Péremption d’instance : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/02315

·

·

Péremption d’instance : 13 juillet 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 20/02315

MHD/PR

ARRET N° 424

N° RG 20/02315

N° Portalis DBV5-V-B7E-GDEP

CPAM DE LA CHARENTE MARITIME

C/

S.A.R.L. [8]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 13 JUILLET 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 septembre 2020 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de SAINTES

APPELANTE :

CPAM DE LA CHARENTE MARITIME

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par M. [P] [U], muni d’un pouvoir

INTIMÉE :

S.A.R.L. [8]

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme BIEN, substitué par Me Charlotte PRIES-ANGIBAUD, tous deux de la SELAS ACTY, avocats au barreau des DEUX-SEVRES,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, les parties ou leurs conseils ne s’y étant pas opposés, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2023, en audience publique, devant :

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE

GREFFIER, lors du délibéré : Madame Patricia RIVIÈRE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président légitimement empêché, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 novembre 2016, Monsieur [J] [H], mécanicien d’entretien au sein de la société [8] ([8]), a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de la Charente-Maritime (CPAM) une maladie professionnelle suivant un certificat médical initial du 21 novembre 2016 faisant état d’une ‘rupture transfixiante de la coiffe de l’épaule gauche’.

Du 2 janvier au 12 février 2017 inclus, il a été placé en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle.

Le 8 mars 2017, après instruction du dossier, la caisse a notifié au salarié et à son employeur la prise en charge de la maladie au titre de la législation du travail.

L’employeur a contesté cette décision de la façon suivante :

– le 25 avril 2017 devant la commission de recours amiable laquelle a rejeté la contestation par décision du 16 octobre 2017,

– le 14 décembre 2017 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de La Rochelle lequel devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Saintes a, par jugement du 21 septembre 2020 :

° déclaré la SARL recevable et bien fondée en son recours,

° annulé la décision de la CRA de la CPAM de Charente-Maritime du 16 octobre 2017,

° déclaré inopposable à la SARL la décision de prise en charge du 8 mars 2017 prise par la CPAM de Charente-Maritime de la pathologie déclarée par Mr [H] le 22 novembre 2016,

° débouté la SARL de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

° condamné la CPAM de Charente-Maritime aux dépens.

***

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour le 14 octobre 2020, l’employeur, en a régulièrement interjeté appel.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 22 mai 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions du 15 mai 2023, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la CPAM de la Charente-Maritime demande à la Cour de :

– à titre principal,

– réformer le jugement attaqué,

– constater que la condition liée à l’exposition au risque est remplie,

– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 19 septembre 2017,

– débouter la société [8] de l’ensemble de ses demandes,

– déclarer opposable à la société [8] la décision de prise en charge en tant que maladie professionnelle de la pathologie constatée le 21 novembre 2016 à Monsieur [H],

* à titre subsidiaire,

– désigner tel CRRMP qu’il plaira avec pour mission de dire si l’activité de Monsieur [H] au sein de la SARL [8] correspond bien à la liste limitative des travaux désignés au tableau 57 des maladies professionnelles.

Par conclusions du 5 mai 2023, reprises oralement à l’audience et auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SARL [8] demande à la Cour de :

* à titre principal,

– prononcer la péremption de l’instance en cours,

– constater l’extinction de l’instance,

– dire que le jugement déféré bénéficie de l’autorité de la chose jugée,

* à titre subsidiaire,

– confirmer le jugement attaqué,

– confirmer l’annulation de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Charente-Maritime du 16 octobre 2017,

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il lui a déclaré inopposable la décision de prise en charge du 8 mars 2017 prise par la CPAM de Charente Maritime de la pathologie déclarée par Monsieur [H] le 22 novembre 2016,

– rejeter la demande de la CPAM tendant à la désignation du CRRMP,

– condamner la CPAM à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la péremption :

En application de l’article R. 142-11 du code de la sécurité sociale, en vigueur à compter du 1er janvier 2019, ‘la procédure d’appel est sans représentation obligatoire’.

Il s’en déduit que la procédure est orale.

Comme les dispositions de l’article R.142-10-10 du même code, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 ‘ qui prévoient que : ‘L’instance est périmée lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction..’ ‘ ne sont applicables qu’en première instance, il en résulte qu’en appel, à défaut d’un texte spécial subordonnant l’application de l’article 386 du code de procédure civile à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n’ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n’en aurait pas mis à leur charge ( 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n°19-21.401).

