Parts sociales : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Limoges RG n° 23/00644

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Parts sociales : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Limoges RG n° 23/00644
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ARRET N° .

N° RG 23/00644 – N° Portalis DBV6-V-B7H-BIPQR

AFFAIRE :

S.A.R.L. HYDRO ENERGIE Société HYDRO ENERGIE, SARL au capital de 3.000 €, immatriculée au RCS de CLERMONT FERRAND sous le numéro 318 435 773, dont le siège social est situé [Adresse 5], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

C/

Mme [X] [H]

PLP/MS

Demande tendant à la communication des documents sociaux

Grosse délivrée à Me Philippe CHABAUD, Me Elsa LOUSTAUD, le 08-02-24.

COUR D’APPEL DE LIMOGES

Chambre sociale

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ARRET DU 08 FEVRIER 2024

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Le HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre économique et sociale a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe:

ENTRE :

S.A.R.L. HYDRO ENERGIE Société HYDRO ENERGIE, SARL au capital de 3.000 €, immatriculée au RCS de CLERMONT FERRAND sous le numéro 318 435 773, dont le siège social est situé [Adresse 5], prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL SELARL CHAGNAUD CHABAUD & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Eric ESTRAMON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANTE d’une décision rendue le 06 MARS 2023 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BRIVE LA GAILLARDE

ET :

Madame [X] [H]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Elsa LOUSTAUD, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre prévu à l’article 905 du code de procédure civile, l’affaire a été fixée à l’audience du 19 Décembre 2023.

La Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et de Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, assistés de Mme Sophie MAILLANT, Greffier. A cette audience, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 08 Février 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE :

La société HYDRO ENERGIE, dont M. [M] est le gérant depuis le 9 avril 1996, exploite une microcentrale de production hydroélectrique. Elle compte deux associés entre lesquels son capital social est réparti comme suit :

– la société BERNE ENERGIE, dont M. [M] est le gérant, détient 55 parts sociales;

– Mme [H] détient 45 parts sociales pour les avoir héritées de son père décédé le [Date décès 3] 2012.

Dans le cadre de son activité, des conventions ont été signées avec les sociétés BERNE ENERGIE et BOULTEX.

Par assemblée générale du 16 mars 2020, Mme [H] a été agréée en qualité de nouvelle associée.

Des désaccords sont par la suite intervenus quant aux assemblées générales et à la mise à dispositions des documents sociaux et comptables de la société.

C’est dans ces circonstances que Mme [H] a fait délivrer deux assignations les 7 et 8 février 2023:

– l’une au fond, délivrée aux sociétés HYDRO ENERGIE, BERNE ENERGIE et BOULTEX, ainsi qu’à M. [M], devant le tribunal de commerce de Brive aux fins d’obtenir la nullité des assemblées et de contester les conventions conclues par la société HYDRO ENERGIE avec les sociétés BERNE ENERGIE et BOULTEX, ainsi que le remboursement de diverses sommes ;

– l’autre en référé devant le président du tribunal de commerce de Brive, délivrée à la seule société HYDRO ENERGIE, afin d’obtenir la désignation d’un mandataire ad hoc.

Par une ordonnance de référé réputée contradictoire du 6 mars 2023, le tribunal de commerce de Brive a :

– nommé la SELARL GLADEL en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de :

* vérifier et se faire communiquer par le société HYDRO ENERGIE tous documents comptables, juridiques et financiers, à savoir les relevés de comptes, les bilans comptables, déclarations fiscales, comptes rendus d’assemblées générales de 2012 à 2021 ;

* vérifier et se faire communiquer les conventions de prestations de service conclues entre la société HYDRO ENERGIE et les sociétés BERNE ENERGIE et BOULTEX depuis 2012 à 2021 ainsi que celles de toutes autres sociétés ;

* vérifier et se faire communiquer les factures relatives aux prestations fournies par la société BERHEN ENERGIE et BOULTEX ainsi que celles de toutes autres sociétés qui auraient un lien direct ou indirect avec M. [M] ;

* vérifier l’affectation des sommes ou compte courant d’associé majoritaire la société BERNE ENERGIE et leur remboursement auprès de cette dernière ;

* vérifier l’affectation des sommes au compte courant d’associé du gérant M. [M] de le société HYDRO ENERGIE et leur remboursement auprès de ce dernier ;

* vérifier l’affectation des bénéfices de la société HYDRO ENERGIE de 2012 à 2021;

* faire tenir l’assemblée générale relative à l’exercice clos au 31 décembre 2021 ;

* tenter de concilier les parties ;

– condamné la société HYDRO ENERGIE à consigner au greffe du tribunal de commerce de Brive une somme de 1 500 € à titre de provision sur les honoraires du mandataire ad hoc dont les honoraires resteront à sa charge ;

– l’a condamnée aux dépens dont les frais de greffe.

