Pas d’atteinte commune au droit à l’image

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Pas d’atteinte commune au droit à l’image
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Le droit à l’image est individuel et personnel. En présence d’une atteinte commune, la demande de jonction ne peut être que rejetée.

La demande de jonction

L’article 367 du code de procédure civile dispose que : « Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».

La société défenderesse expose que deux actions en référé sont intentées à son encontre, concernant le même article, les mêmes demandes, et sur le même fondement. Elle en conclut que les deux instances sont à l’évidence connexes, ce qui justifie leur jonction.

Affaire Prisma Media

Sur ce, il est exact que [X] [Y] et [C] [W] ont tous deux assignés la société PRISMA MEDIA sur le fondement de l’article 9 du code civil relativement au même article de presse.

En effet, par acte d’huissier délivrée le même jour à la société PRISMA MEDIA, [C] [W] l’a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des articles 9 et 1382 du code civil, aux fins de voir condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser des sommes provisionnelles de deux fois 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à sa vie privée et à son droit à l’image à raison du même article publié dans l’édition n°1873 de l’hebdomadaire daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, et de voir ordonner à la défenderesse, à titre complémentaire, de publier un communiqué judiciaire dont les caractéristiques et modalités sont précisées au dispositif de l’assignation, outre des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/58541.

Cependant, dès lors que ces actions, même similaires, relèvent des droits de la personnalité, qui ne peuvent se concevoir qu’en relation avec une personne déterminée, qui est seule recevable à agir, il n’apparaît pas dans l’intérêt d’une bonne justice d’ordonner la jonction de ces deux instances.

Sur la demande de jonction

La demande de jonction des instances engagées par [X] [Y] et [C] [W] est rejetée. Les actions en référé intentées contre la société PRISMA MEDIA sont connexes, mais ne peuvent être jointes car elles relèvent des droits de la personnalité, qui ne peuvent se concevoir qu’en relation avec une personne déterminée.

Sur la publication litigieuse

L’article publié dans le magazine Voici révèle la relation amoureuse entre [X] [Y] et [C] [W], détaille leurs activités durant leurs congés, et expose des photographies des deux personnes, dont certaines les montrent partiellement dénudées. Ces éléments portent atteinte à la vie privée et au droit à l’image de la demanderesse.

Sur les atteintes alléguées

Les atteintes à la vie privée et au droit à l’image d'[X] [Y] sont caractérisées par la divulgation de sa relation amoureuse, la narration de ses activités privées, et la publication de photographies la montrant partiellement dénudée. Ces atteintes sont injustifiées et ne relèvent pas de l’intérêt général.

Sur les mesures sollicitées

Une indemnité provisionnelle de 3 000 euros pour l’atteinte à la vie privée et de 6 000 euros pour l’atteinte au droit à l’image est allouée à [X] [Y]. De plus, la publication d’un communiqué judiciaire condamnant la société PRISMA MEDIA est ordonnée en page de couverture du magazine Voici.

Sur les autres demandes

La société PRISMA MEDIA est condamnée aux dépens et à verser à [X] [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire est de droit.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/58542 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3HFF

N° : 2/MC

Assignation du :
13 Novembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 12 janvier 2024

par Amicie JULLIAND, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [X] [K] [A] [Z] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représentée par Me Alain BARSIKIAN, avocat au barreau de PARIS – #R0139

DEFENDERESSE

Société PRISMA MEDIA, Editrice de l’Hebdomadaire VOICI
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Olivier D’ANTIN de la SCP D’ANTIN BROSSOLLET, avocat au barreau de PARIS – #P0336

DÉBATS

A l’audience du 01 Décembre 2023, tenue publiquement, présidée par Amicie JULLIAND, Vice-président, assistée de Marion COBOS, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,

Vu l’assignation délivrée le 13 novembre 2023 à la société PRISMA MEDIA, éditrice du magazine Voici, à la requête de [X] [K] [A] [Z] [Y], connue sous le nom d’[X] [Y], laquelle, estimant qu’il a été porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et à son droit à l’image dans l’édition n°1873 de l’hebdomadaire Voici daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, demande au tribunal, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des articles 9 et 1382 du code civil :

– de condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser la somme provisionnelle de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à sa vie privée ;

– de condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser la somme provisionnelle de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à son droit à l’image ;

– d’ordonner, à titre complémentaire, la publication d’un communiqué judiciaire dont les caractéristiques et modalités sont précisées au dispositif de l’assignation, en page de couverture de l’hebdomadaire Voici qui paraîtra dans les 8 jours après la signification de l’ordonnance à intervenir et ce sous astreinte de 8 000 euros par semaine de retard ;

– de condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser la somme de 4 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la société PRISMA MEDIA aux entiers dépens.

