Péremption d’instance : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02652

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Péremption d’instance : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02652
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 20 Octobre 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/02652 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBY5T

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Février 2020 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/00053

APPELANTE

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Madame [P] [X] en vertu d’un pouvoir spécial

INTIME

Monsieur [L] [I]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me [Y] [O] [Z], avocat au barreau de PARIS, toque : P0497 substitué par Me Emmanuel WELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par lettre recommandé du 21 décembre 2018, [L] [I], avocat au barreau de Paris, a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour contester deux contraintes délivrées par M. le directeur de l’Urssaf du Centre Val de Loire en date du 26 octobre 2018, portant sur les échéances de juillet à novembre 2016 l’année 2015 et le mois de juillet 2016, et d’août à décembre 2016 pour l’année 2016. M. [I] qui est avocat en association avec Maître [Y] [W] soutenait que les cotisations des deux associés étaient prélevées en même temps et que les siennes avaient donc bien été payées.

Par jugement du 12 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré M. [I] bien fondé en ses demandes, a estimé que M. [I] apportait avec la production des relevés bancaires, la preuve que les cotisations avaient été payées et a annulé les contraintes émises le 26 octobre 2018 et condamné l’URSSAF aux dépens.

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 26 février 2010, l’URSSAF a fait appel de cette décision.

L’affaire a été convoquée à l’audience du 8 septembre 2023, où le représentant de l’URSSAF et le conseil de M. [I] ont soutenu oralement leurs conclusions écrites.

In limine litis, M [I] a soulevé la péremption d’instance, l’Urssaf a conclu au rejet de cette demande au motif que la péremption n’est pas applicable aux procédures non écrites.

L’URSSAF dans ses conclusions écrites soutenues oralement demande à la cour de:

– constater la recevabilité de son appel du 12 février 2020

– condamner M. [I] au paiement :

. de la contrainte 18299-6139 du 26/10/2018 pour la somme de 4234€ en principal et 246€ de majorations arrêtées à la date de la contrainte

. de la contrainte18299-6140 du 26/10/2028 pour un montant en principal de 3763€ et 205€ de majorations arrêtées à la date de la contrainte

outre le paiement des majorations complémentaires de l’article D.612.20 du code de la sécurité sociale

.des frais de signification des contraintes

Sur l’irrégularité de la procédure en raison du caractère non contradictoire de la procédure devant la commission de recours amiable puisque M [I] n’y avait pas été convoqué, et de l’absence de décision de celle-ci, l’Urssaf rappelle que la commission de recours amiable n’est pas une juridiction d’une part et que d’autre part l’absence de décision dans le délai de deux mois vaut non décision, qui ne peut donc être “non valable”.

Sur le fond, l’Urssaf soutient que les sommes réclamées à M.[I] sont bien dues, que la totalité des cotisations dues n’avait pu être prélevée sur le compte du cabinet en raison d’une erreur informatique et que seules celles de son associé l’avaient été, que les relevés bancaires produits en original devant la Cour n’établissent pas que les sommes prélevées une seule fois soient pour M.[I] .

M. [I] outre la demande principale de constat de péremption demande à la cour de :

– confirmer le jugement frappé d’appel en toutes ses dispositions et de débouter l’Urssaf de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner l’Urssaf à payer à Monsieur [L] [I] les sommes de :

.10.000 Euros, à titre de dommages et intérêts, “sur le fondement de l’article 1240”, pour procédure abusive et écrits diffamatoires,

. 3.800 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Il soutient que “faute pour la Commission de Recours Amiable de s’être prononcée, l’action en recouvrement forcé de l’URSSAF est irrecevable”.

Il prétend que au vu des originaux de relevés de compte bancaire qu’il produit, il justifie que l’intégralité des sommes dont l’Urssaf sollicite le paiement ont été réglées et soutient que les régularisations de 752€ n’ont pas été faites pour régulariser une insuffisance de prélèvement de son associé Maître [W] mais pour compléter ses prélèvements à lui, qu’en effet ce dernier s’est vu prélever les mêmes sommes mais en une seule fois alors que pour Maître [I] elles ont été prélevées ultérieurement ainsi que le démontrent les relevés bancaires.

Il estime que les accusations de l’Urssaf laissant entendre que la copie des relevés bancaires était “un document douteux” est une accusation dont l’organisme doit réparation et il sollicité 10.000€ de dommages et intérêts.

SUR CE, LA COUR

Sur la péremption d’instance

L ‘article 386 du code de procédure civile qui stipule que “L’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans” est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel commencées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date mais en rappelant que lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas au regard de l’article 386 du code de procédure civile d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Cass., 2e civ., 17 novembre 1993, n°’92-12807’; Cass., 2e civ., 6 décembre 2018, n°’17-26202). La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Cass., 2e civ., 15 novembre 2012, n°’11-25499). Il en résulte que le délai de péremption de l’instance ne peut commencer à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

En l’espèce, aucun délai de péremption d’audience n’a commencé à courir avant l’audience du 8 septembre 2023 date à laquelle l’URSSAF avait déjà conclu et où l’affaire a été plaidée.

Sur la régularité de la procédure devant la commission de recours amiable

L’article R142-6 du code de la sécurité sociale prévoit expressément que l’absence de décision de la commission de recours amiable dans un délai de 2 mois vaut décision de rejet, qui ne peut évidemment être prise avec convocation des parties, et M. [I] qui a saisi le tribunal du recours contre la décision implicite de la commission de recours amiable est particulièrement mal fondé à soutenir cette soi disant irrégularité de procédure.

Ce moyen doit donc doit être écarté.

Sur le bien fondé des cotisations demandées dans la contrainte

Sur le montant des cotisations dues

Les revenus des avocats sur une année donnée ne sont pas connus pendant celle-ci, les cotisations de l’année N sont donc calculées dans un premier temps de façon provisoire sur les revenus de l’année N-2, seuls connus en janvier. Le montant, toujours prévisionnel, des cotisations est actualisé ensuite dans un premier temps au moment où les revenus de l’année N-1 sont connus, généralement au milieu de l’année N, augmentant ou diminuant d’autant les prélèvements (cotisations provisoires actualisées).

Ce n’est que lorsque les revenus définitifs de l’année N sont connus que la cotisation définitive est calculée et que les prélèvements complémentaires sont donc faits.

En l’espèce concernant M. [I] les montants réclamés concernent d’abord les cotisations relatives à l’année 2015 (année N).

La cotisation de l’année 2015 a été calculée sur les revenus de l’année 2013 (N-2) : cotisation de 37157€, soit des mensualités de 3096€. Le montant prévisionnel a été réactualisé au vu des revenus de 2014 et les échéances de juillet à décembre ont été minorées à 2572€. Ces cotisations ont été payées en 2015.

En 2016, la cotisation 2015 définitive a été calculée sur les revenus 2015 tels que déclarés le 9 mai 2016 et un complément de 4506€ de cotisations a été établi entraînant des mensualités de 753€ supplémentaires à prélever entre juillet et décembre 2016.

La cotisation de l’année 2016 (nouvelle année N) a été calculée provisoirement sur les revenus de l’année 2014 (année N-1), et a été fixée à 2834€ soit des prélèvements mensuels de 2834€ (2832€ pour la dernière) de janvier à décembre 2016.

Cette cotisation provisionnelle 2016 a été actualisée sur les revenus de l’année 2015 et ont amenée à une augmentation de la cotisation provisionnelle de 4506 € à répartir sur 6 échéances de 753€ (751€ sur la dernière) de juin à décembre 2016.

Ce sont donc en 2016, de juillet à décembre 2016, deux fois 753€ qui devaient être prélevés en plus de la cotisation provisionnelle de base (sur les revenus 2014) : une fois au titre du complément de cotisation définitive pour la cotisation 2015: 753€ et une fois pour l’actualisation de la cotisation provisionnelle de 2016 amenant à des cotisations provisionnelles de 3586€ (2384€ + 753€).

Sur les sommes dûes

C’est à celui qui prétend s’être acquitté du paiement d’en justifier, et il appartient donc à M.[I] de fournir la preuve que pour chacun des associés un prélèvements de 752€ a bien été fait sur le compte du cabinet les mois de juillet à décembre 2016 au titre de la cotisation définitive 2015, et un de 2834€ plus 752€ soit 3586€ au titre de la cotisation provisoire actualisée.

En l’espèce il apparaît des relevés bancaires qu’ont bien été prélevées de juin à novembre 2016 sur le compte du cabinet, entre juin et novembre 2016, une cotisation de 2834€ (cotisation provisionnelle d’un seul associé), une cotisation de 2834€ plus 752€ soit 3586€ (cotisation actualisée d’un autre associé) et enfin une cotisation de 752€ (cotisation définitive pour un seul associé), en qu’en décembre 2016 ont été prélevées ces sommes plus 751€ (dernière cotisation définitive 2015).

L’examen de ces comptes bancaires permet d’établir que n’ont effectivement pas été réglées pour les deux associés du cabinet les sommes réclamées dans les deux contraintes, dont l’Urssaf précise que c’étaient celles de M. [I], et ne réclame d’ailleurs rien contre M. [W].

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a annulé les contraintes délivrées le 26 octobre 2018 et ces dernières seront validées et M. [I] condamné aux frais de la signification.

Le calcul des majorations a été fait correctement et il appartiendra à M. [I] d’en demander la dispense puisque les retards sont dûs à une erreur informatique.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il n’est pas contesté que M. [I] avait fourni des copies des relevés bancaires sur lesquelles certaines mentions étaient intentionnellement effacées, ce qui pouvait être justifié par le fait que le cabinet d’avocat ne souhaitait pas que soient connus ses revenus et ses dépenses autres que ceux concernant l’Urssaf.

Les propos de l’Urssaf sur le caractère “douteux”et la suspicion de dissimulation était peu flatteurs et surtout absurde (le cabinet ayant intérêt à ce qu’il y ait plus de prélèvements) mais ne peut être qualifié de diffamatoire et fautif.

M.[I] n’établissant pas en outre de préjudice, la diffusion de cette critique étant limitée aux seuls magistrats de l’affaire, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE l’appel recevable ;

REJETTE la demande de péremption d’instance soulevée par M. [I] ;

INFIRME le jugement rendu le 12 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris dans les affaires RG 19/00053 et RG 19/00056 jointes sous le n° RG 19/00053 ;

Statuant à nouveau ;

VALIDE les contraintes n°1829-6139 et 18299-6140 émises le 26 octobre 2018 ;

CONDAMNE M.[L] [I] à payer la somme de 70,98€ au titre des frais de contrainte ;

DÉBOUTE M. [I] du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE M.[L] [I] aux dépens.

La greffière La présidente

 


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