Péremption d’instance : 15 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02059

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Péremption d’instance : 15 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02059
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 15 Septembre 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/02059 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSRL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Janvier 2020 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 19/01790

APPELANTE

E.P.I.C. RATP, prise en qualité d’organisme spécial de sécurité sociale dénommée CCAS DE LA RATP

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354 substituée par Me Philippe MARION, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354

INTIME

Monsieur [M] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242 substitué par Me Belal KARIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Natacha PINOY, Conseillère

Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par l’E.P.I.C. R.A.T.P. pris en sa qualité d’organisme spécial de sécurité sociale dénommé C.C.A.S. R.A.T.P. (la CCAS) d’un jugement rendu le 23 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny dans un litige l’opposant à M. [M] [Z] (l’assuré).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [M] [Z], salarié de l’EPIC RATP depuis avril 2001, a déclaré avoir été victime d’un accident du travail le 21 octobre 2016 ; que les circonstances de l’ accident étaient décrites comme suit dans la déclaration d’accident du trajet en date du 8 novembre 2016 : « l’agent déclare « avoir glissé dans le virage (huile sur la route) entraînant ma chute. La moto m’a heurté sur la jambe droite entraînant 3 fractures. Pour précision, j’étais en relève syndicale pour se rendre au RDV prévu au syndicat CGT, [Adresse 7] » ; que le siège et la nature des lésions ont été ainsi décrits : « Fracture fémur quart inférieur jambe droit avec fracture luxation » dans le certificat médical initial rédigé le 21 octobre 2016 par le Dr [O] [N], qui a par ailleurs prescrit un arrêt de travail prolongé jusqu’au 30 novembre 2018 ; qu’après instruction du dossier, la CCAS a, dans sa décision du 16 mars 2017, refusé de prendre en charge cet accident du trajet au titre de la législation relative aux risques professionnels ; que l’assuré a formé un recours préalable obligatoire auprès de la commission de recours amiable de la CCAS le 6 avril 2017 pour contester ce refus, laquelle a rendu une décision de refus explicite le 7 février 2019, notifiée par courrier en date du 2 avril 2019 ; que par courrier recommandé avec avis de réception adressé le 27 mai 2019, il a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de contestation de la décision de refus de prise en charge de son accident survenu le 21 octobre 2016.

Par jugement en date du 23 janvier 2020, le tribunal a :

– déclaré l’action de M. [M] [Z] recevable ;

– dit celle-ci bien fondée ;

– dit que la décision de rejet notifiée par la Caisse de la Coordination aux Assurances Sociales de la RATP le 16 mars 2017 est mal fondée ;

– en conséquence, dit que l’accident dont a été victime M. [M] [Z] le 21 octobre 2016 est un accident du travail au sens de l’ article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale et doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

– condamné la Caisse de la Coordination aux Assurances Sociales de la RATP à prendre en charge l’accident du travail subi par M. [M] [Z] le 21 octobre 2016 ;

– renvoyé M. [M] [Z] devant la Caisse de la Coordination aux Assurances Sociales de la RATP pour la liquidation de ses droits ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamné la Caisse de la Coordination aux Assurances Sociales de la RATP à payer à M. [M] [Z] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’ article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Caisse de la Coordination aux Assurances Sociales de la RATP aux entiers dépens ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a jugé que la requête était recevable et qu’aucun grief n’est articulé par la caisse justifiant de la nullité de l’acte de saisine. Au fond, il a retenu que les déclarations de l’assuré avaient été corroborées par plusieurs témoins et par le certificat médical justifiant de lésion survenue le jour même de l’accident déclaré. S’agissant du lien entre l’accident et le travail, le tribunal a retenu que l’assuré se déplaçait dans le cadre d’une relève pour l’exercice de son mandat de délégué du personnel et que la caisse ne démontrait pas que le règlement intérieur ou une note de service précisaient les modalités de la relève syndicale alors même qu’un témoin attestait de l’information de l’employeur qui n’avait pas été retranscrites et que d’autres salariés précisaient l’utilisation du crédit d’heures pour la préparation d’une défense en instance disciplinaire.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 3 février 2020 à l’E.P.I.C. R.A.T.P

. pris en sa qualité d’organisme spécial de sécurité sociale dénommé C.C.A.S. R.A.T.P. qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 2 mars 2020.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, l’E.P.I.C. R.A.T.P. pris en sa qualité d’organisme spécial de sécurité sociale dénommé C.C.A.S. R.A.T.P. demande à la cour de :

– rejeter la demande formulée par l’intimé de voir prononcer la péremption d’instance ;

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 23 janvier 2020 ayant infirmé la décision du 16 mars 2017 et ordonné la prise en charge à titre professionnel de la déclaration d’accident de trajet du 21 octobre 2016 par M. [M] [Z] ;

– confirmer la décision de refus de prise en charge notifiée le 16 mars 2017 par la CCAS de la RATP et l’avis du Conseil d’administration de la CCAS du 2 avril 2019 ;

– fonder juridiquement la décision sur le règlement intérieur de la CCAS de la RATP ;

– dire et juger M. [M] [Z] mal fondé en toutes ses demandes ;

– l’en débouter purement et simplement ;

– condamner M. [M] [Z] d’avoir à payer 1 500 euros à la CCAS de la RATP au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, M. [M] [Z] demande à la coure de :

– in limine litis, juger qu’aucune des parties au litige n’a accompli de diligences pendant deux ans à compter de la date où l’appel a été interjeté ;

– in limine litis, prononcer la péremption de l’instance ;

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 23 janvier 2020 qui affirme que l’accident dont M. [M] [Z] a été victime le 21 octobre 2016 constitue un accident du travail au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;

En conséquence

– reconnaître que l’accident dont M. [M] [Z] a été victime le 21 octobre 2016 constitue un accident du travail au sens de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale ;

– condamner la caisse de la coordination aux assurances sociales RATP à verser à M. [M] [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l’instance.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 2 juin 2023 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE,

Sur la péremption d’instance

M. [M] [Z] expose que par déclaration d’appel enregistrée par la Cour, la CCAS RATP interjetait appel du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny rendu le 23 janvier 2020 ; que par courrier en date du 26 février 2021, la cour de céans convoquait les parties à une audience du vendredi 2 juin 2023 à 13 heures 30 ; que dans le cadre de la présente audience, si la CCAS RATP n’avait pas l’obligation de conclure, elle a manifesté sa volonté de le faire en envoyant ses conclusions le 21 avril 2023 ; que par cet acte manifestant sa volonté de conclure, la CCAS s’est abstenue d’accomplir cette diligence dans le délai de deux ans.

L’E.P.I.C. R.A.T.P. pris en sa qualité d’organisme spécial de sécurité sociale dénommé C.C.A.S. R.A.T.P. réplique que la cour a déjà jugé, à plusieurs reprises que lorsque la procédure est orale, les parties n’ont au regard de l’article 386 du code de procédure civile d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire ; que la convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer ; que s’agissant d’une procédure orale sans représentation obligatoire, la cour n’impose pas de calendrier de procédure impératif et les parties ne sont pas soumises aux articles 905 et suivants du code de procédure civile, de sorte qu’aucune péremption ne peut être retenue ; que l’instance n’est pas périmée dès lors que l’avis de fixation de l’affaire a été délivré le 26 février 2021, dans les deux ans de l’acte d’appel intervenu le 2 mars 2020, pour une première audience fixée au 2 juin 2023.

Il résulte de la combinaison des articles 2 du code civil, 386 du code de procédure civile et R.142-22, dernier alinéa, du code de la sécurité sociale, ce dernier texte dans sa rédaction issue du décret n° 2011-2119 du 30 décembre 2011, abrogé à compter du 1er janvier 2019 par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, que l’article 386 du code de procédure civile est applicable en matière de sécurité sociale tant aux instances d’appel commencées à partir du 1er janvier 2019 qu’à celles en cours à cette date et que lorsque la procédure est orale, les parties n’ont pas au regard de l’article 386 du code de procédure civile d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire (Cass., 2e civ., 17 novembre 1993, n°’92-12807′; Cass., 2e civ., 6 décembre 2018, n°’17-26202). La convocation de l’adversaire étant le seul fait du greffe, la direction de la procédure échappe aux parties qui ne peuvent l’accélérer (Cass., 2e civ., 15 novembre 2012, n°’11-25499). Il en résulte que le délai de péremption de l’instance n’a pas commencé à courir avant la date de la première audience fixée par le greffe dans la convocation.

La première audience ayant été fixée au 5 juin 2023, date de la plaidoirie, le délai de péremption n’avait pas commencé à courir. En conséquence, le moyen soulevé par M. [M] [Z] sera rejeté.

Sur l’accident

L’E.P.I.C. R.A.T.P. pris en sa qualité d’organisme spécial de sécurité sociale dénommé C.C.A.S. R.A.T.P. expose qu’il appartient aux juridictions de faire application des dispositions spécifiques (Règlement intérieur, statut du personnel) régissant son régime spécial de sécurité sociale ; que les dispositions applicables sont les articles 76 à 78 de son règlement intérieur ; que pour obtenir la qualification d’accident du trajet, il n’existe pas de présomption d’imputabilité, il appartient à la victime de prouver par des faits objectifs les conditions de l’accident allégué et d’apporter la preuve des circonstances exactes de l’accident et ce, autrement que par de simples affirmations ; qu’aucune des attestations produites ne mentionnent le fait qu’il était ce jour-là en relève syndicale, autorisée par son employeur et justifiant une protection sur un trajet ; qu’il ne produit aucun document officiel de son employeur, aucune feuille de pointage, aucune demande écrite déposée à cet effet ; que l’attestation de M. [J] [P] ne peut être suffisante à établir la réalité de la relève alléguée et au contraire confirme que M. [M] [Z] n’en disposait pas ; que ce dernier n’a jamais indiqué par écrit à ses supérieurs sa relève du 21 octobre 2016. Il n’a d’ailleurs jamais fourni ni dans le cadre de l’instruction ni lors de la procédure de première instance de document en ce sens ; qu’une relève n’est effective qu’à la condition qu’elle était déclarée à l’employeur par écrit (courriel ou courrier) : Lorsque l’agent pose une relève et qu’il avertit en temps et en heure de sa relève (justificatif par mail ou écrit et non par demande téléphonique) celui-ci sera couvert si un accident lui arrivait pendant la relève ; que la déclaration d’accident de trajet a été tardive, le certificat médical initial n’ayant été établi que plus d’un mois après l’accident de la circulation survenu ; que M. [M] [Z] a, dans un premier temps, adressé à la CCAS un arrêt de travail pour maladie ; qu’il ne peut se prévaloir des dispositions relatives à l’article L. 2143-17 du Code du travail qui considère que le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme un temps de travail, s’il n’informe pas son employeur de ses jours de relève syndicale ; qu’il n’a apporté aucun élément justifiant le lieu ou l’horaire exact de l’accident déclaré ; que les indications données résultent uniquement de ses déclarations non corroborées par des éléments objectifs ; qu’il cite un témoin dont il ne dépose pas le témoignage ; qu’il ne transmet pas le compte-rendu des urgences et celui des sapeurs-pompiers qui seuls peuvent justifier de l’horaire de l’accident ; qu’il ne communique pas le procès-verbal de police établie après celui-ci ; que l’accident est intervenu à un horaire en dehors des heures de travail, à 16 heures alors qu’il embauchait à 18h15.

M. [M] [Z] réplique qu’il avait effectivement programmé un rendez-vous le 21 octobre 2016 avec M. [B] [W] à 16h30 au sein des locaux de l’organisation syndicale CGT RATP à la Bourse du travail (annexe Varlin) située [Adresse 2] [Localité 5] pour la défense des intérêts d’une salariée ; qu’il a rencontré cette dernière à 13h30 au centre bus de [Localité 8] avant de se préparer pour partir rendez-vous prévu avec M. [W] ; que l’accident a eu lieu durant ce trajet ; qu’il ne s’agit pas d’un accident de trajet mais d’un accident du travail en raison de sa délégation syndicale ; que les documents dont il fait état justifier de la matérialité des faits.

Il résulte des dispositions de l’article 76 du règlement intérieur de la CCAS que constitue un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu, par le fait ou à l’occasion du travail, à tout agent ou cadre permanent.

L’accident du travail est un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n° 132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l’occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397).

Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181) ; il importe qu’elles soient corroborées par d’autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n° 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n° 13-16.968).

En revanche, dès lors qu’il est établi la survenance d’un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable au travail, sauf pour celui qui entend la contester de rapporter la preuve qu’elle provient d’une cause totalement étrangère au travail. Il en est ainsi d’un choc psychologique survenu au temps et au lieu de travail (2e Civ., 4 mai 2017, pourvoi n° 15-29.411).

L’article L 2315-3 du code du travail, dans sa version applicable à la date de l’accident, dispose que :

« Le temps passé en délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale.

L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire ».

Le représentant du personnel ne devant, en application des dispositions de l’article L. 2315-3 du code du travail, subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, il en résulte que le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.

Il en résulte qu’un accident survenu lors d’un trajet dans le cadre d’heures de délégation doit être considéré comme un accident du travail (2e Civ., 18 septembre 2014, pourvoi n° 13-14.435). Il importe peu que cet accident soit survenu en dehors des heures de travail habituelles de la victime, la preuve de l’utilisation de la délégation étant suffisante.

Les heures de délégation sont utilisées librement et ne peuvent faire l’objet d’un contrôle a priori de l’employeur (Crim. 10 mars 1981, bull. crim. 88, n° 80-91.570 ; soc. 18 juin 1997, bull. V, n° 231, n° 94-43.415) ; elles bénéficient d’une présomption de bonne utilisation. Ainsi, l’employeur ne peut contester l’usage fait des heures de délégation qu’après les avoir payées. si l’employeur a l’obligation de payer à l’échéance normale les heures de délégation, les salariés, bénéficiaires de ce versement, sont tenus d’indiquer sur sa demande, qui peut être formée par voie judiciaire, les activités au titre desquelles ont été prises les heures de délégation : il ne s’agit pour eux que de fournir des précisions sur les activités exercées pendant lesdites heures pour permettre à l’employeur de s’assurer que la nature des activités est conforme aux mandats représentatifs de l’intéressé ((Soc. 23 février 1994, n° 92-44.145 ; 30 novembre 2004, bull. V, n° 313, n° 03-40.434 ; Soc. 20 juin 2007, n° 06-41.219) et aucunement de justifier de leur utilisation. C’est à l’employeur d’établir devant les juges du fond, après les avoir payées, la non-conformité de l’utilisation de ce temps avec l’objet du mandat représentatif. Sauf urgence, le représentant du personnel est tenu d’informer l’employeur préalablement.

L’article L 2315-5 du code du travail, dans sa version applicable au litige, précise que :

« Pour l’exercice de leurs fonctions, les délégués du personnel peuvent, durant les heures de délégation, se déplacer hors de l’entreprise. »

« Ils peuvent également, tant durant les heures de délégation qu’en dehors de leurs heures habituelles de travail, circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés. »

En l’espèce, l’assuré a été victime le 21 octobre 2016 à 16 heures d’un accident de la circulation en glissant à moto dans un virage en raison d’une perte d’adhérence consécutive à la présence d’huile sur la chaussée. Le motif du trajet était de se rendre à un rendez-vous au syndicat CGT en relève syndicale. Le certificat médical a été établi le jour même par un médecin de l’hôpital Bichat – [V] [H] qui a constaté une fracture du fémur quart inférieur de la jambe droite avec fracture luxation. Lors de l’enquête, l’assuré a indiqué avoir conduit du dépôt de Sain-Denis,où il était affecté, qu’il a quitté vers 15 h 50, vers le siège du syndicat et avoir avisé M. [X] [C]. L’heure de départ du dépôt à 15 h 50 est corroborée par M. [I] [F]. L’en-tête du triplicata d’accident émanant du Service du Traitement Judiciaire des Accidents précise que le 21 octobre 2016, l’assuré a été victime d’un accident sur la bretelle d’accès du Boulevard Périphérique Intérieur en provenance de l’autoroute A1 à l’échangeur Chapelle.

La preuve d’un accident survenu à l’heure indiquée par l’assuré est donc rapportée.

Selon les attestations de Mme [L] [Y], de M. [G] [A], de M. [I] [F] et de M. [B] [W], l’assuré se rendait à un rendez-vous pour préparer la défense d’une salariée du dépôt qui devait comparaître en conseil de discipline. M. [W] avec qui l’assuré avait rendez-vous précisait que celui-ci devait avoir lieu à 16 h30 au syndicat.

Selon M. [J] [P], dont le témoignage ne peut être écarté faute de preuve d’un grief par la CCAS en raison de l’absence d’une partie des mentions relatives aux risques sur le faux témoignage, l’assuré avait prévenu M. [E] [S] dès le 19 octobre 2016 de ce qu’il serait en délégation le 21 octobre dès le début de son service. Il ajoute que l’assuré l’avait contacté le jour-même après s’être aperçu de l’absence de mention à ce sujet et que ce dernier s’était présenté au centre dans l’après-midi pour vérifier sa relève.

Mme [R] [U] atteste avoir préparé le jour de l’accident son dossier de défense de la procédure disciplinaire avec l’assuré dans les locaux du dépôt et avoir terminé cette réunion à 15 h 30. Elle ajoute que son correspondant devait déposer son dossier au syndicat.

La gestionnaire du dossier réplique qu’en tout état de cause, l’assuré ne pouvait être en relève syndicale antérieurement à sa prise de service.

Dès lors que la CCAS ne conteste pas que la défense d’une salariée par un délégué du personnel relève de ses missions, et que l’assuré pouvait être présent dans les locaux en dehors de ses heures de travail pour assurer sa délégation, que cette défense nécessitait en outre une présence au syndicat, il importe peu que l’employeur ait été ou non averti de la décharge syndicale, dès lors qu’elle n’avait pas à faire l’objet d’une autorisation préalable, l’abus par le salarié pouvant faire l’objet de sanctions. La CCAS ne démontre pas d’abus de la part de l’assuré.

Dès lors, l’accident dont la matérialité est incontestable est intervenue durant des heures de délégation et doit être qualifié d’accident du travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

L’E.P.I.C. R.A.T.P., en sa qualité d’organisme gestionnaire de la C.C.A.S. de la R.A.T.P., qui succombe, sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de l’E.P.I.C. R.A.T.P. ;

CONFIRME le jugement rendu le 23 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE l’E.P.I.C. R.A.T.P. à payer à M. [M] [Z] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’E.P.I.C. R.A.T.P. aux dépens.

La greffière Le président

 


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