Vu les conclusions en réponse de la société PRISMA MEDIA, déposées et soutenues à l’audience, qui nous demande, au visa de l’article 367 du code de procédure civile :

– de joindre les instances engagées par [X] [Y] et [C] [W] respectivement enrôlées sous les numéros de RG 23/58542 et 23/58541 ;

– de débouter [X] [Y] de ses demandes excessives et non justifiées ;

– de dire n’y avoir lieu à l’insertion forcée d’une publication judiciaire ;

– de la condamner aux entiers dépens.

A l’issue de l’audience du 1er décembre 2023, les conseils des parties ont oralement soutenus leurs écritures, le conseil de la demanderesse détaillant oralement les circonstances de prise de vue des clichés litigieux, réfutant leur captation à l’endroit allégué en défense qui serait davantage exposé au public, ainsi que les répercussions que la publication de l’article et des clichés a eu sur sa vie professionnelle et personnelle. Il leur a été indiqué à l’issue, que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 12 janvier 2024 par mise à disposition au greffe.

Sur la demande de jonction

L’article 367 du code de procédure civile dispose que : « Le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».

La société défenderesse expose que deux actions en référé sont intentées à son encontre, concernant le même article, les mêmes demandes, et sur le même fondement. Elle en conclut que les deux instances sont à l’évidence connexes, ce qui justifie leur jonction.

Sur ce, il est exact que [X] [Y] et [C] [W] ont tous deux assignés la société PRISMA MEDIA sur le fondement de l’article 9 du code civil relativement au même article de presse. En effet, par acte d’huissier délivrée le même jour à la société PRISMA MEDIA, [C] [W] l’a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des articles 9 et 1382 du code civil, aux fins de voir condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser des sommes provisionnelles de deux fois 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à sa vie privée et à son droit à l’image à raison du même article publié dans l’édition n°1873 de l’hebdomadaire daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, et de voir ordonner à la défenderesse, à titre complémentaire, de publier un communiqué judiciaire dont les caractéristiques et modalités sont précisées au dispositif de l’assignation, outre des demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 23/58541.

Cependant, dès lors que ces actions, même similaires, relèvent des droits de la personnalité, qui ne peuvent se concevoir qu’en relation avec une personne déterminée, qui est seule recevable à agir, il n’apparaît pas dans l’intérêt d’une bonne justice d’ordonner la jonction de ces deux instances.

La demande sera en conséquent rejetée.

Sur la publication litigieuse

[X] [K] [A] [Z] [Y], connue sous le nom d’[X] [Y], est une comédienne et chanteuse belge. [C] [W], ancien joueur professionnel de rugby, est l’actuel entraineur de l’équipe de France de rugby.

Dans son édition n°1873 daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, le magazine Voici, édité par la société défenderesse, consacre un article de trois pages illustré de sept photographies à propos du couple que forme la demanderesse avec [C] [W].

L’article est annoncé en page de couverture sous le titre « [C] [W] et [X] [Y] SEXY, LEUR TROISIEME MI-TEMPS ! ». Un sous-titre précise « Pour oublier la défaite des Bleus, le sélectionneur du XV de France et l’actrice se sont offert une escapade très nature ! ». L’annonce s’inscrit sur une photographie occupant les deux tiers de la page de couverture, probablement prise au téléobjectif, et représentant les intéressés souriants, de profil sur une plage, [C] [W] étant debout et entièrement nu, cachant son sexe de la main droite et donnant sa main gauche à [X] [Y], laquelle est assise, poitrine dénudée. Un macaron, mentionnant « PHOTOS EXCLU », est apposé sur la photographie, dissimulant le bassin d’[X] [Y], de sorte qu’il n’est pas possible de savoir si elle est entièrement nue ou si elle porte un sous-vêtement.

La page de couverture est illustrée par une seconde photographie, d’un format plus petit, incrustée sur la précédente, représentant [X] [Y] passant son bras autour du cou de [C] [W], les deux étant de face, souriants et habillés.

