Péremption d’instance : 28 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00052

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Péremption d’instance : 28 avril 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00052
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ARRET N° 23/82

R.G : N° RG 22/00052 – N° Portalis DBWA-V-B7G-CJVR

Du 28/04/2023

[I]

C/

Association AGS ( ASSOCIATION DE GARANTIE DES SALAIRES )

S.A.S. MOLENE

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 28 AVRIL 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de Fort de France, du 19 Mai 2016, enregistrée sous le n° F 13/00459

APPELANT :

Monsieur [K] [I]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Claude CELENICE, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

Association AGS ( ASSOCIATION DE GARANTIE DES SALAIRES )

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.A.S. MOLENE BR associés prise en la personne de M. [U] [V] en qualité de «Mandataire ad’hoc» de la «société martiniquaise de peinture navale devenue la SAS MOLENE»

c/o Me [U] [V] [Adresse 4]

[Localité 1]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

– Madame Nathalie RAMAGE, Président de chambre

– Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l’audience publique du 17 février 2023 ,

A l’issue des débats, le président a avisé les parties que la décision sera prononcée le 28 avril 2023 par sa mise à disposition au greffe de la Cour conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile.

ARRET : Contradictoire

*****************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

M. [K] [I], employé en qualité de peintre sableur de la société Martiniquaise de peinture navale, devenue la SAS Molène, a été victime d’un accident du travail du fait de sa chute d’un échafaudage, le 23 juillet 1999.

Le 13 décembre 2002, le salarié a fait l’objet d’un premier avis d’inaptitude de la médecine du travail puis, le 5 février 2003, d’un second avis d’inaptitude au poste de peintre sableur sans possibilité de reclassement.

Par jugement du 16 septembre 2010, rectifié par jugement du 5 juillet 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Martinique a reconnu l’existence d’une faute inexcusable de la SAS Molène dans la survenance de cet accident du travail.

La SAS Molène a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, par jugement du 8 février 2011 et la clôture pour insuffisance d’actif a été prononcée par jugement du 27 mai 2014.

Le 9 juillet 2013, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour obtenir différentes indemnités du fait du refus de réintégration et des dommages-intérêts pour le préjudice distinct résultant de la perte d’emploi pour inaptitude physique imputable au comportement fautif de l’employeur.

Me [S] [U], es qualités d’administrateur judiciaire de la SAS Molène et la SCP BR et associés, es qualités de mandataire liquidateur de la société ont été attraits à la procédure. L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] a également été mise en cause.

Le 17 juin 2015, le conseil de prud’hommes a décidé de renvoyer l’affaire en audience de départage.

Par jugement du 17 mars 2016, le juge départiteur a constaté la forclusion de l’action prud’homale de M. [K] [I] et débouté ce dernier de l’ensemble de ses demandes.

Il a en effet considéré que l’action a été introduite plus de dix ans après la naissance des droits allégués.

M. [I] a relevé appel du jugement, le 25 juillet 2016.

Par arrêt avant dire droit du 23 février 2018, la cour d’appel a invité M. [I] à saisir le président du tribunal mixte de commerce en désignation d’un mandataire ad hoc chargé de représenter la SAS Molène à la procédure, suite à la clôture de la procédure collective pour insuffisance d’actifs.

La SCP BR et associés a ainsi été désignée par ordonnance du 18 juin 2018.

Par arrêt contradictoire du 8 février 2019, la cour a ensuite confirmé le jugement de départage en toutes ses dispositions.

La cour a ainsi considéré l’action prescrite et, sur le moyen tiré de l’article R 1452-8 du code du travail relatif à la péremption, elle a indiqué que M. [I] ne produisait qu’une convocation du conseil de prud’homme du 27 janvier 2004 mentionnant un numéro de RG 04/58 sans fournir d’autre élément de nature à permettre de connaître les décisions éventuellement rendues par le conseil suite à cette convocation de sorte que l’instance était périmée.

Sur pourvoi en cassation de M. [I], la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel et ordonné le renvoi de l’affaire devant la même cour autrement composée au motif qu’il lui appartenait d’ordonner toute mesure d’instruction nécessaire afin de vérifier si une décision avait expressément mis à la charge des parties des diligences de nature à faire courir le délai de péremption ou si un précédent jugement avait constaté la péremption de l’instance introduite en 2004.

La cour d’appel a été saisie par M. [I], par déclaration du 23 mars 2022.

La SCP BR et associés, es qualités de mandataire ad hoc, n’a pas constitué et a refusé de prendre les actes de signification des conclusions des parties constituées.

