Péremption d’instance : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 20/01991

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Péremption d’instance : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 20/01991

AFFAIRE : N° RG 20/01991

N° Portalis DBVC-V-B7E-GTIS

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 02 Septembre 2020 – RG n° 17/00359

COUR D’APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRET DU 27 JUILLET 2023

APPELANT :

Monsieur [C] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMEE :

Urssaf de Normandie venant aux droits de l’Urssaf de Basse-Normandie

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Mme [Y], mandatée

DEBATS : A l’audience publique du 22 mai 2023, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiler,

M. GANCE, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 27 juillet 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par M. [C] [E] d’un jugement rendu le 2 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l’opposant à l’Urssaf de Basse -Normandie.

FAITS et PROCEDURE

M. [C] [E] exerce depuis le 23 novembre 2014 une activité de restauration rapide à [Localité 7] sous le statut d’auto- entrepreneur.

Le 9 septembre 2016, les services de l’Urssaf de Basse- Normandie (l’Urssaf) ont effectué un contrôle inopiné à la foire de [Localité 5] où M. [C] [E] occupait le stand 106.

Ils ont constaté, outre M. [C] [E], la présence de deux autres personnes:Mme [K] [F] née [E] ( soeur de M. [E]) et de M. [D] [E] (son frère).

Le 10 septembre 2016 à 11h30, les agents de contrôle sont repassés sur le stand 106 et ont constaté la présence de la soeur et du frère de M. [E] et celle de Mme [A] [J], son épouse.

M. [C] [E] a été entendu le 6 octobre 2016 par les deux inspecteurs du recouvrement ayant procédé au contrôle, sur l’absence de déclaration préalable à l’embauche concernant les trois personnes présentes sur son stand lors de la foire de [Localité 5] et sur la présence d’autres salariés non déclarés à son restaurant de [Localité 7], eu égard au fait que M. [C] [E] a été, en parallèle, salarié d’une entreprise à [Localité 6] de fin 2014 jusqu’en fin 2015, ce qui paraissait difficilement compatible avec son activité de restauration.

Le 14 février 2017, l’Urssaf a adressé à M. [C] [E] une lettre d’observations faisant état de deux chefs de redressement:

-1°) Travail dissimulé avec verbalisation – dissimulation d’emploi salarié : redressement forfaitaire, d’un montant de 13 614 euros

– 2°) Travail dissimulé avec verbalisation- dissimulation d’emploi salarié : assiette réelle, d’un montant de 16 137 euros.

La vérification entraînait un rappel de cotisations et contributions sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant total de 29 751 euros outre une majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé prévue à l’article L 243-7-7 du code de la sécurité sociale, d’un montant de 11 900 euros.

Le 10 juillet 2017, l’Urssaf a adressé à M. [E] une mise en demeure de payer la somme de 43 895 euros soit 29 751 euros de cotisations, 11 900 euros de majorations de redressement et 2 244 euros de majorations de retard.

Le 12 septembre 2017, M. [E] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester le redressement ayant fait l’objet d’une mise en demeure émise le 10 juillet 2017.

Le 7 septembre 2017, l’Urssaf a émis une contrainte d’un montant de 43 895 euros,signifiée à M. [E] le 12 septembre 2017, à son domicile.

Le 20 septembre 2017, M. [E] a formé opposition à cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche. ( recours RG n° 17/00359)

Le 7 décembre 2017, la commission de recours amiable a rejeté le recours de M. [E].

Le 12 février 2018, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche d’un recours contre cette décision ( recours RG n° 18/ 00073).

Par jugement du 2 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :

– ordonné la jonction des instances,

– déclaré la procédure de redressement opérée par l’Urssaf de Basse -Normandie à l’égard de M. [E] régulière,

– annulé le redressement d’un montant de 13 614 euros au titre de la dissimulation d’emploi salarié constaté lors de la foire de [Localité 5],

– validé le redressement d’un montant de 16 137 euros au titre de la dissimulation d’emploi salarié constaté concernant l’établissement de [Localité 7],

– condamné M. [E] à payer à l’Urssaf de Basse -Normandie la somme totale de 23 992 euros outre les majorations de retard à venir et les frais de signification de la contrainte,

– condamné M. [E] aux entiers dépens.

