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ARRET
N°
[H]
C/
Association PEP 80
copie exécutoire
le 15/11/2023
à
Me LEQUEUX
Me PETIT
EG/IL/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2023
*************************************************************
N° RG 22/05237 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ITV7
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 07 NOVEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 05/00731)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [J] [H]
né le 14 Novembre 1952 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté, concluant et plaidant par Me Fabien LEQUEUX, avocat au barreau de PARIS
Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant
ET :
INTIMEE
Association PEP 80
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me SOULIER de la SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES, avocat au barreau D’AMIENS, suppléant de Me Anne-sophie PETIT de la SCP PETIT-DARRAS, avocat au barreau D’AMIENS
DEBATS :
A l’audience publique du 20 septembre 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
– Mme [G] [I] en son rapport,
– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Mme [G] [I] indique que l’arrêt sera prononcé le 15 novembre 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [G] [I] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 15 novembre 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
L’association PEP 80 (l’association ou l’employeur) est une association de jeunesse et d’éducation populaire, complémentaire de l’enseignement public.
Elle a embauché M. [H] à compter du 1er octobre 1997 dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur de l’IME de [Localité 7] et de l’institut de rééducation de [Localité 6], avec reprise d’ancienneté de 4 ans et 1 mois.
La convention collective applicable est celle du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.
En juin 2004, le trésorier de l’association PEP 80 a alerté le président de celle-ci sur des suspicions d’anomalies financières qui ont donné lieu à un rapport du 30 août 2004.
L’association PEP 80 a alors saisi son commissaire aux comptes d’un contrôle interne. Ce dernier a transmis son rapport le 15 octobre 2004.
Par courriers séparés du 8 novembre 2004, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 18 novembre 2004 et placé en mise à pied conservatoire.
Par lettre du 30 novembre 2004, il s’est vu notifier son licenciement pour faute grave.
Contestant la légitimité de son licenciement, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens le 15 février 2005.
Le 4 avril 2005, l’association PEP 80 a déposé plainte avec constitution de partie civile contre M. [H] des chefs d’abus de confiance et de faux, en produisant le rapport du commissaire aux comptes.
Par jugement du 19 juin 2006, le conseil a décidé de sursoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.
Par ordonnance en date du 12 avril 2012, le magistrat instructeur a dit n’y avoir lieu à poursuite concernant les faits de vol, de recel de vol et faux reprochés à M. [H].
Par la même ordonnance, elle a décidé de renvoyer le salarié devant le tribunal correctionnel pour :
« avoir à [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 8], en tout cas sur le territoire national, de courant 2003 et jusqu’au 30 novembre 2004, détourné des fonds, valeurs ou biens quelconques qui lui avaient été remis et qu’il avait acceptés à charge de les rendre ou représenter ou d’en faire un usage déterminé et ce au préjudice de l’association PEP80 de la Somme ».
Par jugement du 31 janvier 2013, le tribunal correctionnel a relaxé M. [H] des fins de la poursuite.
Le 19 février 2013, l’association PEP 80 a interjeté appel sur le plan civil.
Par arrêt en date du 24 mars 2014, la cour d’appel a condamné M. [H] sur intérêts civils.
Un pourvoi en cassation a été diligenté et par arrêt en date du 8 octobre 2014, la cour de cassation a déclaré le pourvoi de M. [H] non admis.
Par courrier du 30 juillet 2019, M. [H] a sollicité la réinscription de son dossier devant le conseil de prud’hommes de céans.
Par jugement du 7 novembre 2022, le conseil a :
– dit et jugé que la présente instance était périmée.
– débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté l’association PEP 80 de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [H] aux entiers dépens.
M. [H], régulièrement appelant de ce jugement, par conclusions remises le 6 février 2023, demande à la cour de le dire recevable et bien fondé, et d’infirmer le jugement.
Et statuant à nouveau de :
– débouter l’association PEP 80 de sa demande visant à constater la péremption d’instance et en conséquence juger que l’instance n’est pas périmée ;
– juger que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits ;
– juger que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas une faute grave ;
– juger que n’ayant pas fait l’objet de 2 sanctions préalables, il ne pouvait faire l’objet d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En conséquence, en en toutes hypothèses,
– juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ainsi en tout état de cause de,
– condamner l’association PEP 80 à lui verser les sommes suivantes avec intérêts à compter de la requête introductive du 15 février 2005 :
– 3 077,84 euros au titre de la perte de salaire de la mise à pied conservatoire injustifiée ;
– 25 182,30 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
– 2 518,23 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis ;
– 53 512,38 euros au titre de l’indemnité de licenciement ;
– 75 546,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– ordonner à l’association PEP 80 de lui remettre les documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la signification dudit jugement.
L’association PEP 80, par conclusions remises le 25 avril 2023, demande à la cour de :
A titre principal :
– confirmer le jugement ;
– dire et juger que la présente instance est périmée faute pour M. [H] d’avoir produit dans le délai de deux ans à compter de l’issue de la procédure pénale en cours, soit avant le 8 octobre 2016, la copie de la décision pénale et solliciter la réinscription de son affaire par devant le conseil de prud’hommes ;
– débouter par voie de conséquence M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire,
– dire et juger que le licenciement de M. [H] repose bien sur une faute grave ;
– débouter par conséquent M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions pour l’ensemble des raisons de faits comme de droit ci-dessus exposées ;
A titre infiniment subsidiaire,
– débouter M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute pour celui-ci de rapporter la preuve du préjudice subi ;
– débouter M. [H] de ses demandes d’indemnités de préavis et d’indemnité de licenciement, faute pour celui-ci d’étayer ses demandes quant au fondement juridique et au mode de calcul utilisé ;
– réduire à défaut à de plus justes proportions la somme indemnitaire sollicitée par M. [H] en terme d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner enfin M. [H] à lui verser 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS
1/ Sur la péremption d’instance
M. [H] se prévaut de la jurisprudence de la Cour de cassation qui prévoit que si la décision de sursis à statuer n’a mis à la charge des parties d’autres diligences que celle de faire réinscrire l’affaire, le délai de péremption n’a pas couru.
L’employeur répond que le conseil de prud’hommes ayant sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale en cours, il appartenait au salarié de faire réinscrire son affaire avant le 8 octobre 2016, soit deux ans après la décision de la Cour de cassation mettant définitivement un terme à la procédure pénale.
L’article R.1452-8 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose qu’en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
La « diligence » est définie en procédure civile comme l’acte volontaire qui, faisant partie de l’instance, manifeste la volonté de la continuer ou encore qui est « de nature à faire progresser l’affaire » à faire avancer la procédure.
En l’espèce, par jugement du 19 juin 2006, le conseil de prud’hommes a sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale en cours et dit que l’affaire serait reprise à la demande de la partie la plus diligente sur production de la copie de la décision pénale.
La décision ordonnant le sursis à statuer et le retrait du rôle n’imposant aucune diligence particulière aux parties autre que celle nécessaire à la réinscription de l’affaire, le délai de péremption n’a pas couru.
Les demandes formées par M. [H] sont donc recevables contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes.
2/ Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce.
En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :
« Monsieur,
A la suite de l’entretien préalable qui s’est tenu le Jeudi 18 Novembre 2004 en application de l’article L 122.14 du Code du Travail, je vous informe de la décision prise par l’Association PEP 80, votre employeur, de procéder à votre égard à une mesure de licenciement pour faute grave et ceci pour les motifs exposés lors de cet entretien.
En effet, il vous est reproché une carence grave et regrettable dans la tenue de la comptabilité des établissements et services dont vous avez la charge et pour lesquels vous gérez des fonds publics.
Les pièces comptables ne sont pas numérotées et sont toutes enregistrées à la date de règlement, ce qui implique que toute recherche oblige à remonter au relevé de banque sur lequel figure un numéro d’écriture ce qui ne sécurise pas les écritures, ni les engagements.
Dans les dossiers vérifiés figurent de nombreuses photocopies et non les pièces originales ce qui est anormal et regrettable.
Le suivi de caisse n’est pas effectué journellement par un « brouillard » permettant de suivre les soldes, avec les pièces justificatives correspondantes.
La comptabilité de la banque est tenue sur des copies de relevés et non en fonction des émissions de chèques ou recettes de banque.
De nombreuses souches de carnets de chèque ne sont pas renseignées.
Des chèques ne sont pas établis dans l’ordre de leurs numéros sur les souches.
Certains chèques ont été signés en blanc sans mention de bénéficiaire.
Des retraits d’espèces par carte bancaire sont comptabilisés en charges : « services bancaires » (compte 627) sans qu’apparaisse l’usage réel de ces fonds ou leur versement dans la caisse.
Vous auriez prélevé au guichet de notre Banque la BFCC à [Localité 4] les sommes de 300 € et de 1 500 €, les 19/10 et 26/10/2004, dont nous ignorons les justifications.
En ce qui concerne les justificatifs des dépenses, il a été relevé :
‘ des dépenses ne concernant pas l’Association à savoir : champagne, cadeaux, réparations de véhicules…
‘ certains justificatifs qui ne sont pas exploitables notamment en matière de remboursement de frais,
‘ des listes « sur l’honneur » non appuyées de justificatifs,
‘ des doubles règlements de frais, billets SNCF, carburant
En ce qui concerne la comptabilisation des charges il a été constaté l’existence de certains doubles règlements, des ventilations peu précises ou inexactes voire mensongères : des factures comptabilisées en alimentation enfants comprennent des alcools et des repas extérieurs, des fournitures de bureaux et des achats de carburant classés dans la catégorie « transports usagers » (compte 6241).
En ce qui concerne le poste « avances au personnel », des avances sont comptabilisées anonymement, ce qui oblige à remonter aux fiches de paie ou à un document « confidentiel » pour connaitre les bénéficiaires et vérifier les remboursements.
Par ailleurs, des faits tout à fait anormaux ont été constatés après vérification de la comptabilité à savoir :
‘ Engagement de dépenses d’investissements :
Vous avez engagé certaines dépenses en début 2004 avant l’arrêté des comptes 2003, sans respect de la procédure fixée par la direction de l’Association ni respecter les procédures d’autorisation de la tutelle, concernant l’utilisation d’excédents non accordés par la DDASS.
Ces engagements représentent un volume de plus de 5000 €
‘ Engagement de dépenses de formation :
Dans les mêmes conditions, sans autorisation non plus de notre part et contre l’avis du Comité d’Entreprise, une somme de 5 910 € a été engagée pour la formation de certains salariés.
‘ Application de Ia Convention collective :
Nous avons constaté depuis quelques années et pour deux personnes en particulier, M. [Y] et Mme [C] une évolution de carrière particulièrement accélérée compte-tenu de leur ancienneté, non conforme aux dispositions de la convention collective alors que vous aviez à veiller strictement à leur application.
Vous avez ainsi avantagé de façon anormale et excessive ces salariés dépendant de votre autorité, et créé de graves disparités, source de difficultés dans la gestion du personnel de l’Association.
‘ Versement de fonds indus au bénéfice d’un fournisseur :
Vous avez spontanément versé à un fournisseur les « Taxis GREBIL» une avance de l’ordre de 5 500 € début 2003. Vous avez ainsi accordé sur des fonds publics et à l’insu de votre employeur des fonds indus à une entreprise sans respecter ni l’objet social ni l’intérêt ni la sécurité de l’Association. Cette entreprise, après dépôt de son bilan et sa mise en liquidation judiciaire en Avril 2004 a continué des transports d’enfants jusqu’en Juillet 2004 alors qu’elle n’était plus autorisée.
Il s’est avéré également qu’elle avait sous-traité des transports d’enfants à un certain [P] [S] « Les Messageries du Bocage » en Avril et Mai 2004 et que l’entreprise « GREBIL » liquidée judiciairement, refacturait avec marge les transports ainsi sous-traités et encaissait les règlements par des procédures normales facilitées par des chèques que vous avez signé sans ordre de bénéficiaire, comme vous l’avez reconnu lors de l’entretien.
L’analyse des copies de chèques a aussi permis de constater que trois chèques ont été comptabilisés dans le compte GREBIL et encaissés par un certain [N] [K] au 09/12/2003 pour 418.20 €, un certain [R] [E] au 23/01/2004 pour 1 500 € et une certaine Edith SCHAAP au 08/07/2004 pour 2 000 € et ce en totale contradiction avec le document du 08/07/2004 que vous avez signé.
Vous n’avez donc pas respecté la sécurité financière de l’Association qui « serait » à ce jour débitrice des « Messageries du Bocage» et créancière de l’ex entreprise « GREBIL» en liquidation, soit une dette d’une part et une créance douteuse d’autre part pour une prestation effectivement payée.
‘ Application des normes relatives aux transports :
Le transport des enfants, usagers des établissements et services doit être réalisé par des entreprises agréées.
Vous aviez fait appel à l’entreprise « GREBIL »
Or cette entreprise a continué les transports d’enfants jusqu’en Juillet 2004 après son dépôt de bilan et sa mise en liquidation judiciaire en Avril 2004 que vous ne deviez pas ignorer, Elle a aussi sous-traité à l’entreprise « Les Messageries du Bocage » sans que vous vous en soyez inquiété et sans contrôle des agréments de cette dernière. La sécurité des enfants n’a donc pas été respectée, avec de graves conséquences possibles pour eux et pour l’Association.
Vous avez aussi signé une « convention de mise à disposition » d’un véhicule de l’Association, sans accord ni même information à celle-ci, à une association tiers « Familles rurales de CANCHY » sans demande particulière en matière d’assurances.
Une telle « mise à disposition » faite à titre onéreux est non conforme aux clauses de l’assurance souscrite auprès de la MAIF par l’Association. Elle peut entrainer la nullité du contrat et Ia non prise en charge des conséquences d’un sinistre.
La comptabilité révèle aussi que la réparation des freins d’un véhicule « Trafic » prescrite à 66 861 km lors d’un contrôle technique le 07/07/2003 n’a été réalisée que le 31/08/2003 à 67875 km et que la contre-visite n’a été effectuée qu’au 31/10/2003 à 68 795 km.
Par ces négligences vous n’avez pas non plus respecté la sécurité des usagers et de l’Association.
‘ Prélèvements de trésorerie sur les comptes de l’Association :
Il a été constaté que contrairement aux apparences il existait au 31 Décembre 2003 un prélèvement de l’ordre de 11 000 € à votre profit dans les divers établissements.
Cette somme avait été présentée au 31 décembre 2003 comme remboursée dans les comptabilités des UPP par l’enregistrement de deux chèques du 28 Décembre 2003 pour 6 669.35 € et du 30 Décembre 2003 pour 1 500 €, du SESSAD de [Localité 8] par un chèque de 800 € et de l’IR de [Localité 6] par un chèque de 2 500 €.
Or ces chèques n’ont été remis en banque que le 16 février 2004 et crédités les 18 et 19 Février 2004.
Il existe une autre anomalie dans la mesure où il est constaté au bénéfice de Mme [C], pour l’établissement de [Localité 6], un chèque de 1 500 € daté du 19 Janvier 2004, enregistré au 31 Décembre 2003 dans le journal des salaires.
De ce fait nous sommes « remontés » à l’origine des prélèvements faits à votre profit et avons trouvé qu’ils remontaient pour la première fois au 05 Mars 2002 pour un prélèvement de 450€.
Des prélèvements ont été ensuite faits onze fois en 2003 pour atteindre le maximum au 31 Décembre 2003 et être « remboursés » en Février 2004.
En 2004 vous avez réitéré vos prélèvements à hauteur de 2 200 €, partiellement remboursés au 31 octobre 2004 laissant un solde de 700 € à cette date sous réserve de vérification.
Ces prélèvements n’ont jamais été autorisés par le Président de l’Association, votre employeur.
Leur comptabilisation présente des anomalies d’imputation ou de remboursement tendant à en masquer l’existence.
Ils s’analysent comme un usage privé de fonds associatifs d’origine publique du secteur médico-social de l’Association.
Après vérification des comptabilités des établissements dont vous avez la responsabilité à savoir : IR de [Localité 6], UPP d'[Localité 5] et GRATIBUS, SESSAD « La Ritournelle » de [Localité 8], SESSAD « Les Cordeliers » de [Localité 6], il apparait donc que vous avez abusé de vos pouvoirs, transgressé la réglementation et les instructions que vous étiez tenus d’observer et de faire appliquer dans la tenue des comptabilités des établissements et services dont vous avez la charge, en engageant en outre des dépenses d’investissement et de formation sans autorisation et sans disposer des crédits correspondants, en avantageant de façon anormale certains membres du personnel dépendant de votre autorité, en versant des fonds indus à une entreprise, en négligeant de respecter les normes de sécurité relatives aux transports des usagers, en utilisant des deniers publics à des fins personnelles.
Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien préalable ne nous permettent pas de modifier notre appréciation sur ces agissements.
Au lieu de reconnaitre vos manquements vous avez créé un climat détestable dans les établissements et services dont vous avez la charge en fomentant un mouvement de grève des personnels en pleine rentrée scolaire avec toutes les conséquences que cela entrainait pour les enfants dont vous aviez la responsabilité, en vous dissimulant derrière des revendications apparemment étrangères à votre cas alors que dans votre courrier du 29 Octobre 2004 vous revendiquez ouvertement le bénéfice de ce mouvement des personnels, que vous qualifiez de soutien à votre personne et à votre action.
Ces agissements constituent un manquement grave et entrainent une perte de confiance incompatible avec le maintien de votre activité.
Face à la gravité des faits constatés et à votre attitude, au discrédit que cette situation jette sur l’Association, il ne nous est pas possible de maintenir notre collaboration dans un climat normal de confiance qui doit régner entre l’Association employeur et ses collaborateurs.
En conséquence de quoi la mesure de licenciement prendra effet immédiatement à la réception de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement ».
2-1/ sur la prescription des faits fautifs
M. [H] soutient que les faits reprochés ayant été découverts en juin 2004 puis formellement établis à l’issue du rapport du trésorier de l’association du 30 août 2004, ils ne pouvaient servir de fondement à des poursuites disciplinaires engagées le 8 novembre 2004 alors que le contrôle du commissaire aux comptes n’apporte aucun élément nouveau et que son départ était déjà envisagé par l’employeur.
L’employeur répond qu’il n’a eu une connaissance précise et complète des évènements qu’après consultation du commissaire aux comptes aux fins de vérification des anomalies relevées par le trésorier bénévole de l’association.
En application de l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.
La seule possibilité pour l’employeur de différer l’engagement des poursuites disciplinaires est la nécessité prouvée de recourir à des mesures d’investigation sur les faits reprochés au salarié et de se déterminer sur la mise en ‘uvre d’une procédure de licenciement pour faute grave. En cas de nécessité d’ordonner une enquête sur les faits reprochés au salarié, le jour de ses résultats constitue le point de départ du délai de deux mois.
En l’espèce, le 30 août 2004, le trésorier bénévole de l’association PEP 80 a présenté au bureau un rapport concernant de nombreuses anomalies constatées dans la gestion comptable et financière des établissements dirigés par M. [H].
S’agissant d’en tirer d’éventuelles conséquences disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement d’un directeur, il apparaît légitime que l’employeur se soit entouré de précautions en soumettant les constatations du trésorier à son commissaire aux comptes afin de disposer de l’analyse d’un professionnel de la gestion comptable et financière.
Ce n’est donc qu’au jour du dépôt du rapport du commissaire aux comptes le 15 octobre 2004 qu’il a disposé de tous les éléments lui permettant d’être assuré de l’existence d’irrégularités comptable et financière imputables à M. [H], ce qui a reporté d’autant le point de départ du délai de prescription des faits fautifs.
Il importe peu qu’une proposition de départ négocié ait été soumise à M. [H] parallèlement à la saisine du commissaire aux comptes, l’employeur étant libre d’envisager plusieurs options pour finalement retenir celle du licenciement au vu de la position du salarié après vérification que les faits reprochés sont fondés.
La procédure disciplinaire ayant été engagée le 8 novembre 2004, moins de deux mois après le 15 octobre 2004, le moyen tiré de la prescription des faits fautifs doit être écarté.
2-2/ sur le non-respect d’une garantie procédurale de fond
M. [H] invoque le non-respect d’une garantie procédurale de fond prévue par le règlement intérieur quant à la notification de vive voix de la mise à pied conservatoire.
L’employeur ne répond pas sur ce point.
Aucun texte n’obligeant l’employeur à prendre une mesure conservatoire avant d’ouvrir une procédure de licenciement motivée par une faute grave, l’irrégularité de la procédure de mise à pied conservatoire est sans effet sur la procédure de licenciement.
En l’espèce, l’article 4-8 du règlement intérieur de l’association prévoit :
« Si les agissements d’un salarié rendent indispensables une mesure conservatoire de mise à pied avec un effet immédiat, cette mesure lui est signifiée de vive voix et il doit s’y conformer immédiatement. Une confirmation de cette mesure lui est faite par écrit.»
Une mise à pied conservatoire a été notifiée à M. [H] par courrier du 8 novembre 2004 concomitamment à la convocation à un entretien préalable sans que l’employeur justifie d’une notification antérieure de vive voix.
Néanmoins, à considérer que cette omission ait effectivement fait grief à M. [H], elle ne saurait valoir manquement à une garantie de fond de la procédure de licenciement dont la mise à pied conservatoire n’est pas un préalable nécessaire.
Dès lors, ce moyen doit également être écarté.
2-3/ sur l’existence d’une faute grave
M. [H] fait valoir que l’employeur ne peut se prévaloir d’une faute grave alors qu’il a attendu 25 jours pour engager la procédure de licenciement après la remise du rapport du commissaire aux comptes.
Il conteste, par ailleurs, les griefs reprochés affirmant avoir agi dans le cadre de ses attributions pendant de nombreuses années sans aucune remarque du commissaire aux comptes et avec très peu de moyens administratifs et comptables, avoir respecté les procédures d’engagement des dépenses et de promotion des collaborateurs, ne pas avoir été informé de la mise en liquidation judiciaire du prestataire de transport régulièrement utilisé, s’être conformé aux usages de l’association quant au prêt de véhicule à des tiers, avoir fait diligence pour faire réparer un véhicule professionnel, avoir bénéficié d’avances sur salaire parfaitement licites et pour lesquelles il a bénéficié d’une relaxe, être étranger au mouvement de grève initié par les salariés en septembre 2004 mais qui est révélateur de la crise institutionnelle existant au sein de l’association notamment à l’encontre de son président et de la véritable cause de son licenciement pour avoir participé activement au mouvement général d’opposition à ce dernier.
L’employeur considère avoir respecté le bref délai en engageant la procédure de licenciement le 8 novembre après dépôt du rapport du commissaire aux comptes le 13 octobre 2004.
Il rappelle que la responsabilité de M. [H] a été retenue sur le plan civil puisque la cour d’appel a considéré qu’il avait commis une faute civile en s’octroyant des avances d’un montant cumulé de 11 000 euros, que ce dernier a reconnu devant le juge d’instruction n’avoir pas agi dans les règles de l’art quant à la tenue de la comptabilité malgré son niveau de responsabilité, et avance que les agissements reprochés dénotent une attitude générale d’abus des pouvoirs qui lui avaient été confiés justifiant le licenciement pour faute grave sans qu’aucun autre motif inavoué ne soit établi.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.
C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, il a été retenu que l’employeur n’a disposé de tous les éléments lui permettant d’être assuré de l’existence d’irrégularités comptable et financière imputables à M. [H] qu’au jour du dépôt du rapport du commissaire aux comptes le 15 octobre 2004.
En engageant la procédure de licenciement le 8 novembre 2004, moins d’un mois après cette date et après autorisation du conseil d’administration le 5 novembre 2004, l’employeur n’a pas méconnu le principe du bref délai attaché au licenciement pour faute grave.
Dans son arrêt du 24 mars 2014, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel d’Amiens a jugé que M. [H] avait commis une faute civile en profitant de ses fonctions pour s’accorder, sans autorisation même implicite de l’employeur, des avances sur salaire à partir de mars 2002 pour un montant cumulé de 11 000 euros au 31 décembre 2003, puis de 3 600 euros en 2004, et en tentant de masquer ces irrégularités par des écritures comptables erronées, nonobstant le remboursement partiel de ces sommes, et a accordé à l’association PEP 80 des dommages et intérêts.
Le pourvoi formé par M. [H] à l’encontre de cet arrêt ayant été déclaré non admis, la décision est définitive quant à l’existence d’une telle faute imputable à ce dernier et justifiant l’indemnisation de l’association PEP 80.
M. [H], qui a profité des pouvoirs que sa fonction lui conférait pour commettre cette faute au préjudice de l’association qui l’employait, ne saurait lui dénier un caractère disciplinaire.
Au vu du niveau de responsabilité de M. [H], du montant non négligeable des sommes en jeu sur 3 ans, de la persistance de cette pratique illicite pendant plusieurs années, et des manipulations comptables opérées pour la rendre moins détectable, ce manquement est constitutif à lui seul d’une faute grave justifiant le licenciement sans préavis du salarié, sans qu’il apparaisse nécessaire d’examiner les autres griefs.
Par ailleurs, bien que le rapport d’inspection de la DDASS du 1er septembre 2004 mette en évidence l’existence d’un climat conflictuel évoluant depuis plusieurs années entre les directeurs d’établissement et le président de l’association, aucun élément ne permet d’établir que M. [H] ait été plus exposé qu’un autre et que son licenciement ait eu pour but de l’écarter du fait de son action au sein de ce mouvement contestataire.
Le licenciement pour faute grave notifié le 30 novembre 2004 étant bien fondé, il convient de débouter M. [H] de sa demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes pécuniaires subséquentes.
3/ Sur les demandes accessoires
M. [H] perdant le procès, il convient de confirmer le jugement quant aux dépens et de mettre à sa charge les dépens d’appel.
L’équité commande de le condamner à payer à l’association PEP 80 la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile par infirmation du jugement entrepris.
Sa demande de ce chef est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a condamné M. [J] [H] aux dépens et l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare M. [J] [H] recevable en ses demandes,
Dit le licenciement pour faute grave bien fondé,
Déboute M. [J] [H] de l’ensemble de ses demandes,
Condamne M. [J] [H] à payer à l’association PEP 80 la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais engagés en 1ère instance et en appel,
Condamne M. [J] [H] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.