Péremption d’instance : 27 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10390

·

·

Péremption d’instance : 27 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10390
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 27 Octobre 2023

(n° 697, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/10390 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZGV

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01441

APPELANTE

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SA INT DENIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [L] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparante, non représentée, ayant pour conseil Me Roger BISALU, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

Mm. Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [L] [J] était salariée de la société [5] (ci-après désignée ‘la Société’) en qualité d’auxiliaire de puériculture lorsqu’elle a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis (ci-après désignée ‘la Caisse’) une déclaration de maladie professionnelle établie le 22 février 2017 à laquelle était joint un certificat médical initial daté du 31 janvier 2017 mentionnant « canal carpien bilatéral ».

La Caisse a alors engagé une instruction au titre du tableau 57C des maladies professionnelles pour chacune des pathologies.

Les deux colloques médico-administratifs ont conclu au dépassement du délai de prise en charge de sorte que la Caisse a adressé les deux dossiers au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (ci-après désigné ‘CRRMP’) d’Ile-de-France.

A défaut pour le CRRMP d’avoir rendus ses avis dans les délais, la Caisse a, par deux courriers du 21 août 2017, notifié à Mme [J] un refus de prise en charge à titre conservatoire pour chacune de ses pathologies.

Mme [J] a contesté ces deux décisions devant la commission de recours amiable laquelle, lors de sa séance du 18 octobre 2017, l’a déboutée de ses demandes.

Finalement, par deux avis rendus le 13 décembre 2017, le CRRMP d’Ile-de-France a considéré que le lien entre les pathologies déclarées et l’activité professionnelle de Mme [J] n’était pas établi de sorte que la Caisse, tenue par ces avis, a maintenu ses décisions de refus.

C’est dans ces conditions que Mme [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux fins de voir ordonner la désignation d’un second CRRMP.

Par deux jugements avant-dire-droit du 3 avril 2018, le tribunal a désigné le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles des Hauts-de-France avec pour mission notamment de :

– dire si le syndrome du canal carpien droit et du canal carpien gauche dont souffre Mme [J] et déclaré le 31 janvier 2017 remplit les conditions du tableau n°57 des maladies professionnelles permettant la prise en charge de ses pathologies au titre des maladies professionnelles,

– dire s’il existe un lien direct et certain entre le travail habituel de Mme [J] et les maladies déclarées par certificat médical initial du 31 janvier 2017,

– dire si Mme [J] souffrait déjà du syndrome du canal carpien antérieurement à la date du 31 janvier 2017.

Le 22 août 2018, le CRRMP a rendu son avis sur les deux maladies.

En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l’affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny.

Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal a :

– ordonné la jonction des instances enregistrées sous les n° de répertoire général 19-01441 et 19-01443 ;

– dit que les maladies déclarées par Mme [L] [J] le 28 décembre 2016, « canal carpien droit et canal carpien gauche » sont en lien direct avec le travail exercé par cette dernière ;

– reconnu le caractère professionnel des maladies précitées ;

– dit que les maladies déclarées par Mme [L] [J] le 28 décembre 2016, « canal carpien droit et canal carpien gauche » sont des maladies devant être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

– condamné la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à prendre en charge les maladies « canal carpien droit et canal carpien gauche » déclarées par Mme [L] [J] le 28 décembre 2016 au titre de la législation sur les risques professionnels ;

– renvoyé Mme [L] [J] devant la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis pour la liquidation de ses droits sur la base du présent jugement ;

– condamné cette dernière à payer à Mme [L] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Le jugement a été notifié aux parties le 13 septembre 2019 et la Caisse en a interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 14 octobre 2019.

L’affaire a alors été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 24 octobre 2022 puis à celle du 6 septembre 2023 pour être plaidée.

La Caisse, représentée par son conseil, reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions n°2 qu’elle dépose à l’audience, demande à la cour de :

– la dire recevable en son appel ;

– dire n’y avoir lieu de constater la péremption de l’instance ;

– infirmer le jugement du 9 septembre 2019 en toutes ses dispositions et, en conséquence,

– déclarer les décisions de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle des maladies déclarées le 22 février 2017 bien fondées ;

– déboute Mme [J] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner cette dernière aux entiers dépens.

Mme [J], représentée par son conseil, se rapportant à ses conclusions d’incident, demande à la cour, in limine litis, de :

– la déclarer recevable et fondée dans ses moyens d’exception et, par conséquent,

– constater la péremption d’instance et dire que le jugement du TASS de Bobigny du 9 septembre 2019 est dès lors revêtu de l’autorité.

– à titre subsidiaire, constater l’irrecevabilité de l’appel ;

– dire et juger que l’appel de la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis est irrecevable.

Sur le fond, Mme [J] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris ;

– dire et juger que la CPAM de la Seine-Saint-Denis devra réparer le préjudice qu’elle a subi,

– condamner la CPAM de la Seine-Saint-Denis à lui payer en réparation de ses préjudices les indemnités correspondant à la prise en charge de ses maladies au titre de la législation sur les risques professionnels dont elle a été privée ;

– dire et juger que la Caisse devra calculer lesdites indemnités à compter de la date de la déclaration faite le 28 décembre 2016 ;

– condamner la CPAM à lui payer les primes dont elle a été privée à savoir la prime d’ancienneté et la prime de qualité ;

– condamner de la CPAM de la Seine-Saint-Denis à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de la perte de chance ;

– condamner la CPAM à lui payer la partie des salaires ont elle a été privée ;

– condamner la CPAM de la Seine-Saint-Denis à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

Après s’être assuré de l’effectivité d’un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l’affaire et mis son jugement en délibéré au 27 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la péremption d’instance

Mme [J] demande à la cour de constater la péremption d’instance relevant que le jugement a été notifié aux parties le 12 septembre 2020 et que la Caisse n’a déposé ses conclusions que le 28 août 2023. L’organisme s’est donc abstenu de toute diligence dans les deux ans de son appel.

La Caisse conclut au rejet de cette exception rappelant qu’en matière de procédure orale le point de départ de la péremption d’instance commence à courir à compter de la date de la première audience.

Sur ce,

Aux termes de l’article 386 du code de procédure civile

‘L’instance est périmée lorsque aucune des parties n ‘accomplit de diligences pendant deux ans.’

L’article 387 du même code se lisant ainsi

‘La péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties.

Elle peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.’

l’article 388 du code de procédure civile précisant que

‘La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit.

Le juge peut la constater d’office après avoir invité les parties à présenter leurs observations.’

et l’article 389 que :

‘La péremption n ‘éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir.’

Enfin, aux termes de l’article 390 du code de procédure civile :

‘La péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.’

Le régime de la péremption applicable à la cour d’appel est celui de droit commun et diffère de celui applicable au pôle social du tribunal judiciaire. Il s’ensuit que pour les procédures en cours, depuis le 1er janvier 2019, le délai de deux ans de droit commun est applicable, sans qu’il ne soit fait référence à de quelconques diligences, sous réserve de difficultés liées à l’application de la loi dans le temps.

En procédure orale, dans laquelle il n’est pas prévu de conclure, pour manifester leur intention de voir progresser l’affaire, les parties n’ont d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire.

La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer de sorte que le délai de péremption de l’instance ne peut commencer à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

En l’espèce, la lecture des pièces du dossier de première instance enseigne que le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny rendu le 9 septembre 2019 a été notifié par le greffe le 12 septembre 2019, la Caisse en ayant accusé réception le 13 septembre suivant.

La Caisse a interjeté appel de cette décision le 14 octobre 2019, par RPVA et le greffe de la cour a adressé aux parties une convocation à l’audience du 24 octobre 2022 par lettre recommandée avec accusé réception du 17 novembre 2020.

