Péremption d’instance : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02350

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Péremption d’instance : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02350
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 20 Octobre 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/02350 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJYA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Décembre 2020 par le Pole social du TJ de CRETEIL RG n° 17/00305

APPELANTE

Madame [V] [J]

[Adresse 4]

[Localité 7]

comparante en personne, assistée de Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/000649 du 28/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

S.A. [9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Henri GUYOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305 substitué par Me Matthieu ROPERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

CPAM 94 DIVISION DU CONTENTIEUX

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS

E.P.I.C. [9]

[Adresse 2]

[Localité 5]

non comparante, non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Monsieur Christophe LATIL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [V] [J] (l’assurée) d’un jugement rendu le 9 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Créteil, dans un litige l’opposant à la société [9] (la société) et la Caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne (la caisse).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que:

1/ le 29 juin 2015, l’employeur de l’assurée, qui occupait le poste d’agent technique d’unité, a souscrit une déclaration d’accident du travail pour un accident survenu le 15 juin 2015 à 16 heures 15 sur le lieu habituel de travail de l’assurée ; que la déclaration d’accident du travail indiquait, sur les circonstances de l’accident, que “l’agent se trouvait sur le palier et attendait l’ascenseur lorsqu’elle a dit ne pas se sentir bien, d’autant qu’elle avait mal au dos. Elle est tombée, sans perdre connaissance, jusqu’au sol, retenue dans sa chute par la personne qui se trouvait à côté d’elle” ; que l’employeur précisait, à titre de réserves, que “l’agent est suivi médicalement depuis plusieurs mois pour des problèmes de dos” ; que le certificat médical initial établi le 15 juin 2015 joint à la déclaration mentionnait une “lombosciatalgie” ; qu’un “duplicata” du certificat médical initial indiquant “malaise, chute, lombosciatique” et un second “duplicata” du même certificat mentionnant “malaise d’allure vagal avec lombosciatalgie” ont été adressés ensuite à la caisse ; que, par courrier du 30 novembre 2015, la caisse a informé l’assurée qu’elle ne pouvait lui accorder le bénéfice de la législation relative aux risques professionnels, le médecin conseil ayant considéré qu’il n’y avait pas de relation de cause à effet entre les faits invoqués et les lésions médicalement constatées par certificat médical ; que l’assurée a sollicité la mise en oeuvre d’une expertise technique au sens de l’article L.141-1 du code de la sécurité sociale qui a été confiée au docteur [S], lequel, dans ses conclusions motivées du 3 mars 2016, exclut l’existence d’un lien de causalité entre les lésions et troubles mentionnés dans le certificat médical initial du 15 juin 2015 (lombosciatalgie aigue) avec le traumatisme provoqué par l’accident dont l’assurée a été victime le 15 juin 2015 ; que, par courrier du 27 avril 2016, la caisse a informé l’assurée qu’au regard des conclusions du médecin expert, elle ne pouvait lui accorder la prise en charge de l’accident au titre de la législation relative aux risques professionnels ; que l’assurée a saisi la commission de recours amiable de la caisse qui, dans sa séance du 19 décembre 2016, a rejeté sa requête ; que l’assurée a porté le litige, le 1er mars 2017, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil afin de se voir reconnaître le bénéfice de la législation professionnelle pour l’accident du 15 juin 2015 ;

2/ l’assurée a, le 26 juin 2017, complété une déclaration d’accident du travail aux termes de laquelle elle indique qu’elle aurait été victime d’un accident du travail survenu le 23 septembre 2016 dans les circonstances suivantes : “Je me suis présentée à mon poste de travail initial après un CIF de 10 mois et deux visites médicales indiquant que je devais reprendre mon poste initial après mon détachement. On m’a informé que je n’étais plus affecté à mon poste. J’ai contacté un délégué du CHSCT pour (…) J’ai été prise de panique, d’angoisse, état de stress intense, pleurs. Les délégués du CHSCT ont inscrit un droit d’alerte RPS le jour même et ils m’ont recommandé d’aller voir mon médecin”, qu’elle mentionnait une “affectation à mon insu sans mon consentement et sans tenir compte des recommandations du médecin du travail à un poste que j’ai refusé en date du 15 juin 2015” ; que l’assurée joignait un certificat médical initial du 23 septembre 2016 constatant : “état de stress aigu avec anxiété sévère, tristesse, survigilance, état de quasi sidération, sentiment de détresse importante” ; que, par décision du 20 septembre 2017, la caisse a informé l’assurée que cet accident ne pouvait être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, la réalité d’un fait accidentel anormal et soudain survenu le 23 septembre 2016 sur les lieux et à l’occasion du travail n’étant pas établie ; que l’assurée a saisi la commission de recours amiable de la caisse le 5 juillet 2017 ; que, par courrier du 13 décembre 2017, l’assurée a sollicité du tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil, dans le cadre du même recours que celui concernant l’accident du 15 juin 2015, la reconnaissance de l’accident survenu le 23 septembre 2016.

Par jugement rendu le 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil a :

– écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société,

– constaté l’irrecevabilité de la demande de l’assurée relative à un événement qui serait survenu le 23 septembre 2016,

– rejeté la demande présentée par l’assurée tendant à voir reconnaître le caractère d’accident du travail à l’événement survenu le 15 juin 2015,

– déclaré le jugement opposable à l’employeur,

– rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires,

– dit n’y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal retient que l’assurée a, concernant l’accident survenu le 15 juin 2015, saisi la juridiction dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission de recours amiable, de sorte que sa contestation est recevable ; qu’en revanche, l’assurée, en sollicitant dans son courrier du 13 décembre 2017 à la juridiction, dans le cadre du précédent recours, la reconnaissance d’un événement survenu le 23 septembre 2016, ne pouvait voir sa demande accueillie dans la mesure où il s’agissait d’un autre événement devant faire l’objet d’un recours différent en l’absence d’identité d’objet ;qu’enfin, la réalité d’un fait accidentel survenu le 15 juin 2015 n’est pas caractérisée.

Le jugement a été notifié à l’assurée le 11 décembre 2020. Par déclaration matérialisée par la voie électronique le 26 février 2021, l’assurée a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son avocat, l’assurée demande à la cour de :

– vu la décision d’aide juridictionnelle rendue le 28 janvier 2021,

– juger que l’appel formé le 26 février 2021 est recevable,

– débouter la société de ce moyen,

– confirmant le jugement en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société, juger que le recours judiciaire exercé le 1er mars 2017 par l’assurée à l’encontre de la décision explicite de rejet de la CRA réceptionnée le 10 janvier 2017 est parfaitement régulier,

– débouter la société de ce moyen,

– juger que l’avis de fixation de l’affaire du 24 mars 2021 a suspendu le délai de péremption,

– juger, par conséquent, que l’instance n’encourt aucune péremption et débouter la caisse de ce moyen,

-statuant sur le fond,

– infirmer le jugement déféré,

– reconnaître le caractère professionnel “des accidents de travail subis les 15 juin 2015 qui se verra appliquer la législation en matière d’accidents du travail et de maladie professionnelle”,

– ordonner la régularisation des indemnités journalières, à compter du 15 juin 2015, assortie des intérêts aux taux légaux à compter de la saisine de la commission de recours amiable,

– condamner la caisse à verser à l’assurée la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société à payer à l’assurée la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son avocat, la caisse demande à la cour de :

– à titre principal,

– juger irrecevable l’appel interjeté par l’assurée pour cause de forclusion,

– constater que le délai de péremption de deux ans est acquis,

– à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’assurée de ses demandes,

– en tout état de cause,

– déclarer irrecevable la demande de prise en charge de l’accident du 23 septembre 2016 au titre de la législation professionnelle,

– déclarer que c’est à bon droit qu la caisse a refusé, après avis d’expert, la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident survenu à l’assurée le 15 juin 2015,

– débouter l’assurée de l’ensemble de ses demandes,

– condamner l’assurée au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son avocat, la société demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de l’assurée tendant à voir reconnaître le caractère d’accident du travail à l’événement survenu le 15 juin 2015 et débouté l’assurée du surplus de ses demandes,

– infirmer le jugement en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société,

– et statuant à nouveau :

– déclarer, in limine litis, irrecevables la déclaration d’appel de l’assurée et sa demande visant à contester les décisions rendues par la caisse des 3 et 30 novembre 2015 concernant l’incident du 15 juin 2015,

-au fond :

– confirmer que les décisions de refus de prise en charge des 3 et 30 novembre 2015 ont acquis un caractère définitif dans les rapports entre la société et la caisse,

– en tout état de cause,

– débouter l’assurée de l’ensemble de son recours en contestation des refus de prise en charge des 3 et 30 novembre 2015,

– confirmer les décisions de refus de reconnaissance du caractère professionnel et de prise en charge notifiées les 3 et 30 novembre 2015 par la caisse au titre de l’incident du 15 juin 2015 déclaré par l’assurée,

– condamner l’assurée à verser à la société la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 7 septembre 2023 pour l’exposé des moyens développés et soutenus à l’audience.

