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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
IG/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/01577 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ERRB
Jugement du 26 Juin 2019
Tribunal d’Instance d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 1118000522
ARRET DU 28 MARS 2023
APPELANTE :
ASSOCIATION CORPS ET ARTS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphanie BESSON, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 018919, et Me Quentin CHABERT, avocat plaidant au barreau de NANTES
INTIMEE :
ASSOCIATION SCENEFONIA
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me BEZIE substituant Me Jean DENIS de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 16 Janvier 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme GANDAIS, conseillère qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
M. WOLFF, conseiller
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
Greffière lors du prononcé : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 28 mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
L’association Corps et Arts, exploitant son activité sous le nom ‘Compagnie Clair’Empreintes’, est une association ayant une activité de danse avec un couple de danseurs salariés, Mme [G] [H]-[O] et M. [U] [O].
L’association Scènefonia est un orchestre constitué de bénévoles.
Les 30 novembre et 1er décembre 2013, ces deux associations ont réalisé des prestations communes lors de deux représentations d’un spectacle intitulé ‘Couleurs Femmes’, qui se sont tenues au [4] d'[Localité 3] (49).
Pour la réalisation de ce spectacle, l’association Corps et Arts a bénéficié d’une subvention de la mairie d'[Localité 3] pour un montant de 6 500 euros.
L’association Scènefonia a perçu les recettes, d’un montant de 9 205,20 euros, pour les deux représentations.
L’association Corps et Arts a sollicité auprès de l’association Scènefonia, la prise en charge du coût plateau artistique qu’elle avait réglé et le partage des recettes par moitié.
Les parties ne parvenant pas à un accord, l’association Corps et Arts a assigné, le 27 septembre 2014, l’association Scènefonia devant le tribunal d’instance d’Angers aux fins de la voir condamner au paiement de la moitié des recettes du spectacle et aux frais supportés pour la création et la représentation du spectacle.
Suivant décision du 14 mars 2016, communiquée aux parties le 4 avril 2016, le tribunal d’instance a prononcé le retrait du rôle de l’affaire.
Sur demande de l’association Corps et Arts, l’affaire a été réinscrite au rôle du tribunal.
Suivant jugement en date du 26 juin 2019, le tribunal d’instance d’Angers a :
– déclaré recevable l’action en justice de l’association Corps et Arts,
– constaté l’extinction de l’instance du fait de la péremption,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– rejeté la demande de l’association Corps et Arts agissant sous l’enseigne ‘Compagnie Clair’empreinte’ formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de l’association Scènefonia formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné l’association Corps et Arts aux entiers dépens de l’instance.
Par déclaration reçue au greffe le 30 juillet 2019, l’association Corps et Arts a interjeté appel du jugement, intimant l’association Scènefonia. Elle critique le jugement en ce qu’il :
– a constaté l’extinction de l’instance du fait de la péremption,
– n’a pas fait droit à sa demande de condamner l’association Scènefonia à lui payer la somme de 7 480, 48 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation du 27 octobre 2014,
– n’a pas fait droit à sa demande de condamner l’association Scènefonia à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– n’a pas fait droit à sa demande de condamner l’association Scènefonia à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– n’a pas fait droit à sa demande de condamner l’association Scènefonia aux entiers dépens.
Suivant conclusions signifiées le 4 février 2020, l’association Scènefonia a formé appel incident du jugement en ses dispositions l’ayant déboutée de sa demande de condamnation de l’association Corps et Arts sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant ordonnance du 28 octobre 2020, le conseiller de la mise en état, saisi par l’association Scènefonia, a dit que l’incident de péremption d’instance soulevé par cette dernière, ne relevait pas de sa compétence, a dit n’y avoir lieu à caducité de la déclaration d’appel faite par l’association Corps et Arts le 30 juillet 2019 et a dit qu’il reviendra à la cour d’apprécier la recevabilité des conclusions responsives et récapitulatives notifiées le 18 mai 2020 dans l’intérêt de l’association Corps et Arts, qui n’est pas encourue en application de l’article 908 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions :
– 16 février 2022 pour l’association Corps et Arts
– 4 avril 2022 pour l’association Scènefonia
qui peuvent se résumer comme suit.