N’ayant pas été assignée dans le cadre de l’instance de référé, la société BERNE ENERGIE a formé tierce opposition le 6 avril 2023 déclarée irrecevable par ordonnance du 31 juillet 2023, rendue par le président du tribunal de commerce de Brive.

Aux termes de ses écritures du 3 novembre 2023, la société HYDRO ENERGIE demande à la cour :

– d’infirmer en tous points l’ordonnance dont appel ;

Et, statuant à nouveau, de :

– dire n’y avoir lieu à référé ;

– rejeter les demandes de Mme [H] ;

A titre subsidiaire :

– d’infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance dont appel ;

Et, statuant à nouveau, de :

– déclarer irrecevable la mission du mandataire ad hoc sollicité par Mme [H] s’agissant des demandes antérieures à l’exercice clos au 31 décembre 2020 ;

– rejeter la demande de Mme [H] quant à la mission du mandataire ad hoc proposée s’agissant des demandes antérieures à l’exercice clos au 31 décembre 2020, ainsi qu’à la convocation de l’assemblée générale relative à l’exercice 2021 ;

En tout état de cause, de :

– rejeter toutes demandes adverses plus ample ou contraire ;

– condamner Mme [H] à lui porter et payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, en accordant pour ces derniers à Maître CHABAUD, avocat, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– Mme [H] ne pouvait agir sur le fondement des articles 872 et 873 du code de procédure civile en l’absence d’une quelconque urgence ou d’un trouble manifestement illicite, Mme [H] ne justifiant en outre pas avoir été empêché de consulter les documents de la société au siège social, ni même d’en avoir fait la demande auprès du gérant;

– aucun mandataire ad hoc ne peut dès lors être désigné ;

– à titre subsidiaire, la mission sollicité par Mme [H] est partiellement irrecevable pour tous les documents sociaux antérieurs au 8 février 2020, date de délivrance de l’assignation ;

– en tout état de cause, la demande de Mme [H] est mal fondée au regard des articles L. 223-26 et R. 223-15 du code de commerce.

Aux termes de ses écritures du 2 novembre 2023, Mme [H] demande à la cour de :

– déclarer recevables et bien fondées ses prétentions ;

– débouter la société HYDRO ENERGIE de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;

– confirmer l’ordonnance attaquée ;

– condamner la société HYDRO ENERGIE aux dépens de l’instance et à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– elle a bien respecté les articles 872 et 873 du code de procédure civile, l’urgence étant caractérisée par la crainte légitime d’une gestion suspecte, le trouble manifestement illicite l’étant par la politique d’obstruction à ses droits d’associées mise en oeuvre par la société HYDRO ENERGIE. Elle précise que l’existence d’un litige en lien avec la validité, ou non, des procès-verbaux d’assemblée générale et des conventions de prestations de services n’interfère en rien sur le présent débat et sur les conditions requises ;

– c’est à bon droit qu’elle a sollicité la désignation d’un mandataire ad hoc afin de pallier à l’abstention de la société, n’ayant jamais obtenu malgré ses demandes les informations ou documents comptables, en violation de l’article 1855 du code civil et de l’article 23 des statuts de la société HYDRO ENERGIE ;

– les textes auxquels fait référence la société BERNE afin de tenter de restreindre la mission confiée au mandataire ad hoc sont inapplicables au champ de mission confié à celui-ci.

L’affaire a reçu fixation en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 872 du code de procédure civile dispose : « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

Selon l’article 873 du code de procédure civile : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut

accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Selon la société HYDRO ENERGIE Mme [H] ne démontre pas l’urgence de ses demandes.

Cependant, le 26 septembre 2021 par lettre recommandée d’avocat avec accusé de réception, Mme [X] [H], en sa qualité d’associée, a exprimé sa volonté d’obtenir les éléments comptables de la société HYDRO ENERGIE en exécution de son droit de communication et d’information.

