Péremption d’instance : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00170

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Péremption d’instance : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00170

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

ORDONNANCE DU 13 SEPTEMBRE 2023

Contestations d’Honoraires d’Avocat

(N° /2023, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00170 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOL4

NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que de Isabelle-Fleur SODIE, Greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Maître [X] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant en personne,

Demandeur au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Madame [H] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Comparante en personne, assistée de Me Palmyre MOLET, avocat au barreau de NOUMEA, toque : 52

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 05 Juillet 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 13 Septembre 2023 :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

****

RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant courrier adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 09 novembre 2021, reçue le 15 novembre suivant, Me Xavier Loubeyre, avocat inscrit au barreau de Paris, a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats d’une demande de fixation des honoraires dus par Mme [H] [Z], à hauteur de la somme d’un montant total de 45.900 euros hors taxes dont 18.400 euros hors taxes avaient été réglés et 27.500 euros hors taxes lui restaient dus.

Par lettres recommandées en date du 16 novembre 2020, le bâtonnier de l’ordre des avocats a convoqué les parties à venir s’expliquer devant son délégataire le 15 décembre 2021, l’audience étant reportée au 04 janvier 2022, date à laquelle les parties ont comparu.

Par une décision contradictoire en date du 15 mars 2022, le délégataire du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a déclaré l’action de Me [X] [M] irrecevable comme prescrite depuis respectivement les 28 février 2017, 17 septembre 2015 et 20 juin 2020, selon le mandat concerné.

Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées en date du 16 mars 2022, remise le 17 mars suivant à Me [X] [M].

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, postée le 22 mars 2022, Me [X] [M] a formé un recours contre ladite décision du bâtonnier auprès du Premier président de la cour d’appel de céans.

Par lettres recommandées en date du 03 avril 2023, dont elles ont accusé réception le 05 avril suivant, les parties ont été convoquées par le greffe à l’audience du 05 juillet 2023, date à laquelle elles ont comparu .

A cette audience, Me [X] [M] a sollicité le bénéfice de son recours et de ses conclusions écrites remises au greffe tendant à voir infirmer la décision du décision du bâtonnier et statuant à nouveau à :

‘ condamner Mme [H] [Z] à lui payer au titre due solde d’honoraires les sommes de :

‘ 8.970 euros TTC au titre du dossier [V],

‘ 7.800 euros TTC au titre du dossier [Y],

‘ 16.188 euros TTC au titre du dossier [D],

‘ ordonner le paiement des intérêts de retard à compter de la saisine du 09/11/2021 avec capitalisation,

‘ condamner Mme [H] [Z] à lui payer une somme de 120 euros au titre des frais de recouvrement, selon l’article D 441-5 du code de commerce,

‘ débouter Mme [H] [Z] toutes ses demandes et la condamner à payer une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

En réponse, Mme [H] [Z] a sollicité le bénéfice de ses conclusions écrites remises au greffe tendant à voir confirmer la décision du décision du bâtonnier en toutes ses dispositions, à débouter Me [X] [M] de ses demandes et à le condamner à lui payer 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les parties ayant été entendues, l’affaire a été mise en délibéré pour prononcé de la décision par mise à disposition au greffe, le 13 septembre 2023.

SUR CE

La présente ordonnance est rendue contradictoirement entre les parties.

Il n’est pas discuté ni discutable que le recours interjeté par Mme [H] [Z] est recevable, pour avoir été formé dans le délai requis, soit d’un mois, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.

”’

En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.

Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.

En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.

Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.

Toutefois, pour faire échec à l’action de l’avocat pour le paiement de ses honoraires, le client peut invoquer la prescription prévue par l’article L.218-2 du code de la consommation qui énonce que ‘L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.’

Le délai de prescription biennal court à compter de la date à laquelle le mandat confié à l’avocat a pris fin.