L’association Corps et Arts demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, 377, 381, 382, 383, 385 à 393 du code de procédure civile, de :
– la recevoir en son appel,
– déclarer ledit appel bien fondé,
– y faire droit,
– en conséquence, infirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Angers en date du 26 juin 2019 et notamment en ce que le délai de péremption a été interrompu à de nombreuses reprises par des actes valant diligences interruptives,
– la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
– condamner l’association Scènefonia à lui payer la somme de 7 480,48 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation,
– condamner l’association Scènefonia à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter l’association Scènefonia de l’ensemble de ses prétentions,
– condamner l’association Scènefonia à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’association Scènefonia à supporter les entiers dépens de l’instance.
À l’appui de son appel, elle soutient que le retrait du rôle a opéré une suspension de l’instance, emportant une interruption du délai de péremption. Elle souligne que l’ordonnance de retrait prise par le tribunal est bien une diligence interruptive puisqu’elle est intervenue à la demande des parties. Elle ajoute avoir accompli d’autres diligences interruptives, le dépôt d’une plainte le 15 juillet 2016 auprès du procureur de la république du tribunal de grande instance d’Angers pour escroquerie et vol, l’information donnée au tribunal d’instance le 29 novembre 2016 de la constitution d’un nouvel avocat en charge de représenter ses intérêts, la demande faite le même jour auprès du tribunal d’une copie certifiée de l’ordonnance de retrait du rôle ainsi que le dépôt de conclusions datées du 13 mars 2018, avec demande de réinscription au rôle. Sur le fond, l’appelante expose que les parties se sont entendues sur les modalités contractuelles de son intervention, sur la prise en charge de l’intégralité des frais de création du spectacle par l’intimée ainsi que sur un partage équitable des recettes entre elles. Elle affirme que la subvention perçue de 6 500 euros était destinée à rémunérer la danseuse et qu’elle a sollicité une somme complémentaire de 500 euros à titre d’avance sur recette pour financer d’autres dépenses du spectacle.
L’association Scènefonia demande à la cour, au visa de l’article 386 du code de procédure civile et 1134 du code civil, de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Angers en date du 26 juin 2019 en ce qu’il a constaté l’extinction de l’instance du fait de la péremption,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Angers en date du 26 juin 2019 en ce qu’il a condamné l’association Corps et Arts aux entiers dépens,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Angers en date du 26 juin 2019 en ce qu’il a rejeté la demande de l’association Corps et Arts agissant sous l’enseigne ‘Compagnie Clair’Empreinte’ formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Angers en date du 26 juin 2019 en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de l’association Corps et Arts à une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeter l’ensemble des demandes de l’association Corps et Arts,
– à titre subsidiaire :
– rejeter l’ensemble des demandes de l’association Corps et Arts,
– condamner l’association Corps et Arts au paiement d’une somme de 1 000 euros pour procédure abusive,
– en tout état de cause :
– condamner l’association Corps et Arts au paiement d’une somme de 4 000 euros, correspondant aux frais irrépétibles de première instance et d’appel,
– condamner l’association Corps et Arts aux entiers dépens d’appel.
À l’appui de ses demandes, l’intimée fait valoir à titre liminaire que l’instance introduite par l’association Corps et Arts devant le tribunal d’instance, est périmée et que la décision du tribunal constatant le retrait du rôle n’est aucunement interruptive du délai de péremption. Elle ajoute que les autres événements cités par l’appelante comme diligences interruptives n’en sont pas puisqu’ils ne visent pas à faire avancer l’instance au fond. Subsidiairement, sur le fond, elle affirme que les parties ont convenu à l’origine d’un accord pour un règlement forfaitaire pour l’intervention de la danseuse. L’intimée conteste les conditions de rémunération évoquées par l’appelante et précise que seule une somme de 500 euros devait lui être versée. En outre, elle rappelle que le contrat de mise à disposition du théâtre pour le montage et les répétitions du spectacle n’a été signé qu’entre elles, en tant qu’organisateur et la ville d'[Localité 3]. Aussi, l’intimée indique que le partage de recettes ne pouvait pas intervenir avec l’association Corps et Arts qui n’était pas co-producteur du spectacle. L’intimée fait également référence aux usages qui prévoient en la matière une rémunération forfaitaire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 janvier 2023, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
I – Sur la péremption de l’instance
Aux termes de l’article 385 du code de procédure civile, l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption.
L’article 386 du même code dispose que l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
La diligence visée par l’article 386 précité s’entend comme de tout acte émanant d’une des parties au litige, se rapportant à l’instance et qui traduit, de sa part, une démarche d’impulsion processuelle manifestant la volonté de poursuivre l’instance et de faire progresser l’affaire.
