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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 30 Janvier 2024
DOSSIER N° RG 23/09659 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YPLV
Minute n° 24/ 35
DEMANDEUR
Monsieur [Z] [I]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1] [Localité 3]
représenté par Maître Philippe MILANI de la SELARL MILANI – WIART, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Karine ALTMANN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEFENDEUR
ASSOCIATION NOTARIALE DE CONSEIL, enregistrée au répertoire SIREN sous le n° 308 407 832, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4] [Localité 5]
représentée par Maître Jean CORONAT de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Isabelle BLATTER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 12 Décembre 2023 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 30 Janvier 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 30 janvier 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE
Par un jugement en date du 25 juin 2019, le tribunal judiciaire de Bordeaux a notamment condamné Monsieur [Z] [I] à payer à l’Association notariale de caution (ci-après ANC) la somme de 133.989,74 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 septembre 2017. La même décision allouait des délais de paiement au débiteur en échelonnant le règlement par 23 versements de 150 euros et un 24ème du solde.
Se prévalant de cette décision, l’ANC a fait pratiquer une saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières pouvant être dus à Monsieur [I] par la SCP EMELINE CAVET-JACOB NOTAIRE. Cette saisie a été dénoncée par acte du 6 décembre 2022.
Par acte du 4 avril 2023, l’ANC a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la même société de notaires au titre des sommes pouvant être dues à Monsieur [I]. Cette saisie, dénoncée par acte du 12 avril 2023, a été fructueuse à hauteur de 67.193,98 euros.
Par acte de commissaire de justice en date du 10 mai 2023, Monsieur [I] a fait assigner l’ANC (devenue l’Association notariale de conseil) devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir prononcée la nullité des deux saisies diligentées.
A l’audience du 12 décembre 2023 et dans ses dernières écritures, Monsieur [I] sollicite au visa des articles 114, 648 et suivants du Code de procédure civile, 1343-5 du Code civil et L152 du Code des procédures civiles d’exécution, le rejet des demandes adverses et à titre principal l’annulation de la dénonciation de la saisie des droits d’associés en date du 6 décembre 2022 outre l’annulation du procès-verbal de saisie-attribution du 4 avril 2022. A titre subsidiaire il sollicite des délais de paiement et en tout état de cause la condamnation de la défenderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [I] fait valoir que l’huissier ayant délivré la dénonce des saisies des droits d’associés n’a pas respecté ses obligations et lui a délivré l’acte à son ancien domicile, lui causant un grief du fait de l’impossibilité de contester cet acte. Il en déduit la nullité subséquente de la saisie-attribution pratiquée par la suite sur ses dividendes. A titre subsidiaire, il sollicite des délais de paiement précisant que la saisie des dividendes opérée le prive de tout revenu alors qu’il a deux enfants à charge et que les revenus de son épouse sont modestes. Il souligne qu’une expertise est en cours pour évaluer la valeur de ses parts sociales dont la vente pourra permettre de désintéresser l’ANC.
A l’audience du 12 décembre 2023 et dans ses dernières écritures, l’ANC conclut au rejet de toutes les prétentions du demandeur et sollicite reconventionnellement sa condamnation aux dépens et à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts outre 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’ANC fait valoir que la contestation de Monsieur [I] est irrecevable comme n’ayant pas été formée dans le délai prévu par l’article R232-6 du Code des procédures civiles d’exécution. Sur le fond, elle soutient que l’huissier a accompli les diligences requises pour signifier l’acte, Monsieur [I] ayant récemment déclaré vivre à l’adresse litigieuse dans les statuts de la société notariale où il exerçait établis le 13 juillet 2022. Elle conteste tout lien de corrélation entre les deux saisies pratiquées, soulignant que la saisie-attribution des dividendes a été réalisée en application du jugement du 25 juin 2019, faisant office de titre exécutoire. Elle souligne qu’aucun grief propre n’est adressé à l’acte de saisie-attribution qui est donc valide. Elle s’oppose à tout délai de paiement soulignant que Monsieur [I] s’est déjà vu allouer des délais par la décision le condamnant. Au soutien de sa demande de dommages et intérêts elle fait valoir au visa de l’article 32-1 du Code de procédure civile, que Monsieur [I] a abusé du droit d’agir en contestant les saisies alors qu’il disposait des fonds nécessaires pour solder sa dette dans les délais judiciairement accordés, ce qu’il a tenté de dissimuler à la présente juridiction.
L’affaire a été mise en délibéré au 30 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes principales
– Sur la recevabilité
Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat.
