Péremption d’instance : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02648

·

·

Péremption d’instance : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02648
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 20 Octobre 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/02648 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBY5I

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 19/00155

APPELANTE

CPAM 34 – HERAULT (MONTPELLIER)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

S.A.S. [5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1532 substitué par Me Camille KIRSZENBERG, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Septembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la CPAM de l’Hérault d’un jugement rendu le 19 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Créteil dans un litige l’opposant à la société [5].

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le 23 août 2023 la société [5] a établi une déclaration d’accident de travail pour son salarié, agent qualifié de services, avec les mentions suivantes:

‘Date et heure de l’accident: 16/08/2018 à 9heures

Horaire de travail le jour de l’accident: de 5h30 à 9h30

Lieu de l’accident : CNRS [Localité 2]

Circonstances détaillées de l’accident : “balayait l’escalier-serait tombé”

Siège et nature des lésions : gauche douleurs

Accident connu le 16/08/2018 à 10h par ses préposés et décrit par la victime.

Le certificat médical établi le 17/08/2018 fait état de “gonalgie gauche+douleurs creux poplité gauche”.

La déclaration était accompagnée d’un courrier de réserves, l’employeur soulignant l’absence de témoins et de lésion corporelle constatée, et soutenant que l’accident n’aurait été porté à sa connaissance que le lendemain de sa survenance et que le salarié aurait continué sa journée de travail normalement.’

La Caisse a adressé un questionnaire à la société et au salarié.

Par courrier du 14 septembre 2018, elle les a informés qu’un délai complémentaire d’instruction était nécessaire et le 17 septembre 2018, elle leur a indiqué que les pièces constitutives du dossier pouvaient être consultées.

Par mail du 20 septembre 2018, elle faisait parvenir des pièces du dossier à l’employeur.

Par lettre du 8 octobre 2018 la CPAM informait l’assuré et son employeur de la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle.

L’état de l’assuré a été déclaré consolidé le 17 avril 2019 sans séquelles indemnisables.

Le 26 août 2019, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la Caisse en contestant la prise en charge.

En l’absence de réponse, la société a saisi le pôle social du TGI de Créteil le 13 février 2019.

Par jugement du 19 novembre 2019, celui-ci a dit que la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident survenu le 16 août 2018 était inopposable à la société [5], au motif que “il n’a pas été mis à la disposition de l’employeur un dossier complet” et que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté.

Par lettre datée du 28 février 2020 reçue au greffe social de la Cour le 5 mars 2020, la CPAM a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 12 février 2020.

L’affaire a été appelée et plaidée à l’audience du 8 septembre 2023.

La société [5] a fait soutenir oralement à l’audience par son conseil des conclusions dans lesquelles elle soulève in limine litis la péremption de l’instance au motif que aux termes de l’article 836 du code de procédure civile l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans et qu’en l’espèce, la Caisse n’a effectué aucune diligence entre son acte d’appel en mars 2020 et l’envoi de ses conclusions en janvier 2023.

La CPAM rappelle qu’en matière de sécurité sociale notamment, la péremption n’est acquise que si diligences ont été mises à la charge des parties et demande d’écarter cette péremption.

Elle a fait soutenir oralement à l’audience par son conseil des conclusions dans lesquelles elle demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré et de déclarer opposable à l’employeur la décision de prise en charge de l’accident de travail de M. [J] du 16 août 2018 et l’ensemble des arrêts s’y rapportant, et de rejeter toute demande d’expertise.

Elle prétend à titre principal qu’elle a parfaitement respecté le principe du contradictoire, puisque l’employeur avait été informé de la possibilité de consulter le dossier sur place et que dans cette hypothèse peut importe les pièces contenues dans la copie du dossier envoyé par la Caisse qui n’y était pas obligée.

A titre subsidiaire elle soutient que la matérialité de l’accident est parfaitement établie puisque la présence de M. [J] sur le lieu du travail à l’heure de l’accident est parfaitement établie et que la société a elle-même expliqué que le salarié travaillait seul, que les blessures constatées concordent avec la déclaration et que la preuve d’un fait totalement extérieur étranger à l’accident et à l’origine de ces lésions n’est pas rapportée.

Sur le fond, la société [5] a fait soutenir oralement à l’audience par son conseil des conclusions dans lesquelles elle demande la confirmation du jugement du 19 novembre 2019.

Elle fonde sa demande d’inopposabilité de la décision :

– à titre principal sur l’absence de mise à disposition d’un dossier complet: celui envoyé par la Caisse ne comportait pas le certificat médical initial et tous les autres certificats médicaux postérieurs.

– à titre subsidiaire sur l’absence de preuve de l’existence d’un accident aux temps et lieu du travail.

SUR CE, LA COUR

Sur la péremption d’instance

Il résulte de la combinaison des articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile et R.142-22, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale , que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel commencées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date et que lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas au regard de l’article 386 du code de procédure civile d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Cass., 2e civ., 17 novembre 1993, n°’92-12807′; Cass., 2e civ., 6 décembre 2018, n°’17-26202). La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Cass., 2e civ., 15 novembre 2012, n°’11-25499). Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

En l’espèce, la date de première audience fixée par le greffe est celle du 8 septembre 2023 à laquelle les parties ont été convoquées par lettre du 26 février 2021, dans le délai avant cette audience, aucune diligence n’était mise à la charge de l’appelante, et la société doit donc être déboutée de sa demande de péremption.

Sur l’opposabilité de la prise en charge

Sur la communication d’un dossier incomplet

Selon l’article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, dans le cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l’article R. 441-11 du même code, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier qui comprend, en application de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-756 du 7 juin 2016, les informations parvenues à la caisse de chacune des parties et, au titre des éléments médicaux relatifs à la victime, les divers certificats médicaux ainsi que l’avis du médecin conseil.

Il résulte de cet article que si l’employeur a été informé de la clôture de l’instruction et de la possibilité de consulter le dossier jusqu’à la date à laquelle la caisse entendait prendre sa décision, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations avant cette décision, il importe peu que la caisse ait procédé à l’envoi d’une copie incomplète du dossier.

En l’espèce, la société ne conteste pas été informée dans les délais suffisants de la possibilité de consulter le dossier, et avoir reçu en même temps une copie par mail du dossier que la Caisse dans l’état des textes n’avait pas l’obligation de communiquer. Elle ne peut donc aujourd’hui se plaindre d’avoir reçu un dossier incomplet.

Sur la preuve de la survenance d’un fait accidentel

Aux termes de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail.

En l’espèce il n’est pas contesté que M [J] était le 16/08/2018 à 9 heures en position de travail quand il a informé vers 10 h les “préposés” et qu’il a raconté son accident.

Il ne peut lui être reproché à M. [J] l’absence de témoin puisque l’employeur lui-même reconnaît qu’il travaille seul, ce qui est fréquent pour des personnes assurant un service de nettoyage dans des bureaux.

La déclaration immédiate de l’accident et la production d’un certificat médical initial établi dès le lendemain (ce qui compte-tenu des difficultés à rencontrer un médecin est un temps proche) et non le lendemain comme prétendu faussement par la société dans son courrier de réserves, et décrivant des douleurs, qui sont des lésions, compatibles avec la chute invoquée, elle-même tout à fait plausible, suffisent à établir la réalité du fait accidentel.

L’employeur indique lui-même sur la déclaration que le travail de M. [J] se terminait à 9h30 et est donc également mal fondé à prétendre que dernier aurait continué à travailler après son accident et après avoir informé l’employeur puisque celui-ci a été avisé dès 10h.

L’employeur invoque un état pathologique préexistant sans en rapporter la moindre preuve et ne justifie donc pas d’une cause extérieure aux lésions (douleurs) de M. [J] et qui ont donc été prises en charge à juste titre au titre de la législation professionnelle.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE l’appel recevable,

DÉBOUTE la société [5] de sa demande de péremption d’instance,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE opposable à la société [5] la décision de prise en charge de l’accident de M. [J] du 16/08/2018 déclaré le 17/08/2018

CONDAMNE la société [5] aux dépens.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x