En l’espèce, il est constant que le 14 mars 2016 est intervenue, en application de l’article 382 du code de procédure civile, à la demande conjointe des parties, un retrait du rôle de l’affaire les opposant. Cette mesure emporte suppression de l’affaire du rôle des affaires en cours et a pour effet de suspendre le cours de l’instance.
Or, en application de l’article 392 du code de procédure civile, le délai de péremption continue à courir en cas de suspension de l’instance.
Contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, l’ordonnance de retrait du rôle ne constitue pas une diligence interruptive de la péremption. En effet, il s’agit d’une mesure prise par le tribunal qui ne peut s’analyser comme une diligence accomplie par une partie au procès, manifestant sa volonté de poursuivre l’instance et de nature à faire progresser l’affaire, au sens de l’article 386 du code de procédure civile.
Il est justifié aux débats par l’intimée de ce que les plus récentes diligences effectuées par les parties dans le dossier de fond étaient constituées par les conclusions de l’appelante qu’elle avait communiquées à la partie adverse le 23 février 2016. C’est ainsi à juste titre que le premier juge a fixé le point de départ du délai de péremption à cette date, moyennant quoi la péremption de l’instance se trouvait acquise au 23 février 2018.
S’agissant des autres diligences interruptives qui auraient été réalisées par l’appelante, la cour relève en premier lieu que le dépôt de plainte effectué par cette dernière et par ses deux danseurs salariés, le 15 juillet 2016 auprès du Procureur de la République d’Angers -dont il est justifié devant la cour -, pour des faits d’escroquerie en bande organisée et vol, ne peut interrompre le délai de péremption. En effet, il importe de rappeler que les actes accomplis dans le cadre d’une instance différente sont dépourvus de tout effet interruptif de la péremption sauf si les procédures sont rattachées l’une à l’autre par un lien de dépendance nécessaire. Au cas particulier, l’appelante ne démontre pas que ce dépôt de plainte, acte extérieur à la présente procédure, qui vise l’association Scènefonia et la Ville d'[Localité 3], aurait un lien de dépendance direct et nécessaire avec l’instance en cause. C’est donc à bon droit que le premier juge a souligné que cette procédure pénale ne peut s’analyser comme une diligence interruptive au sens des dispositions susvisées.
En second lieu, l’envoi d’un fax au tribunal d’instance le 29 novembre 2016 -dont il est justifié devant la cour- informant la juridiction d’un changement de conseil pour l’appelante ne peut être retenu comme une diligence interruptive du délai de péremption. En effet, comme rappelé exactement par le premier juge, le changement d’avocat ne constitue pas un acte de nature à faire progresser l’instance et empêcher sa péremption.
En dernier lieu, la demande par fax du conseil de l’appelante adressée au tribunal d’instance le 6 décembre 2016 -justifiée devant la cour – tendant à obtenir la copie certifiée de l’ordonnance de retrait du rôle, ne peut s’analyser comme une diligence de nature à faire progresser l’affaire.
En définitive, seules les conclusions de l’appelante comportant une demande de réinscription de l’affaire au rôle, constituent la première diligence utile depuis le 23 février 2016. Si, aux termes de ses écritures, l’appelante mentionne un dépôt de conclusions à la date du 13 mars 2018 et que le jugement entrepris retient sur ce point la date du 14 mars 2018, force est de constater à l’examen de la télécopie produite par l’intimée et comme souligné par cette dernière, que les conclusions tendant à la réinscription au rôle sont datées du 23 mars 2018. C’est donc cette date qu’il convient de retenir. En tout état de cause et comme justement relevé par le premier juge, la péremption se trouvait d’ores et déjà acquise depuis le 23 février 2018.
Il s’ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a constaté l’extinction de l’instance du fait de la péremption.
II- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
L’appelante succombant en son appel, elle supportera les dépens d’appel et sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, elle sera condamnée à payer à l’association Scènefonia une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dans les limites de l’appel,
CONFIRME le jugement du tribunal d’instance d’Angers du 26 juin 2019,
Y ajoutant,
DEBOUTE l’association Corps et Arts de sa demande formée contre l’association Scènefonia au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’association Corps et Arts à payer à l’association Scènefonia la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
CONDAMNE l’association Corps et Arts aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. MULLER