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COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 avril 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 305 F-D
Pourvoi n° M 21-19.115
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 AVRIL 2023
La société Helvetia compagnie suisse d’assurances, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (Suisse), a formé le pourvoi n° M 21-19.115 contre l’arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d’appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société AIG Europe SA, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg) et ayant un établissement [Adresse 3],
2°/ à la société Transports Deshayes, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Helvetia compagnie suisse d’assurances, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Transports Deshayes, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société AIG Europe, et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Caen, 18 février 2021), la marchandise confiée à la
société Transports Deshayes (le transporteur) ayant été endommagée par mouille au cours d’un transport, le 14 décembre 2012 la société Robert Bosch et son assureur, la société Chartis Europe, aux droits de laquelle vient la société AIG Europe SA, ont assigné devant un tribunal de commerce en indemnisation le transporteur, qui a appelé en garantie son assureur, la société Helvetia compagnie suisse d’assurances (la société Helvetia).
2. Le 12 juin 2015, le tribunal a prononcé la radiation de l’affaire pour défaut de diligences des parties, avant que le 12 juin 2017 la société Robert Bosch et son assureur ne demandent sa réinscription au rôle.
3. La société Helvetia a soulevé la péremption de l’instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
4. La société Helvetia fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement du 16 mars 2018 en ce qu’il rejette l’incident de péremption d’instance, alors :
« 1°/ que les diligences interruptives de péremption sont celles de nature à établir la volonté des parties de poursuivre l’instance ; que des demandes de renvoi des parties ne constituent pas des diligences interruptives ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de péremption, que les demandes de renvoi des parties et, plus utilement, la demande de renvoi de la société AIG Europe lors de l’audience du 12 juin 2015, constituaient des diligences manifestant la volonté de poursuivre l’instance quand lors de cette audience le tribunal avait prononcé la radiation de l’affaire pour défaut de diligences des parties, la cour d’appel, qui a ainsi conféré un effet interruptif à une simple demande de renvoi, a violé l’article 386 du code de procédure civile ;
3°/ que dans une procédure orale, la décision de radiation pour défaut de diligences des demandeurs n’interrompt pas le délai de prescription, les parties n’ayant pas d’autres diligences à accomplir pour interrompre ce délai que de demander la fixation de l’affaire ; que pour rejeter la demande de péremption de l’instance, la cour d’appel a, par motifs adoptés du jugement du tribunal de commerce du 16 mars 2018, retenu que la société AIG Europe avait demandé la réinscription de l’affaire et communiqué de nouvelles conclusions le 12 juin 2017, soit moins de deux ans après la décision de radiation de l’affaire prononcée le 12 juin 2015 pour défaut de diligences des demandeurs ; qu’en faisant ainsi courir le délai de péremption à compter de la décision de radiation, pourtant dépourvue d’effet interruptif de péremption, la cour d’appel a violé l’article 386 du code de procédure civile ;
4°/ qu’en toute hypothèse, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans ; que la société Helvetia compagnie suisse d’assurances versait aux débats en cause d’appel l’avis du greffe du tribunal de commerce du 10 avril 2015, comportant un calendrier de procédure qui mettait à la charge des demandeurs la transmission de leurs dernières conclusions récapitulatives pour le 22 mai 2015 ; qu’il était acquis aux débats que le 12 juin 2015, ces derniers n’avaient toujours pas conclu en réponse et avaient sollicité un nouveau renvoi ; qu’à défaut d’avoir accompli la diligence ainsi mise à leur charge, le délai de péremption commencé à courir au plus tôt le 22 mai 2015 et était expiré le 12 juin 2017, date à laquelle la société AIG Europe avait demandé la réinscription de l’affaire et communiqué de nouvelles conclusions ; qu’en estimant toutefois que la péremption n’était pas acquise, la cour d’appel a violé l’article 386 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 386 du code de procédure civile :
5. Il résulte de ce texte que lorsque l’affaire est radiée pour défaut de diligences des parties, le délai de péremption de l’instance continue de courir, les parties n’ayant pas d’autres diligences à accomplir pour l’interrompre, dans une procédure orale, que de demander la fixation de l’affaire.
6. Pour rejeter l’exception de péremption de l’instance, l’arrêt constate que l’affaire a été renvoyée de l’audience du 13 mars 2015 à celle du 10 avril 2015, puis aux 22 mai et 12 juin 2015, date à laquelle elle a été radiée pour défaut de diligences des demandeurs. Il retient qu’en matière de procédure orale les parties n’ont pas d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire, que les demandes de renvoi constituent des diligences manifestant la volonté de poursuivre l’instance. Il en déduit que la décision de radiation a suspendu le délai de péremption, qui a expiré le 12 juin 2017 à 0 heure.
7. En statuant ainsi, alors que des demandes de renvoi des parties ne constituent pas des diligences interruptives au sens de l’article 386 du code de procédure civile et que la radiation prononcée à l’audience du 12 juin 2015 n’avait pas interrompu le cours du délai de péremption, la cour d’appel, qui n’a pas constaté l’accomplissement d’une diligence interruptive du délai de péremption de l’instance entre le 31 mars 2015, date des dernières conclusions de la société Helvetia, et le 12 juin 2017, date de réception de la demande de réinscription au rôle, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l’arrêt qui, confirmant le jugement du 16 mars 2018, rejette l’exception de péremption d’instance, entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif confirmant le jugement du 9 novembre 2018 et statuant sur les demandes en paiement, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il dit recevable l’intervention volontaire de la société AIG Europe SA, l’arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;
Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Caen autrement composée ;
Condamne la société AIG Europe SA aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société AIG Europe SA et la condamne à payer à la société Helvetia compagnie suisse d’assurances la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille vingt-trois.