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COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRET N° 208 DU 28 AVRIL 2023
N° RG 22/00750 –
N° Portalis DBV7-V-B7G-DO63
Décision attaquée : ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre en date du 30 juin 2022, dans une instance enregistrée sous le n° 20/02038
APPELANTS :
Monsieur [Y] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE, en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [Y] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Tous deux représentés par Me Jamaldin BENMEBAREK, avocat au barreau de GUADELOUPE/SAINT-MARTIN/SAINT-BARTHELEMY
INTIMES :
S.A.S.U. LE CABINET DAHAN DIDIER
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Franciane SILO-LAVITAL, de la SELARL SILO-LAVITAL AVOCATS, avocate au barreau de GUADELOUPE/SAINT-MARTIN/SAINT-BARTHELEMY
Monsieur [M] [N]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Non représenté
S.A.R.L. LE BARON, en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [M] [N], domicilié ès qualités audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Annabelle CLEDAT chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Franck ROBAIL, président de chambre,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
M. Thomas Habu GROUD, conseiller.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 27 mars 2023. A cette date, puis ultérieurement, elles ont été informées de la prorogation de ce délibéré, d’abord au 21 avril 2023, puis au 28 avril 2023 en raison de l’absence d’un greffier.
GREFFIER
Lors des débats : Mme Armélida RAYAPIN, greffière.
Lors du prononcé : Mme Sonia VICINO, greffière.
ARRET :
– Par défaut, prononcé non publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
– Signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous seing privé signé le 15 janvier 2008 sous l’égide du cabinet d’expertise comptable CABINET DAHAN DIDIER (société par actions simplifiée à associé unique ou S.A.S.U.), la S.A.R.L. LE BARON, en la personne de son gérant, M. [M] [N], a cédé à la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE, en la personne de son gérant, M. [Y] [O], le fonds de commerce dont il se prétendait propriétaire et consistant en un bar, brasserie, restauration rapide exploité au [Adresse 2], moyennant le prix de 48 000 euros (éléments incorporels) ;
Par acte du même jour, sous la même égide, la S.C.I. GMC, en la personne de son gérant, M. [M] [N], a consenti à la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE un bail commercial portant sur les locaux d’exploitation du susdit fonds de commerce, comprenant une cave, un WC et une terrasse d’environ 96 m2, un appartement de 46 m2 environ et une salle attenante au rez de chaussée d’une contenance de 185 m2, moyennant un loyer principal annuel de 12 000 euros payable mensuellement ;
Par acte d’huissier de justice du 22 août 2011, la banque CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA GUADELOUPE, ci-après désignée ‘la CRCAMG’, a fait signifier à la société LA ROUTE DE LA BIERE un procès-verbal de saisie-attribution des loyers prétendument dus par elle à la S.C.I. DE LA PLAGE, et ce pour paiement d’une dette totale de cette dernière envers ladite banque, au titre d’un acte de prêt authentique du 3 avril 1996 déchu du terme, de 659 486,31 euros, en réponse à quoi, au même acte, le gérant de la société LA ROUTE DE LA BIERE, en la personne de M. [Y] [O], a indiqué que les loyers dus au titre des locaux commerciaux loués par sa société sont versés à M. [M] [N] depuis son entrée dans les lieux et qu’il ne connaît pas la S.C.I. DE LA PLAGE ;
Par actes séparés d’huissier de justice des 14 et 16 mars 2016, M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE ont fait assigner la S.A.R.L. LE BARON, M. [M] [N] ‘commerçant en son nom propre’ et la S.A.R.L. CABINET Didier DAHAN devant le tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE à l’effet de voir :
– constater :
** que ces trois défendeurs les ont trompés, par des manoeuvres dolosives, depuis 2002 (pour, alors, la société ANTILLES PRESSION appartenant également à M. [O]), en leur faisant signer plusieurs contrats impliquant une obligation de payer indûment des sommes d’argent à titre de loyers ou à titre de prix de vente du fonds de commerce objet du litige,
** que pour chaque acte, leur consentement a été vicié par des manoeuvres dolosives,
** que le rédacteur des actes n’a pas rempli son obligation de résultat ayant pour ‘trait’ de vérifier le véritable titulaire du fonds de commerce et du bien immobilier objet du litige,
– annuler les actes de cession de fonds de commerce et de bail commercial portant sur le local commercial situé [Adresse 2],
– condamner solidairement M. [M] [N], la société GMC, la société LE BARON et le rédacteur d’acte, le cabinet d’expertise comptable CABINET Didier DAHAN à payer à la société LA ROUTE DE LA BIERE les sommes de :
** 72 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les loyers payés abusivement à M. [M] [N] et la société GMC,
** 48 000 euros à titre de remboursement du prix de vente du fonds de commerce payés indûment à M. [M] [N] et la société LE BARON,
** 100 000 euros au titre du préjudice moral, la société LA ROUTE DE LA BIERE s’efforçant à développer pendant plusieurs années la clientèle d’un fonds de commerce dont elle pensait être la véritable propriétaire,
– condamner solidairement M. [M] [N], la société GMC, la société LE BARON et le rédacteur d’acte, le cabinet d’expertise comptable CABINET Didier DAHAN à payer à M. [Y] [O] la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et ‘de celui financier subi par lui’,
– condamner solidairement M. [M] [N], la société GMC, la société LE BARON et le rédacteur d’acte, le cabinet d’expertise comptable DIDIER DAHAN à payer à la société LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Cette instance a été radiée du rôle des affaires en cours devant le tribunal de POINTE-A-PITRE par ordonnance du juge de la mise en état du 5 juillet 2018 ;
***
Par actes séparés d’huissier de justice, cette fois des 5 et 25 novembre 2020, M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE ont fait assigner la S.A.R.L. LE BARON, M. [M] [N] ‘commerçant en son nom propre’ et la S.A.R.L. CABINET Didier DAHAN devant le même tribunal de grande instance de POINTE-A-PITRE aux mêmes fins que précédemment, savoir :
– constater :
** que ces trois défendeurs les ont trompés, par des manoeuvres dolosives, depuis 2002, en leur faisant signer plusieurs contrats impliquant une obligation de payer indûment des sommes d’argent à titre de loyers ou à titre de prix de vente du fonds de commerce objet du litige,
** que pour chaque acte, leur consentement a été vicié par des manoeuvres dolosives,
** que le rédacteur des actes n’a pas rempli son obligation de résultat ayant pour ‘trait’ de vérifier le véritable titulaire du fonds de commerce et du bien immobilier objet du litige,
– annuler les actes de cession de fonds de commerce et de bail commercial portant sur le local commercial situé [Adresse 2],
– condamner solidairement M. [M] [N], la société GMC, la société LE BARON et le rédacteur d’acte, le cabinet d’expertise comptable CABINET Didier DAHAN à payer à la société LA ROUTE DE LA BIERE les sommes de :
** 72 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les loyers payés abusivement à M. [M] [N] et la société GMC,
** 48 000 euros à titre de remboursement du prix de vente du fonds de commerce payés indûment à M. [M] [N] et la société LE BARON,
** 100 000 euros au titre du préjudice moral, la société LA ROUTE DE LA BIERE s’efforçant à développer pendant plusieurs années la clientèle d’un fonds de commerce dont elle pensait être la véritable propriétaire,
– condamner solidairement M. [M] [N], la société GMC, la société LE BARON et le rédacteur d’acte, le cabinet d’expertise comptable CABINET Didier DAHAN à payer à M. [Y] [O] la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et ‘de celui financier subi par lui’,
– condamner solidairement M. [M] [N], la société GMC, la société LE BARON et le rédacteur d’acte, le cabinet d’expertise comptable CABINET Didier DAHAN, à payer à la société LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Seul le cabinet Didier DAHAN a constitué avocat sur cette dernière assignation, à l’exclusion de M. [M] [N] et de la société LE BARON et, par ordonnance réputée contradictoire du 30 juin 2022, sur un incident formé par ledit cabinet, le juge de la mise en état du tribunal ainsi saisi au fond une seconde fois:
– a écarté des débats les conclusions figurant au dossier du cabinet DAHAN DIDIER SASU datées du 24 janvier 2022,
– a dit la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] irrecevables en leurs demandes en raison de la prescription intervenue,
– a condamné in solidum ces deux derniers à payer au cabinet DAHAN DIDIER SASU la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens (sans solidarité pour ceux-ci) ;
Par déclaration remise au greffe le 13 juillet 2022 par la voie électronique (RPVA), M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE ont relevé appel de cette ordonnance, y intimant la S.A.S.U. CABINET DIDIER DAHAN, la S.A.R.L. LE BARON et M. [M] [N] et y visant, au titre des chefs de jugement critiqués, les dispositions par lesquelles le juge de la mise en état ‘(les) a dit irrecevables en leurs demandes en raison de la prescription intervenue, (les a) condamnés solidairement à verser au cabinet Didier DAHAN SASU la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, laissé les dépens de l’instance à la charge de la société la route de la bière et de monsieur [O], rejeté l’ensemble de (leurs) demaandes, omis de statuer sur les demandes portant en particulier sur la lettre de mission et sur la demande de forclusion portée par le cabinet DAHAN’ ;
Cet appel a été orienté à bref délai par ordonnance du président de chambre du 5 septembre 2022, pour l’audience collégiale du 12 décembre 2022 et avis a été adressé le même jour par RPVA au conseil des appelants d’avoir à signifier ladite déclaration d’appel aux intimés dans les 10 jours ;
Ces significations sont intervenues :
– le 9 septembre 2022 pour la SASU CABINET Didier DAHAN, suivant acte d’huissier remis à sa personne,
– le 14 septembre 2022 pour M. [M] [N] et la société LE BARON, suivants actes remis dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile ;
Seule la société CABINET Didier DAHAN a constitué avocat, suivant acte remis au greffe et notifié par RPVA au conseil des appelants le 16 septembre 2022, à l’exclusion de la société LE BARON et de M. [M] [N], ce pourquoi le présent arrêt sera rendu par défaut ;
M. [O] et la société LA ROUTE DE LA BIERE ont remis leurs conclusions d’appelants au greffe et les ont notifiées au seul intimé constitué, le cabinet DIDIER DAHAN, par RPVA, le 4 octobre 2022 et ces conclusions ont été signifiées à la société LE BARON et M. [M] [N] suivant actes séparés du 4 novembre 2022, et ce, à nouveau, dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile ;
La S.A.S.U. CABINET Didier DAHAN a remis au greffe et notifié au conseil des appelants ses conclusions d’intimée, par voie électronique, le 19 octobre 2022 ;
A l’audience du 12 décembre 2022, les conseils des parties comparantes ont sollicité le renvoi de l’affaire à raison de leur participation à un mouvement de grève des avocats du barreau de GUADELOUPE/SAINT MARTIN/SAINTBARTHELEMY et renvoi a donc été opéré contradictoirement à l’audience du conseiller rapporteur, en accord avec lesdits conseils, du 23 janvier 2023. A l’issue de cette audience, le délibéré a été fixé au 27 mars 2023, date à laquelle les parties ont été avisées de sa prorogation à ce jour ;
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1°/ Par leurs conclusions d’appelants du 4 octobre 2022, M. [Y] [O] et la société LA ROUTE DE LA BIERE concluent aux fins de voir, au visa des articles 1374, 291 et suivants, 2219 et 2241 et suivants du code civil :
– déclarer leur appel recevable,
– infirmer la décision querellée en ce qu’elle a rejeté leurs demandes et en ce qu’elle a déclaré irrecevable la procédure diligentée par eux, ce en raison d’une prétendue prescription, en ce qu’elle a mis à leur charge solidaire les frais irrépétibles et les dépens,
Statuer à nouveau :
– dire que l’irrecevabilité soulevée par le cabinet DAHAN DIDIER SAS ne saurait l’être pour le compte de M. [N] et la société LE BARON,
– dire que ‘la demande de déclarer irrecevable la procédure en raison de la forclusion ou de l’irrecevabilité avait été soulevée pardevant le juge du fond avant le juge de la mise en état’,
– dire recevable l’exception de litispendance,
– renvoyer l’incident au fond,
– rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des intimés,
A défaut de renvoyer au fond,
– dire l’action non prescrite,
– déclarer recevable l’action diligentée par eux,
– renvoyer pardevant le juge du fond la vérification d’écritures,
– à défaut, procéder à une vérification d’écritures des pièces 7 et 8 du cabinet DAHAN à partir des originaux produits par ce cabinet et dire que la lettre de mission produite par ce dernier n’a pas été signée et paraphée par eux,
– dire que la forclusion soulevée par le cabinet DAHAN DIDIER SAS leur est inopposable,
Si la juridiction de céans venait à ne pas se sentir suffisamment en capacité de procéder à la vérification :
– désigner tel expert en écriture avec mission d’établir si la pièce 7 communiquée par le cabinet DAHAN intitulée ‘lettre de mission’ a bien été signée et paraphée par M. [Y] [O] le 5 janvier 2008 et avec pour mission de relever l’ensemble des désordres pouvant frapper un tel document,
– (fixer les modalités d’exercice de cette mission d’expertise)
– fixer la somme à consigner à valoir sur les honoraires de l’expert,
– à défaut, dire et juger que la pièce 7 visée au bordereau de pièces du cabinet DAHAN doit être écartée des débats,
– prononcer une amende civile contre la société DIDIER DAHAN,
– condamner cette dernière à leur payer la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
A ces fins, ils précisent encore notamment :
– que le premier juge n’a pas tenu compte du fait que la question de la prescription et de la forclusion a été soulevée au fond avant qu’il n’en fût saisi lui même sur incident, alors même que, sur litispendance et alors que saisi en second lieu, il aurait dû renvoyer cette question devant le premier juge qui en était saisi,
– qu’en toute hypothèse, nul ne peut plaider par procureur, si bien que la prescription, pour ne pas avoir été soulevée par les deux défendeurs non comparants, ne pouvait jouer en faveur de M. [M] [N] et de la société LE BARON,
– que la prescription n’est de toute façon pas acquise, pour le délai de 5 ans ayant couru à compter du procès-verbal de notification d’une saisie attribution des loyers entre les mains de la société LA ROUTE DE LABIERE en date du 22 août 2011, avoir été interrompu par leur assignation première aux mêmes fins de mars 2016,
– que la péremption d’instance invoquée par les intimés pour mettre à mal l’effet interruptif de cette assignation, d’une part, n’a pu par principe porter atteinte à cet effet interruptif dès lors qu’une telle assignation a un effet interruptif de prescription dès sa délivrance, qu’elle ait été ou non enrôlée et qu’il y ait eu ou non péremption de l’instance engagée par cet acte et, d’autre part, aucune péremption n’a à ce jour été prononcée dans l’instance engagée en 2016,
– et que la forclusion invoquée subsidiairement sur la base de la prétendue lettre de mission du 5 janvier 2008 n’est pas encourue dès lors :
** que cette lettre ne concerne que la société ANTILLES PRESSION et n’est donc pas opposable à LA ROUTE DE LA BIERE,
** que la lettre de mission concernant LA ROUTE DE LA BIERE aurait été signée le 15 janvier 2008,
** que M. [O] conteste avoir signé et paraphé la lettre de mission du 5 janvier 2008 au nom et pour le compte de la société LA ROUTE DE LA BIERE,
** et qu’il conteste également avoir signé et paraphé la lettre du 15 janvier 2008 que tente d’utiliser le cabinet DAHAN alors qu’il s’agit d’un faux en écriture et qu’une vérification à cet égard le démontrera après que sa production en original aurait été exigée et obtenue ;
2°/ Par ses propres écritures d’intimée en date du 19 octobre 2022, la S.A.S.U. LE CABINET DAHAN DIDIER souhaite voir quant à elle :
– juger l’appel des appelants mal fondé,
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a :
** dit leurs demandes à son encontre irrecevables en raison de la prescription intervenue,
** condamné in solidum la société LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’incident,
Y AJOUTANT, condamner in solidum la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] à lui payer les sommes suivantes :
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusivement menée et pour l’avoir contrainte ‘à consacrer du temps à sa défense qu’il a dû dissiper à ce qui constitue son coeur de métier, à savoir la comptabilité de ses clients’,
– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens devant la cour, sous distraction ;
La société CABINET DIDIER DAHAN précise encore à ces fins en substance :
– que si une instance aux mêmes fins que la présente instance avait été engagée par les mêmes demandeurs contre les mêmes défendeurs le 14 mars 2016, celle-ci a fait l’objet d’une radiation administrative par ordonnance du juge de la mise en état du 5 juillet 2018 et sa péremption, faute de reprise par la société LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O], ‘était acquise le 20 juillet 2020″,
– que cette péremption prive par suite ces demandeurs de la possibilité de se prévaloir de l’acte introductif d’instance de mars 2016 comme d’un acte interruptif de prescription,
– que la prescription quinquennale de leur action a pour point de départ, non pas la date de cette radiation, mais la date à laquelle ils ont eu connaissance du sinistre litigieux, savoir la date de la dénonciation faite à M. [O] d’une saisie attribution des loyers pour paiement d’une créance de la banque CRCAMG à l’encontre de la S.C.I. DE LA PLAGE dont il a ainsi été découvert que les locaux litigieux lui appartenaient, et non pas au bailleur de la société LA ROUTE DE LA BIERE en la personne de la S.C.I. GMC,
– que cette saisie attribution a été dénoncée à M. [O] le 22 août 2011, soit plus de 5 ans avant l’engagement en 2020 de la présente instance, sans que ce délai, pour les raisons ci-avant, ait pu être interrompu par l’action de 2016 mise à néant par sa péremption acquise le 20 juillet 2020,
– que, subsidiairement, l’action des demandeurs originels est forclose en application d’une clause de forclusion figurant dans la lettre de mission du 5 janvier 2018 qui lui avait été confiée et dont l’article 7 stipulait que toute demande de dommages et intérêts devait être introduite dans les 3 mois suivant la date à laquelle le client aurait eu connaissance du sinistre,
– qu’il s’agit d’une clause stipulant un délai préfixe, et donc un délai de forclusion, pour engager une action à compter de l’évènement générateur de responsabilité, laquelle est conforme aux dispositions légales, ainsi qu’en juge la cour d e cassation depuis un arrêt du 30 mars 2016,
– que M. [O] n’a jamais dénié avoir signé cette lettre de mission, laquelle concerne bien la société LA ROUTE DE LA BIERE et ne concerne pas la société ANTILLES PRESSION qui n’est plus gérante du fonds de commerce de bar brasserie depuis janvier 2008, sachant qu’elle-même a exécuté sa mission à l’égard de la première de ces sociétés par l’établissement des bilans et des liasses fiscales des exercices 2008 et suivants,
– que la seule raison pour laquelle figure au pied de chaque page de cette lettre de mission la mention ‘SARL ANTILLES PRESSION’ et non pas celle de ‘SARL ROUTE DE LA BIERE’, est qu’à l’origine c’est la première qui devait se porter acquéreur du fonds litigieux et que ce sera in fine la seconde qui s’y substituera avec M. [O], si bien qu’il n’y a là qu’une omission matérielle,
– qu’ainsi, si la cour ne devait pas retenir la prescription quinquennale de l’action engagée contre lui, elle serait contrainte d’en constater la forclusion contractuelle en regard des stipulations de la susdite lettre de mission,
– que si le juge de la mise en état n’a pas examiné la demande d’expertise de M. [O] et de sa société LA ROUTE DE LA BIERE, c’est qu’il avait jugé leur action prescrite,
– et que, de toute façon, s’ils réitèrent cette demande en cause d’appel, elle se heurte à la chose jugée suivant ordonnance du juge de la mise en état de la première procédure engagée en mars 2016, en date du 21 décembre 2017, par laquelle il l’a déjà rejetée comme irrecevable, et ce au motif que la vérification d’écritures ne relève que du juge saisi au principal lorsqu’elle est demandée incidemment et qu’elle est irrecevable devant le juge de la mise en état, sachant que les intéressés n’avaient pas relevé appel de ce rejet ;
*
Pour le surplus de leurs explications, il est expressément renvoyé aux conclusions de chacune des parties ;
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que l’ordonnance déférée date du 20 juin 2022 et appel immédiat en a été relevé dès le 13 juillet 2022 ; qu’il est donc à cet égard recevable ;
II- Sur l’exception de litispendance
Attendu que la juridiction du juge de la mise en état est une juridiction d’exception qui ne reçoit de la loi que des pouvoirs et compétences strictement limités dans le cadre strictement entendu de la saisine de la juridiction du fond dont elle n’est qu’une émanation, la juridiction du fond dont elle dépend exerçant, dans les limites de sa propre compétence matérielle et territoriale, tous les pouvoirs et compétences qui ne sont pas dévolus expressément au juge de la mise en état ;
Or, attendu qu’en sa version applicable à la présente instance, l’article 789 du code de procédure civile confère au juge de la mise en état, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, ce qui est incontestablement le cas en l’espèce, compétence exclusive (‘à l’exclusion de toute autre formation du tribunal’), jusqu’à son dessaisissement, pour statuer sur les fins de non-recevoir ;
Attendu qu’aux termes de l’article 122 du même code, la prescription est un moyen relevant des fins de non recevoir au sens de l’article 789 sus-rappelé ;
Attendu qu’il en résulte que seul le juge de la mise en état est compétent, à l’exclusion du juge du fond, pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée devant lui par la société CABINET DAHAN DIDIER, la circonstance qu’elle ait été soulevée en premier lieu dans ses conclusions au fond n’étant pas susceptible de bafouer cette compétence exclusive ;
Attendu qu’enfin, en raison même de la définition réglementaire de la litispendance, il est manifeste qu’il ne peut y avoir litispendance entre ces deux saisines, celle du juge du fond et celle du juge de la mise en état, celle-ci étant définie par l’article 100 du code de procédure civile par la saisine de deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, alors même qu’ainsi que relevé ci-avant, le juge du fond n’avait plus cette compétence depuis la distribution de l’affaire à la mise en état ;
Attendu que l’exception soulevée par les appelants est donc infondée et sera rejetée ;
III- Sur la prescription de l’action à l’encontre des défendeurs non comparants
Attendu que, pour n’avoir pas comparu en première instance, les défendeurs, aujourd’hui intimés, en les personnes de la S.A.R.L. LE BARON et de M. [M] [N], n’ont jamais saisi le juge de la mise en état d’une quelconque fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action engagée à leur encontre, laquelle apparaît incontestablement détachable, et donc divisible, de celle qui est dirigée contre le cabinet d’expertise comptable sous l’égide duquel la vente et le bail litigieux ont été préparés et signés ;
Attendu que la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil est un moyen d’extinction d’une action qui relève de l’intérêt privé de celui qui pourrait en exciper à son bénéfice et n’est pas d’ordre public, si bien que le juge de la mise en état ne pouvait s’en saisir d’office ;
Or, attendu que, pourtant saisi de la seule fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par le CABINET DAHAN DIDIER, le premier juge ne s’est pas borné à dire prescrite et partant irrecevable la seule action divisible dirigée contre ce défendeur, mais a déclaré ‘la SARL LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] irrecevables en leurs demandes en raison de la prescription intervenue’, sans limiter cette fin de non-recevoir à l’action du seul défendeur qui en excipait ; que, ce faisant, il a excédé ses pouvoirs et violé le principe dispositif suivant lequel le procès, hors tout ce qui touche à l’ordre public général ou économique, est la chose des parties; qu’il y a donc lieu d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle a dit ‘la SARL LA ROUTE DE LA BIERE et M. [O] irrecevables en leurs demandes en raison de la prescription intervenue’ à l’égard de la société LE BARON et de M. [N] ;
IV- Sur la prescription de l’action à l’égard de la S.A.S.U. CABINET DAHAN DIDIER
Attendu qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières dont participent l’action de M. [O] et de la société LA ROUTE DE LA BIERE à l’encontre de la société CABINET DAHAN DIDIER, se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;
Attendu que M. [O] et, à travers lui, sa société LA ROUTE DE LA BIERE, ont nécessairement et incontestablement eu connaissance de la fragilité des droits qu’ils croyaient détenir des deux actes de cession et de bail conclus le 15 janvier 2008 sur un fonds de commerce et un immeuble n’appartenant pas à leurs cocontractants, lorsque le 22 août 2011, la banque CRCAM a fait signifier à la société LA ROUTE DE LA BIERE un procès-verbal de saisie-attribution des loyers prétendument dus par elle à la S.C.I. DE LA PLAGE, et ce pour paiement d’une dette totale, au titre d’un acte de prêt authentique du 3 avril 1996 déchu du terme, de 659486,31 euros, en réponse à quoi, au même acte, le gérant de la société LA ROUTE DE LA BIERE, en la personne de M. [Y] [O], a indiqué que les loyers dus étaient versés à M. [M] [N] depuis son entrée dans les lieux et qu’elle ne connaissait pas la S.C.I. saisissante;
Attendu qu’en effet, c’est à cette date que la société LA ROUTE DE LA BIERE n’a plus pu ignorer que la question des droits de propriété sur le fonds qu’elle avait acheté et l’immeuble qu’elle louait, était manifestement litigieuse, puisqu’un créancier de la société DE LA PLAGE prétendait ainsi que c’est celle-ci et elle seule qui était propriétaire de l’un et l’autre et devait en recevoir les loyers et le prix de vente, ce que d’ailleurs les appelants reconnaissent expressément en leurs écritures (page 5, 13ème paragraphe) ;
Attendu que la délai de prescription de l’article 2224 du code civil a donc incontestablement commencé de courir ce 22 août 2011 ;
Attendu que M. [O] et sa société LA ROUTE DE LA BIERE estiment, à l’encontre de ce qu’a retenu le premier juge, que ce délai de 5 ans n’a pu expirer le 21 août 2016 dès lors qu’elle a engagé une action interruptive de prescription contre le CABINET DAHAN DIDIER aux mêmes fins qu’aujourd’hui , dès mars 2016 et que la péremption d’instance retenue par ce même juge pour retirer à l’acte introductif de cette première instance tout effet interruptif de prescription, n’a pu avoir un tel effet pour la double raison :
– qu’une telle assignation est un acte détachable et interrompt la prescription par nature (1),
– et qu’en toute hypothèse, aucune ordonnance constatant la péremption de l’instance engagée en 2016 n’a été rendue (2) ;
Or, attendu que ce premier moyen (1) est contraire aux dispositions de l’article 389 du code de procédure civile aux termes duquel la péremption, qui certes n’éteint pas l’action, emporte extinction de l’instance ‘sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir’, en ce compris l’acte introductif d’instance dont l’effet interruptif est dès lors annihilé;
Attendu qu’en revanche, il importe de rappeler les principes qui gouvernent la portée et la mise en oeuvre de la péremption d’instance, laquelle, si elle est la sanction qui frappe une procédure judiciaire lorsqu’aucune des parties à cette procédure n’a accompli de diligences pendant un délai de deux ans (article 386 du code de procédure civile) et a ainsi pour effet d’éteindre l’instance et d’annihiler tout effet interruptif de prescription de l’acte introductif, l’instance concernée n’est cependant pas périmée ou éteinte automatiquement et il revient à la partie qui entend en bénéficier de l’invoquer ;
Attendu qu’en effet, en application de l’article 387 du même code, si la péremption d’instance est de droit, il est nécessaire que l’une des parties en fasse la demande ou qu’elle l’oppose, en défense, par voie d’exception, cet article disposant expressément qu’elle ‘peut être demandée par l’une quelconque des parties ou opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption’, de quoi il ressort nécessairement, en raison de l’emploi du verbe ‘pouvoir’, que si elle peut être demandée, elle peut ne pas l’être et que cette demande doit être faite dans le seul cadre de l’instance périmée et non pas dans le cadre d’une instance distincte, mît-elle aux prises les mêmes parties devant la même juridiction et pour un même objet ;
Or, attendu que force est de constater que, pas même en réplique à l’argumentaire pertinent des appelants, le CABINET DAHAN DIDIER ne produit aucune décision de péremption d’instance qui serait intervenue dans le cadre de l’instance dont il est prétendu que l’acte introductif de mars 2016 serait privé d’effet interruptif ;
Attendu qu’il n’appartenait pas au premier juge, comme il le fait à tort en page 5 de son ordonnance, dans son antépénultième paragraphe, de suppléer cette carence et l’absence de production d’une décision de péremption en prononçant lui-même, alors que saisi d’une instance distincte, la péremption de l’instance RG 17-2185 dont il n’était pas saisi en tant que juge de la mise en état ;
Attendu qu’ainsi, en l’état, la cour ne peut que constater :
– qu’une action a été engagée entre les mêmes parties, notamment la société CABINET DAHAN DIDIER, pour un même objet et devant la même juridiction en mars 2016,
– qu’il n’est pas justifié à ce jour d’une décision de péremption la concernant,
– que, partant, l’acte introductif de cette instance a valablement, toujours en l’état, interrompu la prescription quinquennale encourue sur le fondement de l’article 2224 du code civil avant que le délai de 5 ans n’expirât le 21 août 2016,
– et qu’ainsi, à la date de l’acte introductif de la présente instance (5 et 25 novembre 2020), le nouveau délai de 5 ans qui a pris effet au 14 mars 2016, n’était pas expiré ;
Attendu qu’il s’en infère que l’action de M. [O] et de la société LA ROUTE DE LA BIERE à l’encon tre de la société CABINET DAHAN DIDIER n’est pas prescrite et que, partant, les premiers y sont recevables ; qu’il y a donc lieu d’infirmer derechef la décision déférée en ce qu’elle a dit cette action irrecevable pour cause de prescription quinquennale à l’égard dudit cabinet d’expertise comptable ;
V- Sur la forclusion de l’action à l’égard de la S.A.S.U. CABINET DAHAN DIDIER
Attendu que la société CABINET DAHAN DIDIER invoque subsidiairement la forclusion de l’action à son encontre en application de l’article V des ‘CONDITIONS GENERALES D’INTERVENTION’ figurant en annexe d’une lettre de mission datée du 5 janvier 2008, aux termes duquel ‘toutes demandes de dommageset intérêts ne pourra être produite que pendant une période de cinq ans commençant à courir le premier jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est néle sinistre correspondant à la demande’ et ‘devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre du sinistre.’ ;
Or, attendu que cette lettre de mission est, à ce stade de la procédure, particulièrement incertaine en ce qui est des parties cocontractantes puisque, dans son entier corps, il n’est question que d’une ‘proposition de lettre de mission avec la S.A.R.L. ANTILLES PRESSION’ et non point la société co-demanderesse et co-appelante, savoir la société ROUTE DE LA BIERE, laquelle n’y est mentionnée que sur la page de garde, en contradiction d’ailleurs, encore une fois, avec la mention de cette même page, in fine, celle de la S.A.R.L. ANTILLES PRESSION; qu’il n’est donc pas démontré, à ce stade de la procédure, que cette lettre de mission soit opposable aux appelants ;
Attendu qu’en second lieu, serait-elle opposable aux appelants, que le champ d’application de la forclusion de l’article V de ses conditions générales s’opposerait à son applicabilité à l’action de la société LA ROUTE DE LABIERE et de M. [O] ;
Attendu qu’en effet, ce champ d’application est manifestement restreint aux actions liées exclusivement aux missions comptables du cabinet DAHAN, et ce dès lors ce délai de forclusion est intégré à un chapitre V dédié à la ‘RESPONSABILITE’ et, intégré à son troisième paragraphe, suit immédiatement le deuxième paragraphe relatif à la seule ‘responsabilité du membre de l’Ordre (des experts comptables) pouvant résulter de l’exercice de ses missions comptables (…)’;
Or, attendu que l’action de M. [O] et de la société LA ROUTE DE LA BIERE est étrangère aux missions comptables du cabinet DAHAN et n’a trait qu’à son implication dans la vente d’un fonds de commerce par un non propriétaire et la conclusion d’un bail commercial avec un bailleur qui n’était pas propriétaire de l’immeuble loué ; qu’elle ne relève donc pas du délai de forclusion de 3 mois invoqué ici à tort, si bien que de ce chef encore la fin de non recevoir invoquée par le cabinet d’expertise comptable n’apparaît fondée et mérite rejet;
VI- Sur la vérification d’écritures et l’expertise judiciaire
Attendu que, outre que la vérification d’écritures relative à la lettre de mission du 15 janvier 2008 (pièce 8 du dossier du cabinet d’expertise comptable) apparaît étrangère à la fin de non-recevoir dont le premier juge était saisi, puisqu’elle ne contient pas, en l’état du document qui en est produit, la clause de forclusion invoquée par ledit cabinet, il appert du dispositif des écritures des mêmes appelants que leur demande au titre de cette vérification d’écritures concernant cette lettre, ne tend à titre principal qu’au renvoi de cette vérification au juge du fond ; qu’acte lui en sera donné, si bien que toutes ses demandes, en ce qu’elles ne sont présentées qu’à titre subsidiaire, tendant à la fois à cette vérification et, plus subsidiairement encore, à une expertise pour y parvenir, sont sans objet et ne peuvent être examinées par la cour ;
Attendu que de toute façon, le juge de la mise en état n’a pas le pouvoir de procéder à une telle vérification puisque l’article 285 du code de procédure civile en confie la compétence matérielle au seul ‘juge du principal lorsqu’elle est demandée incidemment’ et ‘au tribunal judiciaire lorsqu’elle est demandée à titre principal’; qu’il y a donc lieu de constater qu’il est satisfait à la demande principale des appelants tendant à voir laisser le juge du fond trancher de l’opportunité de cette vérification d’écritures ;
VII- Sur la demande du cabinet DAHAN DIDIER en dommages et intérêts
Attendu que pour avoir obtenu gain de cause en cette instance, les appelants ne peuvent être tenus pour fautifs dans leur posture procédurale ; qu’il y a donc lieu de débouter le cabinet comptable de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
VIII- Sur l’amende civile sollicitée par les appelants
Attendu que dès lors qu’il avait été fait droit en première instance à la fin de non-recevoir de la société CABINET DAHAN DIDIER, il n’est pas permis de qualifier son incident de procédure de fautif, si bien que les appelants seront déboutés de leur demande au titre d’une amende civile à son encontre ;
IX- Sur les dépens et frais irrépétibles
Attendu que, pour y échouer en totalité, la société CABINET DAHAN DIDIER supportera tous les dépens de son incident de mise en état, tant pour la première instance que pour la procédure d’appel, si bien que l’ordonnance déférée sera également infirmée en ce que le premier juge y a condamné in solidum M. [O] et la société LA ROUTE DE LA BIERE aux dépens et frais irrépétibles de première instance et ledit cabinet subséquemment débouté de ses demandes de ces chefs ;
Attendu que des considérations d’équité justifient de condamner la société CABINET DAHAN DIDIER à indemniser les appelants de leurs frais irrépétibles d’appel (aucune demande claire et expresse n’étant formulée au titre des frais irrépétibles de première instance) à hauteur de la somme de 4 000 euros ;
Attendu que la cabinet d’expertise comptable sera corrélativement débouté de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles d’appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Dit recevable l’appel interjeté par M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE à l’encontre de l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE n° 80/2022 en date du 30 juin 2022,
– Rejette comme infondée l’exception de litispendance soulevée par M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE,
– Infirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions déférées,
Et, statuant à nouveau,
– Rejette les fins de non recevoir principale et subsidiaire soulevées par la société par actions simplifiée à associé unique (S.A.S.U.) CABINET DAHAN DIDIER à son seul profit pour prescription ou forclusion,
– Dit par suite en l’état recevable à cet égard l’action de M. [Y] [O] et de la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE à l’encontre de la société CABINET DAHAN DIDIER,
– Dit que le premier juge n’était pas valablement saisi d’une fin de non-recevoir de l’action dirigée contre M. [M] [N] et la société LA ROUTE DE LA BIERE et n’avait pas à y statuer,
– Donne acte aux appelants de leur volonté de soumettre au juge du fond leur demande tendant à la vérification d’écritures,
– Condamne la S.A.S.U. CABINET DAHAN DIDIER aux entiers dépens de première instance,
Y ajoutant,
– Déboute M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE de sa demande au titre d’une amende civile et de sa demande de dommages-intérêts ‘ à l’encontre de la société CABINET DAHAN DIDIER
– Condamne la S.A.S.U. CABINET DAHAN DIDIER à payer à M. [Y] [O] et la S.A.R.L. LA ROUTE DE LA BIERE la somme globale de 4000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel,
– Déboute la S.A.S.U. CABINET DAHAN DIDIER de ses demandes à ce double titre, ainsi que de sa demande en dommages.
Et ont signé,
La greffière, Le président