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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/07695 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJVH
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 18/00671
APPELANTE
SA [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Fanny CAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2510
INTIMÉE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
[Localité 2]
représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901, substitué par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1910
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 avril 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Madame Bathilde CHEVALIER, Conseillère
Madame Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 20 octobre 2023 et prorogé au 27 octobre 2023, initialement prévu le 07 juillet 2023 et prorogé au 20 octobre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Sophie BRINET, présidente de chambre, et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la société [4] d’un jugement rendu le 16 mai 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé de rappeler que la société [4] (l’employeur) a souscrit le 19 février 2018 une déclaration auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de Gironde (la caisse) concernant Mme [F] [Y] (l’assuré), victime d’un accident du travail 7 février 2018 à 8h indiquant :
lieu de l’accident : Elis Aquitaine,
circonstances de l’accident : lieu de travail habituel, 1er tri de vêtements de travail,
nature de l’accident : la salariée aurait ressenti une douleur dans l’épaule gauche en poussant des vêtements de travail sur une barre vers 8h
siège des lésions : épaule gauche
nature des lésions : douleur.
Etait joint à cette déclaration d’accident du travail un certificat médical initial du 8 février 2018 qui indiquait à titre de constatations médicales : « tendinite épaule gauche » et une lettre de réserves de la société.
Après instruction, la caisse a notifié le 24 avril 2018 à la société la prise en charge de l’accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels. Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale pour contester cette décision.
Par jugement du 16 mai 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny a :
– déclaré recevable le recours de la société [4],
– l’a déclaré mal fondé,
– débouté la société [4] de sa demande en inopposabilité de l’accident du travail survenu à Mme [F] [Y] le 7 févier 2018.
La société [4] a interjeté appel de ce jugement le 2 juillet 2019, le dossier de la cour ne comportant aucune indication quant à la notification de la décision.
La caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 2] soulève in limine litis la péremption de l’instance. La société répond sur ce point que la procédure en matière de sécurité sociale étant orale et sans représentation obligatoire, aucun délai pour déposer des écritures ne lui a été imposée et que la péremption ne peut donc être constatée.
Pour le surplus, par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son conseil, la société demande à la cour de :
– rejeter le moyen tiré de la péremption d’instance,
Au fond,
– infirmer le jugement déféré,
– déclarer inopposable à la société [4] la décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de l’accident dont aurait été victime Mme [F] [Y] le 7 février 2018,
– débouter la caisse de l’intégralité de ses demandes.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l’audience par son conseil, la caisse demande à la cour de :
– recevoir la caisse en ses demandes et l’en déclarer bien fondée,
A titre principal :
– juger l’instance éteinte par péremption,
A titre subsidiaire,
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes comme non fondées et injustifiées,
En toute hypothèse,
– condamner la société au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l’audience pour l’exposé de leurs moyens.
SUR CE, LA COUR
1. Sur le moyen de la péremption
Il résulte des dispositions du décret n°2018- 928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R. 142-22 du Code de la sécurité sociale, que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel initiées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date.
Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Civ. 2, 17 novembre 1993; n°92 -12807; 6 décembre 2018; n°17-26202).
La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer. (Civ. 2, 15 novembre 2012; n° 11- 25499).
Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.
En l’espèce, la date de première audience fixée par le greffe dans la convocation en date du 8 novembre 2020 étant celle du 9 novembre 2022, l’affaire ayant été renvoyé à l’audience du 21 avril 2023, pour conclusions de la caisse. Il sera souligné qu’à l’audience du 9 novembre 2022, la société [4] avait conclu et que la caisse a demandé le renvoi pour répondre aux écritures de l’appelante. Dès lors, nonobstant le fait que la péremption d’instance n’a pas vocation à s’appliquer en cas de procédure orale, sans représentation obligatoire, invoquer cet argument de la part de l’intimée à l’origine de la demande de renvoi au premier appel paraît spécieux, puisque la prolongation de l’instance est de son fait.
Il n’y a pas lieu de constater la péremption d’instance.
2. Sur la prise en charge au titre de l’accident du 7 février 2018 au titre de la législation sur les risques professionnels
Il résulte des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.
Aux termes d’une jurisprudence constante, constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, et ce quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. La survenance de l’accident aux temps et lieu de travail a pour effet de le présumer imputable au travail, sauf preuve contraire d’une cause totalement étrangère au travail.
La présomption d’imputabilité ne peut dès lors produire ses effets que lorsque sont établis la matérialité du fait accidentel et sa survenance au temps et au lieu du travail.
La caisse substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l’employeur doit ainsi établir autrement que par les seules affirmations de l’assurée les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel, qui doivent être corroborées par des éléments objectifs qui peuvent résulter de l’existence d’un certificat médical établi le jour même, ou très peu de temps après l’accident, confirmant la réalité des lésions, de l’information de l’employeur le jour des faits, d’une inscription au registre d’infirmerie, d’une interruption de la journée de travail. ou de l’existence d’un témoin des faits allégués.
Au cas particulier, l’employeur ayant formé des réserves et la caisse a mis en oeuvre une instruction.
La caisse fait valoir que la lésion « tendinopathie épaule gauche » mentionnée dans le certificat médical initial du 8 février 2018 est compatible avec les faits décrits dans la déclaration d’accident du travail souscrite par l’employeur. Elle indique également que la salariée a rempli le 15 février 2018 une déclaration d’accident du travail qu’elle a adressé à la caisse, accompagnée d’une lettre explicative, dans laquelle elle indique : « le mercredi 7 février, je me suis fait mal à l’épaule en poussant les barres de 2 au 1er degré. [E] ma collègue à ce moment là a averti [H] la SST, qui m’a ensuite mis une pommade sur l’épaule, sur le coup, cela m’a soulagée, mais quelques heures après la douleur persistait, j’ai quand même continué à travailler jusqu’à la fin de l’heure. Je suis rentrée chez moi, dans l’après-midi, je suis allée voir mon médecin en lui expliquant tout ce qui s’est passé, il m’a fait un arrêt de travail car il manque des papiers de l’employeur. J’appelle mon employeur et la RH me dit que cet incident n’a pas été signalé dans le cahier de plus ils m’ont dit que avez déjà eu mal à l’épaule. Certes oui l’année dernière, je me suis mal à l’épaule mais ça s’est calmé depuis quelques mois déjà. ». Il ressort de cette déclaration d’accident du travail que l’assurée a indiqué qu’il existait un témoin des faits, dont elle a mentionné l’identité en indiquant « [E] ».
Pour contester la présomption d’imputabilité de l’accident au travail, l’employeur soutient qu’aucun élément objectif ne vient corroborer les affirmations de l’assurée, en soutenant qu’elle n’a été avisée de l’existence d’un témoin qu’à la lecture de la décision de la commission de recours amiable, que la responsable « santé sécurité au travail » atteste de ce qu’elle n’a jamais été avisée d’un fait accidentel le 7 février 2018 et que les trois personnes que l’assurée prétend avoir avisé le jour même des faits ne confirment pas ses dires et enfin, que l’assurée souffrait de douleurs récurrentes à l’épaule ce qui caractérise un état antérieur.
Il ressort toutefois des questionnaires adressées par la caisse que l’assurée a indiqué qu’elle avait informé son chef d’équipe dès le jour des faits et que lorsqu’elle avait contacté la société le lendemain, il lui avait été répondu que cet incident n’avait pas été inscrit dans le cahier, c’est-à-dire dans le registre des accidents du travail. Pour contester ces allégations, la société fait valoir que les trois personnes susceptibles d’avoir été avisées le jour des faits ne confirment pas ces éléments. Mais force est de constater que cette allégation n’est étayée par aucun élément de preuve et ne peut être de nature à écarter la version des faits présentée par l’assurée, ce d’autant plus qu’elle affirme avoir avisé « [B] », son chef d’équipe et que la société a déclaré dans la questionnaire rempli par ses soins le 12 mars 2023 que M. [B] [W] était présent ce jour-là dans l’unité de travail de la victime.
S’agissant d’un état antérieur s’il est effectivement attesté par les réponses de l’assurée au questionnaire de la caisse qu’elle ressentait des douleurs à l’épaule dans les mois qui ont précédé le fait accidentel, il convient de rappeler que la présomption d’imputabilité ne peut être écartée qu’à la condition que celui qui la conteste rapporte la preuve d’une cause totalement étrangère au travail et peut constituer un accident du travail un événement qui aggrave un état pathologie déjà existant.
Dès lors, les déclarations de l’assurée sont corroborées par des éléments objectifs et établissent que les faits ayant entraîné la lésion ont eu lieu aux temps et lieu du travail et la société qui conteste la mise en oeuvre de la présomption échoue à rapporter la preuve d’une cause extérieure étrangère au travail.
La décision du premier juge doit être confirmée.
3. Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société [4], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019 et sera condamnée à payer la somme de 500 euros à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DIT n’y avoir au constat de la péremption d’instance,
CONFIRME le jugement n°18/00671 du pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny du 16 mai 2016 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,
CONDAMNE la société [4] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de Gironde la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
CONDAMNE la société [4] aux dépens de l’instance.
La greffière La présidente