Au cas présent, Mme [H] [Z] a soulevé devant le bâtonnier de l’ordre des avocats l’exception d’irrecevabilité de la demande de fixation d’honoraires de l’avocat, compte tenu des délais écoulés depuis les fins de missions confiées à celui-ci

Dans sa décision attaquée, après avoir rappelé très justement les dispositions de droit applicables relatives à la prescription biennale et dont l’applicabilité n’est pas contestée dans son principe, le délégataire du bâtonnier a retenu que :

‘ Force est de constater en l’espèce que le terme du mandat de Me [X] [M] est fixé pour les différentes procédures confiées par Mme [H] [Z] :

– 1°) pour le dossier [V] :

La fin du mandat de Me [X] [M] doit être fixée à la date d’acquisition de la péremption d’instance devant la cour d’appel de Versailles, deux ans après la date impartie au 28 février 2013 par l’ordonnance de radiation pour l’accomplissement des diligences déterminées, soit en l’espèce au 28 février 2015.

Me [X] [M] ne rapporte pas la preuve d’une quelconque diligence accomplie postérieurement à cette date établissant la poursuite de son mandat.

Bien au contraire, le terme de la période au cours de laquelle il indique avoir accompli des diligences pour ce dossier est fixé par Me [X] [M] lui-même au 2 mars 2015.

Par conséquent, la demande de Me [X] [M] en fixation de ses honoraires pour ce premier dossier est prescrite depuis le 28 février 2017.

– 2°) pour le dossier [Y] :

La fin du mandat de Me [X] [M] doit être fixée à la date de l’ordonnance de désistement du pourvoi en cassation de Mme [H] [Z] prononcée le 17 septembre 2015 par le Premier président de la Cour de cassation.

Me [X] [M] ne rapporte pas la preuve d’une quelconque diligence accomplie postérieurement à cette date établissant la poursuite de son mandat.

Bien au contraire, le terme de la période au cours de laquelle il indique avoir accompli des diligences pour ce dossier est fixé par Me [X] [M] lui-même au 6 juin 2015.

Par conséquent, la demande de Me [X] [M] en fixation de ses honoraires pour ce premier dossier est prescrite depuis le 17 septembre 2017.

– 3°) pour le dossier [D]:

La fin du mandat de Me [X] [M] doit être fixée à la date de l’exécution de l’arrêt prononcé le 12 avril 2018 par la cour d’appel de Versailles, matérialisée par les opérations du compte CARPA en date du 20 juin 2018.

Me [X] [M] ne rapporte pas la preuve d’une quelconque diligence accomplie postérieurement à cette date établissant la poursuite de son mandat.

Bien au contraire, le terme de la période au cours de laquelle il indique avoir accompli des diligences pour ce dossier est fixé par Me [X] [M] lui-même en 2017.

Par conséquent, la demande de Me [X] [M] en fixation de ses honoraires pour ce premier dossier est prescrite depuis le 20 juin 2020.

En outre, aucun des éléments invoqués par Me [X] [M] n’est susceptible d’avoir interrompu ou suspendu le cours de la prescription.

D’une part, selon l’article 2234 du Code civil :

– ‘La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure’.

Or, les relations amicales entre Me [X] [M] et Mme [H] [Z] ne peuvent constituer une impossibilité d’agir au sens de l’article 2234 précité du code civil, en l’absence de tout élément constitutif de la force majeure.

Par ailleurs, les problèmes personnels de Mme [H] [Z] n’ont pu constituer pour Me [X] [M] un empêchement d’agir.

D’autre part, en application de l’article 2240 du code civil:

– ‘La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription’.

Cependant, et contrairement à ce qui est indiqué par Me [X] [M], Mme [H] [Z] n’a pas reconnu le principe de la créance d’honoraires.

Il ressort bien au contraire des échanges de courriels que Mme [H] [Z] remet en cause les sommes qui lui sont réclamées en contestant les relevés produits et en invoquant de précédentes erreurs de factures.

Enfin, lors de sa comparution, Mme [H] [Z] a contesté le montant des honoraires réclamés et a opposé la prescription de l’action de Me [X] [M].

En conclusion, l’action en fixation des honoraires de Me [X] [M] est prescrite pour avoir été engagée plus de deux ans après la fin de son mandat.

Enfin, les circonstances de l’affaire et l’équité ne commandent pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.’.

