Péremption d’instance : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00911

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Péremption d’instance : 19 septembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/00911
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19 SEPTEMBRE 2023

Arrêt n°

ChR/NB/NS

Dossier N° RG 21/00911 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FSVL

[V] [S]

/

S.A.R.L. C.2.P

jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de clermont ferrand, décision attaquée en date du 13 avril 2021, enregistrée sous le n° f 20/00463

Arrêt rendu ce DIX NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Mme Sophie NOIR, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

M. [V] [S]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Eric NURY de la SCP GIRAUD-NURY, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005927 du 10/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

S.A.R.L. C.2.P exerçant sous l’enseigne LAVAGE CENTER

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Marie-marthe JESSLEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

M. RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l’audience publique du 05 juin 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL C2P a exploité une station de lavage située [Adresse 2].

Monsieur [V] [S] a été embauché par la SARL C2P à compter du 1er décembre 2012 en qualité d’agent de surveillance et de gardiennage, affecté à la station de lavage, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel.

Le 12 octobre 2015, la SARL C2P a notifié à Monsieur [V] [S] un avertissement en raison de différents manquements.

Le 19 février 2016, Monsieur [V] [S] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’une rupture conventionnelle. Le protocole de rupture conventionnelle a été signé le 1er mars 2016 mais, par courrier en date du 10 mars 2016, Monsieur [S] a notifié à la SARL C2P sa rétractation quant à la rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Le 18 mars 2016, la SARL C2P a notifié à Monsieur [S] un nouvel avertissement.

Monsieur [S] a informé son employeur de la prise de congés payés à compter du 23 mars 2016, congés qui lui ont été refusés par la société C2P, l’invitant à se présenter sur son lieu de travail le 24 mars 2016.

Le 31 mars 2016, Monsieur [S] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et l’employeur lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire. L’entretien s’est tenu le 8 avril 2016.

Par courrier daté du 14 avril 2016, la SARL C2P a notifié à Monsieur [V] [S] son licenciement pour faute grave. 

Le courrier de notification du licenciement est ainsi libellé :

« Suite à l’entretien que nous avons eu le 08 avril 2016, en application de l’article L.1232- 2 du code du travail, nous vous notifions par la présente votre licenciement sans préavis, ni indemnités, pour faute grave et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien : à savoir la réitération de vos manquements et le détail de ceux-ci, les insubordinations, malgré les avertissements et rappels à l’ordre antérieur.

En effet, un avertissement vous a été notifié le 12 octobre 2015 pour le non-respect des consignes et des instructions pour un comportement susceptible de recueillir une qualification pénale, pour une gestion non conforme des jetons, pour des absences sur le site, aux heures de travail.

Le 4 novembre 2015, nous avons constaté de nouveaux manquements et notamment votre absence sur le site aux horaires de travail.

Vous avez souhaité mettre en place une rupture conventionnelle pour finalement ne pas donner suite en notifiant une rétractation.

Nous attendions de votre part un respect de vos obligations, des consignes et instructions et une ponctualité. Or, vous n’avez tenu compte d’aucune remarque.

Le 1er mars 2016, de nombreux manquements ont été relevés qui ont fait l’objet d’un avertissement notifié le 18 mars 2016.

Vous n’avez pas contesté les avertissements.

Malgré ce deuxième avertissement, vous avez pris la décision de prendre des congés à compter du 23 mars jusqu’au 3 avril 2016 sans solliciter d’autorisation préalable, ni même nous prévenir suffisamment en amont, afin que des dispositions de remplacement soient prises. Or, vous connaissez les modalités des demandes de congés, à savoir faire une demande écrite et recueillir l’accord de la direction.

Nous avons réceptionné un courrier recommandé avec accusé de réception le 23 mars 2016 nous informant de votre absence du 23 mars au 3 avril 2016.

Nous avons contesté votre décision unilatérale et vous avons demandé de reprendre vos fonctions. Nous avons laissé un message vocal sur votre téléphone mobile au [XXXXXXXX01].

C’est dans ces conditions que vous avez été convoqué à l’entretien préalable.

Votre absence non autorisée, votre refus d’accomplir le travail dans le respect de vos obligations et de tenir compte des consignes, observations de l’employeur, constituent autant de manquements caractérisant l’insubordination.