La publication querellée est ensuite développée en pages 10 à 12 du magazine, sous le titre « [C] [W] et [X] [Y] / CHAUDE, LEUR TROISIEME MI-TEMPS » et le sous-titre « En Normandie, le coach du XV de France et la comédienne ont montré qu’ils étaient toujours amoureux. Et qu’ils n’avaient pas froid aux yeux… ». Un sur-titre indique « Après la défaite des Bleus, ils ont sorti le grand jeu ». Les différents titres sont annoncés sur la double page 10-11.

L’article débute en rappelant la défaite de l’équipe de France de rugby en Coupe du monde, dont [C] [W] est l’entraineur, et indique que ce dernier « a choisi de passer à autre chose le plus vite possible ». L’article poursuit en expliquant que [C] [W] a rejoint « la femme qui partage sa vie depuis près de deux ans, [X] [Y] » en Normandie, et que celle-ci « a tout fait pour lui remonter le moral » et « a rendu le sourire à [C] ». L’article précise que « depuis quelques années » la demanderesse « possède en effet une maison à côté de [Localité 4] ».

Il fait ensuite le récit de leur moment de vacances en Normandie, « Chaque jour, elle l’a emmené dans les rues de son village, l’a conduit au bar, au restaurant et même à la plage », et notamment de leur baignade dénudés : « ils ont été pris d’une envie subite de se jeter à l’eau ! […] N’ayant pas prévu de maillot de bain, ils se sont jetés à l’eau, sous l’œil éberlué des quelques badauds qui se trouvaient là. Des spectateurs qui n’ont pas gêné [C] et [X]. ». L’article précise que [C] [W] « a pris soin de cacher sa virilité en sortant de l’eau » et que les intéressés ont ensuite poursuivi leur après-midi sur la plage « heureux d’être ensemble ».

L’article reprend des déclarations faites par une « source » qui serait « un proche du couple » indiquant notamment que la demanderesse rend [C] [W] « plus léger » et « lui donne envie de faire des folies » et que les intéressés « passent leur temps à rigoler » ce qui les rend « incroyablement complices ».

L’article conclut en précisant qu’[X] [Y] et [C] [W] sont rentrés à [Localité 2] après cinq jours passés en Normandie.
Sur la page 11, en exergue du corps de l’article est placée la phrase suivante, en police plus importante : « Les passants ont halluciné en les voyant tomber le bas ». Sur la même page, un encadré placé sur la droite du corps de l’article revient sur l’actualité professionnelle de [C] [W].

Sur la page 12, l’article comporte en exergue la mention suivante, en police plus importante : « Incroyablement complices, ils rigolent en permanence ». Sur la même page, un encadré placé sur la droite du corps de l’article revient sur l’actualité professionnelle d’[X] [Y].

L’article est illustré en pages intérieures de sept photographies.

La page 10 du magazine comprend deux photographies en pied représentant [X] [Y] et [C] [W] marchant dans la rue, habillés. Les deux photographies occupent presque la totalité de la page. La première photographie montre [X] [Y] passant son bras autour du cou de [C] [W], qui a son bras autour de la taille de la demanderesse. Le cliché est légendé de la manière suivante : « Oui, la mêlée c’est plus sympa avec [X] qu’avec quinze types de 130 kg ». La seconde photographie montre les deux intéressés s’embrassant. Celle-ci est légendée comme il suit : « Un rugbyman ? [X] avait un doute. Mais au bout de deux ans, [C] a clairement transformé l’essai ». Entre les deux photographies est apposé un macaron avec la mention « PHOTOS EXCLU ».

La troisième photographie se situe en haut à gauche de la page 11 et représente [C] [W], nu et de profil, se baignant dans la mer. Le cliché est légendé : « La différence entre la Manche en octobre et la Méditerranée en août ? Il vient juste de la comprendre ».

La quatrième photographie, située en haut à droite de la page 11, occupant un quart de la page, représente [C] [W] nu, de dos, debout sur la plage, donnant la main à [X] [Y], assise de profil, souriante, poitrine dénudée et portant une culotte. Celle-ci est légendée comme il suit : « [X] fait le calcul : ah oui, là, l’eau devait être à 7 ou 8 degrés max ».

La cinquième photographie, située en haut à gauche de la page 12, occupant un tiers de celle-ci montre [C] [W] nu, de profil, debout sur la plage, cachant son sexe de la main droite et donnant la main gauche à [X] [Y], assise de profil, souriante, poitrine dénudée et portant une culotte. La photographie est légendée comme il suit : « [C] a un truc qui gratte. Si c’est une algue, ça va. En revanche, si c’est un crabe… ». Un bandeau rose figure en haut de la photographie avec la mention : « En octobre, ils font monter la température ».

La sixième photographie, située en haut à droite de la page 12, représente [C] [W] nu, de dos, debout sur la plage, semblant cacher son sexe avec ses mains et [X] [Y], assise de profil, souriante, poitrine dénudée et portant une culotte. Celle-ci est légendée comme il suit : « Aucun doute, [C] a tous les atouts pour être dans le prochain calendrier des Dieux du stade ».

Enfin, la septième photographie, située au centre de la page 12, montre [X] [Y] et [C] [W] de profil dans la mer, se regardant, torses nus, leurs poitrines n’étant pas visibles. Le cliché est légendé comme il suit : « Ils sortiraient bien de l’eau, mais ils ont été reconnus… Y a deux cents personnes qui regardent ».

C’est dans ces circonstances qu’est intervenue la présente assignation.

Sur les atteintes alléguées

Il résulte de l’article 835 du code de procédure civile que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.

Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Enfin, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.

[X] [Y] indique à titre liminaire avoir été, avant la publication de l’article, informée de ce que des photographies avaient été prises à son insu et avait mis en demeure la société défenderesse de ne pas les publier. S’agissant de l’atteinte à sa vie privée, elle fait principalement valoir que la publication litigieuse révèle sa relation avec [C] [W] alors que ni l’un ni l’autre ne se sont jamais exprimé publiquement à ce sujet. En outre, elle estime que la publication fait des disgressions sur leurs sentiments amoureux respectifs, livre des détails, réels ou supposés, sur leurs loisirs et leur emploi du temps et révèle qu’elle possède une résidence en Normandie. La demanderesse considère que la publication de ces différentes informations viole incontestablement l’intimité de sa vie privée, la société défenderesse ne poursuivant aucun but légitime et ne justifiant pas d’une nécessité de l’information sur un évènement d’actualité.

[X] [Y] fait aussi valoir que la publication des sept photographies illustrant la couverture et l’article, prises à son insu, dont certaines la présente partiellement dénudée, dévoile son intimité corporelle et porte atteinte à son droit à l’image.

La société PRISMA MEDIA ne conteste pas formellement l’atteinte aux droits de la personnalité de la demanderesse.

Il convient de rappeler à titre liminaire que si les limites de la protection instaurée par l’article 9 du code civil peuvent s’interpréter moins strictement au profit d’une personne que la fonction ou l’activité qu’elle a choisi d’exercer, expose à la notoriété et dès lors à une certaine curiosité du public, il n’en reste pas moins que celle-ci, quelle que soit sa notoriété, est en droit de préserver l’intimité de sa vie privée.

En l’espèce, l’article litigieux fait le récit, images à l’appui, de plusieurs journées de vacances passées par la demanderesse et [C] [W] « en Normandie » pour « oublier la défaite des Bleus ». L’article indique que [C] [W] a rejoint « la femme qui partage sa vie depuis près de deux ans, [X] [Y] », alors qu’il n’est pas démontré par la défenderesse que cette relation était notoire et qu’au contraire, la demanderesse produit un article montrant que l’article litigieux a été l’occasion de lever le mystère qui planait sur celle-ci (pièce n°4 en demande).

L’article détaille l’emploi du temps des intéressés (« elle l’a emmené dans les rues de son village, l’a conduit au bar, au restaurant et même à la plage ») et disgresse sur leurs sentiments (« [C] restait marqué par la défaite », « la chanteuse […] a tout fait pour lui remonter le moral », « patiemment, tendrement, elle a rendu le sourire à [C] »).

L’article rapporte ensuite qu’[X] [Y] et [C] [W] « ont été pris d’une envie subite de se jeter à l’eau » bien que « n’ayant pas prévu de maillot de bain ». L’article précise que les intéressés « ont poursuivi leur après-midi sur la plage » étant « heureux d’être ensemble ». L’article conclut en indiquant qu’« après cinq jours […] en Normandie, ils ont dû rentrer à [Localité 2] ».

Ces éléments, qui ne relèvent assurément pas de la vie professionnelle de la demanderesse, appartiennent à sa vie privée, comme révélant la relation existant entre elle et [C] [W],dont la nature n’a pas été rendue publique par les intéressés et faisant la narration des activités qui l’occupent durant ses congés avec son compagnon, à un endroit et à une époque donnés.

S’il n’est pas spécialement contesté que les termes employés ne sont pas particulièrement malveillants vis-à-vis d’[X] [Y] et que le reportage s’attache à un moment paisible de son existence, ce seul élément n’est en toute hypothèse pas de nature à leur retirer leur caractère attentatoire à la vie privée dans la mesure où l’article n’a d’autre objet que de satisfaire la curiosité des lecteurs à des fins mercantiles, au détriment du respect de la vie privée de ceux qui y sont mentionnés.

Il sera relevé que la publication de ces éléments n’est rendue nécessaire par aucun débat d’intérêt général et est sans rapport avec un évènement d’actualité.

Au vu de ces éléments, l’atteinte à la vie privée d’[X] [Y] se trouve caractérisée avec l’évidence requise en référé.

Ces atteintes sont prolongées par l’utilisation de photographies des demandeurs, qui viennent accréditer les propos tenus dans l’article, notamment en présentant [X] [Y] partageant un moment de complicité avec son compagnon. Les nombreuses photographies, vraisemblablement prises au téléobjectif, à l’insu de la demanderesse, ont été publiées sans son autorisation pour illustrer un article attentatoire à sa vie privée. Le fait qu’elles aient été prises dans un endroit public n’autorisait en rien le magazine à les publier, de surcroit en dépit de l’opposition formelle de l’intéressée qui lui avait été duement notifiée.

Ainsi, ces photographies, qui la montrent pour certaines partiellement dénudée, attentent également au droit que la demanderesse détient sur son image, sans que là non plus, cela ne soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général ou un rapport avec l’actualité.

Les atteintes alléguées sont ainsi caractérisées.

Sur les mesures sollicitées

Sur la demande d’indemnité provisionnelle

En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; faute de contestation sérieuse des atteintes alléguées, il appartient au juge des référés de fixer à quelle hauteur l’obligation de réparer n’est pas sérieusement contestable.

Si la seule constatation de l’atteinte au respect à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à ces atteintes, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué. L’évaluation du préjudice est appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.

L’atteinte au respect dû à la vie privée et l’atteinte au droit à l’image constituent des sources de préjudice distinctes, pouvant ouvrir droit à des réparations différenciées à condition qu’elles soient dissociables.

S’agissant de l’atteinte à la vie privée, l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, ni au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause ; cependant l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat de ce magazine à fort tirage, sont de nature à accroitre le préjudice.

Au soutien de ses demandes indemnitaires, la requérante fait valoir qu’elle a été discrète sur sa vie sentimentale avec [C] [W]. Elle considère en outre que la nature des photographies publiées, la représentant partiellement dénudée, aggrave son préjudice, le fait de diffuser sans autorisation des photographies d’une personne nue est une violation aggravée des attributs de la personnalité, entrainant des effets traumatisants et nuisibles tant sur le plan professionnels que privés. Elle fait part d’un sentiment de profond malaise à cet égard. Enfin, elle met en exergue l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat du magazine et expose que l’article est annoncé en page de couverture ce qui rend la publication accessible également aux passants.

La société défenderesse sollicite que ne soit attribuée qu’une réparation de principe à la demanderesse. Elle affirme qu’aucune pièce en demande ne vient rendre compte du préjudice allégué par [X] [Y]. Elle relativise l’étendue du préjudice résultant de l’atteinte à son droit à l’image, relevant qu’elle et [C] [W] se sont tous deux affichés dénudés par le passé dans les médias et estimant qu’en l’espèce, les clichés de l’article, pris sur une plage à un endroit particulièrement exposé aux regards du public, ne sont pas dégradants. La société défenderesse souligne par ailleurs la grande liberté de ton d’[X] [Y] dans les médias sur des aspects intimes de sa vie et concernant l’atteinte à la vie privée, elle soutient que la relation de couple de la demanderesse avec [C] [W] était notoire et que l’article ne permet pas de localiser la résidence secondaire d’[X] [Y]. Enfin, la société défenderesse, rappelant que les dommages et intérêts n’ont pas d’objet punitif, estime qu’une réparation autre que de principe ne saurait s’imposer.

A titre préalable, il sera relevé que le préjudice moral causé par la publication en cause, résulte d’une double atteinte, l’une à la vie privée de la demanderesse, l’autre à son droit à l’image.