***

En l’espèce, la société [8] soulève la péremption de l’instance et soutient en substance :

– que la CPAM a interjeté appel du jugement le 14 octobre 2020, par déclaration d’appel n° 20/02039,

– que l’organisme social n’a effectué aucune diligence de quelque nature que ce soit dans le délai de deux ans dans la mesure où il a transmis ses premières conclusions d’appelant le 18 janvier 2023, puis les a annulées et remplacées par d’autres conclusions le 21 mars 2023,

– que de ce fait, en l’absence de diligence effectuée dans le délai de deux ans à compter de la déclaration d’appel cette instance se trouve désormais frappée de péremption.

La CPAM s’en défend et soutient que l’instance n’est pas périmée.

***

Cela étant, il convient de rappeler :

– que la CPAM a interjeté appel du jugement attaqué le 14 octobre 2020,

– que les parties – dont la CPAM – ont été convoquées par le greffe de la chambre sociale le 10 octobre 2022 avec obligation pour la CPAM de conclure avant le 30 décembre 2022 et pour la société [8] avant le 21 mars 2023.

Il en résulte que non seulement la convocation des parties a interrompu le délai de péremption des deux ans mais également que la CPAM a conclu avant l’expiration du délai de deux ans courant à compter du 30 décembre 2022.

En conséquence, la péremption d’instance n’est pas acquise.

La société [8] doit être déboutée de cet incident d’instance.

II – SUR LE FOND :

En application des dispositions de l’article L461-1 du code de la sécurité sociale, ‘est présumée d’origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau et contractée dans les conditions qui y sont décrites’.

À ce titre, la maladie telle qu’elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d’appréciation fixés par chacun de ces tableaux.

Au cas particulier, la maladie professionnelle retenue par l’organisme social, et désignée par le tableau numéro 57 relatif aux affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail’ consiste en une ‘rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche’.

Désignation des maladies

Délai

de prise en charge

Liste limitative des travaux

susceptibles de provoquer ces maladies

A

Epaule

Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).

1 an (sous réserve d’une durée d’exposition d’un an)

Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l’épaule sans soutien en abduction (**) :

– avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé

ou

– avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.

(**) Les mouvements en abduction correspondent aux mouvements entraînant un décollement des bras par rapport au corps.

Les parties sont en désaccord sur le point de savoir si cette maladie professionnelle est effectivement caractérisée ou non, la contestation de l’employeur, à laquelle a fait droit le premier juge, consistant à soutenir que la condition relative à la liste limitative des travaux n’est pas remplie.

Pour s’y opposer, l’organisme social, appelant, au visa des dispositions de l’article L461-1, du code de la sécurité sociale et du tableau numéro 57 fait valoir en s’appuyant sur les descriptions faites par les deux parties des travaux réalisés par le salarié que cette condition est remplie et en conclut que comme les deux autres conditions tenant à la durée de l’exposition aux risques et au délai de prise en charge ne sont pas contestées, la présomption d’imputabilité s’applique.

***

Cela étant, il ressort des questionnaires complétés par l’employeur et le salarié :

* que le poste de mécanicien d’entretien consiste en la réparation de moules métalliques, la fabrication de pièces métalliques et la réparation de machines,

– qu’à ce titre, le salarié effectue :

° des travaux de serrurerie, de maintenance et d’entretien : confection de structure mécano soudée, découpe de profilés acier, soudure, peinture à l’aide d’outillages spécifiques, meulage, percage.

° de la chaudronnerie pour la maintenance et l’entretien : remise en état de moules à béton, fabrication de moules par assemblage de tôles et profils aciers.

° de l’entretien de bâtiment : réparation de poutres, serrures, vitres, diverses structures avec l’utilisation d’engins de manutention et d’une nacelle.

° occasionnellement, du nettoyage de pièces et décanteurs : déplacement, déchargement des pièces avec un chariot élévateur, mise en place de moules sur les machines avec utilisation de chariots élévateur et pont roulant, démontage d’ensembles mécaniques avec utilisation de palan si nécessaire, peinture au pistolet basse pression,

* qu’à la question relative au temps journalier moyen de travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d’au moins 90° :

° le salarié a répondu ‘moins d’une heure’ et ‘entre 1 à 3 jours’ par semaine,

° l’employeur a répondu ‘moins d’une heure’ et ‘moins d’un jour’ tout en précisant que cette situation est extrêmement rare une fois par mois.

