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AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
DOUBLE RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/04098 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NTVW
Société [6]
C/
[H]
CPAM DU RHONE
jugement du Pôle social du TJ de LYON du 02 Juin 2016
RG : 14/2678
Arrêt de la cour d’Appel de LYON du 30/01/18 RG 16/05328
Arrêt de la cour de cassation du 09/05/2019 N°611F-P+B+I
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT SUR SAISINE APRES CASSATION
DU 28 MARS 2023
DEMANDERESSE A LA SAISINE
SAS [6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Nathalie ROINE de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Anne-laure CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEURS A LA SAISINE
[C] [H]
[Adresse 5]
[Localité 3]
non comparant, non représenté
CPAM DU RHONE
SERVICE CONTENTIEUX
[Localité 4]
représentée par madame [T] [S], audiencière, munie d’un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Octobre 2022
Présidée par Joëlle DOAT, présidente et Vincent CASTELLI, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
– Nathalie PALLE, présidente
– Joëlle DOAT, présidente de chambre
– Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Salarié de la société [6] (l’employeur), en qualité de régleur opérateur, M. [H] (la victime) a souscrit une déclaration de maladie professionnelle, le 24 janvier 2011, au titre du tableau n°42 des maladies professionnelles, accompagnée d’un certificat médical initial établi le 22 octobre 2010.
La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône ( la caisse) ayant refusé la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle l’assuré a saisi la commission de recours amiable, laquelle par décision du 22 novembre 2012 a reconnu le caractère professionnel de l’affection déclarée.
Les lésions ont été déclarées consolidées au 23 octobre 2010 avec attribution d’un taux d’incapacité permanente partielle de 18 %.
Le 10 juillet 2014, la victime a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de la maladie prise en charge au titre du tableau n°42.
Par jugement du 2 juin 2016, le tribunal a’:
– déclaré que la maladie professionnelle au titre du tableau n°42 est imputable à la faute inexcusable de l’employeur ;
– ordonné la majoration de sa rente au taux maximum
– ordonné avant dire droit une expertise médicale de la victime,
– déclaré que les conséquences financières de la maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur sont opposables à la société SAS [6];
– fixé à 3’000 euros le montant de la provision, dont la caisse devra faire l’avance ;
– débouté l’employeur de l’ensemble de ses demandes ;
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;
– condamné l’employeur à payer à la victime la somme de 1’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que la caisse devra faire l’avance des frais de l’expertise ;
– statué sans frais, ni dépens.
Sur l’appel formé par l’employeur, par arrêt du 30 janvier 2018, la chambre sociale de la cour d’appel de Lyon a’:
– confirmé le jugement sauf en ce qu’il a déclaré que les conséquences financières de la maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur sont entièrement opposables à la SAS [6]’;
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
– dit que les conséquences financières de la maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur ne sont opposables à la SAS [6] qu’au titre des préjudices personnels subis par la victime et non des prestations de sécurité sociale servies par la Caisse dont la majoration de la rente’;
Le rectifiant,
– dit que le prénom de l’assuré figurant dans la mission d’expertise est ‘[C]’ et non ‘[U]’ et ordonne la modification du jugement en ce sens’;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel’;
– dit n’y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale.
Sur le pourvoi formé par la caisse, par arrêt du 9 mai 2019, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n°18-14.515), après avoir mis hors de cause M. [H], a cassé l’arrêt attaqué en toutes ses dispositions, pour violation des articles L. 452-2, alinéa 6, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, le premier dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée.
Par déclaration de saisine du 6 mai 2021, l’employeur a saisi la cour d’appel de Lyon, autrement composée.
Dans ses dernières conclusions après cassation, oralement soutenues à l’audience et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé, l’employeur demande à la cour de’:
A titre liminaire’:
– juger irrecevable la demande de péremption d’instance formulée par la caisse comme n’ayant pas été soulevée in limine litis’;
en tout état de cause, rejeter la demande de péremption d’instance formulée par la caisse, le délai de l’article 1034 du code civil (sic) n’ayant pas couru en l’absence de toute notification à partie de l’arrêt rendu le 9 mai 2019′;
A titre principal’:
– infirmer le jugement, en ce qu’il a déclaré que les conséquences financières de la maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur sont opposables à la société [6]’;
Et statuant à nouveau,
– débouter la caisse de sa demande de récupération auprès de la société [6] du montant des majorations de rente et indemnités allouées à la victime ;
– condamner la caisse à payer à la société [6] la somme de 3’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
L’employeur fait valoir, d’une part, que l’exception de péremption d’instance n’a pas été soulevé in limine litis, d’autre part, que l’arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2019 n’ayant pas été notifié par voie de signification aux parties elles-mêmes, l’article 1034 du code de procédure civile n’est pas applicable.
Au fond, l’employeur soutient que la décision initiale de la caisse de refus de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle lui reste acquis, la décision ultérieure de la commission de recours amiable lui étant inopposable. Il souligne que la caisse a elle-même confirmé cette analyse dans un courrier du 25 février 2013, ayant valeur d’aveu judiciaire au sens de l’article 1383 du code civil.
Dans ses dernières conclusions après cassation, oralement soutenues à l’audience et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse demande à la cour de’:
A titre principal,
– constater la péremption de l’instance en l’absence de toute déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi de Lyon dans le délai imparti à la date de signification du 22 mai 2019 de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2019 n°Z18-14.515 selon formule exécutoire’;
A titre subsidiaire, si la péremption n’était pas retenue,
– confirmer le jugement de première instance’;
– dire et juger que la caisse pourra procéder au recouvrement de l’intégralité des sommes avancées au titre de la faute inexcusable (majoration rente et préjudices, y compris des frais de l’expertise diligentée).