SUR CE,

1/ Sur l’exception de péremption d’instance

Il résulte des dispositions du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ayant abrogé l’article R.142-22 du code de la sécurité sociale, que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale à partir du 1er janvier 2019 tant aux instances d’appel initiées à partir de cette date qu’à celles en cours à cette date.

Lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas, au regard de l’article 386 du code de procédure civile, d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Civ. 2, 17 novembre 1993; n°92 -12807; 6 décembre 2018; n°17-26202).

La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Civ. 2, 15 novembre 2012; n° 11- 25499).

En l’espèce, à la suite de l’appel interjeté par l’assurée, l’affaire a été appelée par le greffe à l’audience du 29 juin 2023. Le délai de péremption ne pouvait donc commencer à courir qu’à partir de cette date.

L’affaire a été renvoyée à la demande de la caisse à l’audience du 7 septembre 2023, date à laquelle les avocats ont déposé leurs conclusions et été entendus en leurs observations.

Le moyen tiré de la péremption d’instance opposé par la caisse ne saurait donc prospérer.

2/ Sur la recevabilité de l’appel

Aux termes de l’article 528 du code de procédure civile, le délai à l’expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n’ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.

Le délai court même à l’encontre de celui qui notifie.

Selon l’article 670 dudit code, la notification est faite à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire.

La notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet.

Conformément à l’article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse.

L’article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, dans sa version modifiée par le décret n°2019-1316 du 9 décembre 2019, en vigueur du 11 décembre 2019 au 1er janvier 2021, dispose que “Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

a) De la notification de la décision d’admission provisoire ;

b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

c) De la date à laquelle le demandeur à l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 56 et de l’article 160 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

d) Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.”

En l’espèce, à retenir, au regard du courriel émanant du greffe du tribunal adressé au conseil de la société le 27 juin 2022, que le jugement a été notifié le 11 décembre 2020 à l’assurée, le délai pour interjeter appel expirait le lundi 11 janvier 2021.

Or, l’assurée justifie avoir formé, dans ce délai, une demande d’aide juridictionnelle le 7 janvier 2021 et que l’aide juridictionnelle lui a été accordée par décision du 28 janvier 2021, un avocat étant désigné pour l’assister.

Aussi, l’appel interjeté par l’avocat de l’assurée par déclaration régularisée par la voie électronique le 26 février 2021, soit dans le délai d’un mois de la décision du bureau d’aide juridictionnelle, est recevable.

La fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’appel de l’assurée soulevée par la caisse et la société sera rejetée.

3/ Sur l’irrecevabilité de la demande de prise en charge de l’accident du 23 septembre 2016

L’assurée ne soulève, dans ses écritures, aucun moyen, en droit et en fait, tendant à l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident qui serait survenu le 23 septembre 2016.

4/ Sur la recevabilité de la saisine du tribunal concernant la demande de prise en charge de l’accident du 15 juin 2015

Selon l’article R.142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, les réclamations relevant de l’article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme, tandis que l’article R.142-18 dispose que le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l’accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l’expiration du délai d’un mois prévu à l’article R. 142-6.

En l’espèce, l’assurée justifie que, par courrier reçu par la commission de recours amiable de la caisse le 24 mai 2016, elle a formé un recours contre la décision du 27 avril 2016 lui refusant le bénéfice de la législation relative aux risques professionnels concernant l’accident qui serait survenu le 15 juin 2015.

L’assurée fait valoir, dans sa lettre de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale du 1er mars 2017, que la décision de la commission de recours amiable du 19 décembre 2016 lui a été notifiée le 10 janvier 2017, ce qui n’est pas contesté par la caisse.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société de sa fin de non-recevoir tendant à voir dire irrecevable comme hors délai la saisine du tribunal par l’assurée concernant la prise en charge de l’accident du 15 juin 2015.

5/ Sur la demande de l’assurée de prise en charge de l’accident du 15 juin 2015 au titre de la législation sur les risques professionnels

Il résulte des dispositions de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n°00-21.768, Bull. n°132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié (ou la caisse substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l’employeur) doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n°181) ; il importe qu’elles soient corroborées par d’autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n°97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n°13-16.968).

En revanche, dès lors qu’il est établi la survenance d’un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celle-ci est présumée imputable au travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu’elle provient d’une cause totalement étrangère au travail.

