Péremption d’instance : 12 septembre 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00175

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Péremption d’instance : 12 septembre 2023 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 22/00175

ARRET N°

N° RG 22/00175

N°Portalis DBWA-V-B7G-CKCB

CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE

C/

M. [I] [X]

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2023

Décision déférée à la cour : Jugement du Juge des Contentieux de la Protection de Fort de France, en date du 24 Janvier 2022, enregistré sous le n° 11-20-206 ;

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE, représentée par ses dirigeants légaux en exercice, domiciliée ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIME :

Monsieur [I] [X]

[Adresse 3],

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Séverine TERMON, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Juin 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 12 Septembre 2023 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing privé en date du 25 août 2016, M. [I] [B] [X] a souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique un prêt personnel de 39.346 € remboursable selon les modalités et conditions suivantes :

– Taux d’intérêt conventionnel : 7% l’an

– Durée du remboursement : 96 mois

– Montant des échéances mensuelles en remboursement : *556,22 euros par mois assurance comprise.

M. [I] [B] [X] a accusé des incidents de paiement au titre du remboursement du prêt personnel précité.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 mars 2017, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique a mis en demeure M. [I] [B] [X] de régler les échéances impayées. Par lettre recommandée du 18 mai 2017, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique a prononcé et notifié à M. [I] [B] [X] la déchéance du terme de l’emprunt, la créance de la banque s’élevant à la somme de 43.723,39 €.

Par exploit d’huissier du 30 Août 2017, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique a assigné M. [I] [B] [X] en paiement devant le tribunal de grande instance de Fort de-France.

Par jugement réputé contradictoire du 06 Février 2018, le tribunal de grande instance a constaté son incompétence et s’est dessaisi au profit du tribunal d’instance qui est devenu, depuis le 1er janvier 2020, le juge des contentieux de la protection.

La Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique expose qu’elle n’a pas reçu de convocation devant le tribunal d’instance devenu le juge des contentieux de la protection.

Par un nouvel exploit d’huissier du 5 février 2020, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique a réassigné M. [I] [B] [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France afin d’obtenir notamment sa condamnation au paiement de la somme de 43.723,39 euros.

Par jugement rendu le 24 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort de France a par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :

– déclaré forclose l’action engagée par la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique,

– condamné la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique aux dépens de l’instance;

– rejeté le surplus des demandes des parties,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 09 mai 2022, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique a critiqué tous les chefs du jugement rendu le 24 janvier 2022, sauf en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

Dans ses conclusions responsives et récapitulatives du 20 mars 2023, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique demande à la cour d’appel de :

‘- Recevoir la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE en ses moyens et prétentions.

– Y faisant droit ;

– INFIRMER le jugement rendu par le Juge des contentieux de la protection l’exécution près le Tribunal judiciaire de Fort de France le 24 janvier 2022 en ce qu’il a déclarée forclose l’action engagée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE à l’encontre de M. [I] [B] [X] et laissé les dépens à sa charge.

– Statuant à nouveau

A titre principal,

– DECLARER que l’action de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE n’est pas prescrite.

A titre subsidiaire,

– DECLARER que l’action de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE n’est pas atteinte par la péremption;

Dans tous les cas,

– DEBOUTER M. [I] [B] [X] de toutes fins, moyens et prétentions.

– CONDAMNER M. [I] [B] [X] au paiement à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE de la somme de 43 723,39 euros au titre du prêt personnel du 25 août 2016 avec intérêts au taux conventionnel de 7% l’an jusqu’à parfait paiement.

– Condamner M. [I] [B] [X] au paiement de la somme de 3 000 € ; sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Condamner M. [I] [B] [X] aux entiers dépens de l’article 699 du CPC dont distraction au profit de Me Catherine RODAP.’

La Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique expose que les nouvelles dispositions de l’article 82 du code de procédure civile mettent à la charge du greffe de la juridiction qui s’est déclarée incompétente et du greffe de la juridiction de renvoi désignée de prendre l’initiative du déroulement procédural. Elle fait valoir que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, le délai d’appel du jugement d’incompétence rendu le 06 février 2018 n’avait pas pour point de départ la signification du jugement par la banque, mais bien sa notification aux parties par le greffe qui n’est jamais intervenue, de sorte que le délai d’appel de 15 jours n’a pu courir. La banque indique également que le juge des contentieux de la protection ne pouvait considérer comme non avenu le jugement du 06 janvier 2018 auquel les dispositions de l’article 478 du code de procédure civile ne sont pas applicables. Elle ajoute que M. [X] n’est pas recevable à invoquer le caractère non avenu du jugement rendu le 06 février 2018, dès lors qu’il ne rapporte pas la preuve que ce jugement lui fait grief.

Par ailleurs, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique prétend que, en raison du défaut de notification de la décision d’incompétence par le greffe qui a mis la banque dans l’impossibilité d’agir, le jugement rendu le 06 janvier 2018 a simplement suspendu l’instance, de sorte que la seconde assignation délivrée le 05 février 2020 devant le juge des contentieux de la protection a valablement poursuivi l’instance et interrompu la prescription biennale qui avait été suspendue. A titre subsidiaire, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique soutient que la sanction légale attachée à l’article 478 du code de procédure civile n’atteignant que le jugement lui-même mais laissant subsister la procédure antérieure, l’effet extinctif de la prescription édictée à l’article L. 218-2 du code de la consommation n’a pas joué et l’instance initiale n’a pas cessé d’exister. La banque ajoute que le délai de péremption d’instance est interrompu durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence et ce jusqu’à ce que les parties soient invitées à poursuivre l’instance par la juridiction de renvoi désignée tel qu’il est prévu à l’alinéa 2 de l’article 82 du code de procédure civile.

Enfin, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique expose que sa créance est réelle, certaine, liquide et exigible. Elle fait valoir qu’elle a satisfait à ses obligations en matière d’information précontractuelle et de vérification de la solvabilité de l’emprunteur, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la déchoir du droit aux intérêts contractuels.

Dans ses conclusions du 30 janvier 2023, M. [I] [X] demande à la cour d’appel de :

‘Dire M. [X] recevable et bien fondé ;

Confirmer le jugement du 24 janvier 2022 en ce qu’il a déclaré forclose l’action engagée par le CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE ;

Débouter la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE de toutes fins, moyens et prétentions ;

A titre principal,

Vu les articles L.218-2 et R.312-35 du Code de la consommation ;

Vu l’article 478 du Code de procédure civile ;

Constater que l’assignation initiale est du 30 août 2017 ;

Constater que par jugement réputé contradictoire et en premier ressort du 6 février 2018, le tribunal de grande instance de Fort de France s’est déclaré incompétent et s’est dessaisi au profit du tribunal d’instance ;

– Constater que le jugement du 6 février 2018 est non avenu, faute de signification dans Ies 6 mois de sa date et que ses effets sont donc rétroactivement anéantis ;

– Constater que l’assignation en réitération est du 5 février 2020

En conséquence,

– Constater que l’action de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE est prescrite et ce depuis le 30 août 2019 ;

A titre subsidiaire,

Vu l’article 386 du Code de procédure civile,

– Si le juge retient que l’instance se serait poursuivie ;

– Constater qu’entre la première assignation du 30 août 2017 et la seconde assignation du 05 février 2020, les parties n’ont accompli aucune diligence et ce pendant plus de deux ans et demi ;

En conséquence,

– Constater la péremption de l’instance ;

A titre très subsidiaire,

Vu Ies articles L312-14, L.312-16 et L.341-2 du Code de la consommation,

Vu l’article 1343-5 du Code civil,

– Constater que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATIANTIOUE n’a pas tenu compte de la solvabilité précaire de l’emprunteur et a manqué a son devoir d’explication ;

– Prononcer la déchéance du droit aux intéréts ;

Accorder à M. [I] [X] un échelonnement de sa dette : 23 échéances de 500 €, puis une dernière échéance correspondant au solde des sommes dues ;

En tout état de cause,

Condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL NORD ATLANTIQUE aux entiers dépens.’

M. [I] [X] prétend que le jugement d’incompétence a été notifié le 28 février 2018 à la banque. Il expose qu’il ressort de l’article 478 du code de procédure civile que ce n’est pas l’instance qui se poursuit mais que c’est la procédure qui peut être reprise. M. [I] [X] fait valoir également que, lorsque le juge est dessaisi, ce qui est le cas en l’espèce, l’article 478 du code de procédure civile s’applique, sans avoir à faire la preuve d’un grief, et la réitération de la citation primitive est nécessaire. Il ajoute que le jugement du 06 février 2018 étant non avenu, ses effets sont rétroactivement anéantis, de sorte qu’il appartenait à la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique de réitérer la citation dans les deux ans de l’assignation initiale du 30 août 2017, soit au plus tard le 30 août 2019. M. [I] [X] soutient que la seconde assignation ayant été délivrée le 05 février 2020, l’action en paiement de la banque est prescrite.

A titre subsidiaire, M. [I] [X] prétend qu’aucune diligence n’ayant été accomplie par les parties pendant plus de deux ans et demi, il y a lieu de constater la péremption d’instance.

A titre très subsidiaire, M. [I] [X] fait valoir que la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique n’a pas tenu compte de la situation financière fragile du débiteur, qui avait connu trois incidents de paiement auprès de deux établissements bancaires, et a manqué à son devoir d’explication, de sorte que le prêteur sera déchu du droit aux intérêts contractuels.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.

L’affaire a été plaidée le 09 juin 2023. La décision a été mise en délibéré au 12 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le jugement d’incompétence.

Selon l’article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.

La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d’appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire.

Aux termes de l’article 478 du code de procédure civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date. La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.

Après avoir relevé que par jugement réputé contradictoire du 06 février 2018, le tribunal de grande instance s’était déclaré incompétent au profit du tribunal d’instance, le premier juge a retenu qu’il appartenait à la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique de faire signifier à M. [X], qui n’avait pas comparu lors de la procédure devant le tribunal de grande instance, le jugement d’incompétence afin de faire valablement courir le délai d’appel, délai à l’issue duquel le dossier devait être transmis au tribunal d’instance.

Toutefois, l’article 84 du code de procédure civile dispose que le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire. En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

L’appelante prétend que le jugement ne lui a pas été notifié.

En réponse, l’intimé fait valoir que la notification alléguée ressort de la dernière page du jugement communiqué par la partie adverse.

La cour relève que l’intimé ne produit aucun élément attestant du dépôt de courriers recommandés avec la mention de l’expéditeur et du destinataire ainsi qu’un numéro d’envoi, ni même de leur envoi, présentation et réception.

La cour constate également que le premier juge n’a pas sollicité auprès du greffe du tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire les pièces justificatives démontrant qu’il avait été procédé à cette notification et s’est abstenu de relever, dans l’exposé des motifs de sa décision, cette absence de notification par le greffe du jugement rendu le 06 février 2018 et de tirer les conséquences de cette irrégularité.

Il en résulte que, en raison de cette absence de notification par le greffe, le délai d’appel de 15 jours n’a pu courir et le dossier de l’affaire n’a pu être transmis à la juridiction compétente désignée par le jugement du 06 février 2018.

La notification du jugement d’incompétence incombant au greffe du tribunal de grande instance, il ne saurait être reproché à la banque de ne pas avoir notifié le jugement réputé contradictoire du 06 février 2018 dans les six mois de sa date, de sorte que, en l’espèce, il ne peut être fait application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile.

Sur la péremption d’instance.

Conformément aux dispositions de l’article 386 du code de procédure civile, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.

M. [X] fait valoir que la première assignation ayant été délivrée le 30 août 2017 et la seconde assignation le 05 février 2020, les parties n’ont accompli aucune diligence pendant plus de deux ans et demi.

Il est de jurisprudence constante que le délai de péremption ne court que pour autant que les parties sont tenues d’accomplir des diligences pour faire progresser l’affaire (arrêt Cour de cassation, 2ème Civ., 28 juin 2006, pourvoi no 04-17.992), ou encore lorsque la direction de la procédure échappe aux parties (arrêt Cour de cassation, 2ème Civ., 15 janvier 2009, pourvoi no 07-22.074).

Dès lors qu’il incombait au greffe du tribunal de grande instance de notifier le jugement d’incompétence du 06 février 2018 aux parties, celles-ci n’avaient plus à accomplir de diligence de nature à faire progresser l’affaire.

La cour relève également que, en application de l’article 82, alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, la direction de la procédure échappait aux parties qui ne pouvaient l’accélérer.

De ce fait, la péremption d’instance ne peut pas être opposée à la banque.

En conséquence, l’exception de péremption d’instance soulevée par M. [X] sera rejetée.

Sur la forclusion.

Aux termes de l’article R. 312-35 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion . Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme,

– ou le premier incident de paiement non régularisé,

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable,

– ou le dépassement, au sens du 11° de l’ article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’ article L. 312-93.”

Aux termes de l’article 2241 du code civil notamment « la demande en justice même en référé interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».

Aux termes de l’article 2242 du code civil dans sa version issue de la loi du 17 juin 2008, l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.

L’article 2244 du code civil précise également que : « Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée. »

La cour rappelle que les dispositions de l’article 2234 du code civil sont rendues inapplicables au délai de forclusion par l’article 2220 du même code, de sorte que la banque ne peut se prévaloir de la suspension du délai de prescription biennal qui est en réalité un délai de forclusion.

Il est de jurisprudence constante que la citation en justice introduit une instance qui s’éteint par le dessaisissement du juge, résultant notamment d’un jugement et que l’effet interruptif de la citation en justice se poursuit jusqu’à l’extinction de l’instance qu’elle a introduite (arrêt Cour de cassation, 1ère Civ., 29 juin 2022, pourvoi n° 19-17.125).

La cour relève que la demande en justice du 30 août 2017 a interrompu le délai de forclusion biennal et que cette interruption a produit ses effets jusqu’à la date du jugement du 06 février 2018 caractérisant l’extinction de l’instance devant le tribunal de grande instance.

En conséquence, en assignant en paiement le débiteur devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fort-de-France par acte d’huissier du 05 février 2020, la banque a à nouveau interrompu le délai de forclusion biennal pour engager l’action en paiement prévue à l’ article R. 312-35 du code de la consommation.

Le délai de forclusion de l’action en paiement ayant été interrompu entre le 30 août 2017 et le 06 février 2018, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique disposait à compter de cette dernière date d’un nouveau délai de deux ans pour assigner.

Ainsi, en assignant M. [I] [X] en paiement le 05 février 2020 dans le nouveau délai de deux ans ayant commencé à courir le 06 février 2018, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique est recevable en sa demande et le jugement querellé sera infirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de l’action en paiement.

M. [I] [X] n’a pas contesté le montant du capital restant dû.

En revanche, l’intimé demande à ce que la banque soit déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif que la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique n’a pas tenu compte de la situation financière fragile du débiteur.

Sur ce point, il convient de rappeler que l’article L. 312-16 du code de la consommation donne obligation au prêteur, avant de conclure le contrat de crédit et à peine de déchéance du droit aux intérêts, de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, et de consulter le FICP. L’article L. 312-12 lui impose également de remettre à l’emprunteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, une fiche précontractuelle d’information portant diverses mentions obligatoires, dont la formulée énoncée à l’article L. 312-5 du même code, selon laquelle « un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ».

Si la banque justifie avoir procédé à une consultation du FICP le 24 août 2016, en revanche elle ne rapporte pas la preuve qu’elle a vérifié la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations et notamment par l’établissement d’une fiche de dialogue mettant en évidence le montant des revenus et des charges du cocontractant.

Il s’en déduit que les prescriptions de l’article L. 312-16 relatives à la solvabilité de l’emprunteur n’ont pas été respectées par le prêteur.

L’article L. 311-48 du même code, devenu L. 341-2, prévoit que le prêteur qui n’a pas respecté cette obligation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et que l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que le cas échéant au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.

Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Dans ces conditions, la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique doit être déchue de son droit aux intérêts contractuels.

De même, sauf à priver de tout effet la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, il y a lieu d’écarter l’application des dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier relative à la majoration automatique du taux légal.

Il résulte de l’article L311-48 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à cette affaire, que le prêteur qui a accordé un crédit sans respecter l’obligation de vérification de solvabilité prévue à l’article L311-9 dudit code est déchu du droit aux intérêts et l’ emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, les sommes perçues au titre des intérêts devant être imputées sur le capital restant dû. L’article L311-48 précité précise bien que ‘l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital’, ce qui exclut les accessoires comme l’indemnité légale de 8% du capital restant dû.

Dès lors, la déchéance du droit aux intérêts étant prononcée, il y a lieu d’écarter la demande en paiement de l’indemnité conventionnelle.

Le montant du capital en début de période s’élevait à la somme de 39.346 euros.

La cour relève que M. [X] a réglé les trois premières échéances mensuelles, soit la somme totale de 1.146,94 euros, de sorte que le capital restant dû s’élève à la somme de 38.199,06 euros.

En conséquence, M. [I] [B] [X] sera condamné à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique la somme de 38.199,06 euros au titre du solde du prêt du 25 août 2016 avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur les délais de paiement.

L’article 1343-5 du Code Civil permet d’accorder aux débiteurs impécunieux des délais de paiement qui emprunteront leur mesure aux circonstances, sans pouvoir dépasser deux ans.

En l’espèce, en l’absence d’élément produit sur la nature et le montant de ses charges, l’intimé ne justifie pas de sa capacité contributive.

Dans ces conditions, la demande de délais de paiement présentée par M. [I] [X] sera rejetée.

Sur les demandes accessoires.

Les dispositions du jugement déféré sur les dépens seront infirmées.

Au vu des circonstances de la cause, de la solution apportée au litige et de la situation des parties, il convient de rejeter les demandes présentées respectivement par la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique et M. [I] [X] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, M. [I] [B] [X] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que le jugement statuant sur la compétence rendu le 06 février 2018 n’a pas été notifié par le greffe aux parties ;

DIT qu’il ne peut être fait application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile ;

REJETTE l’exception de péremption d’instance ;

INFIRME le jugement rendu le 24 janvier 2022 dans toutes ses dispositions dont appel ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE recevable l’action en paiement de la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique ;

DIT que la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique est déchue de son droit aux intérêts contractuels ;

CONDAMNE M. [I] [B] [X] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Nord Atlantique la somme de 38.199,06€ (trente-huit mille cent quatre-vingt-dix neuf euros et six centimes) au titre du solde du prêt du 25 août 2016 avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt;

DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

CONDAMNE M. [I] [B] [X] aux dépens de première instance et d’appel.

Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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