* qu’à la question relative au temps journalier moyen de travaux comportant des mouvements ou postures avec le bras décollé du corps d’au moins 60° :

° l’assuré a répondu ‘entre 1h et 2 h’ et ‘entre 1 à 3 jours’ par semaine,

° l’employeur a répondu ‘moins d’une heure’ et ‘moins d’un jour’ tout en précisant ‘… Manutention très occasionnelle de pièces mécaniques’.

ll ressort des réponses données à ces questionnaires tant par le salarié que par l’employeur que les travaux visés dans le tableau 57 ne représentent pas au moins 2 heures du temps joumalier moyen du salarié pour les travaux avec un angle de maintien de l’épaule supérieur ou égal à 60° ni au moins 1 heure par jour en cumulé pour les travaux avec un maintien de l’épaule d’un angle supérieur à 90° au moins.

Ces éléments confirment le descriptif du poste pré-cité et les déclarations du salarié qui dans le questionnaire de la CPAM a précisé que ses ‘journées de travail sont diversifiées’.

Soutenir pour l’organisme social que compte tenu de son poste de travail, l’activité du salarié génère l’exécution des mouvements du tableau 57 à tout le moins pour le décollement du corps d’au moins 60 degrés sans soutien, durant le délai minimum exigé de 2 heures quotidiennes en cumulé est inopérant dans la mesure où ces explications contredisent les déclarations mêmes des parties et de surcroît ne sont étayées par aucun élément objectif.

Il en résulte que la condition relative à la liste limative des travaux n’est pas remplie comme l’a fort justement jugé le pôle social.

***

L’article L. 461-1, alinéas 3 et 5, du code de la sécurité sociale pris dans sa version applicable au litige prévoit :

– que si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie, telle qu’elle est désignée dans un des tableaux de maladies professionnelles, peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle a été directement causée par le travail habituel de la victime,

– que notamment dans ce cas, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1.

Dès lors, il est constant (2ème civ. Ccass. 28 janvier 2021 n°19-22.958) qu’il incombe soit à la caisse en cours d’instruction du dossier de saisir un CRRMP soit au juge du fond en cours de procédure judiciaire d’en saisir un pour établir si la maladie a été ou pas causée directement par le travail habituel de la victime.

En l’espèce, il vient d’être jugé que la condition administrative relative à la liste limitative des travaux n’est pas remplie.

De ce fait, la CPAM aurait dû saisir un CRRMP afin de déterminer si la maladie avait été causée ou pas directement par le travail habituel de la victime.

En conséquence, avant dire droit et de confirmer ou d’infirmer le jugement prononcé en tout état de cause antérieurement à l’arrêt du 28 janvier 2021 pré-cité, il convient de désigner un CRRMP comme il sera dit au dispositif qui aura pour mission de donner son avis sur l’existence ou l’absence de rapport de causalité entre la pathologie présentée par Monsieur [H] et les tâches dévolues à celui-ci au service de son employeur et en cas de rapport de causalité, sur le lien de causalité direct entre la maladie en cause et son travail habituel.

Il doit être sursis à statuer dans l’attente de cet avis sur toutes les demandes des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et avant dire droit,

Dit que l’instance d’appel n’est pas périmée,

En conséquence,

Rejette l’incident d’instance relatif à la péremption de l’instance d’appel soulevé par la SARL [8],

Constate que la condition relative à la liste limitative des travaux du tableau 57A n’est pas remplie,

Désigne le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Pays de la Loire – [Adresse 6] – tel : [XXXXXXXX01], pour se prononcer, par avis motivé à adresser au greffe de la cour d’appel, dans un délai de 6 mois : ‘sur l’existence ou l’absence de rapport de causalité entre la pathologie présentée par Monsieur [H] et les tâches dévolues à celui-ci au service de son employeur, la Société [8], et en cas de rapport de causalité, sur le lien de causalité direct entre les maladies en cause et le travail habituel de l’intéressé’

Invite la CPAM de la Vendée à transmettre le dossier de Monsieur [H] au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Pays de la Loire,

Invite la SARL [8] à transmettre au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Pays de la Loire l’ensemble de ses pièces,

Renvoie l’affaire à l’audience du 12 mars 2024 à 14 heures et dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties,

Dans l’attente, sursoit à statuer,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x