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N° RG 19/04794 – N° Portalis DBV2-V-B7D-ILM6
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 12 MAI 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
11/00080
Jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EVREUX du 17 Octobre 2019
APPELANT :
Monsieur [Y] [E]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU, avocat au barreau de VERSAILLES
INTIMEES :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 6]
dispensée de comparaître
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 15 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 12 Mai 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [Y] [E] a été affilié au régime social des indépendants (RSI).
Après le refus de se voir verser des indemnités journalières pour des arrêts de travail du 11 mai au 30 juin 2010 et du 18 avril au 6 juin 2011, il a saisi en vain la commission de recours amiable et a poursuivi sa contestation contre la décision du RSI devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines, lequel a renvoyé l’affaire devant celui d’Evreux.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 11/00080.
Par jugement du 15 février 2012, ce tribunal a ordonné un sursis à statuer dans l’attente d’une décision du tribunal de grande instance de Blois saisi par M. [E] d’une action en responsabilité à l’encontre de son ancien expert comptable. Par jugement du 16 mai 2013, cette juridiction l’a débouté de ses demandes, décision qui a été confirmée par la cour d’appel d’Orléans puis par la Cour de cassation dans un arrêt du 19 janvier 2016 qui a rejeté le pourvoi de M. [E].
Entre temps, le 14 mai 2012, ce dernier a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Évreux d’une demande de remise de majorations de retard mises à sa charge par le RSI et contesté le défaut de versement de sa pension d’invalidité depuis juillet 2010.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro 12/00416.
Par jugement du 16 octobre 2013, ce tribunal a :
– prononcé la radiation de ce recours et sa suppression du rang des affaires en cours «à charge de réinscription après décision de la cour d’appel d’Orléans »,
– dit cependant que cette radiation ne fera pas obstacle à la reprise de l’instance qui pourra être rétablie sur simple demande de la partie la plus diligente.
L’affaire a été réinscrite sous le numéro 18/00259.
Par un jugement du 17 octobre 2019, opposant dorénavant M. [E] à l’Urssaf venant aux droits du RSI, le pôle social du tribunal judiciaire d’Évreux, devenu compétent pour statuer sur les litiges, a :
– ordonné la jonction des procédures inscrites sous les numéros 11/00080 et 18/00259, l’affaire portant désormais le seul numéro 11/00080,
– constaté la péremption des instances introduites par M. [E] les 2 novembre 2010 et 14 mai 2012,
– constaté, par conséquent, leur extinction,
– débouté M. [E] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [E] au paiement d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
M.[E] a relevé appel de ce jugement le 6 décembre 2019.
Par arrêt avant dire droit du 30 novembre 2022, cette cour a :
– ordonne la réouverture des débats à l’audience du 15 mars 2023 à 9h30 et la convocation de l’Urssaf à cette date,
– dit que les parties devront faire connaître leurs observations concernant :
– les fins de non recevoir tirées du défaut d’intérêt et de qualité à agir de la caisse soutenues par M. [E], la caisse devant préciser, notamment, ainsi que l’Urssaf le fondement textuel de leur compétence,
– l’absence de précision de l’appelant concernant la décision contestée de l’Urssaf relative au calcul des cotisations dues au titre de l’exercice 2006 et, partant, de saisine de la commission de recours amiable, ainsi que les conséquences procédurales éventuelles ;
– enjoint à M. [E] de produire les décisions contestées des organismes ci-dessus, et notamment celles relatives aux majorations contestées ;
– invite, dans le respect du contradictoire, les parties à se faire connaître leurs observations au moins quinze jours avant la tenue de l’audience de réouverture des débats ;
– dit que l’arrêt valait convocation de M. [E] et de la caisse à l’audience ci-dessus.
Par conclusions remises le 6 mars 2023, soutenues oralement à l’audience, M. [E] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
– déclarer la caisse irrecevable en ses écritures du 13 juin 2022 pour défaut d’intérêt et de qualité à agir,
– déclarer l’Urssaf, venant aux droits du RSI, irrecevable en son moyen tiré de la péremption d’instance, subsidiairement mal fondé,
– le déclarer en tout état de cause recevable en ses recours n° 21800259 (anciennement 21200416) et 21100080,
– ordonner le versement rétroactif des indemnités journalières impayées et qui lui sont dues depuis l’arrêt de travail du 22 décembre 2009,
– ordonner pareillement le versement rétroactif des sommes qui lui sont dues au titre de la pension d’invalidité depuis le 31 juillet 2010,
– donner acte à l’Urssaf de la remise des majorations de retard concernant la cotisation santé 2007 accordée pour un montant de 348 euros le 13 janvier 2013,
– débouter l’Urssaf de l’ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer une somme de 2 500 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl Gray Scolan, avocats associés,
– lui donner acte de ce qu’il renonce à sa prétention tendant à voir ordonner à l’Urssaf, venant aux droits du RSI, de procéder aux calculs des cotisations effectivement dues à partir de ses revenus effectifs au titre de l’exercice 2006, soit 7096 euros et non pas 58 342 euros.
Par conclusions remises le 9 mars 2023, l’Urssaf Île-de-France, dispensée de comparaître, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner M. [E] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La caisse a repris ses prétentions soutenues lors de la précédente audience et développées dans ses conclusions remises le 13 juin 2022, dans lesquelles elle demande à la cour de :
– déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par M. [E],
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté la péremption de l’instance concernant les deux recours formés par M. [E],
– le débouter de l’ensemble de ses demandes,
– le condamner à lui payer une somme de 2 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Bien qu’autorisée à produire une note en délibéré, la caisse ne l’a pas adressée à la cour et ce, malgré un rappel.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs argumentations.