L’assurée fait valoir qu’elle a eu une visite médicale de reprise le 15 juin 2015 à la suite d’un arrêt maladie de plusieurs mois liés à des problèmes de dos ; que l’employeur n’a pas voulu suivre les recommandations de la médecine du travail pour une reprise sur son poste de travail correspondant à la fiche d’aptitude ; que, lors de l’entretien avec son employeur du même jour, celui-ci a décidé de l’affecter à un poste qui lui était complément inconnu et pour lequel elle n’avait pas été formée ; que l’entretien s’est mal déroulé et qu’elle s’est trouvée désemparée et angoissée ; qu’aucune solution n’ayant été trouvée concernant ses demandes, l’entretien a pris fin en raison de son état psychologique et qu’en sortant du bureau et en appelant l’ascenseur, elle a fait un malaise vagal avec perte de connaissance brève ; qu’elle a dû être amenée à l’hôpital ; que l’entretien est clairement à l’origine de ses symptômes physiques et psychologiques ; que, concernant l’intervention de plusieurs médecins successifs rectifiant l’arrêt initial, la caisse lui avait demandé de préciser la nature du malaise ; que c’est pourquoi les certificats médicaux initiaux ne sont pas signés par le même médecin et que, lorsqu’elle s’est présentée aux urgences, le médecin urgentiste habituel était absent et que c’est donc le médecin de garde qui a signé le duplicata en mentionnant la nature du malaise.

Il est rappelé qu’aux termes de la déclaration d’accident du travail remplie par son employeur le 29 juin 2015, que, le 15 juin 2015 à 16 heures 15, alors que l’assurée se trouvait sur le palier et attendait l’ascenseur, elle a indiqué ne pas se sentir bien, d’autant qu’elle avait mal au dos et qu’elle est tombée, sans perdre connaissance, jusqu’au sol retenue dans sa chute par la personne qui se trouvait à côté d’elle, Mme [D] [M].

Mme [D] [M], en tant que témoin, a déclaré qu’elle se trouvait devant l’ascenseur sur le palier du 4ème étage desservant le siège de l’Esti IDF avec l’assurée, lequelle a dit ne pas se sentir bien et est tombée, sans perdre connaissance, jusqu’au sol ; qu’elle a tenté de la retenir mais que son poids était trop important ; que l’assurée tremblait et était consciente ; qu’elle parlait et se plaignait du dos.

Aux termes du questionnaire non daté qu’elle a retourné à la caisse dans le cadre de l’instruction de la déclaration d’accident du travail, l’assurée a indiqué, sur les causes et circonstances de l’accident: “entretien avec ma hiérarchie durant une réunion, refus d’appliquer la décision du médecin du travail, prise de panique, angoisse, palpitation, étourdissement suite à l’entretien”.

S’il est établi que l’assurée a été victime d’une chute le 15 juin 2015 sur son lieu de travail, bien que celle-ci indique, dans son questionnaire, qu’elle a perdu connaissance, ce qui est démenti par le témoin de l’accident, elle a adressé à la caisse un premier certificat médical initial du 15 juin 2015 établi par le service d’accueil des urgences du [8] faisant état d’une “lombosciatalgie aigüe”. L’assurée a adressé à la caisse ultérieurement un autre certificat médical initial daté du 15 juin 2015 portant la mention “duplicata” précisant : “malaise, chute, lombosciatique”. A l’initiative de la caisse qui lui a demandé, par courrier du 13 août 2015, un certificat médical initial rectificatif indiquant le type de malaise dont elle avait été sujette, l’assurée lui a adressée un nouveau certificat initial daté du 15 juin 2015 mentionnant : “malaise d’allure vagal avec lombosciatalgie”.

La caisse ne peut prétendre que le seul certificat médical initial permettant à la juridiction de trancher est le premier certificat constatant une lombosciatalgie aigüe, dès lors qu’elle a pris en compte le certificat constatant également un malaise et une chute en demandant un complément d’information par l’auteur du certificat sur l’origine de la chute.

L’assurée a fait l’objet :

– d’un certificat médical de prolongation du 19 juin 2015 mentionnant : “chute le 15 juin 2015 à 16 h40 au sol, réception sur le côté gauche, choc direct sur le bassin contre son sac à main. Douleur lombaire et du membre inférieur gauche. Chute liée à une perte de connaissance brève survenue le jour de la reprise de son travail après maladie alors qu’elle venait d’être vue par le médecin du travail à 14 heures 30 et après une entrevue d’une durée d’1 h 30 avec conflit verbal violent avec la DRH en raison du refus d’exécution de la décision du médecin du travail, état dépressif, stress”,

-d’un certificat médical de prolongation du 24 juillet 2015 pour “syndrome de stress post traumatique avec anxiété généralisée et attaque de panique avec insomnie cauchemar et hypovigilance avec dépression associée comportant tristesse + idée suicidaire”,

– d’un certificat médical de prolongation du 25 août 2015 mentionnant un “syndrome de stress post traumatique avec les conséquences anxieuses (illisible) et dépressives (idées suicidaires)”,

– d’un certificat médical de prolongation du 30 septembre 2015 constatant un “syndrome de stress post traumatique, risque d’agoraphobie”,

– d’un certificat médical de prolongation du 30 octobre 2015 mentionnant un “état de stress post traumatique anxiété insomnie dépression baisse d’estime de soi idées noires”.

L’assurée produit également des avis médicaux d’un psychiatre qui a assuré son suivi, celui-ci indiquant, dans un certificat du 17 février 2016, que “la patiente a présenté initialement un état de stress aigu pendant au mois un mois avec attaque de panique quotidienne, sentiment de menace, symptômes dissociatifs et somatiques (malaises), insomnies, cauchemars, réviviscences anxieuses et douloreuses de son entretien avec sa direction”.

Il résulte de la déclaration d’accident du travail, du dernier certificat médical initial rectificatif et des déclarations du témoin de l’accident, que l’assurée a été victime d’une chute le 15 juin 2015 alors qu’elle sortait d’un entretien professionnel, du fait d’un malaise vagal.

Il s’ensuit que la chute s’étant produite aux temps et lieu du travail, l’accident survenu le 15 juin 2015 est présumé imputable au travail et doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle, la preuve n’étant pas apportée que cette chute aurait une cause totalement étrangère au travail.

La caisse conteste l’existence d’un lien de causalité entre cet accident et les troubles psychologiques constatés aux termes des certificats médicaux de prolongation.

Elle oppose à juste titre que le certificat médical initial rectificatif se borne à indiquer : “malaise d’allure vagal avec lombosciatalgie” et ne fait aucune référence à un quelconque stress, anxiété ou répercussions psychologiques en raison d’un entretien professionnel difficile à l’origine de la lésion survenue le 15 juin 2015.

L’assurée ne démontre aucunement que la symptomatogie anxieuse et dépressive décrite par les certificats de prolongation serait la conséquence de l’accident survenu le 15 juin 2015.

Aussi, il y a lieu de retenir que la pathologie décrite par ces certificats est étrangère à l’accident initial.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande présentée par l’assurée tendant à voir reconnaître le caractère d’accident du travail à l’incident survenu le 15 juin 2015 et, statuant à nouveau, de dire la caisse tenue de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l’accident survenu le 15 juin 2015 pour les soins et arrêt du 15 juin au 20 juin 2015, soit dans la limite du certificat médical initial. Il n’y a pas lieu d’ordonner expressément à la caisse de verser les indemnités journalières correspondantes dues pour cette période, le versement découlant de la décision ordonnant la prise en charge de l’accident, pas plus que d’appliquer des intérêts au taux légaux à compter de la saisine de la commission de recours amiable.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’employeur.

L’équité commande de condamner la caisse à payer à l’assurée 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie succombante, la caisse sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REJETTE l’exception de péremption d’instance,

DECLARE recevable l’appel formé par Mme [V] [J],

CONFIRME le jugement en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société [9], dit irrecevable la demande de Mme [V] [J] concernant un accident qui serait survenu le 23 septembre 2016 et dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens,

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne à prendre en charge l’accident subi par Mme [V] [J] le 15 juin 2015 au titre de la législation sur les risques professionnels, pour les soins et arrêt pour la période du 15 juin 2015 au 20 juin 2015,

DEBOUTE Mme [V] [J] de sa demande de prise en charge de l’accident du travail du 15 juin 2015 au titre de la législation sur les risques professionnels pour la période postérieure au 20 juin 2015 et de sa demande d’intérêts au taux légal à compter de la saisine de la commission de recours amiable,

DIT sans objet la demande de régularisation des indemnités journalières,

DIT le présent arrêt opposable à la société [9],

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne à payer à Mme [V] [J] 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Caisse primaire d’assurance maladie du Val de Marne aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

La greffière La présidente

 


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