A l’audience du 17 février 2023, les parties ont développé le contenu de leurs écritures respectives.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions déposées au greffe le 15 septembre 2022 et régulièrement signifiées à la SCP BR et associés es qualités le 2022 et notifiées à l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] le 2022, M. [K] [I] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et de condamner la SAS Molène à lui payer les sommes suivantes :

2 722,72 euros, à titre de préavis,

272,27 euros, à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

11 949,72 euros, à titre d’indemnité légale de licenciement,

26 546,52 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

322 642,32 euros, somme provisoirement arrêtée, à titre de salaires dus depuis le 10 septembre 2002 et jusqu’à la date de résiliation du contrat de travail

Au soutien de ses demandes, M. [I] fait valoir que, suite à l’avis d’inaptitude du médecin du travail, il n’a pas reçu d’offre de reclassement de la part de la société et que celle-ci n’a pas répondu à sa lettre recommandée du 28 avril 2004 qui lui est retournée non réclamée et dans laquelle il disait qu’il souhaitait reprendre son emploi. Il indique que, faute de respect des dispositions légales imposant un reclassement ou un licenciement à l’issue du délai d’un mois à compter de l’examen de reprise du travail, il a droit au paiement de son salaire jusqu’à la date de résiliation de son contrat de travail.

Se fondant sur la règle de l’unicité de l’instance, applicable en l’espèce, il sollicite de la cour qu’elle prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. Il rappelle que la résiliation produit en ce cas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il explique apporter la preuve de la saisine du conseil de prud’hommes en janvier 2004 en versant aux débats sa demande introductive et la convocation devant le bureau de jugement. Il rappelle que la péremption en matière prud’homale obéit à des règles spécifiques et qu’en l’occurrence aucune diligence n’avait été expressément mise à sa charge par la juridiction. Il souligne encore que l’application de la prescription de l’article L1471-1 du code du travail suppose que son contrat de travail soit rompu, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il conteste également l’argument adverse selon lequel ayant été déclaré inapte le 5 février 2003, il disposait d’un délai de deux ans pour agir puisque les dispositions de l’article L 1471-1 du code du travail dans leur rédaction résultant de la loi du 14 juin 2013 ne peuvent être appliquées rétroactivement.

Il fait valoir encore que les demandes au titre du préavis, congés, indemnité de licenciement se calculent au jour de la rupture du contrat de travail et qu’elles ne sont donc pas prescrites.

Il insiste sur le fait que ses demandes de réparation relèvent bien du juge prud’homal puisqu’elles découlent du comportement de l’employeur consistant à suspendre abusivement son contrat de travail.

Par conclusions rectificatives et complétives remises au greffe et à M. [I] le 23 novembre 2022 et signifiées à la SCP BR et associés à la même date, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] demande à la cour de :

à titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions et ordonner à M. [I] de produire tout élément permettant de démontrer l’absence de diligences mises à la charge des parties par la juridiction lors du retrait du rôle de l’affaire,

à titre subsidiaire, juger prescrites l’ensemble des demandes de M. [I],

sinon, juger qu’elle ne garantira pas les sommes au titre du préavis, de l’indemnité de congés payés sur préavis, de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni les salaires,

à titre infiniment subsidiaire, fixer la date de la résiliation judiciaire au 9 juillet 2013,

en tout état de cause, juger que sa garantie ne peut s’exercer que dans les conditions et limites prévues par les textes.

A l’appui de ses prétentions, elle expose que la convocation devant le bureau de jugement du CPH (visant une saisine du 19 janvier 2004) et la saisine de la juridiction prud’homale ne sont pas produites. Elle souligne que la déclaration de saisine du 9 juillet 2013 ne contient aucune mention d’une remise au rôle. Elle affirme que cette saisine est donc une saisine nouvelle sans lien procédural avec une procédure initiée en 2004 qui a manifestement fait l’objet d’une péremption d’instance. Elle souligne que faute de preuve d’une remise au rôle de la procédure initiée le 19 janvier 2004, la seule procédure existante est celle ouverte par la déclaration de saisine du 9 juillet 2013.

Au visa des articles du code de procédure civile et du code du travail sur la péremption de l’instance, elle affirme que l’instance prud’homale du 19 janvier 2004 est périmée et elle rappelle que l’appelant indique dans ses écritures que l’affaire aurait été retirée du rôle, sans préciser s’il s’agit d’une radiation ou d’un retrait du rôle. Elle mentionne qu’il ne peut y avoir eu de retrait du rôle sans un accord des parties, accord qui ne ressort pas des débats. Elle indique encore que s’il y a eu radiation du rôle, les parties disposaient de 2 ans à compter de son prononcé pour réaliser des diligences. Elle fait valoir qu’il appartient donc à M. [I] de produire les éléments permettant de démontrer qu’aucune diligence n’a été mise à la charge des parties. Elle s’appuie sur une jurisprudence pour soutenir que les dispositions de l’article R1242-8 du code du travail ne font pas obstacle à la péremption de l’affaire dès lors qu’aucun acte de procédure n’a été effectué entre le retrait du rôle et la réinscription de l’affaire.

Elle défend ensuite la prescription de l’instance initiée le 9 juillet 2013, du fait de la tardiveté des demandes formées par M. [I], l’action sur la rupture du contrat de travail se prescrivant par 2 ans. Elle souligne en outre que les actions devant l’ancien tribunal des affaires de la sécurité sociale ne peuvent ni interrompre, ni suspendre la prescription de l’action prud’homale.

Elle fait valoir encore que M. [I] n’a pas sollicité la résiliation de son contrat de travail dans la déclaration de saisine du 9 juillet 2013 et dans l’instance devant le conseil et que les faits allégués à l’appui de cette demande sont donc également prescrits.

Elle affirme également que les demandes relatives au préavis et indemnités de licenciement n’ont été sollicitées qu’après l’arrêt de cassation et qu’elles sont donc prescrites (art L 3245-1 du code du travail).

Elle indique aussi que la rupture du contrat de travail n’est pas intervenue à l’initiative du mandataire liquidateur dans les 15 jours du jugement de liquidation et que dans ces conditions, sa garantie n’est pas due.

Elle s’oppose à toute mise en ‘uvre de sa garantie ;

Sur le fond de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, elle fait valoir que les faits invoqués sont très anciens et que la demande ne repose sur aucun moyen sérieux.

S’agissant de la demande en paiement du salaire, elle souligne que la société a été liquidée et la liquidation clôturée pour insuffisance d’actifs, que M. [I] ne produit pas ses arrêts de travail, qu’il n’est pas démontré que la société n’était pas à jour de ses cotisations et dans l’impossibilité de faire passer la visite médicale au salarié. Elle insiste sur le fait qu’il y a eu une première fiche d’inaptitude, le 13 décembre 2002, et que M. [I] ne produit pas le second avis. Elle indique qu’à la limite, la reprise du paiement du salaire ne pourrait intervenir qu’à compter du 5 mars 2003. Elle reproche au salarié d’être taisant sur les circonstances entourant la rupture de son contrat de travail.

MOTIFS DE L’ARRET :

Aux termes de l’article 383 du code de procédure civile, la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administrations judiciaires. A moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci, ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties.

La Cour de cassation a reproché à la cour d’appel la confirmation du jugement déclarant l’action de M. [I] forclose sans ordonner toute mesure d’instruction de nature à connaître la destinée de l’action introduite par le salarié devant le conseil de prud’hommes en 2004.

Dans le cours du délibéré, et afin de déterminer quelles mesures seraient susceptibles d’être effectivement contradictoirement menées, la cour a, sur simple interrogation du greffe du conseil de prud’hommes de Fort de France, obtenu la copie certifiée conforme au 19 avril 2023, d’une décision de radiation rendue par le bureau de jugement du conseil, le 24 février 2010, ainsi rédigée :

«Le conseil de prud’hommes prend acte de la demande de retrait du rôle formulée par le demandeur et acceptée par les défendeurs.

Ordonne en conséquence le retrait de cette instance du rang des affaires en cours».

Cette décision est annexée au présent arrêt rendu avant dire droit afin que, dans le respect du principe du contradictoire, les parties en prennent connaissance et présentent leurs observations à la cour sur les conséquences de cette décision sur le moyen déjà débattu de la péremption de l’instance, au regard des dispositions de l’article 383 du code de procédure civile.

L’affaire est donc renvoyée à l’audience collégiale du vendredi 15 septembre 2023 à 11 heures et l’intégralité des demandes est réservée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, par arrêt avant dire droit,

Porte à la connaissance de M. [K] [I] et de l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 1] la décision de radiation rendue par le conseil de prud’hommes le 24 février 2010 et annexée à la présente décision,

Ordonne le renvoi de l’affaire à l’audience collégiale du vendredi 15 septembre 2023 à 11 heures afin que, dans le respect du principe du contradictoire, les parties prennent connaissance de la décision du 24 février 2010 et présentent leurs observations à la cour sur les conséquences de cette décision sur le moyen déjà débattu de la péremption de l’instance, au regard des dispositions de l’article 383 du code de procédure civile,

Réserve l’intégralité des demandes.

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

 


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