Motivation de la décision :
A titre liminaire, la cour constate le désistement de l’appelant de sa demande tendant à voir « ordonner à l’Urssaf, venant aux droits du RSI, de procéder aux calculs des cotisations effectivement dues à partir de ses revenus effectifs au titre de l’exercice 2006, soit 7096 euros et non pas 58 342 euros ».
1 ) Sur l’irrecevabilité de l’exception de péremption d’instance
M. [E] soutient que l’Urssaf était irrecevable en sa demande de constat de la péremption, pourtant retenue par les premiers juges. Il estime qu’elle n’aurait pas été formée avant tout autre moyen conformément à l’article 388 du code de procédure civile, l’Urssaf s’étant abstenue de la soulever oralement in limine litis lors des cinq audiences de renvoi et dans ses écritures, à l’exception de ses dernières du 12 février 2019.
L’article 74 du code de procédure civile énonce que les exceptions de procédure doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.
L’article 388 du même code dispose que la demande de péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.
Il résulte de l’article R. 142-10-4 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, que la procédure devant le pôle social du tribunal est orale.
Ainsi, les parties devaient formuler leurs prétentions devant le tribunal lors de l’audience à laquelle l’affaire était retenue selon l’ordre édicté par l’article 74 du code de procédure civile, peu important qu’antérieurement se soient tenues des audiences de renvois ou encore que des écrits portant sur le fond de l’affaire aient été déposés, dès lors que le juge n’a pas fait application des dispositions de l’article 446-2 du même code.
En soulevant un incident de procédure tiré de la péremption d’instance avant tout autre moyen lors de l’audience du 13 juin 2019, l’Urssaf a respecté l’ordre de présentation des moyens de défense, de sorte que c’est à raison que les premiers juges ont considéré sa demande comme recevable.
La décision déférée est confirmée sur ce chef.
2 ) Sur l’exception de péremption dans l’instance introduite par M. [E] le 2 novembre 2010
En application de l’article 392 alinéa 2 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, le délai de péremption continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.
Aussi, lorsque la suspension du délai de péremption est la conséquence d’une décision de sursis à statuer jusqu’à la survenance d’un événement déterminé, un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement et non à compter de la date à laquelle en a connaissance la partie à laquelle on oppose la péremption.
En l’espèce, par jugement du 15 février 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure a ordonné « le sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir du TGI de Blois », laquelle est intervenue le 16 mai 2013.
Or, ni M. [E] qui était à l’origine de la demande de sursis mais également de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance considéré, ni une autre partie, n’a saisi la juridiction de sécurité sociale soit pour que l’instance se poursuive, soit pour former une demande de nouveau sursis comme le permet l’article 379 du code de procédure civile et ce, alors même que M. [E] a interjeté appel de la décision rendue puis s’est pourvu en cassation. En effet, c’est le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a convoqué les parties à l’audience du 28 juin 2018.
Compte tenu des dates en présence et alors que le jugement ordonnant le sursis était explicite sur l’événement y mettant fin, il convient de constater que la péremption est acquise. D’ailleurs, il en serait de même si l’on prenait en compte l’arrêt de la Cour de cassation puisque celui-ci a été rendu le 19 janvier 2016, l’appelant ne pouvant valablement soutenir que le point de départ du délai de péremption serait finalement le jour de sa signification dont il ne justifie aucunement et en l’absence du moindre terme permettant de le considérer.
Par conséquent, c’est à bon droit que les premiers juges ont constaté la péremption de l’instance introduite le 2 novembre 2010.
La décision déférée est confirmée sur ce chef.
3) Sur l’exception de péremption dans l’instance introduite par M. [E] le le 14 mai 2012
L’article 383 du code de procédure civile dispose que la radiation et le retrait du rôle sont des mesures d’administration judiciaire. A moins que la péremption de l’instance ne soit acquise, l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties.
Il résulte de l’article R. 142-22 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur que l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. Ce délai court à compter de la date impartie pour la réalisation des diligences ou, à défaut de délai imparti pour les accomplir, de la notification de la décision qui les ordonne.
En l’espèce, par jugement du 16 octobre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Eure a ordonné la radiation de l’affaire, alors qu’il s’agissait en réalité d’un retrait du rôle, de l’affaire et « sa suppression du rang des affaires en cours à charge de réinscription après décision de la cour d’appel d’Orléans ».
M. [E] fait valoir que la diligence ci-dessus indiquée n’a pas été mise « expressément » à sa charge, de sorte qu’aucun délai n’a commencé à courir.
Or, il n’est pas discuté que le jugement considéré a été régulièrement notifié aux parties, qu’il avait ordonné la réinscription de l’affaire après l’arrêt de la cour d’appel, ce qui constituait une injonction ferme et suffisamment précise qui impliquait, en l’absence de désignation d’une partie, qu’il soit justifié par la partie la plus diligente de la réalisation de cette réinscription et ce, avant l’expiration du délai de deux ans.
La cour constate que l’arrêt de la cour d’appel est intervenu le 16 juin 2014 sans qu’aucune des parties ne sollicite la réinscription dans le délai de deux ans à compter de cet événement.
Par conséquent, c’est encore à bon droit que les premiers juges ont considéré que la péremption était également acquise dans cette instance.
La décision déférée est confirmée.
4 ) Sur les dépens et frais irrépétibles
Il incombe à l’appelant, partie perdante, de supporter la charge des dépens.
Compte tenu des situations respectives des parties, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
constate le désistement de M. [Y] [E] de sa demande tendant à voir ordonner à l’Urssaf, venant aux droits du RSI, de procéder aux calculs des cotisations effectivement dues à partir de ses revenus effectifs au titre de l’exercice 2006, soit 7096 euros et non pas 58 342 euros ;
confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
déboute les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne M. [Y] [E] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE