960 € au titre des honoraires d’assistance à expertise outre 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et entiers dépens.
Il sollicite de plus la condamnation de l’entreprise de travail temporaire à lui régler la somme 5 000 € au titre des frais d’avocat outre celle de 1 560 € au titre des frais de médecin de recours sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris la somme de 954,40 € au titre des frais de déplacement.
L’entreprise de travail temporaire reproche au salarié de ne pas justifier des montants sollicités au-delà de la somme de 960 € et des honoraires d’assistance à expertise retenus par le tribunal. Elle demande encore à la cour de réduire la somme sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la mettre à la charge de la société [8], auteur de la faute inexcusable.
La cour retient que les frais exposés du fait du recours à un médecin conseil ne sont justifiés qu’à hauteur la somme de 960 € retenue par les premiers juges et que le salarié ne justifie pas de ses propres frais de déplacement.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge du salarié et de l’entreprise utilisatrice les frais irrépétibles qu’ils ont exposés en cause d’appel. Dès lors ils seront déboutés de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à cette hauteur.
L’entreprise de travail temporaire supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Dit que l’instance ne se trouve pas frappée de péremption.
Constate que le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Carcassonne le 4 juin 2019 est définitif en ce qu’il a :
fixé comme suit les indemnisations résultant de la faute inexcusable commise par la société [9], à l’origine de l’accident du travail dont M. [W] [O] a été victime :
‘au titre de son accident du travail initial du 27 septembre 2011 :
‘réparation des souffrances endurées : 7 000 € ;
‘réparation du préjudice esthétique : 1 500 € ;
‘au titre de la rechute du 7 mars 2015 :
‘réparation des souffrances endurées : 5 000 € ;
‘réparation du préjudice esthétique : 1 000 € ;
dit que la caisse primaire d’assurance maladie devra faire l’avance de ces sommes à M. [W] [O], sous déduction des provisions de 3 000 € et 5 000 € qui lui ont été précédemment accordées, et condamne la société [9] à les rembourser à cette caisse ;
condamné la société [9] à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie les sommes avancées par elle au titre des frais d’expertise
Confirme le jugement entrepris pour le surplus.
Déboute M. [W] [O] de ses demandes concernant les préjudices causés par l’accident du travail initial du 27 septembre 2011 relatives :
‘ au préjudice d’agrément ;
‘ au préjudice permanent exceptionnel ;
‘ à la perte de chance de promotion professionnelle ;
‘ aux frais liés aux soins non-remboursés ;
Déboute M. [W] [O] de sa demande concernant le préjudice d’agrément causé par la rechute du 7 mars 2015.
Y ajoutant,
Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Dit que seul le taux initial de 10 % pourra être pris en compte pour déterminer le montant du capital représentatif de la majoration de la rente mise à la charge de la SAS [9] par la CPAM de l’Aude.
Déboute M. [W] [O] et la SARL [8] de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles d’appel.
Condamne la SAS [9] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT