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N° RG 21/04314 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5UR
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 25 Octobre 2021
APPELANT :
Monsieur [U] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me David ALVES DA COSTA de la SELARL DAVID ALVES DA COSTA AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Jessy LEVY, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
CABINET BIHL en qualité de syndic de la copropriété LE CHANT DES OISEAUX venant aux droits de la coopérative du CHANT DES OISEAUX
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 09 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame ALVARADE, Présidente, rédactrice
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 09 juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 septembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 14 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [M] a été engagé par la SA Coopérative le chant des oiseaux en qualité d’employé entretien, suivant contrat de travail à durée déterminée du 3 mars 2008. La relation s’est poursuivie suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2008. Il percevait en dernier lieu un salaire brut moyen mensuel de 1 799,94 euros.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles.
Sur saisine en référé du salarié en paiement d’heures supplémentaires et aux fins de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail, le conseil de prud’hommes de Rouen a par ordonnance du 25 mars 2014 dit n’y avoir lieu à statuer sur ses demandes, le renvoyant à mieux se pourvoir.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé le 26 mai 2015, le salarié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 23 juin 2015, a été licencié pour fautes graves.
Par délibération de l’assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 30 juin 2015, la SA Coopérative le chant des oiseaux a fait l’objet d’une dissolution et été placée en liquidation amiable, le cabinet Bihl ayant été désigné en qualité de liquidateur amiable.
Par requête du 19 juin 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en contestation de son licenciement, ainsi qu’en paiement de rappel de salaire, d’indemnités et de dommages et intérêts. L’affaire a fait l’objet d’une radiation suivant décision du 16 avril 2018 et réinscrite au rôle à la demande du salarié en date du 8 juillet 2020, reçue au greffe le 9 juillet 2020.
Suivant jugement du 16 février 2018, le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé la liquidation de la SA Coopérative le chant des oiseaux et désigné le cabinet Bihl en qualité administrateur provisoire. La SA Coopérative le chant des oiseaux est devenue depuis le syndicat de copropriétaires du chant des oiseaux, représenté par le cabinet Bihl, en qualité de syndic.
Par jugement du 25 octobre 2021, le conseil a dit que l’instance était périmée, déclaré les demandes M. [U] [M] irrecevables, débouté le Cabinet Bilh de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laissé les dépens de la présente instance à la charge de M. [U] [M].
Le salarié a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions remises le 8 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [U] [M] demande à la cour de :
– juger l’appel recevable et bien fondé,
– réformer le jugement rendu,
statuant à nouveau,
– juger que la péremption n’était pas acquise,
– juger ses demandes recevables,
– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
– condamner le Cabinet Bilh, syndic de la copropriété Le chant des oiseaux, venant aux droits de la coopérative du Chant des oiseaux, à lui verser les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 3 599,88 euros,
congés payés sur préavis : 359,98 euros,
indemnité conventionnelle de licenciement : 2 519,91 euros,
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 000 euros,
– ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi conforme aux dispositions de l’arrêt,
– condamner le Cabinet Bilh, syndic de la copropriété Le chant des oiseaux, venant aux droits de la coopérative du Chant des oiseaux, à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le Cabinet Bilh, syndic de la copropriété Le chant des oiseaux, venant aux droits de la coopérative du Chant des oiseaux, aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais et honoraires d’exécution de l’arrêt.
Par conclusions remises le 17 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, le Cabinet Bilh, syndic de la copropriété Le chant des oiseaux, venant aux droits de la coopérative du Chant des oiseaux, demande à la cour de :
sur la fin de non recevoir,
– constater qu’il s’en rapporte à justice sur la confirmation ou non du jugement qui a dit et jugé l’instance périmée et en ce qu’il a déclaré les demandes de M. [U] [M] comme étant irrecevables,
au fond,
– juger le licenciement de M. [U] [M] comme reposant sur une cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [U] [M] de l’intégralité de ses conclusions, fins et prétentions,
– condamner M. [U] [M] au règlement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.
MOTIFS
1 – Sur la fin de non-recevoir tirée de la péremption de l’instance
Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement suivant requête du 19 juin 2017, suivant décision du 16 avril 2018, le conseil de prud’hommes a ordonné la radiation de l’affaire et suivant requête du 9 juillet 2020, le salarié a procédé à la réinscription de son dossier.
L’article 386 du code de procédure civile dispose : « L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ».
Ces dispositions sont également applicables en matière prud’homale pour toutes les instances introduites à compter du 1er août 2016.
L’employeur a soutenu en première instance que le salarié n’a fait diligence pour inscrire son affaire au rôle que par requête enregistrée le 8 juillet 2020, soit au-delà du délai de deux ans prévu à l’article précité. En cause d’appel, il indique s’en rapporter à justice sur l’éventuelle péremption de l’instance.
Le salarié observe pour sa part que nonobstant la mention au plumitif de ce que l’employeur avait renoncé à invoquer ladite fin de non recevoir, le conseil de prud’hommes a néanmoins jugé l’instance périmée et déclaré ses demandes irrecevables, alors qu’il disposait d’un délai supplémentaire de deux mois suivant ordonnance n° 2020 ‘ 306 du 25 mars 2020, modifiée par ordonnance n° 2020 ‘ 666 du 3 juin 2020.
La cour constate que l’employeur n’a pas maintenu devant les premiers juges la fin de non-recevoir tirée de la péremption.
A toutes fins, étant demandé l’infirmation du jugement sur ce point, il sera rappelé qu’aux termes de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette période, «Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit».
L’article 1er I de la dite ordonnance, modifiée par l’ordonnance n°2020-666 du 3 juin 2020, précise que les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus.
Compte tenu de la crise sanitaire liée à la covid-19, l’ordonnance précitée a instauré un dispositif dérogatoire de prorogation de différents délais expirant ou ayant expiré entre le 12 mars et le 23 juin 2020, période dite «protégée».
En considération des dispositions précitées, le salarié disposait d’un délai expirant au 23 août 2020 pour procéder à la réinscription de l’affaire, ce dont il résulte que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a dit que l’instance était périmée et a déclaré les demandes du salarié irrecevables.
2 – Sur la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement en date du 23 juin 2015 est ainsi motivée :
‘Lors de votre entretien préalable du 26 mai 2015, nous vous avons exposé les motifs pour lesquels notre coopérative d’habitation était amenée à envisager votre licenciement.
Les explications que vous nous avez fournies au cours de cet entretien, ne nous ont malheureusement pas permis de modifier notre approche de la situation.
La décision de votre licenciement a été prise par le Conseil d’administration pour la raison suivante :
– menaces à l’encontre du Président du Conseil d’administration et actes portant préjudice à la situation économique de la société.
Ces actes sont énumérés ci-dessous :
– menaces proférées par téléphone à l’encontre du Président du Conseil d’administration (message vocal du 7 avril 2015) : « je sais où tu habites », « je sais où tu travailles », « je vais te mettre une balle ».
– Fausse déclaration d’accident datée du 19 mars dernier auprès de la CPAM pour un supposé accident survenu le 26 novembre 2014 alors qu’aucune déclaration n’a été faite auprès de votre employeur par vos soins et que vous étiez déjà en arrêt maladie depuis le 26 novembre 2014.
Ces actes démontrent clairement votre volonté de nuire à notre société et à ses dirigeants de façon directe, et sont, sans contestation possible, caractéristiques d’une faute grave, et ne peuvent être tolérés plus longtemps sans prendre le risque de porter gravement atteinte à notre coopérative.
Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de toute activité au sein de notre coopérative et ce même pendant un préavis. [‘]’
Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, le salarié fait valoir que la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification ne s’avérait nécessaire, qu’au cas d’espèce, l’employeur ne pouvait invoquer la faute grave en raison du délai écoulé entre la connaissance des faits et l’envoi de la lettre le convoquant à un entretien préalable au licenciement, qu’en tout état de cause, la matérialité des griefs allégués n’est pas établie, dès lors que ceux-ci ne sont fondés sur aucun élément probant.
Pour satisfaire à l’exigence de motivation posée par l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce.
La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le maintien du salarié dans l’entreprise.
En une telle hypothèse, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs, mais le maintien du salarié dans l’entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises.
Par ailleurs, la preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.
Il est ainsi reproché au salarié d’avoir proféré des menaces par téléphone à l’encontre du président du conseil d’administration par message vocal du 7 avril 2015 et d’avoir effectué une fausse déclaration d’accident datée du 19 mars 2015 auprès de la caisse primaire d’assurance maladie pour un accident qui serait survenu le 26 novembre 2014 alors qu’aucune déclaration n’a été faite auprès de l’employeur et que le salarié était en arrêt maladie depuis cette date.
Sur le premier grief, l’employeur produit :
– le procès-verbal des délibérations du conseil d’administration du 27 avril 2015 mentionnant au paragraphe ‘Point sur le personnel’ que le 7 avril 2015, le salarié a laissé un message d’insultes et de menaces sur la messagerie personnelle du téléphone portable du président, faisant part de son mécontentement quant au non-paiement de son salaire au titre du mois de mars et le menaçant de coups, lui indiquant qu’il sait où il réside et où il travaille, que le président étant à l’étranger à l’époque des faits n’a pas immédiatement consulté son répondeur et pris connaissance de ce message, qu’en l’absence de réponse du président, le salarié s’est rendu sur son lieu de travail et ne le trouvant pas, s’est transporté sur le lieu de travail de la trésorière pour la menacer et lui réclamer son salaire,
– la déclaration de main courante effectuée le 27 avril 2015 par le président de la coopérative, M. [L] [X], mettant en cause l’agent d’entretien, M. [M], rapportant que le salarié l’a menacé d’en découdre avec lui s’il ne s’exécutait pas et qu’il a laissé un message le 7 avril 2015 le menaçant,
– les attestations établies par M. [X], réitérant ses accusations, Mme [O], confirmant que le salarié est venu se plaindre sur son lieu de travail, exigeant qu’on lui verse son salaire et par M. [T], administrateur du 31 mai 2011 à la date de la dissolution de la coopérative, déclarant qu’après avoir entendu le message laissé sur le répondeur téléphonique de M. [X], dans lequel le salarié indiquait qu’il connaissait son lieu de résidence et de travail et qu’il allait lui mettre une balle, il lui a proposé de l’accompagner lors de l’entretien préalable au licenciement envisagé à son encontre.
Le salarié soutient que l’employeur n’a pas agi dans un délai restreint pour mettre en oeuvre la procédure de licenciement, de sorte que le licenciement prononcé pour faute grave se retrouve dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il fait en outre valoir que l’employeur ne rapporte pas la preuve des prétendues menaces proférées à l’encontre du président de la coopérative, que quand bien même l’agent de police mentionne entre parenthèses ‘constaté, exact’, il n’y a aucune précision sur les menaces en cause, et notamment sur ce que signifie ‘en découdre’, ce qui peut se caractériser par des moyens parfaitement légaux, qu’il n’a au demeurant pas été entendu sur les faits, qu’il n’y a aucune certitude sur le fait que l’agent de police ait entendu sa voix, que le procès-verbal de délibération du conseil d’administration ne permet pas non plus d’établir les menaces en cause, ne faisant que retranscrire les déclarations du président de la coopérative.
Sur la date de la connaissance des faits, l’employeur avance le fait que si le message a été déposé le 7 avril 2015, le président de la coopérative n’a interrogé son téléphone que bien plus tard alors qu’il se trouvait à l’étranger.
La cour observe que M. [X] a déposé plainte le 27 avril 2015, que la réunion du conseil d’administration s’est tenue à cette même date aux fins d’évoquer notamment les faits en cause, qu’il ressort des déclarations de M. [X] qu’en l’absence de réponse, le salarié s’est rendu sur son lieu de travail puis sur le lieu de travail de la trésorière, ce que cette dernière confirme, de sorte qu’il est permis de recevoir les explications de l’employeur, non sérieusement combattues par le salarié.
La procédure de licenciement ayant été mise en ‘uvre le 11 mai 2015, le salarié n’est pas fondé à soutenir que l’employeur n’a pas agi dans un délai restreint et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse de ce chef.
Analysant les pièces produites par l’employeur, la cour considère que le grief est établi tant dans sa matérialité que dans son imputabilité au salarié, alors que le fonctionnaire de police rapporte comme suit les déclarations de M. [X] : ‘M. [U] [M] est en arrêt maladie depuis le 26 novembre 2014. Son salaire ne lui a pas été versé par la CPAM. Il reproche au déclarant ce non-paiement. Il menace d’en découdre avec lui s’il ne s’exécute pas. M. [M] a laissé un message en date du 7 avril 2015 le menaçant (constaté exact)’, ces propos ne permettant pas d’en déduire que les menaces en cause peuvent se traduire par l’utilisation de moyens légaux, comme le soutient le salarié, et peu important qu’il n’ait pas été auditionné dans le cadre d’une enquête pénale,
alors encore que M. [T] a pu préciser avoir entendu le salarié indiquer qu’il connaissait les lieux de résidence et de travail de M. [X] et qu’il allait lui ‘mettre une balle’, la copie de la pièce d’identité de M. [T] figurant au verso de l’attestation, de sorte qu’ il n’y a pas lieu de l’écarter au seul motif qu’elle n’est pas rédigée de sa main, revenant à la cour d’en apprécier la valeur probante,
alors en outre qu’il est fait état d’une problématique concernant le salarié, lequel se plaignait du non-paiement de ses salaires.
Sur le second grief, l’employeur produit le courrier que lui a adressé la caisse primaire d’assurance-maladie le 20 mars 2015, indiquant ‘ vous m’avez transmis le 16 mars 2015 une déclaration pour votre salarié [U] [M], victime d’un accident le 19 novembre 2014. Afin de me permettre d’apprécier le caractère professionnel de cet accident, je vous invite…’,
– la déclaration d’accident du travail du 19 mars 2015, établie au nom du salarié et signée de sa main, relative à un accident du 19 novembre 2014, Mme [V] étant mentionnée en qualité de témoin,
– sa réponse à la caisse primaire d’assurance-maladie en date du 3 avril 2015, l’informant que cet accident de travail n’a jamais été porté à sa connaissance, n’avoir jamais transmis de déclaration concernant M. [U] [M], lequel a été placé en arrêt maladie à compter du 26 novembre 2014, et précisant que la victime de l’agression était sa collègue Mme [V].
Le salarié conteste les faits reprochés, expliquant que le 19 novembre 2014 à la suite de cet incident, mettant en cause des résidents de la copropriété, il a été placé en arrêt travail par son médecin traitant, qu’un certificat médical initial a été établi le 25 novembre 2014, qu’en raison du refus de son employeur de déclarer l’accident du travail, il y a procédé lui-même le 19 mars 2015, que compte tenu des contestations formulées par l’employeur à l’occasion de l’enquête diligentée par la caisse primaire d’assurance-maladie, celle-ci a refusé la prise en charge au motif qu’il n’existait pas de preuve que l’accident se soit produit par le fait ou à l’occasion du travail, que sur contestation de cette décision, par jugement du 20 juin 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rouen a considéré que l’accident en cause constituait bien un accident du travail devant être pris en charge en tant que tel au titre de la législation sur les risques professionnels, qu’il produit à toutes fins le témoignage de sa collègue, Mme [V], interrogée par la caisse dans le cadre de l’enquête, la main courante déposée le 19 novembre 2014 au bureau de police et son arrêt de travail en date du même jour délivré en raison d’un stress consécutif à une agression.
S’agissant dudit grief, l’employeur était informé dès le 20 mars 2015 de ce qu’une déclaration avait été effectuée le 16 mars 2015 et indiquait de façon très claire en réponse à la caisse primaire d’assurance-maladie par lettre du 3 avril 2015 que son salarié avait effectué une déclaration mensongère. Pour autant, elle n’a engagé la procédure de licenciement que le 11 mai 2015, de sorte que ce grief ne peut être retenu pour fonder un licenciement pour faute grave.
Sur la sanction prise à son encontre, le salarié invoque des conditions de travail difficiles, tant dans ses relations avec la direction, qu’avec certains résidents, ainsi qu’il en justifie par la production d’attestations rédigées notamment par M. [H], ancien président, indiquant qu’il avait été chargé de la sortie des containers à ordures ménagères le dimanche en fin de journée, décision qui avait été approuvée par le conseil d’administration, par des résidents Mme [W], Mme [G] confirmant que cette tâche était correctement exécutée et par sa collègue, Mme [V], qui déclare qu’il supportait les diverses agressions des résidents et de certains membres du conseil d’administration, que des reproches constants étaient faits sur son travail, qu’il était opéré une surveillance quant au temps qu’il mettait pour exécuter ses tâches (…). Il ajoute qu’en raison de la dégradation de ces conditions de travail, il a été placé en arrêt de travail pour syndrome dépressif sévère du 26 novembre 2014 au 24 mai 2015.
L’employeur indique pour sa part qu’en raison des difficultés rencontrées par la coopérative d’un point de vue financier et au niveau de la gestion du personnel, un avenant a été soumis au salarié mettant à jour ses conditions d’emploi qu’il n’a jamais régularisé, que la relation de travail s’est détériorée, le salarié ayant changé de comportement à compter de novembre 2013 à l’occasion d’un changement de présidence,
que le 3 janvier 2014, le salarié réclamait le règlement d’heures supplémentaires, au motif qu’il déchargeait des containers le dimanche en dehors de ses horaires de travail,
qu’il s’engageait à procéder aux calculs desdites heures sur les trois années antérieures et le conseil d’administration décidait que la sortie desdits containers serait réalisée le lundi matin à partir de six heures, afin de ne pas excéder la durée hebdomadaire de travail de 35 heures,
que nonobstant l’engagement pris de régulariser les heures supplémentaires, le salarié le convoquait devant la formation de référé du conseil de prud’hommes de Rouen le 18 février 2014, et était toutefois débouté de ses demandes,
qu’il était constaté certains dysfonctionnements (absence du salarié à son poste de travail, non-respect des horaires de travail, inscription à l’avance sur le cahier de présence de ses horaires, sortie des poubelles en dehors des heures prévues, refus d’exécuter certaines tâches – démoussage des façades, ramassage des papiers…),
que suivant conseil d’administration du 16 juillet 2014, il était acté une rencontre entre le président et le salarié aux fins de ‘recadrage’ et le 28 juillet 2014, il lui était notifié un avertissement pour non-respect des horaires de travail,
que s’il a été placé en arrêt de travail à compter du 23 décembre 2014, il n’a jamais justifié de son absence du 22 décembre 2014,
que le salarié réclamait les 5 janvier et 15 février 2015 un complément de salaire au titre de décembre 2014 au motif d’anomalies diverses sur son bulletin de salaire,
que le comportement adopté à l’endroit du président l’a déterminé à se séparer de lui.
Il est observé que la relation entre les parties a été émaillée d’incidents à partir de 2014, qu’après avoir réclamé le paiement d’heures supplémentaires, du fait d’un contrôle plus ou moins direct exercé par l’employeur, il a pu par suite ressentir, une certaine pression qui l’a déstabilisé et poussé à commettre des erreurs, qu’il a en outre, été victime d’une agression de résidents, reconnue par la caisse primaire d’assurance maladie au titre de la législation au titre des risques professionnels, quand bien même postérieurement au licenciement, ce qui démontre le manque d’attention de son employeur alors que jusque là, il avait entièrement donné satisfaction. Pour autant les faits reprochés au salarié et retenus sont caractérisés, mais ne justifiaient pas un licenciement pour faute grave.
Par suite, il convient de dire que le comportement du salarié constitue une faute simple. Le licenciement sera donc requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, le salarié pouvant prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité de licenciement, étant précisé qu’il se prévaut d’un salaire brut moyen mensuel de 1 799,94 euros, soit 1 661,49 euros sur 13 mois, qui n’est pas remis en cause par son employeur.
2- 2 Sur les conséquences indemnitaires du licenciement
En application des articles L.1234-1 et suivants du code du travail, de l’article 14 de la convention collective et compte tenu des circonstances de l’espèce, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit 3 599,88 euros, outre une somme de 359,98 euros au titre des congés payés y afférents.
L’article 16 de la convention collective permet en outre au salarié de prétendre à une somme de 2 519,91 euros (1 799,94 euros/ 5X7 ans) à titre d’indemnité de licenciement.
Les sommes précitées, non contestées dans leur principe et leur montant, seront accordées au salarié.
3 -Sur la remise de documents
La cour ordonne à l’employeur de remettre au salarié une attestation destinée au Pôle emploi conforme à la présente décision.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, à l’exclusion des frais et honoraires d’exécution de la décision, ainsi qu’au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la péremption d’instance,
Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
Condamne le cabinet Bihl, en qualité de syndic de la copropriété le Chant des oiseaux, venant aux droits de la SA coopérative du Chant des oiseaux à payer à M. [U] [M] les sommes de :
3 599,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre une somme de 359,98 euros au titre des congés payés y afférents,
2 519,91 euros à titre d’indemnité de licenciement,
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonne au cabinet Bihl, en qualité de syndic de la copropriété le Chant des oiseaux, venant aux droits de la SA coopérative du Chant des oiseaux de remettre à M. [U] [M] une attestation Pôle emploi rectifiée conforme au présent arrêt,
Y ajoutant,
Condamne le cabinet Bihl, en qualité de syndic de la copropriété le Chant des oiseaux, venant aux droits de la SA coopérative du Chant des oiseaux aux dépens de première instance et d’appel,
Rejette toute autre demande.
La greffière La présidente