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Les œuvres originales des designers, pour être éligibles à la protection du droit d’auteur, supposent d’avoir été finalisées ou à tout le moins livrées au client final.
Le cas opposé, la matérialité même de la contrefaçon, consistant en la remise illicite par une société des œuvres des designers, ne pourra pas être établie, ni davantage une quelconque représentation de ces oeuvres, alors que leur commanditaire a confirmé que le projet était arrêté.
C’est en conséquence, à juste titre, que les premiers juges ont débouté les designers de leurs demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 1 ARRET DU 16 NOVEMBRE 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : 21/00785 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5G5 Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 3ème section – RG n° 18/14065 APPELANTS Monsieur [L] [S] Né le 19 Décembre 1944 à [Localité 6] (75) De nationalité française Scénographe – auteur Demeurant [Adresse 1] [Localité 4] Représenté par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241 Assisté de Me Stéphane GUERLAIN de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W07 Madame [P] [O] Née le 17 Mai 1956 à [Localité 7] De nationalité française Directrice artistique – autrice Demeurant [Adresse 1] [Localité 4] Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241 Assistée de Me Stéphane GUERLAIN de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W07 S.A.S. KAA Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 347.847.667 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241 Assistée de Me Stéphane GUERLAIN de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W07 INTIMEE S.A.R.L. CALM Société au capital de 45 000 euros Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 538 591 579, Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 3] [Localité 5] Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153 Assistée de Me Jean-Michel BRANCHE de l’AARPI BRANCHE MASSET HERMANN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R194 substituant Me Eléonore HERMANN COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère, et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre Mme Françoise BARUTEL, conseillère Mme Déborah BOHÉE, conseillère. Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON ARRÊT : contradictoire par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** EXPOSE DU LITIGE [L] [S] et [P] [O], cette dernière en étant la directrice artistique, sont les associés de la société KAA créée en 1988 et ayant pour activité la «conception, réalisation, création d’événement et de manifestation entrepreneur de spectacles 6ème catégorie». La société KAA a été sollicitée par la société SUN GROUP, qui dirige le parc d’attractions BA NA HILLS situé à DANANG au Vietnam, représentée par la société vietnamienne APOLLO CONSTRUCTION CONSULTANT Co. Ltd. (ci-après « APOLLO ») pour la réalisation de deux projets de spectacles de « mapping images » dénommés : — ’Projet French Village’ consistant en un parcours de spectacle nocturne de 12 stations et un spectacle de sons et lumières, — ’Projet Christmas Plaza’ portant sur un spectacle de sons et lumières autour de la magie de Noël. La société KAA a elle-même sollicité la société CALM, créée en 2011, dont la gérante est [W] [F], et ayant pour activité la « production ou la co-production de films institutionnels et publicitaires », pour la réalisation de ces projets. Les sociétés CALM et APOLLO ont signé le 23 juin 2017 un contrat intitulé « Design and production Consultancy Agreement of Image mapping projection for French Village and Christmas Plaza », dans lequel [L] [S] et [P] [O] sont désignés comme auteurs et la société CALM, comme producteur, donnant lieu au versement d’une somme de 740.481€ à cette dernière entre le mois de juillet 2017 et le mois de mars 2018, sur un budget total de 1.480.962 euros. Suite à la signature de ce contrat, des dissensions sont apparues entre, d’une part, la société CALM et, d’autre part, la société KAA et [L] [S] et [P] [O]. Dans ce contexte, la société CALM a accepté de régler en décembre 2017 la somme de 80.000 euros à la société KAA et la somme de 10.000 euros, chacun, à [L] [S] et [P] [O], dans le cadre d’une médiation. Estimant que la société CALM avait, en dépit du contrat précité, refusé de lui verser les sommes restantes prévues au contrat et fait un usage illicite des projets French Village et Christmas Plaza dont [L] [S] et [P] [O] sont les auteurs, ces