En l’espèce, afin d’apprécier le préjudice de la demanderesse, il convient d’abord de relever que la publication litigieuse contient la révélation au public de sa relation amoureuse avec [C] [W], jusqu’ici restée confidentielle.

Elle subit en outre l’exposition au public du récit de ses faits et gestes durant ses congés et des moments de loisirs partagés avec son compagnon,pouvant être ressentie comme une intrusion injustifiée dans leur vie privée. L’article révèle aussi qu’elle dispose d’une propriété en Normandie “à côté de [Localité 4]”, information qui, même si elle n’est pas autrement détaillée, est de nature à ajouter au préjudice subi quant à l’intrusion dans sa vie privée.

Doit être également relevé que, loin de se contenter de descriptions factuelles des activités des demandeurs, l’article spécule sur les sentiments du couple, indiquant que « le coach du XV de France et la comédienne ont montré qu’ils étaient toujours amoureux », que ces derniers sont « heureux d’être ensemble » et « incroyablement complices » et qu’[X] [Y] rend [C] [W] « plus léger » et « lui donne envie de faire des folies ». S’appuyant sur l’actualité professionnelle de [C] [W], le magazine indique qu’[X] [Y] « a tout fait pour lui remonter le moral » et « a rendu le sourire à [C] ».

Concernant les photographies illustrant la couverture et l’article, quatre d’entre elles montrent [X] [Y] poitrine dénudée. La nature des clichés, exposant la nudité de la demanderesse, caractéristique relevant de la sphère particulièrement protégée de l’intimité, aggrave le préjudice subi, ce d’autant que l’article est annoncé en couverture, avec une photographie la représentant dans cet état, accompagnée d’un macaron mentionnant « PHOTOS EXCLU », ce qui est de nature à attirer l’attention d’un public plus large que celui de seuls acheteurs du magazine.

Il convient de prendre en compte également le fait que les photographies de la demanderesse ont été, à l’évidence, captées à distance, au téléobjectif, et ce durant plusieurs heures voire plusieurs jours, ce qui démontre une surveillance préjudiciable de ses activités de loisirs et est susceptible de participer au sentiment de « profond malaise » qu’elle invoque. La société défenderesse échoue à démontrer que la demanderesse et [C] [W] se trouvaient sur le front de mer d’une grande plage publique sous les regards de nombreux passants, la production d’une image, non sourcée et non datée, d’une partie de la plage davantage exposée au public (sa pièce n°1), n’est en rien démonstrative de la réalité d’une prise de vue à cet endroit. Au contraire, les photographies publiées donnent une impression d’isolement des intéressés sur la plage, par ailleurs relayée dans l’article qui mentionne le regard de “quelques badauds”, étant observé que cet évènement est intervenu au mois d’octobre, soit à une époque où les plages sont de fait moins fréquentées.

Au demeurant, le choix d’[X] [Y] de se dénuder partiellement sur une plage publique l’exposant au regard des passants sur place ne justifie pas l’exposition de son corps dans une publication nationale à un public beaucoup plus large – celle-ci n’ayant pas consenti aux caractères fixé et permanent de l’image.

Il convient aussi de prendre en considération le fait que ladite atteinte a été commise par la société éditrice en dépit d’une mise en demeure préalable effectuée par [X] [Y] lorsqu’elle a été informée de ce que des photographies d’elles et de [C] [W] avaient été prises à leur insu (pièce 2 en demande). La société défenderesse a néanmoins décidé de publier les clichés litigieux accompagnés d’une incise en page quatre du magazine, rédigée par la rédactrice en chef adjointe, ironisant et banalisant la captation des clichés (pièce 1 en demande). La directrice de rédaction du magazine Voici s’est également exprimée publiquement et a tenté de justifier la publication des photographies (« Un moment de détente spontanée que nous avons choisi de montrer […] un couple très beau et très amoureux », pièce 3 en demande). La publication des clichés et les différentes déclarations des journalistes du magazine survenant nonobstant la mise en demeure de la requérante participent à l’impuissance de prévenir un dommage et aggravent le préjudice.

La société défenderesse se prévaut par ailleurs de la complaisance d’[X] [Y] s’agissant de son intimité corporelle vis-à-vis du public, pour conclure à une minoration de l’indemnisation de son préjudice.