En l’absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l’acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n’aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l’indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience. »
L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d’irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »
Monsieur [I] a contesté les deux saisies pratiquées par une assignation délivrée le 10 mai 2023 alors que les procès-verbaux de saisie datent du 29 novembre 2022 pour la saisie de parts d’associés avec une dénonciation effectuée le 6 décembre 2022 et du 4 avril 2023, avec une dénonciation effectuée par acte du 12 avril 2023 pour la saisie-attribution. La contestation de la saisie de droits d’associés était donc recevable jusqu’au 7 décembre 2022 et la contestation de la saisie-attribution jusqu’au 12 mai 2023.
Monsieur [I] justifie du courrier faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution le 10 mai 2023.
Le demandeur doit donc être déclaré recevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée le 4 avril 2023 mais irrecevable en sa contestation de la saisie des droits d’associés.
– Sur la saisie-attribution
L’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »
Monsieur [I] fait pour seul grief à la procédure de saisie-attribution d’avoir été diligentée « sur la base » d’une précédente saisie irrégulière. Néanmoins et ainsi que cela a été démontré supra, plus aucune contestation n’est admissible à son encontre en raison de l’absence d’action diligentée dans le délai prévu.
Dès lors la saisie-attribution pratiquée le 4 avril 2023 n’encourt aucune critique et il n’y a pas lieu d’ordonner son annulation.
– Sur les délais de paiement
L’article 1343-5 du Code civil dispose :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment. »
Monsieur [I] justifie de trois bulletins de salaire de son épouse mentionnant un salaire mensuel de 1.846,17 euros. Il fournit également son avis d’imposition mentionnant des revenus annuels pour l’année 2021 à hauteur de 58.565 euros. Il verse également aux débats au titre des charges les frais de scolarité des deux enfants du couple à raison de 379 euros mensuels outre la charge de deux prêts immobiliers pour 1.150,61 euros.
La défenderesse verse aux débats les procès-verbaux d’assemblée générale ordinaire du 31 mars 2020, du 31 mars 2021, du 31 mars 2022 et du 31 mars 2023. Ces pièces établissent que Monsieur [I] a perçu :
– 260.225,27 euros au titre des dividendes versées en 2020 au titre des exercices 2017, 2018 et 2019.
– 78.521,07 euros au titre des dividendes versées en 2021
– 96.093,77 euros au titre des dividendes versées en 2022
Les délais de paiement dont Monsieur [I] a bénéficié se sont échelonnés sur les années 2019 et 2020. Il aurait donc pu acquitter la 24ème mensualité et ainsi solder la dette au vu de l’apport très important de numéraire perçu cette année-là, ce qu’il a choisi de ne pas faire. Il indique en outre être dans l’attente du résultat d’une expertise quant à l’évaluation de la valeur de ses parts sociales mais ne justifie d’aucun élément en ce sens si ce n’est d’un rapport d’audit-valorisation réalisé par l’association de gestion agréée du notariat. Monsieur [I] ne verse donc aux débats aucun élément concret permettant d’évaluer à quel terme il pourra vendre ses parts sociales.
Dans ce contexte, et compte tenu des délais de fait dont le débiteur a déjà bénéficié, il n’y a pas lieu de lui allouer de nouveaux délais de paiement.
– Sur l’abus du droit d’agir
L’article 1240 du Code civil fait obligation à celui qui cause un dommage de le réparer. Le droit d’agir en justice dégénère en abus quand il en est usé avec une mauvaise foi caractérisée équipollente au dol.
En l’espèce, si l’action de Monsieur [I] a pu être introduite avec légèreté au regard du fait qu’il a disposé des moyens de rembourser sa dette sans y procéder, il n’a fait qu’exercer son droit de contestation d’une saisie-attribution sans qu’une mauvaise foi particulière ne soit caractérisée.
La demande de dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Monsieur [I], partie perdante, subira les dépens. Il sera par ailleurs condamné au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE l’action en contestation de la saisie des droits d’associés pratiquée par l’Association notariale de conseil à l’encontre de Monsieur [Z] [I] par acte du 29 novembre 2022 irrecevable ;
DECLARE l’action en contestation de la saisie-attribution pratiquée par l’Association notariale de conseil à l’encontre de Monsieur [Z] [I] par acte du 4 avril 2023 recevable ;
DEBOUTE Monsieur [Z] [I] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [Z] [I] à payer à l’Association notariale de conseil la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [Z] [I] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,