La caisse fait valoir que la signification aux parties de l’arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2019 ayant été faite le 22 mai 2019, la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi, datée du 6 mai 2021, a été réalisée bien au-delà du délai de deux mois visé à l’article 1034 du code de procédure civile.
Sur le fond, la caisse soutient que la lettre informative émanant de ses services en date du 25 février 2013, dont se prévaut l’employeur, ne constitue pas une décision dûment notifiée ayant autorité de la chose décidée. Elle rappelle également que selon le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ne fait pas obstacle à l’action récursoire de la caisse à l’encontre de l’employeur.
Bien que régulièrement convoqué à l’audience par lettre recommandée dont il a signé l’accusé de réception le 22 mai 2022, la victime n’a pas comparu à l’audience et ne s’est pas fait représenter. Dans un courrier de son conseil reçu au greffe le 21 octobre 2022, la victime a rappelé avoir été mise hors de cause par l’arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2019 et n’entendait donc plus intervenir à l’instance.
A l’audience des débats, la cour a relevé d’office, au regard des dispositions de l’article 1034 du code de procédure civile, la question de la recevabilité de la déclaration de saisine comme ayant été formée plus de deux mois après la signification de l’arrêt de la Cour de cassation et a recueilli les observations des parties sur ce point.
A l’audience, l’employeur a oralement fait valoir que le délai n’avait pu courir au motif qu’aucune notification à partie n’avait été faite par la partie adverse.
La caisse a répliqué que la signification de l’arrêt de cassation avait été fait à l’avocat de la société [6], valant notification à cette dernière.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la tardiveté de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi
Selon l’article 1034 du code de procédure civile, à moins que la juridiction de renvoi n’ait été saisie sans notification préalable, la déclaration doit, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, être faite avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt de cassation faite à la partie. Ce délai court même à l’encontre de celui qui notifie.
Ce délai de deux mois est un délai de forclusion dont la sanction est soumise au régime des fins de non recevoir, lesquelles peuvent être soulevées en tout état de cause.
Si l’employeur reconnaît que l’arrêt du 9 mai 2019 de la Cour de cassation a été signifié à son avocat, le 22 mai 2019 (pièce n°2 de la caisse), en revanche la cour constate qu’aucune des pièces produites aux débats ne vient au soutien de l’existence d’une signification faite à la partie ainsi que l’exige l’article 1034 susvisé, de sorte que, le délai de deux mois qu’il prévoit n’ayant pas couru, le moyen tiré de l’irrecevabilité de la déclaration de saisine de la cour pour tardiveté est recevable mais n’est pas fondé.
Sur l’action récursoire de la caisse
A titre liminaire, la cour constate qu’elle n’est saisie d’aucune prétention relativement à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de la maladie professionnelle, non plus que s’agissant des chefs du dispositif du jugement ayant porté la majoration de la rente au taux maximum, fixé à 3’000 euros le montant de la provision à la charge avancée de la caisse et ordonné avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices complémentaires une expertise médicale de la victime, de sorte que faisant siens les motifs retenus par les premiers juges, la cour confirme le jugement sur chacun de ces chefs
Seul est critiqué le chef du dispositif ayant déclaré que les conséquences financières de la maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur sont opposables à la société [6], employeur.
Selon les articles L. 452-2, alinéa 6, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, et D. 452-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014, applicables au litige, la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés à l’article L. 452-3 du même code.
Il est de principe que la décision ayant pour objet exclusif la prise en charge ou le refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle, est sans incidence sur l’action en reconnaissance de faute inexcusable.
Et selon l’article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issus de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 applicable aux instances en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur introduites à compter du 1er janvier 2013, que quelles que soient les conditions d’information de l’employeur par la caisse au cours de la procédure d’admission du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur par une décision de justice passée en force de chose jugée emporte l’obligation pour celui-ci de s’acquitter des sommes dont il est redevable à raison des articles L. 452-1 à L. 452-3.
L’inopposabilité à l’employeur de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, quel qu’en soit le motif, ne fait donc pas obstacle au droit que la caisse tient des articles L. 452-2 et L. 452-3 de récupérer sur l’employeur, dont la faute inexcusable est reconnue, les compléments de rente et indemnités versés par elle.
En conséquence, c’est vainement que l’employeur soutient que la décision du 9 mai 2011 par laquelle la caisse lui a notifié son refus de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée lui est acquise et fait obstacle à l’action récursoire de celle-ci à son encontre ensuite de la reconnaissance de sa faute inexcusable et c’est tout aussi vainement que l’employeur entend se prévaloir du courrier de la caisse du 25 février 2013, lequel ne revêt pas les caractères d’un aveu judiciaire.
Aussi convient-il de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que les conséquences financières de la maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur sont opposables à la société [6] et la cour précise que la caisse procédera au recouvrement auprès de l’employeur de l’intégralité des sommes avancées en ce compris la majoration de rente et les frais d’expertise.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Compte tenu de l’issue du litige, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens.
Succombant en son appel, l’employeur est tenu aux dépens d’appel qui comprennent ceux ayant donné lieu à l’arrêt du 30 janvier 2018 de la cour d’appel de Lyon, et sa demande au titre des frais irrépétibles exposés est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
DECLARE recevable mais non fondée la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la saisine de la cour de renvoi après cassation,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, étant précisé que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône procédera au recouvrement auprès de la société [6] de l’intégralité des sommes avancées à M. [H] en ce compris la majoration de rente et les frais d’expertise,
Y ajoutant,
REJETTE la demande de la société [6] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société [6] aux dépens d’appel, y compris ceux de l’arrêt du 30 janvier 2018 de la cour d’appel de Lyon.
La greffière, La présidente,