Le 21 octobre 2022, la Caisse a communiqué ses conclusions et pièces à Mme [J].

A l’audience du 24 octobre 2022, date du point de départ du délai de péremption, la cour a renvoyé l’affaire au 6 septembre 2023 afin que la Caisse réponde aux exceptions de procédure soulevées par Mme [J] et pour que celle-ci conclut au fond.

La Caisse a communiqué ses conclusions le 28 août 2023 et l’audience s’est tenue le 6 septembre 2023.

Il se déduit de cette chronologie que l’instance n’encourt pas la péremption.

La fin de non recevoir soulevée par Mme [J] sera donc écartée.

Sur la recevabilité de l’appel

Mme [J] fait valoir que le jugement querellé a été notifié aux parties à l’instance le 12 septembre 2019. La Caisse avait donc un mois pour interjeter appel, ce qu’elle n’a fait que le 14 octobre 2019 à 23 h 17 par RPVA, soit au delà du délai prévu.

La Caisse rappelle que le point de départ de la computation du délai d’appel débute, à l’égard de celui à qui est faite la notification du jugement, à la date de réception de la lettre recommandée. Elle relève que Mme [J] ne démontrant pas à quelle date la Caisse aurait accusé réception de cette notification, elle n’est pas légitime à soulever la tardiveté de l’appel.

Sur ce,

Aux termes de l’article 538 du code de procédure civile

‘Le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.’

l’article 640 du même code précisant

‘Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.’

Par ailleurs, aux termes de l’ article 641 du code de procédure civile

‘Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.’

l’article 642 du même code précisant que :

‘Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.’

En matière de sécurité sociale, les voies de recours courent à compter de la notification faite par le greffe aux parties.

Au cas présent, comme rappelé ci-avant, le greffe du pôle social de Bobigny a notifié le jugement querellé le 12 septembre 2020 et, au regard des mentions portées sur l’accusé de réception, la Caisse en a eu connaissance le 13 septembre 2020.

L’organisme disposait donc jusqu’au 13 octobre 2020 pour interjeter appel de cette décision.

Néanmoins, il est constant que le 13 octobre 2020 était un dimanche de sorte que le délai d’appel a été prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant, soit le 14 octobre 2020.

En interjetant appel le 14 octobre 2020, la Caisse a respecté les délais susmentionnés.

L’exception d’irrecevabilité soulevée par Mme [J] sera en conséquence rejetée.

Sur la reconnaissance de la maladie au titre du risque professionnel

La Caisse conclut à l’infirmation du jugement de la faisant valoir que si Mme [J] est bien atteinte d’un syndrome du canal carpien de la main droite et de la main gauche, les deux CRRMP ont constaté que non seulement le délai de prise en charge était largement dépassé pour qu’il puisse être établi un lien entre l’activité professionnelle de

Mme [J] et ses pathologies mais également que les tâches effectuées dans le cadre de son activité de puéricultrice n’étaient pas de nature à entraîner une hyper sollicitation des poignets pouvant occasionner un syndrome du canal carpien.

La Caisse relève que Mme [J], qui conteste la pertinence de ces avis, n’apporte pourtant aucun nouvel élément susceptible de les remettre en cause étant précisé que, contrairement à ce qu’elle plaide, il n’appartenait pas au CRRMP de se prononcer sur une cause extérieure pouvant être à l’origine des pathologies.

Mme [J] réplique qu’elle peut prétendre à la prise en charge de ses deux pathologies au titre du risque professionnel puisqu’il s’agit de maladies inscrites au tableau 57 et que, durant sa carrière professionnelle, elle a effectué les mouvements prévus à celui-ci. Elle souligne que le CRRMP des Hauts-de-France a émis un avis défavorable tant pour le poignet droit que le poignet gauche en se contentant de dire qu’en raison de la durée écoulée entre la première constatation et la fin de l’exposition professionnelle, il ne lui était pas possible de retenir un lien direct entre et la maladie déclarée. Or, c’est bien parce que le délai de prise en charge était dépassé que la Caisse a saisi le CRRMP afin qu’il dise si son activité professionnelle avait pu être à l’origine des pathologies. Il aurait donc dû réaliser une instruction et faire des recherches pour étayer sa motivation.