Il ne saurait être contesté qu’[X] [Y] a accepté à plusieurs occasions de parler publiquement de son intimité amoureuse et sexuelle (pièces 5, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15 en défense) et de poser dénudée (pièces 5, 6, 7, 8, 9 en défense, pour des clichés publiés entre 2011 et 2019), démontrant une sensibilité moindre que celle annoncée à l’exposition de parties de son corps par voie de presse. Cependant, la nudité exposée par la demanderesse a été consentie, posée et stylisée devant un photographe professionnel, tranchant avec l’exposition non consentie de son corps dans son intimité du couple.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments il y a lieu de lui allouer à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la publication du n°1873 du magazine Voici le 27 octobre 2023, la somme de 3 000 euros en raison du préjudice moral découlant de l’atteinte faite à sa vie privée et celle de 6 000 euros en raison du préjudice moral découlant de l’atteinte faite à son droit à l’image.

Sur la demande de publication du communiqué judiciaire

[X] [Y] sollicite d’abord une provision pécuniaire pour réparer les atteintes faites à sa vie privée et à son droit à l’image, sur lesquelles il a été statué, de sorte que la demande de publication judiciaire constitue une réparation complémentaire du préjudice subi.

La société défenderesse estime que la demande de publication du communiqué judiciaire n’est pas justifiée par la demanderesse et qu’une telle mesure se concilie mal avec les caractères provisoire et provisionnel d’une ordonnance de référé.

Il sera rappelé que si une publication judiciaire constitue une atteinte grave portée à la liberté d’expression d’un journal, elle est toutefois compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, en réparation d’une atteinte elle-même d’une particulière gravité.

En effet, la publication d’un communiqué, faisant état de la condamnation de l’organe de presse jugé responsable de cette atteinte, restriction à la liberté d’expression, respecte les conditions édictées par l’article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à la fois quant au fondement légal de la mesure et à sa nécessité pour la protection des droits d’autrui.

Au vu de la gravité des atteintes portées à la vie privée et plus particulièrement au droit à l’image de la demanderesse, ce en raison de la nature des photographies et de son opposition préalable à leur diffusion, qui ne sont pas intégralement réparées par l’octroi d’une indemnité et qui occasionnent à son égard un préjudice non sérieusement contestable, il sera fait droit à sa demande de publication judiciaire dans les limites suivantes.

Il y a lieu d’ordonner la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture du magazine Voici, en dehors de tout encart publicitaire et sans aucune autre mention, ajoutée dans un encadré occupant toute la largeur, sur la moitié inférieure de la page sur fond blanc. Le titre du communiqué, mentionné en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 1 cm de hauteur sera : « Voici condamné à la demande d’[X] [Y]». Le corps du communiqué, composé de lettres de 0,5 cm de hauteur de couleur noir, précisera : « Par ordonnance rendue le 12 janvier 2024, le juge des référés de la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société PRISMA MEDIA en raison de la publication, au sein du magazine Voici n°1873 daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, d’un article violant la vie privée et le droit à l’image d’[X] [Y]» et ce, dans le mois suivant la date de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par semaine de retard.

Sur les autres demandes

La société PRISMA MEDIA, qui succombe, sera condamnée aux dépens, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge d’[X] [Y]les frais exposés par elle au titre de la présente procédure, il y a lieu en conséquence de condamner la société PRISMA MEDIA à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Rejetons la demande de jonction des instances N° RG 23/58542 et RG 23/58541 ;

Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [X] [Y] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée dans le numéro 1873 du magazine Voici publié le 27 octobre 2023 ;

Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [X] [Y] une indemnité provisionnelle de 6 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à son droit à l’image dans le numéro 1873 du magazine Voici publié le 27 octobre 2023 ;

Ordonnons la publication, en couverture du magazine Voici, dans le mois suivant la date de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 1.000 euros par semaine de retard, du communiqué suivant : « Par ordonnance rendue le 12 janvier 2024, le juge des référés de la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société PRISMA MEDIA, en raison de la publication, au sein du magazine Voici n°1873 daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, d’un article violant la vie privée et le droit à l’image d’[X] [Y] » ;

Disons que cette publication qui devra paraître en dehors de toute publicité, sera effectuée en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré et sous le titre « Voici condamné à la demande d’[X] [Y]», lui-même en caractères de 1 cm sur la moitié inférieure de la page de couverture du magazine ;

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamnons la société PRISMA MEDIA aux dépens conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [X] [Y] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit nonobstant appel.

Fait à Paris le 12 janvier 2024

Le Greffier,Le Président,

Marion COBOSAmicie JULLIAND

 


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