En raison des sanctions antérieures, cette nouvelle insubordination, désorganisant l’entreprise et lui causant un préjudice, constitue une faute grave justifiant le licenciement sans préavis, ni indemnités, prenant effet immédiatement à la réception du présent courrier que nous vous adressons par lettre recommandée avec accusé de réception ainsi que par courrier simple.

Nous vous informons que nous vous envoyons par pli séparé, le solde de votre compte, le bulletin de paie correspondant, votre certificat de travail et l’attestation Pôle emploi. »

Le 20 juin 2016, Monsieur [V] [S] a saisi le conseil des prud’hommes aux fins notamment de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue le 29 septembre 2016 et comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Suite à une décision de radiation en date du 28 novembre 2017, l’affaire a fait l’objet d’une réinscription au rôle de la cour à la requête de Monsieur [V] [S] le 29 octobre 2020.

Par jugement contradictoire rendu le 13 avril 2021 (audience du même jour), le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :

– dit et jugé recevable et bien fondé la demande de péremption d’instance ;

– dit que la péremption est acquise ;

– dit et juge qu’il n’y pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement, ce dernier n’emportant pas condamnation ;

– en vertu des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, dit et jugé que les éventuels entiers frais et dépens de l’instance seront à la charge du demandeur.

Le 20 avril 2021, Monsieur [V] [S] a interjeté appel de ce jugement qui a été notifié à sa personne le 17 avril 2021.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 22 novembre 2021 par Monsieur [V] [S],

Vu les conclusions notifiées à la cour le 27 août 2021 par la SARL C2P,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures, Monsieur [V] [S] demande à la cour de :

– débouter la société C2P de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

Infirmant,

– juger n’y avoir lieu à péremption d’instance ;

– annuler l’avertissement en date du 12 octobre 2015 ;

– condamner la société C2P à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

– annuler l’avertissement en date du 18 mars 2016 ;

– condamner la société C2P à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

– dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et particulièrement abusif ;

– condamner la société C2P à lui verser :

– la somme de 425,48 euros au titre des salaires retenus dans le cadre de la mise à pied, outre la somme de 42,54 euros au titre des congés payés afférents,

– la somme de 1.423,62 euros à titre d’indemnité de préavis, outre la somme de 142,36 euros au titre des congés payés afférents ;

– la somme de 628,75 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– la somme de 9.600 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner la société C2P à lui remettre sous astreinte que la Cour se réservera le droit de fixer et de liquider les documents administratifs conformes à l’arrêt à intervenir ;

– condamner la société C2P à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Monsieur [V] [S] demande à la cour de rejeter la péremption d’instance invoquée par la société C2P. Il fait valoir à ce titre que, la requête ayant été réceptionnée par le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND le 20 juin 2016, les anciennes dispositions légales doivent s’appliquer. Or, celles-ci prévoient que la péremption d’instance est acquise si les parties se sont abstenues dans un délai de deux ans d’effectuer les diligences expressément mises à leur charge. Monsieur [S] considère qu’aucune diligence n’a été mise à la charge des parties par la décision de radiation d’instance le 28 novembre 2017 et il estime que le délai prévu n’a pas vocation à s’appliquer.

Monsieur [S] demande à la cour d’annuler les avertissements prononcés à son encontre les 12 octobre 2015 et 18 mars 2016, en l’absence d’éléments probants produits par la société pour les justifier. Il sollicite également de la cour qu’elle juge son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse aux motifs que les éléments invoqués à l’appui de son licenciement auraient déjà été sanctionnés par les avertissement susmentionnés de sorte que le pouvoir disciplinaire de l’employeur aurait été épuisé en vertu de la règle non bis in idem. Il fait valoir également que les faits invoqués ne sont pas démontrés, de sorte que la société devra être condamnée au paiement des conséquences indemnitaires.

Dans ses dernières écritures, la SARL C2P demande à la cour de :

– la recevoir en ses fins et conclusions ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’instance périmée ;

– déclarer Monsieur [V] [S] irrecevable et mal fondé en son appel ;

– le débouter de toutes ses demandes ; 

– recevoir la société C2P en sa demande de condamnation de l’appelant au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

– juger que les avertissements des 12 octobre 2015 et 18 mars 2016 sont justifiés ;

– juger que le licenciement pour faute grave est justifié ;

– débouter Monsieur [V] [S] de toutes ses demandes ;

A titre plus subsidiaire,

– juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– réduire le quantum des demandes au titre de la retenue de salaire pour mise à pied, et les congés payés afférents de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement ;

– débouter Monsieur [V] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de remise de documents conformes, d’astreinte et d’article 700 du Code de procédure civile ;

A titre infiniment plus subsidiaire,

– débouter Monsieur [V] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, en l’absence de justificatif des préjudices, de remise de documents conformes, sous astreinte, de l’article 700 du Code de procédure civile ;

En toute hypothèse,

– condamner Monsieur [V] [S] aux dépens.

La SARL C2P demande à la cour de confirmer la péremption d’instance retenue par le conseil des prud’hommes de CLERMONT-FERRAND au motif que les diligences ordonnées par la décision de radiation d’instance n’ont pas été accomplies par Monsieur [S] dans le délai imposé par les dispositions légales. Elle invoque la demande tardive de rétablissement d’instance, le non-respect du contradictoire ainsi que le défaut de réponses aux arguments de la défense dans les conclusions déposées par le salarié.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de débouter Monsieur [S] de ses demandes aux motifs qu’elles seraient mal fondées.

S’agissant des celles tendant à voir annuler les avertissements prononcés à son encontre, la société estime qu’ils sont parfaitement justifiés au regard des manquements à ses obligations commis par le salarié, pourtant précisément énoncées dans la charte de l’agent qu’il a signée. A ce titre, elle fait valoir des manquements à l’obligation générale d’entretien des locaux, aux obligations quant à la gestion de recettes et le non-respect des horaires. En outre, elle ajoute que Monsieur [S] n’a jamais contesté ces avertissements lorsque ceux-ci lui ont été notifiés. Surtout, elle considère que les manquements commis par le salarié ont eu des conséquences importantes sur le chiffre d’affaires de la société, lui causant ainsi un préjudice financier important. A l’inverse, à titre infiniment subsidiaire, la société demande à ce que Monsieur [S] soit débouté de ses demandes, celui-ci n’apportant pas la preuve d’un quelconque préjudice.

S’agissant du licenciement prononcé à l’encontre de Monsieur [S], la société estime qu’il est bien fondé, au regard des griefs invoqués, parfaitement établis. En effet, elle considère que malgré les avertissements, le salarié n’a pas modifié son comportement. Elle fait valoir qu’il n’a pas respecté les modalités prévues quant à la demande de congés payés et a fait preuve d’insubordination face au refus de son employeur. En outre, elle soutient que les arguments invoqués dans le cadre du litige et les attestations produites sont fausses et établies pour les besoins de la cause, surtout que certaines émaneraient de salariés ayant engagé une instance prud’homale à son encontre. A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, au regard des griefs invoqués. A titre infiniment plus subsidiaire, Monsieur [S] devra être débouté de ses demandes en l’absence de preuve d’un quelconque préjudice.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.

MOTIFS

– Sur l’exception de péremption –

Selon l’article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige (la saisine du conseil des prud’hommes étant antérieure au 1er août 2016), en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

En l’espèce, il est constant qu’aucune diligence n’a été accomplie entre la décision de radiation intervenue le 28 novembre 2017 et le dépôt de conclusions au greffe du conseil de prud’hommes effectué le 29 octobre 2020.

Toutefois, en elle-même, une décision de radiation, simple mesure d’administration judiciaire n’ayant pour conséquence que le retrait de l’affaire du rang des affaires en cours et laissant persister l’instance, laquelle peut être reprise ultérieurement, ne met expressément à la charge des parties aucune diligence. Une décision de radiation ne peut faire courir le délai de péremption que si elle met expressément des diligences à la charge des parties. Lorsque l’ordonnance de radiation ne subordonne pas le rétablissement de l’affaire au rôle à l’accomplissement de diligences, le délai de péremption ne court pas.

Comme, s’agissant des jugements, seules les questions litigieuses effectivement tranchées par le juge et contenues dans le dispositif ont autorité de la chose jugée, que les motifs ne peuvent revêtir cette autorité et que ce principe est applicable aux décisions de radiation, il s’ensuit que les diligences à accomplir doivent figurer dans le dispositif de la décision de radiation. Si celle-ci se borne à ne faire état de diligences à accomplir pour permettre le rétablissement de l’affaire au rôle que dans ses motifs alors que le dispositif se limite à ordonner la radiation sans prescrire expressément aucune diligence, la décision ne met pas de diligences expresses à la charge des parties et le délai de péremption ne peut courir.

En l’espèce, il ressort de la décision de radiation du 28 novembre 2017 que le conseil de prud’hommes a, dans son dispositif, constaté le défaut de diligences des parties à l’audience et qu’il a ordonné en conséquence la radiation de l’affaire et son retrait du rang des affaires en cours. Il a ajouté que l’affaire ne serait rétablie que ‘sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation, c’est-à-dire lorsqu’elle sera en l’état d’être plaidée’, sans préciser expressément les diligences à accomplir. La décision n’est pas autrement motivée. Les mentions ci-dessus ne permettent nullement de déterminer les diligences mises à la charge des parties par la juridiction.

La SARL C2P fait valoir que la radiation a été prononcée en raison de l’absence de mise en état du dossier et que le rétablissement de l’affaire au rôle supposait la signification des conclusions en réplique. Il ne s’agit là néanmoins que d’une supposition. A s’en tenir aux termes de la décision de radiation, il convient de constater qu’elle ne met aucune diligence expressément à la charge de l’une ou de l’autre des parties

La SARL C2P n’est donc pas fondé à soutenir que la péremption serait acquise.

Le délai de péremption n’ayant pas couru, le jugement sera infirmé.

Il y a lieu, en conséquence, de statuer sur les demandes des parties.

– Sur l’avertissement du 12 octobre 2015 –

Aux termes de la lettre du 12 octobre 2015, l’avertissement adressé au salarié est ainsi motivé :

‘Suite a notre visite du 5 octobre 2015 sur le site de [Localité 6], nous avons constaté que le local était encombré de vos affaires personnelles (vêtements, objets divers).

Nous vous remercions de bien vouloir procéder à leur évacuation, celles-ci pouvant constituer un danger voir un risque d’incendie.

Nous avons également constaté que la trappe de la cave était ouverte en permanence. Or pour des raisons de sécurité, une fois vos travaux de pompage effectués, veillez à bien refermer cette trappe d’accès à la cave.

De même, la porte de l’armoire électrique était laissée ouverte. Nous vous rappelons que celle-ci doit impérativement être fermée hermétiquement et à clef pour des raisons évidentes de sécurité, notamment en cas d’éclatement d’un flexible et des projections d’eau.

Nous avons constaté d’autre part que vous procédiez à des débranchements et des connexions vous permettant de détourner ainsi une partie des recettes. Depuis le 26 novembre 2014, date de pose d’une plaque de protection, les recettes collectées ont augmentées de +8383 € (du 01/01/15 à ce jour). Aucun agent n’ayant l’habilitation électrique, tout démontage de cette plaque sera considérée comme une faute grave pouvant entraîner le licenciement.

Nous avons également constaté que l’intégralité du stock jetons n’était pas sur la station. A plusieurs reprises vous avez évoqué qu’une partie des jetons était entreposée chez vous. Nous vous demandons de bien vouloir laisser l’intégralité du stock jetons dans 1’armoire électrique de la station, fermée à clef.

Nous vous rappelons qu’aucune personne extérieure n’est autorisée à rentrer dans le

local. Il est formellement interdit de recevoir vos amis sur ce site qui est un lieu de travail.

Enfin, suite à la signature de votre nouvel horaire depuis le 26 novembre 201, nous

remarquons que vos pointages depuis cette date ne correspondent pas à celui-ci. Nous vous remercions de bien vouloir respecter rigoureusement les horaires fixés à cette date.

Par centre, vous êtes fréquemment absent de votre lieu de travail pendant votre horaire. Le lundi 5 octobre à 10h30 vous étiez absent et n’êtes revenu qu’après notre appel alors que nous étions sur le site depuis plus de 30 minutes. Le vendredi 2 octobre, nous vous

avons appelé sur le site à 16h30 et nous avons constaté votre absence, alors même que vous aviez pointé votre arrivée.

Nous vous rappelons que toute absence pendant votre horaire de travail doit faire l’objet d’un accord de notre siège. Ces absences répétées sans justification constituent des fautes que nous sanctionnons par un avertissement’.

A s’en tenir aux termes dépourvus d’ambiguïtés de ce courrier, il apparaît qu’il est d’abord procédé à un rappel des consignes que doit respecter le salarié et que le motif de l’avertissement est constitué par les ‘absences répétées sans justification’ de celui-ci dont les dates sont visées expressément.

Pour justifier ce grief, outre les horaires de travail du salarié et une attestation d’une personne se présentant comme retraité qui affirme que Monsieur [V] [S] exerçait une activité parallèle (chauffeur d’une entreprise de transport), l’employeur verse aux débats une copie de deux documents portant la mention ‘arrivée [Localité 6] M. [S]’ avec la date du 2 octobre 2015 à 15h42 pour le premier et du 5 octobre 2015 à 9h46 pour le second. Il produit également des billets de train et un relevé de paiement de péages autoroutiers pour justifier que le responsable de l’entreprise se trouvait à [Localité 6] le 5 octobre 2015.

Monsieur [V] [S] soutient que ces documents ne présenteraient aucune valeur probante mais les pièces produites constituent néanmoins des indices pouvant confirmer d’une part que l’employeur a procédé à la visite sur le lieu de travail à la date qu’il indique et, d’autre part, qu’aux dates et heures mentionnées, le salarié devait se trouver sur le lieu de travail.

Rien ne permet de remettre en cause les constatations faites par l’employeur qui précise qu’elles ont été faites en présence du salarié, appelé en raison de son absence. Compte tenu que cet avertissement n’a fait l’objet d’aucune contestation avant le licenciement et en l’absence de tout élément de nature à démontrer que les griefs invoqués ne correspondraient pas à la réalité, les éléments de preuve apportés par l’employeur sont de nature à confirmer que, les 2 octobre 2015 à 16h30 et 5 octobre 2015 à 10h30, Monsieur [V] [S] ne se trouvait pas sur le lieu de son travail alors que l’existence d’un motif légitime d’absence n’est ni prouvée ni même invoquée, ce qui justifie l’avertissement prononcé.

Monsieur [V] [S] sera débouté de sa demande d’annulation de l’avertissement et de sa demande de dommages-intérêts afférente.

– Sur l’avertissement du 18 mars 2016 –

Cet avertissement est ainsi motivé :

‘Par la présente, nous sommes amenés à vous notifier les manquements constatés malgré l’avertissement qui vous a été adressé le 12 octobre 2015, les observations verbales faites lors de ma visite sur votre lieu de travail le 4 novembre 2015 qui m’a permis de relever que vous n’étiez pas à votre poste pendant votre horaire de travail, sans en avoir informé le siège comme le prévoit la procédure.

Compte tenu des reproches, une rupture conventionnelle a été envisagée et mise en place dams le cadre de discussions.

Un rendez-vous de signature de la convention avait été fixé au 1er mars 2016.

A cette date, je me suis déplacée sur le site et ai relevé les manquements suivants :

– vous étiez encore une fois absent de votre lieu de travail lors de notre arrivée le 1er mars à 10h30 et où après appel de notre siège, vous êtes arrivé à 11h30. Nous avons constaté lors de cette visite du 1er mars 2016 que vous n’aviez respecté aucune des observations de notre avertissement du 12 octobre 2015.

* Le local technique était toujours encombré tant de vos affaires personnelles que d’objets n’ayant rien à y faire engendrant toujours les mêmes risques d’incendie.

* La trappe de la cave était toujours ouverte, présentant toujours les mêmes risques de chute.

* L’armoire électrique était toujours ouverte avec tous les risques que cela comporte.

* Le stock de jetons n’était toujours pas présent sur la station.

* Vous êtes arrivé sur les lieux avec un ami qui est resté présent alors que nous vous avons notifié l’interdiction de recevoir vos amis sur votre lieu de travail.

Malgré ces manquements j’ai accepté de signer la convention de rupture conventionnelle en vertu de laquelle le contrat se terminait le 08 avril 2016.

Or, le 10 mars 2016, vous nous adressez un courrier de rétractation en recommandé avec accusé de réception.

Du fait de votre rétractation, je retrouve ma faculté de sanctionner vos manquements

relevés le 1er mars.

En outre, vous étiez une nouvelle fois absent le 15 mars 2016 à 10h50, heure à laquelle je vous ai appelé sur votre portable. Vous avez répondu que vous vous êtes rendu à la banque qui se trouve à 5 minutes à pied de votre lieu de travail.

Je vous ai demandé de faxer votre bordereau de dépôt dès votre retour. A 11hl0, nous

recevons les bordereaux mais vous avez masqué volontairement l’heure de dépôt sur les 2 bordereaux comme par hasard !!! A 11h18, vous avez pointé votre départ du site alors que votre horaire de départ est à 11h, sans autre explication.

Le 15 mars, votre horaire d’arrivée l’après-midi est à 15h30 et vous avez pointé à 16hl7. Vous avez également pointé votre départ à 18h05 alors que votre horaire de fin de travail est à 16h30.

Le 18 mars, vous avez effectué votre pointage d’arrivée à 9h54 pour votre prise de travail à 10h. Mais nous n’avons reçu aucun pointage de départ (alors que celui-ci devait avoir lieu à 12h00). Nous n’avons reçu aucun appel téléphonique de votre part mentionnant un problème de fax éventuel.

L’irrégularité de votre présence sur le site désoriente totalement notre clientèle qui ne

trouve jamais d’interlocuteur aux horaires affichés et engendre une diminution très importante de notre chiffre d’affaires mettant en péril notre exploitation sur ce site.

Ces faits constituent tous des fautes professionnelles que nous sanctionnons par un

nouvel et dernier avertissement’.

A l’appui de ses dires, l’employeur verse aux débats les tableaux des horaires attribués à Monsieur [V] [S] desquels il résulte que, le 15 mars 2016, il devait arriver, le matin à 10h00 pour partir à 11h00 et, l’après-midi à 15h30 pour partir à 16h30. Le 18 mars 2016, il devait arriver, le matin à 10h00 pour partir à 12h00 et, l’après-midi à 15h30 pour partir à 17h30.

Il produit des documents présentés comme des fax par lesquels le salarié a communiqué à l’employeur ses heures de travail :

– 15 mars 2016 :

* arrivée : 9h32

* départ : 11h18

* arrivée : 16h17

* départ : 18h04

– 18 mars 2016 :

* arrivée : 9h54

* départ : ‘ (pas de fax)

* arrivée : 15h37

* départ : 18h32.

Monsieur [V] [S] conteste la valeur probante de ces documents mais il convient de relever qu’il s’agit de fax reçus par l’employeur et présentés comme émanant du salarié lui-même, ainsi que lui en font l’obligation les consignes reçues (notamment la note de service du 1er décembre 2012). Ces documents constituent, à tout le moins, des éléments d’appréciation qui doivent être retenus dès lors que rien ne permet de mettre en doute la réalité des renseignements qu’ils contiennent et qu’il n’est versé aux débats aucun élément susceptible d’apporter la preuve contraire.

Or, les documents produits permettent de vérifier que le salarié, de manière récurrente, ne respecte pas les horaires fixés par l’employeur. En outre, ce dernier a constaté l’absence de Monsieur [V] [S] à son poste de travail les 15 mars 2016 à 10h50.

Monsieur [V] [S] fait, certes, valoir que les documents produits par l’employeur montrent qu’il arrivait parfois en avance et qu’il repartait parfois après la fin prévue de sa journée de travail mais ils prouvent surtout que le salarié ne respectait pas les horaires de travail qui lui étaient attribués. Il convient, en particulier de relever qu’il a été presque totalement absent pendant l’horaire prévu le 15 mars 2016 dans l’après-midi.

L’avertissement infligé est, en conséquence, justifié et Monsieur [V] [S] sera débouté de sa demande d’annulation ainsi que de la demande de dommages-intérêts subséquente.

– Sur le licenciement –

En droit, la faute grave se définit comme étant celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La faute grave suppose une action délibérée ou une impéritie grave, la simple erreur d’appréciation ou l’insuffisance professionnelle ne pouvant ouvrir droit à une sanction disciplinaire.

Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il invoque, l’absence de preuve d’une faute ayant pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, Monsieur [V] [S] reproche à tort à l’employeur de ne pas avoir respecté la règle non bis in idem qui interdit l’invocation, à l’appui d’une mesure de licenciement, de griefs déjà sanctionnés auparavant. Si la lettre de licenciement fait référence aux manquements sanctionnés antérieurement par des avertissements, il ressort sans ambiguïté de cette lettre qu’il ne s’agit que d’un rappel et que le licenciement est fondé sur le fait d’avoir pris des congés à compter du 23 mars jusqu’au 3 avril 2016 sans solliciter d’autorisation préalable et sans prévenir l’employeur suffisamment tôt pour qu’il puisse être remplacé, ce qui constitue un grief nouveau, non sanctionné antérieurement et qui peut donc valablement être invoqué pour justifier le licenciement.

L’employeur, qui conclut sa lettre en considérant que l’absence non autorisée, le refus du salarié d’accomplir le travail dans le respect de ses obligations et de tenir compte des consignes constituent autant de manquements caractérisant l’insubordination, est, en conséquence, en droit de considérer, sans porter atteinte à la règle non bis in idem, qu’ ‘en raison des sanctions antérieures, cette nouvelle insubordination, désorganisant l’entreprise et lui causant un préjudice, constitue une faute grave’.

Il est prévu au contrat de travail que Monsieur [V] [S] est ‘soumis pour la prise des congés payés aux mêmes règles que les autres salariés dans l’entreprise’. L’employeur explique que la règle applicable au sein de l’entreprise impose aux salariés d’adresser leurs demandes de congés au siège et de recueillir l’accord de l’employeur. Il souligne que Monsieur [V] [S] connaissait cette règle et se prévaut d’une demande de congé que celui-ci avait présentée en 2014. Il avait, en effet, renseigné et signé le formulaire prévu à cet effet et l’employeur avait lui-même apposé sa signature pour accord.

Monsieur [V] [S] ne conteste pas l’existence de cette règle et il ne conteste pas non plus ne pas l’avoir respectée. Il se prévaut de l’attestation de Monsieur [L] qui affirme qu’il est parti en Algérie pour des raisons familiales et qu’en raison de l’urgence, la demande de congé ne s’est pas faite par un imprimé transmis par fax mais par téléphone.

L’employeur ne conteste pas l’existence de l’appel téléphonique allégué mais il fait valoir qu’à cette occasion, les règles applicables ont été rappelées au salarié et que Monsieur [V] [S] s’est alors contenté de lui adresser une lettre recommandée le 21 mars 2016 pour lui signifier son absence pour congés, passant outre le refus opposé. L’employeur verse aux débats la lettre recommandée qu’il a adressée en réponse au salarié le 23 mars 2016 pour l’inviter à être présent à son poste de travail le lendemain.

Dans la mesure où il est établi que Monsieur [V] [S] n’a pas respecté la procédure applicable au sein de l’entreprise pour formuler une demande de congé et comme il n’est aucunement justifié ni des raisons familiales ni de l’urgence invoquées dans l’attestation de Monsieur [L], laquelle ne fait état que des seules affirmations de son auteur, étant précisé que la lettre de Monsieur [V] [S] du 21 mars 2016 ne fait mention ni de ces raisons, ni d’une quelconque urgence, il apparaît que le salarié a manqué à ses obligations contractuelles.

Il résulte, certes, des pièces produites que Monsieur [V] [S] a été remplacé, à compter du 24 mars 2016, par Monsieur [J] (ce que ne conteste pas l’employeur qui souligne que le remplacement n’a pu avoir lieu dès le 23 mars), mais, compte tenu des manquements antérieurs et de ce que l’attitude d’insubordination caractérisée de Monsieur [V] [S], qui a mis l’employeur devant le fait accompli en lui imposant ses congés, a causé une perturbation certaine au sein de l’entreprise en obligeant la société à procéder à son remplacement dans l’urgence, une telle attitude présente un caractère de gravité tel qu’il justifie le licenciement pour faute grave du salarié.

Monsieur [V] [S] sera débouté de ses demandes au titre du licenciement.

– Sur les dépens et frais irrépétibles –

Il paraît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens, en première instance comme en appel.

Il n’y a pas lieu en l’espèce à condamnation de l’une ou l’autre des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

– Infime le jugement, et, statuant à nouveau :

– Rejette l’exception de péremption ;

– Dit que les avertissements du 12 octobre 2015 et du 18 mars 2016 ainsi que le licenciement pour faute grave sont justifiés et déboute Monsieur [V] [S] de ses demandes en conséquence ;

– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

 


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