Mme [J] souligne que la notion du caractère « habituel » implique notamment « la répétition avec une fréquence et une durée suffisante » et qu’en s’occupant quotidiennement de petits enfants, elle a bien exécuté habituellement les mouvements de préhension et d’extension du poignet visés au tableau. C’est d’ailleurs ce qu’avait relevé l’enquête administrative et qui a été repris par le tribunal.

Sur ce ,

Aux termes des dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale,

‘Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1.(‘)’

En l’espèce, le tableau 57C des maladies professionnelles, dans sa version applicable, prévoit les conditions de prise en charge suivantes :

DÉSIGNATION DES MALADIES

DÉLAI de prise en charge

LISTE LIMITATIVE des travaux susceptibles de provoquer ces maladies

-C-

Poignet – Main et doigt

Syndrome du canal carpien.

30 jours

Travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.

Il en résulte que, pour être reconnue comme maladie professionnelle, la pathologie déclarée par l’assuré doit :

– être inscrite dans un tableau ;

– être constatée à l’intérieur d’un délai de prise en charge ;

– et correspondre à l’exécution de certains travaux identifiés comme étant susceptibles de provoquer l’affection en cause.

En l’espèce, Mme [J] a déclaré le 22 février 2017, la pathologie « syndrome du canal droit et gauche » sur la base du certificat médical initial établi le 31 janvier 2017 faisant état d’un « canal carpien bilatéral ».

Aux termes des deux colloques médico administratif établis le 21 juillet 2017, le docteur [E], médecin-conseil de la Caisse, avait retenu :

– pour le poignet droit : une date de première constatation au 28 décembre 2016 correspondant à la réalisation d’un électromyogramme, le respect de la liste limitative des travaux, mais un délai de dépassement du délai de prise en charge,

– pour le poignet gauche : une date de première constatation au 10 octobre 2016, correspondant à la réalisation d’un électromyogramme, le respect de la liste limitative des travaux, mais un délai de dépassement du délai de prise en charge,

Il n’est pas contesté des parties que Mme [J] a cessé d’être exposée au risque le 23 février 2016 et qu’au regard des dates de première constatation médicale des pathologies retenues, et qui ne sont pas remises en cause, le délai de prise en charge était dépassé de dix mois pour le poignet droit et sept mois pour le poignet gauche.

C’est pourquoi la Caisse a orienté les deux dossiers de Mme [J] au CRRMP d’Ile-de-France pour avis.

Par avis du 25 septembre 2017, le CRRMP a rejeté l’origine professionnelle des pathologies du canal carpien en estimant que l’importance du délai par rapport à la fin de l’exposition professionnelle « ne permettait pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par le certificat médical du 31 janvier 2017 ».

Pour sa part, le CRRMP désigné par le tribunal a rendu deux avis défavorables à la prise en charge des pathologies le 28 août 2018 aux motifs que :

– pour le poignet gauche, il n’existait aucun élément d’histoire clinique objectif antérieure à la date de première constatation ; que les tâches habituellement effectuées dans le cadre de son activité d’auxiliaire puéricultrice consistaient uniquement en des soins d’hygiène et des jeux avec des enfants de 1 à 3 ans ; que la gestuelle impliquée dans ces tâches était variée et n’entraînait pas une hyper sollicitation spécifique du poignet suffisante pour expliquer la survenue de la pathologie,

– pour le poignet droit, que le syndrome du canal carpien a été objectivé par l’examen électrophysiologique en date du 28 décembre 2016 ; qu’aucun élément d’histoire clinique objectif antérieur à cette date n’est disponible ; que les tâches habituellement effectuées dans le cadre de son activité d’auxiliaire puéricultrice consistaient en des soins d’hygiène et des jeux avec des enfants de 1 à 3 ans ; que la gestuelle impliquée dans ces tâches était variée et n’entraînait pas une hyper sollicitation spécifique du poignet suffisante pour expliquer la survenue de la pathologie.

A l’audience, les parties s’opposent sur l’existence d’un lien entre l’activité professionnelle et les pathologies, la Caisse estimant que les travaux confiés à Mme [J] n’étaient pas de nature à provoquer les pathologies du canal carpien, Mme [J] affirmant le contraire.

Il appartient alors à Mme [J], qui ne bénéficie pas de la présomption de maladie professionnelle, de démontrer qu’au cours de sa carrière et dans le cadre des emplois qu’elle a occupés, elle a été exposée à des travaux susceptibles de provoquer ses affections, et ce tels qu’ils sont expressément visés par le tableau 57.

Pour ce faire, elle produit aux débats les deux enquêtes administratives réalisées le 19 juillet 2017 qui concluent, tant pour le canal carpien droit que pour le canal carpien gauche, que « les travaux effectués par [L] [J] comportent habituellement des mouvements répétés ou prolongés d’extension du poignet, de préhension de la main, un appui carpien, une pression sur le talon de la main figurant à la liste limitative du tableau n°57 ».

A la lecture de la description des travaux effectués par Mme [J] faite non seulement par la salariée mais également par son employeur, il apparaît qu’elle a effectué quotidiennement :

– des tâches de nettoyage, de lavage, de désinfection des jeux, de l’espace de restauration et de change, au cours desquelles elle a été amenée à frotter, soulever et porter du matériel,

– des tâches d’encadrement et d’entretien des enfants au cours desquelles elle a procédé au lavage des biberons, au change des enfants et aux cours desquelles elle a été amenée à porter les enfants du sol à la table à manger, du sol à la table à langer et au lit, à les habiller et les faire manger,

– des tâches d’organisation au cours desquelles elle mettait en place des activités ludiques pour les enfants en manipulant des meubles et du petit matériel,

– des tâches d’accompagnement au cours desquelles, lors des jeux avec les enfants, elle a été amenée à faire du jardinage et à jouer au sol avec eux.

Force est de constater que les tâches de désinfection, de portage des enfants, de transport de matériel, de jardinage comportent bien de façon habituelle des mouvements (c’est-à-dire un déplacement de la main) répétés ou prolongés d’extension du poignet ainsi que des mouvements de préhension (donc impliquant une force exercée sur un objet) de la main ainsi qu’une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main, notamment lors des jeux effectués au sol.

Il n’est pas contesté en outre que Mme [J] a exercé cette activité d’auxiliaire de puériculture pendant 12 ans, de l’année 2004 au 23 février 2016, date à laquelle elle a bénéficié d’un arrêt de travail. Devant s’occuper d’une dizaine d’enfants, il est constant que cela a multiplié de facto les temps passés à effectuer ces tâches.

Si, comme le relève la Caisse, le délai de prise en charge est dépassé, la cour ne peut que rappeler que cet élément n’a d’importance que pour faire jouer la présomption d’imputabilité de la pathologie au travail. Or, au cas présent, c’est bien parce que ce délai était dépassé que la présomption ne pouvait s’appliquer et que deux CRRMP ont été désignés pour donner leur avis, non pas sur la réunion des conditions du tableau 57, mais sur le lien direct entre l’activité professionnelle et la pathologie.

Il peut alors être constaté que le premier CRRMP n’a nullement répondu à cette question mais s’est limité à relever le dépassement du délai de prise en charge.