derniers et la société KAA l’ont, par acte du 27 novembre 2018, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, en paiement de diverses sommes. Le juge de la mise en état, a par ordonnance du 13 mars 2020, rejeté la demande de communication de pièces formée par la société CALM. Dans son jugement rendu le 20 novembre 2020 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a : — Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société CALM, tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société KAA, — Débouté la société KAA de sa demande en paiement de la somme de 350.000,06 euros TTC, — Débouté [L] [S] et [P] [O] de leur demande en contrefaçon de droits d’auteur, — Débouté la société CALM de ses demandes reconventionnelles en paiement et pour procédure abusive, — Condamné la société KAA, [L] [S] et [P] [O] aux dépens, — Condamné la société KAA, [L] [S] et [P] [O] à payer à la société CALM la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, — Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire. Le 7 janvier 2021, la société KAA, M. [L] [S] et Mme [P] [O] ont interjeté appel de ce jugement. Dans leurs conclusions n° 3 transmises le 3 juin 2022, la société KAA, M. [L] [S] et Mme [P] [O] demandent à la cour de: — Déclarer la société KAA, M. [S] et Mme [O] tant recevables que bien fondés en leur appel ; — Débouter la Société CALM de son appel incident et de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; — Infirmer le Jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 20 novembre 2020 en ce qu’il a : o Débouté la société KAA de sa demande en paiement de la somme de 350.000,06 euros TTC ; o Débouté [L] [S] et [P] [O] de leur demande en contrefaçon de droits d’auteur ; o Condamné la société KAA, [L] [S] et [P] [O] aux dépens; o Condamné la société KAA, [L] [S] et [P] [O] à payer à la société CALM la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Statuant à nouveau, — Condamner la société CALM à payer à la société KAA à titre d’indemnité la somme de 291.666,68 euros H.T, soit 350.000,016 euros TTC, avec un intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 09 juillet 2018, et correspondant à : o 150.000,00 euros H.T (soit 180.000,00 euros TTC) au titre de la direction et la scénographie des projets « French Village » et « Christmas Plazza » par la société KAA, soit 75.000,00 euros H.T. pour chacun des associés de KAA à savoir M. [S] et Mme [O] ; o 41.666, 68 euros H.T. (soit 50.000,00 euros T.T.C.) au titre de la facture n°1802004 du 27 février 2018 ; o 100.000,00 euros H.T. (soit 120.000,00 euros T.T.C.) au titre de la facture n°1802005 du 27 février 2018. — Condamner la société CALM à payer à M. [L] [S] et Mme [P] [O] une indemnité de 30.000,00 euros chacun en réparation du préjudice subi par ces derniers du fait de la contrefaçon de leurs droits d’auteur sur les projets French Village et Christmas Plaza dont ils sont les auteurs, avec un intérêt au taux légal à compter de la lettre de mise en demeure du 09 juillet 2018. — Condamner la société CALM à payer à la société KAA, M. [S] et Mme [O] la somme de 15.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’au paiement des dépens dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Eric ALLERIT conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Dans ses conclusions d’intimée n° 2 transmises le 23 juin 2022, la société CALM demande à la cour de: IN LIMINE LITIS: — INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu’il a jugé que la société CALM a le droit et la qualité pour agir et le réformant et statuant à nouveau, JUGER que la société KAA ne dispose pas du droit et de la qualité à agir contre la société CALM et en conséquence, LA DEBOUTER de toutes ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société CALM. Et en conséquence, — JUGER irrecevable la société KAA dans l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société CALM A TITRE PRINCIPAL, — CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu’il a débouté la société KAA concernant sa demande en paiement de la somme de 507.761,40 euros H.T. qui est mal fondée, — CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu’il a jugé que la société CALM n’exerce pas de contrefaçon des droits d’auteur de M. [L] [S] et Mme [P] [O] et en conséquence DEBOUTER M. [L] [S] et Mme [P] [O] de l’ensemble de leurs demandes à ce titre, — CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu’il a DEBOUTE la société KAA, M. [L] [S] et Mme [P] [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, ET A TITRE RECONVENTIONNEL, — INFIRMER le jugement du Tribunal judiciaire de PARIS en ce qu’il a jugé que la société KAA n’a pas commis des fautes en ayant un comportement déloyal envers la société CALM engageant sa responsabilité et l’obligeant à indemniser le préjudice subi par la société CALM, Et le réformant et statuant à nouveau, — CONDAMNER la société KAA à payer à la société CALM la somme de 740.481 euros à titre de préjudice financier, — CONDAMNER la société KAA à payer à la société CALM la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du préjudice moral subi, — CONDAMNER conjointement et solidairement la société KAA, M. [L] [S] et Mme [P] [O] à payer à la société CALM la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive dénuée de tout fondement légal ou élément contractuel, — CONDAMNER conjointement et solidairement la société KAA, M. [L] [S] et Mme [P] [O] à payer à la société CALM les entiers dépens et la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance et la somme de 10.000 euros pour la procédure d’appel. L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022. MOTIFS DE LA DECISION Sur la recevabilité à agir de la société KAA La société CALM soutient que la société KAA est irrecevable à agir faute d’intérêt, aucun contrat n’ayant été envisagé ni conclu entre elles. Les appelants contestent cette fin de non recevoir soutenant que la société KAA est manifestement impliquée dans la conception et l’élaboration du projet relatif au parc d’attraction BA NA HILLS et que, même si aucun contrat n’a été régularisé entre les deux sociétés, son rôle est attesté par les nombreux documents versés aux débats, outre le versement par la société CALM de la somme de 80 000 € à la société KAA dans le cadre de la tentative de médiation. C’est par de justes motifs, approuvés par la cour, que les premiers juges, après avoir analysé les échanges entre les parties attestant du rôle de la société KAA et de ses associés dans la conception et la réalisation du projet relatif au parc d’attraction BA NA HILLS, ont rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir soulevée par la société CALM, nonobstant l’absence de signature de contrat entre ces deux sociétés, sauf pour la cour à ajouter que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action. Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé de ce chef. Sur la demande en paiement de la société KAA La société KAA soutient essentiellement que, même en l’absence de contrat signé, la société CALM s’est engagée à lui rétrocéder 350.000,16€ au titre de la direction et de la scénographie des deux projets de spectacle et à lui rembourser les factures pour des frais engagés pour ces projets, ainsi qu’en attestent le budget prévisionnel établi par la société CALM elle-même ainsi que l’ensemble de leurs échanges dans ce cadre. Elle ajoute apporter la preuve de la réalité du travail effectué pour ces deux projets ainsi que des frais engagés pour ce faire. La société CALM conteste l’ensemble des demandes ainsi formulées rappelant qu’aucun contrat n’a été signé avec la société KAA et que le budget prévisionnel établi n’avait qu’une valeur indicative. Elle ajoute que la société KAA ne démontre nullement que les dépenses invoquées ont bien été engagées. Sur ce, il est constant qu’aucun contrat écrit et signé n’a été régularisé par les deux sociétés KAA et CALM. Cependant, la société KAA verse aux débats: — le contrat régularisé entre les sociétés CALM et APOLLO, ayant pour objet la création de deux spectacles d’animation désignés « French Village » et « Christmas Plaza », destinés au parc d’attraction de BA NA Hills Mountain Resort au Vietnam, moyennant le paiement de la somme de 1.480.962 euros, contrat dans lequel est intégré un budget détaillé poste par poste, dans lequel ses associés sont mentionnés comme designers, — un mail émanant de la gérante de la société CALM du 24 avril 2018 adressé à [D] [R], salariée de la société KAA (comportant en annexe le budget prévisionnel interne du 24 avril 2018) et évoquant « le budget Ba Na complété » dans lequel « il faudra repréciser les dépenses déjà effectuées par Kaa », — le budget prévisionnel établi par la société CALM, mentionnant un prix de vente de 1.480.000 euros (correspondant au prix fixé contractuellement entre les sociétés CALM et APOLLO), des dépenses prévisionnelles à la charge de la société KAA de 193.276 euros, la marge de celle-ci restant à fixer, tandis que les dépenses prévisionnelles imputables à la société CALM y figurent pour un montant total de 745.394,68 euros hors marge, imprévus et frais généraux, incluant des frais de conception, à la charge de la société CALM, pour la somme de 150 .000 euros, soit 75.000 à chacun de [L] [S] et de [P] [O], pour des « DA (soit droits d’auteur) et réalisation », — les factures émises par la société KAA à l’attention de la société CALM, des 28 décembre 2017 déjà réglées, et du 28 février 2018 pour «l’étape 3» de 50 .000 euros TTC et pour la «réalisation» de 120.000 euros, — un « compte de production » établi par la société KAA pour un « total dépenses » de 161.233,48 euros, ainsi que les factures correspondantes à ces dépenses, émises par des tiers à l’attention de la société KAA, portant référence au dossier « BA NA HILLS ». La cour constate, d’abord, que le budget prévisionnel sur le fondement duquel les appelants formulent une partie de leurs demandes a été établi par la société CALM elle-même qui le leur a adressé ensuite et qu’il figure, en outre, dans le contrat régularisé entre celle-ci et la société APPOLO le 23 juin 2017, certains des postes étant repris à l’identique, d’autres étant augmentés, et ne peut donc être considéré comme un simple document de travail sans valeur probante. À cet égard, la société CALM, par le biais de sa gérante, a adressé dès le 11 décembre 2017 aux deux associés de la société KAA un message ayant pour objet «BDC prestations Kaa- Ba NaHills» demandant le retour d'[P] [O] sur ce bon de commande et mentionnant la société KAA comme prestataire pour un certain nombre de mission ( élaboration du dossier technique, supervision de la fabrication des images graphiques…) pour un montant de 168.000€ TTC. Cette collaboration, dans l’élaboration et le suivi du budget, ressort également d’un message adressé le 21 février 2018 à [P] [O] par [W] [F] ainsi qu’à son interlocuteur au sein de la société KAA, [D] [R], « suite à ma discussion avec [D] et afin d’avancer ensemble sur la suite des opérations de Bana, je te résume les grandes lignes pour l’organisation: — [D] va travailler sur le budget réel de fabrication sur la base des designs envoyés et compte tenu du planning, — Calm va prendre en charge les dépenses de production sur la base du budget prévisionnel remis à jour de façon hebdomadaire par [D] en liaison avec vous afin d’avoir de la visibilité et une anticipation de la tréso, — Votre société Kaa va prendre en charge une partie de l’atelier graphique et nous pouvons caler les paiements (devis/bdc) sur une base mensuelle à définir plus précisément en fonction du planning et des livraisons pour qu’il n’y ait pas de décalage entre nous et que cela soit plus fluide, — le montant des droits d’auteur pour vous deux restent à définir avec vous étant entendu que 20KF vous ont été versés comme acompte en décembre dernier.» En outre, il ressort du mail adressé par [W] [F] à la société KAA du 24 avril 2018, que ce budget a manifestement été établi en concertation entre les deux sociétés, la gérante de la société CALM précisant « tu trouveras ci-joint le budget BANA complété. Je suis repartie sur ta dernière base du 19 avril et y ai réintégré des dépenses manquantes. (…) J’ai également ventilé comme nous en avions parlé les paiements entre Calm et Kaa car je préfère porter les salaires (comme pour le tournage) plutôt que d’avoir à payer une société de portage qui prend 10%. J’ai ré-intégré la marge sur laquelle nous nous étions mis d’accord avec [P] et [V] et que tu as retiré dans ta dernière version de budget à leur demande. Concernant Kaa, à vous de voir ce que vous faites en terme de ventilation. Il faudra repréciser les dépenses déjà effectuées par Kaa et établir la facturation en conséquence. Nous avons actuellement un dépassement prévisionnel important compte tenu du décalage de planning et du split en 2 tournages pour French village et Christmas plaza que [P] et [V] ont décidé d’anticiper ainsi que l’installation sur place en deux temps. (…) » Enfin, sur le document annexé au message de la société CALM intitulé «Budget prévisionnel interne» daté du 24 avril 2018, il est ainsi mentionné des frais de direction et de scénographie à hauteur de 150.000€ détaillés en différents postes, soit les deux acomptes de 10.000€ déjà versés à [P] [O] et [L] [S], outre la somme de 65.000€ chacun au titre du droit d’auteur et de la réalisation, ainsi que les sommes devant revenir à la société KAA pour 193.276€ au titre des frais généraux, 9.663,80 € pour le poste «imprévu» et 19.327,60 au titre des «frais généraux», soit 222.267,4€. La société KAA démontre, en outre, par la production de ses pièces 32 à 34 avoir accompli la première phase du contrat conclu intitulé «Design concept» entre la société CALM, en qualité de producteur, et les sociétés vietnamiennes. La société KAA justifie avoir émis des factures à l’attention de la société CALM : — une facture n° 1712004 de 80.000€ TTC le 22 décembre 2017, dont il n’est pas contesté qu’elle a été réglé par la société CALM dans le cadre de la médiation, — une facture n° 171 2006 de 20.000€ TTC du 28 décembre 2017, — une facture n° 1802004 de 50.000,16€ TTC le 27 février 2018, — une facture n° 1802005 de 120.000€ TTC du 27 février 2018. De son côté, sur un projet conclu pour un montant de 1.480.962 euros, la société CALM a reçu en trois virements une somme de 740.481€, soit la moitié du budget, et a reversé 100.000€ à la société KAA (soit 80.000€ pour ses frais et 10.000€ à chacun des auteurs). Il ressort par ailleurs des pièces versées que le projet en cause est, selon la société SUN GROUP, suspendu depuis le mois de septembre 2018 et que les prestations prévues au contrat du 23 juin 2017 n’ont pas été intégralement réalisées. Au vu de cet ensemble d’éléments concordants émanant notamment de la société CALM elle-même, la cour retient qu’elle s’était engagée, pour la réalisation du projet BA NA HILLS, à rémunérer, d’une part, les deux auteurs pour leur travail et, d’autre part, la société KAA au titre de diverses prestations détaillées dans le budget prévisionnel qu’elle a établi. Il doit cependant être souligné que le projet n’a finalement pas été mené à son terme, de sorte que seule la moitié du budget initialement fixé a été réglée par les sociétés vietnamiennes. En conséquence, si les appelants sont fondés à réclamer le paiement du travail réalisé, ils ne peuvent pour autant se prévaloir de l’intégralité des sommes visées au budget faute d’aboutissement du projet, sans que les causes puissent être imputées à l’une plutôt qu’à l’autre des parties. Au regard des dispositions convenues par les parties et de l’arrêt du projet en cours de réalisation, il convient de retenir que les appelants ne sont fondés à obtenir que la moitié des sommes convenues, soit pour les auteurs, une somme initialement fixée à 75 000 euros, soit 37 500 euros chacun, dont à déduire l’acompte de 10.000€ reçu, soit 27.500€, chacun. Quant aux frais de la société KAA, la somme initialement fixée à 222.267,40€ doit être ramenée, compte tenu de l’arrêt du projet à la somme de 111.133,70€, dont à déduire la somme de 80.000€ déjà perçue, soit 31.133,70€. Compte tenu de la formulation de la demande, il convient en conséquence de condamner la société CALM à verser à la société KAA une somme de 86.133,70 euros. Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé de ce chef. Sur la demande au titre de la contrefaçon de droits d’auteur Les appelants exposent que les deux projets «French village» et «Christmas plazza» sont protégés par le droit d’auteur et soutiennent que la société CALM a commis des actes de contrefaçon en exploitant commercialement leurs oeuvres avec la société APPOLO, sans contrat écrit de cession ni autorisation ni rémunération des auteurs, nonobstant leur éventuelle absence de représentation, retenant la compétence de la juridiction française, le contrefacteur, étant une société française et le dommage subi en France par des auteurs français. La société CALM conteste ces faits en constatant d’abord que les appelants ne démontrent nullement qu’elle aurait remis les oeuvres revendiquées à la société vietnamienne qui les aurait ensuite exploitées dans le parc d’attraction, ni davantage qu’elle aurait exploité personnellement ces oeuvres, soulignant n’avoir toujours eu qu’un rôle de producteur destiné uniquement à représenter les auteurs. Elle ajoute qu’en tout état de cause les agissements invoqués n’ont pas été commis sur le territoire français. La cour relève, à titre liminaire, que la société CALM remet en cause la compétence des juridictions françaises sur ce point, sans cependant formuler la moindre exception dans le dispositif de ses conclusions, de sorte qu’en vertu de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’a pas à statuer sur cette prétention qui n’y est pas énoncée. Comme le tribunal l’a justement relevé, s’il n’est pas contesté que [L] [S] et [P] [O] sont les concepteurs des projets destinés à l’animation des parcs d’attraction et sont cités dans le contrat liant la société CALM à la société APPOLO comme designers dont les noms doivent être mentionnés et si la