Par déclaration du 16 octobre 2020, M. [C] [E] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions reçues au greffe le 26 avril 2023 soutenues oralement à l’audience, M. [C] [E] demande à la cour de :

– rejeter la demande de l’Urssaf de constater la péremption d’instance,

Subsidiairement,

– rejeter l’appel incident de l’Urssaf de Normandie,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a:

¿ déclaré la procédure de redressement opérée à son encontre par l’Urssaf de Basse- Normandie régulière,

¿ validé le redressement d’un montant de 16 137 euros au titre de la dissimulation d’emploi salarié constaté concernant l’établissement de [Localité 7]

¿ condamné M. [E] à payer à l’Urssaf la somme totale de 23 992 euros outre les majorations de retard à venir et les frais de signification de la contrainte,

¿ condamné M. [E] aux entiers dépens,

– Le confirmer pour le surplus,

– Juger à nouveau sur les chefs de jugement critiqués par M. [E],

A titre principal,

– annuler le redressement,

– annuler la mise en demeure du 10 juillet 2017,

– annuler la contrainte du 7 septembre 2017,

A titre subsidiaire,

– annuler le redressement de cotisation appliqué sur le réel, soit 16 137 euros,

– annuler le redressement au titre de la majoration de cotisations, soit 11 900 euros

Subsidiairement,

– limiter le redressement au titre de la majoration de cotisations à 4034,25 euros

Sur les autres demandes,

– condamner l’Urssaf de Normandie à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Urssaf de Normandie aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses conclusions du 21 novembre 2022, l’Urssaf de Normandie, venant aux droits de l’Urssaf de Basse – Normandie et de l’Urssaf de Haute- Normandie, demande à la cour de :

A titre principal :

– constater la péremption d’instance,

A titre subsidiaire:

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a annulé le redressement forfaitaire d’un montant de 13 614 euros au titre de la dissimulation d’emploi salarié constaté lors de la foire de [Localité 5],

Statuant à nouveau,

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé le redressement forfaitaire d’un montant de 13 614 euros au titre de la dissimulation d’emploi salarié constaté lors de la foire de [Localité 5],

– valider le redressement forfaitaire découlant du constat de travail dissimulé lors de la foire de [Localité 5],

– débouter M. [E] de toutes ses demandes,

– condamner M. [E] au paiement de la somme de 43 870 euros au titre des cotisations, majoration de redressement et majorations de retard dues au titre des années 2015 et 2016, sous réserve des majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu’au complet paiement des cotisations,

En tout état de cause,

– condamner M. [E] aux dépens.

Pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions écrites conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

– Sur la péremption d’instance

L’Urssaf soutient, sur le fondement de l’article 386 du code de procédure civile, que l’instance d’appel est périmée aux motifs que M. [E] , qui a interjeté appel le 16 octobre 2020, avait jusqu’au 16 octobre 2022 pour accomplir toute diligence de nature à faire progresser l’instance, qu’il ne s’est jamais manifesté, que la convocation de la cour d’appel ne pourra être assimilée à une diligence de nature à faire progresser l’instance, puisque ces diligences sont mises à la charge des parties, à savoir l’appelant et l’intimé.

L’article 386 du code de procédure civile dispose que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

Le point de départ du délai de péremption est en principe fixé au jour de la saisine de la juridiction.

En appel, il est fixé au jour de la déclaration d’appel, en l’espèce, le 16 octobre 2020.

Dans les procédures orales, les parties n’ont pas d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire.

Cependant, le fait d’imposer à une partie de solliciter la fixation de l’affaire dans le but d’interrompre le délai de péremption constitue une charge procédurale excessive de nature à la priver de son droit d’accès au juge au sens de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En conséquence, lorsque les actes de convocation incombent au greffe, le point de départ du délai est fixé au jour où ces diligences sont accomplies.

En effet, la péremption d’instance n’est pas acquise dès lors que la partie à laquelle on l’oppose ne disposait d’aucun moyen pour faire progresser la procédure.

En l’espèce, c’est le 29 avril 2022, que le greffe a adressé aux parties les lettres de convocation pour l’audience du 28 novembre 2022.

En conséquence, le délai de péremption de l’instance n’a commencé à courir qu’à compter du 29 avril 2022.

En outre, par courriel du 21 juillet 2022, le conseil de M. [E] a sollicité le report de la date de plaidoirie fixée par le calendrier de procédure, ce qui démontre la volonté de l’appelant de poursuivre la procédure.

L’exception de péremption sera donc rejetée.

– Sur la demande d’annulation des opérations de contrôle

M. [E] fait valoir que les opérations de contrôle sont nulles en ce que :

– d’une part, en violation des dispositions de l’article L 8271-1-2 du code du travail, l’Urssaf ne démontre pas que MM. [R] [Z] et [O] [L], inspecteurs du recouvrement, sont agréés et assermentés pour effectuer des contrôles de travail dissimulé,

– d’autre part, les agents de contrôle ne pouvaient auditionnner M. [E] sans avoir obtenu son accord préalable pour ce faire ni sans lui avoir indiqué qu’il avait la possibilité de se faire assister d’un avocat, les dispositions de l’article 61-1 du code de procédure pénale s’appliquant en la matière puisqu’il se voyait reprocher le délit de travail dissimulé puni d’une peine d’emprisonnement.

Il ressort des pièces produites que :

– M. [O] [L] a fait l’objet d’une décision d’agrément du 21 juillet 2005 du directeur de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale , en qualité d’inspecteur du recouvrement et ce à compter du 22 juin 2005, sur le fondement des articles L 138-20, L 243-7 du code de la sécurité sociale et L 324 -12 du code du travail et de l’arrêté du 19 décembre 2003 fixant les conditions d’agrément des agents chargés au sein des unions de recouvrement et des caisses générales de sécurité sociale du contrôle de l’application des législation de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail.

Sa carte d’identité professionnelle d’inspecteur du recouvrement délivrée par l’Urssaf de Basse Normandie mentionne qu’il est assermenté depuis le 7 janvier 2005.

– M. [R] [Z] a fait l’objet d’une décision d’agrément du 7 août 2013 du directeur de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale en qualité d’inspecteur du recouvrement et ce, à compter du 17 juillet 2013, sur le fondement des articles L 138-20, L 243-7 du code de la sécurité sociale et L 324 -12 du code du travail et de l’arrêté du 19 décembre 2003 fixant les conditions d’agrément des agents chargés au sein des unions de recouvrement et des caisses générales de sécurité sociale du contrôle de l’application des législation de sécurité sociale et de certaines dispositions du code du travail.

Sa carte d’identité professionnelle d’inspecteur du recouvrement délivrée par l’Urssaf de Basse- Normandie mentionne qu’il est assermenté depuis le 12 novembre 2012.

En conséquence, les deux inspecteurs du recouvrement ayant procédé aux opérations de contrôle litigieuses étaient agréés et assermentés pour procéder à des contrôles de travail dissimulé.

Le ‘procès – verbal d’audition libre’ de M. [E], en date du 6 octobre 2016, visant l’article 61-1 du code de procédure pénale, mentionne qu’il a été entendu avec son consentement et qu’il a été informé notamment du droit d’être assisté au cours de son audition du conseil et/ ou d’un avocat de son choix ou à sa demande, désigné d’office par le Bâtonnier de l’ordre des avocats.

Il est mentionné en outre qu’il reconnaît:

– avoir reçu un document détaillant la notification de ses droits,

– avoir eu connaissance de l’adresse de la charte du cotisant, qui se trouve sur le site urssaf.fr,rubrique ’employeur’,

– consentir à l’audition.

Dès lors, il est démontré que M. [E] a été entendu avec son consentement et qu’il a été informé de la possibilité de se faire assister d’un avocat.

En conséquence, il convient de rejeter les moyens tendant à ce que soit prononcée la nullité des opérations de contrôle.

– Sur la nullité de la mise en demeure

Il résulte de l’article L 244-2 du code de la sécurité sociale que toute action effectuée en application de l’article L 244-8-1, c’est à dire toute action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, est obligatoirement précédée d’une mise en demeure adressée à l’employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.

En l’espèce, l’Urssaf a d’abord adressé à M. [E] une lettre d’observations en date du 14 février 2017 concluant à un rappel de cotisations et contributions sécurité sociale, d’assurance chômage et d’AGS d’un montant total de 29 751 euros outre le montant de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé prévue à l’article L 243-7-7 du code de la sécurité sociale d’un montant de 11 900 euros.

Nonobstant les contestations de M. [E], l’inspecteur a maintenu le redressement puis l’Urssaf a adressé à M. [E] une mise en demeure du 10 juillet 2017 aux fins de règlement de la somme globale de 43 895 euros, soit 29 751 euros au titre des cotisations dues, 11 900 euros de majoration de redressement et 2244 euros de majorations de retard.

Comme le soutient à juste titre M. [E], cette mise en demeure ne contient aucune mention expresse du délai d’un mois imparti à ce dernier pour régulariser sa situation, la seule référence à l’article L 244-2 du code de la sécurité sociale étant insuffisante.

Il convient donc d’annuler la mise en demeure en date du 10 juillet 2017.

En conséquence, la contrainte du 7 septembre 2017, qui fait expressément référence à cette mise en demeure nulle, sera également annulée.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

L’Urssaf qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande d’allouer à M. [E] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Rejette l’exception de péremption,

Rejette la demande de nullité des opérations de contrôle,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Annule la mise en demeure en date du 10 juillet 2017 émise par l’Urssaf de Basse – Normandie à l’encontre de M. [C] [E] pour le paiement de la somme de 43 895 euros de cotisations, majoration de redressement et majorations de retard,

Annule la contrainte émise le 7 septembre 2017 par l’Urssaf de Basse – Normandie, signifiée le 12 septembre 2017 à M. [E] pour le paiement de la somme de 43 895 euros de cotisations, majoration de redressement et majorations de retard,

Condamne l’Urssaf de Normandie, venant aux droits de l’Urssaf de Basse- Normandie et de Haute -Normandie, aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne l’Urssaf de Normandie, venant aux droits de l’Urssaf de Basse- Normandie et de Haute- Normandie, à payer la somme de 500 euros à M. [E] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX

 


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