Ce courrier faisait suite à une précédente lettre d’avocat, officielle, évoquant le refus de Mme [H] de signer le procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale ordinaire annuelle du 27 mai 2021 alors qu’elle n’avait pas été convoquée, qu’elle n’était pas présente lors de la délibération du 27 mai 2021, qu’elle n’était pas destinataire des comptes de l’exercice clos, du rapport de gestion et du rapport spécial et qu’elle n’avait donc pas pu prendre part au vote des résolutions mises à l’ordre du jour. L’avocat de Mme [H] concluait son courrier en indiquant que sa cliente ne procéderait pas à la signature de la décision collective qu’elle entendait faire annuler tant que ses droits politiques et d’information ne seraient pas respectés par le gérant de la société HYDRO ENERGIE.

Ainsi, en faisant délivrer, le 8 février 2022, une assignation en référé pour obtenir l’exercice de ses droits d’information d’associée, qu’elle revendiquait, sans résultat depuis plusieurs mois, et en dernier lieu par un courrier du 26 septembre 2021, resté sans réponse, alors que dans son assignation elle mettait en cause la gestion de la société HYDRO ENERGIE, l’urgence de la désignation d’un mandataire ad hoc était démontrée.

La société HYDRO ENERGIE invoque également l’inexistence du trouble illicite allégué par Mme [H], affirmant qu’elle fonctionne, établit ses assemblée, et ses documents sociaux et qu’il n’y a aucun blocage dans son fonctionnement.

Toutefois, à la différence de ce qui est exigé pour la désignation d’un administrateur provisoire, la nécessité de l’existence de ce blocage institutionnel n’est pas nécessaire pour la désignation d’un mandataire ad hoc sur le fondement de l’article 873 du code de procédure civile. Seule l’exigence d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite est requise.

En l’occurrence il est établi que les règles statutaires et légales tenant à la convocation en assemblée générale fixée le 27 mai 2021, mais également à la communication des éléments comptables, n’ont pas été respectées au détriment de Mme [H]. Les irrégularités de cette convocation ont été certes reconnues par la société HYDRO ENERGIE mais c’est consécutivement à la réception d’un courrier de l’avocat de Mme [H], et il n’a pas été satisfait à l’intégralité de ses demandes de communication de pièces.

Ainsi cette violation des droits que Mme [H] détient en sa qualité d’associée de la société HYRO ENERGIE constitue le trouble illicite rendant légitime la désignation d’un mandataire ad hoc.

La décision de première instance mérité d’être confirmée.

A titre subsidiaire, et au regard des articles L235-9, L223-6 et R223-15 du code du commerce, la société HYDRO ENERGIE soulève l’irrecevabilité, de la désignation d’un mandataire ad hoc pour les demandes antérieures à l’exercice clos au 31 décembre 2020 en raison de l’existence d’un délai de prescription triennal.

Il est exact que le droit de communication des associés concerne les trois derniers exercices (article R. 223-15 du code de commerce) et que les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue (article L. 235-9 du même code).

Même si l’application des règles de la prescription relève d’un débat au fond qu’il n’appartient pas au juge des référés de trancher, et qui ne peut être source d’irrecevabilité de l’action en référé, il s’agit d’un élément à prendre en considération dans l’appréciation de la période sur laquelle portera la mission du mandataire ad hoc.

En l’occurrence il y a lieu de limiter la mission du mandataire ad hoc à la période courant de 2019 à 2021, et de supprimer le chef de sa mission visant à faire tenir l’assemblée générale relative à l’exercice clos au 31 décembre 2021, la société HYDRO ENERGIE justifiant de la convocation pour cette assemblée générale au 16 février 2023, et produisant le procès-verbal des délibérations signé par Mme [H], non argué de faux.

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société HYDRO ENERGIE sera condamnée aux dépens de la procédure d’appel mais il serait inéquitable de condamner l’une quelconque des parties à verser une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME l’ordonnance de référé entreprise rendue le 6 mars 2023 par la présidente du tribunal de commerce de Brive, sauf en ce qu’elle a fixé la période, objet des diligences du mandataire ad hoc, depuis 2012 à 2021 et en ce qu’il lui a été demandé de faire tenir l’assemblée générale relative à l’exercice clos au 31 décembre 2021 ;

La REFORME et L’INFIRME de ces chefs ;

Statuant à nouveau ;

DIT que la mission de la SELARL GLADEL en qualité de mandataire ad hoc s’exécutera sur la période courant de 2019 à 2021 ;

DIT qu’il y a lieu de supprimer de sa mission la tenue de l’assemblée générale relative à l’exercice clos au 31 décembre 2021 ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE la société HYDRO ENERGIE aux dépens de l’instance d’appel ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leur demande en paiement d’une indemnité ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.

 


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