Le second ne comporte aucun élément permettant de comprendre les raisons qui l’ont amené à considérer que, contrairement à l’avis motivé du médecin-conseil, les travaux effectués par Mme [J] n’étaient pas de ceux pouvant provoquer ses pathologies. Le seul fait que les tâches effectuées étaient variées ne sont en tout état de cause pas un motif pertinent au regard des exigences du tableau, d’autant que, comme il vient de l’être démontré, si les tâches étaient variées, elles comportaient essentiellement des mouvements de préhension ou d’appui.

Il n’est enfin pas inintéressant de relever que le médecin-conseil et les experts de la CRA ont indiqué qu’il n’existait aucun élément en faveur de l’existence d’un état pathologique intercurrent.

Il résulte ainsi de ces éléments médicaux et de fait ainsi que de l’absence d’éléments pertinents contraires des deux CRRMP, que les syndromes du canal carpien droit et gauche déclarées par Mme [J] sont en lien direct avec son activité professionnelle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu le caractère professionnel des maladies « canal carpien gauche » et « canal carpien droit » déclarées par Mme [J] le 28 décembre 2016.

Sur les dommages et intérêts

Mme [J] fait valoir que le refus de prise en charge de ses pathologies lui ont causé un préjudice financier important puisqu’elle a été privée de ses primes et a subi une perte de chance dans l’évolution de sa carrière. Elle demande donc que la Caisse soit condamnée à lui verser ses primes d’ancienneté et de qualité ainsi que la somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance. Elle demande en outre que la Caisse prenne en charge la perte de salaire liée à son obligation de travailler à temps partiel.

La Caisse s’oppose à ces demandes relevant que Mme [J] n’indique pas quelle faute aurait été commise par l’organisme à l’origine des préjudices qu’elle allègue. Elle rappelle que la décision de refus de prise en charge ne saurait caractériser une faute au sens du code civil quant bien même celle-ci ferait l’objet ultérieurement d’une annulation par une juridiction.

Sur ce,

Aux termes de l’article 1240 du code civil :

‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.’

l’article 1231-2 du même code civil précisant

‘Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.’

Il résulte de ce texte que la responsabilité quasi délictuelle nécessite que soient réunies trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Il importe peu que la faute soit grossière ou non et que le préjudice soit ou non anormal.

Il appartient au demandeur de caractériser la faute de l’organisme, de rapporter le préjudice en résultant et d’établir le lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Or, Mme [J] n’indique ni, à fortiori ne démontre, quelle faute aurait commise la Caisse à l’origine des préjudices qu’elle invoque et qui, au demeurant ne sont justifiés par aucun élément s’agissant de la perte de chance.

Si la cour ne peut remettre en cause les difficultés rencontrées par Mme [J] au regard de ses pathologies, elle doit néanmoins rappeler que c’est au vu de l’avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d’Ile de France, qui s’impose à elle comme le prévoir le dernier alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, que la Caisse lui notifié un refus de prise en charge.

Elle ne peut donc faire grief à la Caisse d’avoir commis une faute en prenant une telle décision alors qu’elle a respecté les dispositions d’ordre public applicables.

La Caisse n’ayant commis aucune faute, Mme [J] sera déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts présentées au titre du préjudice pour perte de salaires et de primes ainsi que pour la perte de chance.

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La Caisse succombant, elle sera condamnée aux dépens de l’instance.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide.

En l’espèce, il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme [J] l’intégralité des sommes avancées pour faire valoir ses droits et non comprises dans les dépens. Dès lors, il lui sera allouée la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis;

DÉBOUTE Mme [L] [J] de sa demande au titre de la péremption d’instance,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendue le 9 septembre 2029 par le tribunal de grande instance de Bobigny – pôle social – ayant reconnu le caractère professionnel des pathologies « canal carpien droit » et « canal carpien gauche » présentées par Mme [J] ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE Madame [J] de sa demande de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de Seine-Saint-Denis à verser à Mme [J] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la Caisse aux dépens de la présente instance.

PRONONCÉ par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x