A hauteur d’appel, Me [X] [M] a réitéré les moyens qu’il avait vainement soulevés devant le bâtonnier de l’ordre des avocats et auxquels celui-ci a apporté une réponse conforme au droit.

En effet, c’est vainement que Me [X] [M] conteste les dates de fin de mission retenues par le délégataire du bâtonnier au motif que celui-ci aurait repris les dates indiquées par Mme [H] [Z] pour les dernières diligences lesquelles ne sont caractérisées en aucun élément ni compte-rendu ou compte détaillé définitif conforme à l’article 11.7 du RIN.

”’

Pour autant, il n’a aucunement apporté la démonstration, au vu des pièces communiquées, que ses missions se seraient poursuivies au-delà des dates retenues de façon tout à fait pertinente par le délégataire du bâtonnier. Et, la circonstance, qu’aucun compte définitif n’aurait été établi au titre de ces missions est indifférente quant à date de fin de la mission.

Me [X] [M] se prévaut, de nouveau, de l’impossibilité d’agir à laquelle il se serait trouvé confronté, invoquant le cadre des relations amicales entre les parties, le fait que Mme [H] [Z] ait successivement invoqué la maladie de son père suivie de son décès, puis de son cancer récidivant, pour repousser les comptes qu’elle réclamait elle-même pour liquider sa dette.

Toutefois, comme l’a justement retenu le délégataire du bâtonnier, ce faisant Me [X] [M] échoue à démontrer l’existence d’une impossibilité d’agir, pour lui, et qui caractériserait la force majeure. En effet, le caractère insurmontable des circonstances qu’il dépeint comme l’ayant empêché d’agir n’est en aucun cas avéré.

Me [X] [M] prétend, ici encore à tort, que Mme [H] [Z] n’ayant pas nié les diligences effectuées et s’étant bornée à solliciter des comptes pour déterminer le montant exact de sa dette, elle l’aurait ainsi reconnu incontestablement être débitrice, son aveu valant reconnaissance de la dette.

Or, la lecture des courriels invoqués qui ont été échangés entre les parties ne permet pas de retenir que Mme [H] [Z] aurait reconnu devoir les sommes réclamées par Me [X] [M], fût-ce partiellement.

Enfin, Me [X] [M] soutient encore à tort que Mme [H] [Z] aurait incontestablement renoncé à la prescription ce qui selon lui résulte d’actes volontaires de sa part et manifestant sans équivoque son intention de faire les comptes pour régler les sommes dues, pour trouver un compromis. Il ajoute que Mme [H] [Z] aurait décidé de s’opposer à ses demandes après avoir reçu la convocation du bâtonnier de l’ordre des avocats, s’en trouvant courroucée compte tenu des relations amicales nouées entre eux, cette attitude excluant toute réelle prescription.

Mais, Mme [H] [Z] conteste avoir tenu de tels propos devant le délégataire du bâtonnier et renvoie aux termes de la décision de celui-ci.

Or, dans sa décision, le délégataire du bâtonnier a retenu que Mme [H] [Z] contestait avoir reconnu devoir les sommes réclamées et il en résulte qu’elle a d’emblée indiqué se prévaloir de la prescription de l’action entreprise par Me [X] [M].

Rien ne permet de remettre en cause les énonciations de la décision du délégataire du bâtonnier à cet égard.

En outre, alors que la renonciaition à un droit ne saurait être présumée et doit nécessairement résulter d’actes de son titulaire manifestant une volonté sans équivoque d’y renoncer, l’examen des pièces ne permet pas de retenir que Mme [H] [Z] aurait renoncé à se prévaloir de la prescription.

Aussi, de ce qui précède et au vu de l’ensemble des éléments en débat, Me [X] [M] sera débouté de l’ensemble de ses demandes et le dispositif de la décision du délégataire du bâtonnier sera confirmé.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de Me [X] [M], partie perdante.

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’équité pas plus que la situation économique des parties ne commandent qu’il soit alloué d’indemnité au titre des frais exposés dans le cadre de l’instance non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe,

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Condamne Me [X] [M] aux dépens d’appel ;

Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l’ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;

Rejette toute demande plus ample ou contraires des parties.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

 


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