société CALM ne conteste pas que ces oeuvres sont éligibles à la protection du droit d’auteur, les appelants ne démontrent nullement que les oeuvres en cause, au demeurant non finalisées, aient été livrées par l’intimée à la société APPOLO, l’ensemble des parties reconnaissant que cette dernière n’a réglé que la moitié du prix prévu au contrat. En conséquence la matérialité même de la contrefaçon alléguée, consistant en la remise illicite par la société CALM à la société APPOLO des oeuvres n’est pas établie, ni davantage une quelconque représentation de ces oeuvres, alors que leur commanditaire a confirmé que le projet était arrêté depuis septembre 2018. Ainsi, si matériellement, les auteurs n’ont pas cédé leur droit de propriété intellectuelle à la société CALM, il ne peut pour autant en être déduit qu’elle aurait commis à leur encontre des actes de contrefaçon en régularisant le contrat du 23 juin 2017 avec la société APPOLO, l’exploitation de ces oeuvres étant en outre conditionnée au paiement de l’intégralité du prix qui n’a pas été effectué. C’est en conséquence, à juste titre, que les premiers juges ont débouté [L] [S] et [P] [O] de leurs demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef. Sur les demandes reconventionnelles de la société CALM Au titre de la responsabilité délictuelle La société CALM soutient que la société KAA a commis une faute en l’excluant volontairement des échanges avec les sociétés vietnamiennes, de façon brutale et soudaine pour reprendre ensuite les relations contractuelles avec ses clientes de manière déloyale, l’empêchant de facturer aux échéances prévues. Elle leur réclame le solde des sommes dues ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral. Les appelants contestent toute responsabilité retenant que c’est au contraire la société CALM qui a arrêté de répondre aux mails des clients et qui a ensuite refusé de leur reverser les montants qui leur étaient dus et rappellent n’avoir perçu la moindre somme des sociétés vietnamiennes dans le cadre de ce projet. La cour retient, comme le tribunal, que les griefs graves imputés par la société CALM à la société KAA, soit la poursuite unilatérale des relations avec les sociétés vietnamiennes ou les actes de dénigrement, ne sont pas établis par les pièces versées par l’intimée, et ne peuvent en tout état de cause fonder une demande en paiement de l’intégralité du solde du contrat alors que la société APPOLO a confirmé que le projet était suspendu depuis septembre 2018 et qu’elle n’avait versé aucune autre somme à quiconque au titre de ce contrat. C’est donc à juste titre que le tribunal a débouté la société CALM des demandes formulées à ce titre, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef. Au titre de la procédure abusive La société CALM estime que les demandes de la société KAA en paiement des rémunérations des coauteurs et du remboursement de ses frais sont injustifiées, invoque la mauvaise foi des appelants et considère que M. [S] n’a pas à se présenter comme président de la société KAA. Les appelants contestent toutes les allégations de l’intimée. Le sens de la présente décision commande de débouter les demandes présentées par la société CALM pour procédure abusive. Le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande en première instance. Sur les autres demandes La société CALM, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Eric ALLERIT, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en première instance et en appel, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées. Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société CALM à verser à la société KAA, [L] [S] et [P] [O], une somme globale de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LA COUR, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a : — Rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société CALM, tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société KAA, — Débouté [L] [S] et [P] [O] de leur demande en contrefaçon de droits d’auteur, — Débouté la société CALM de ses demandes reconventionnelles en paiement et pour procédure abusive, Statuant à nouveau et y ajoutant, — Condamne la société CALM à verser à la société KAA une somme de 86.133,70 euros, — Condamne la société CALM aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Eric ALLERIT conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, — Condamne la société CALM à verser à la société KAA, [L] [S] et [P] [O] une somme globale de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | |