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COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 30 janvier 2024
N° RG 23/00474 – N° Portalis DBVU-V-B7H-F7DN
-DA- Arrêt n°
[Z] [O], [W] [F] [L], [D] [O] / [T] [O], [J] [I] épouse [V] [O]
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9], décision attaquée en date du 01 Mars 2023, enregistrée sous le n° 22/01292
Arrêt rendu le MARDI TRENTE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [Z] [O]
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 6]
et
Mme [W] [F] [L]
[Adresse 14]
[Localité 5]
et
M. [D] [O]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentés par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
Mme [J] [I] épouse [V] [O]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représentée par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Jean DE CALBIAC de la SELAS ALVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Timbre fiscal acquitté
M. [T] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Paul YON de la SARL PAUL YON SARL, avocat au barreau de PARIS
Timbre fiscal acquitté
INTIMES
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 novembre 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et Mme BEDOS, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 janvier 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I. Procédure
Le groupement forestier des bois de [Localité 10] est une société civile qui a été constituée au milieu du XXe siècle notamment pour gérer une importante propriété forestière dans l’Allier.
La question qui est posée à la cour, comme précédemment au premier juge, consiste à savoir si M. [D] [O] et Mme [Z] [O] peuvent revendiquer la qualité d’associés dans ce groupement, et à quel titre.
Le litige a été porté devant le tribunal judiciaire de Cusset à la requête de Mme [Z] [O], Mme [W] [F] [O] épouse [L] et M. [D] [O], suivant assignation du 24 novembre 2022 délivrée à M. [T] [V] [O] et à Mme [J] [I] épouse [V] [O].
L’affaire s’inscrit dans un conflit beaucoup plus vaste qui oppose les parties, notamment sur le terrain judiciaire depuis plusieurs années.
À l’issue des débats, par jugement du 1er mars 2023, le tribunal judiciaire de Cusset a rendu la décision suivante :
« Statuant par mise à disposition au greffe, selon la procédure à jour fixe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
– CONSTATE Monsieur [D] [O] ne peut opposer sa qualité d’associé aux autres associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] à la suite des actes d’échange et de donation des 1er mars et 1er et 02 mars 2013,
– TOUTEFOIS CONSTATE que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] ont justifié auprès de la gérance de leur qualité d’associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] par succession, suite au décès de Monsieur [Y] [O],
– ENJOINT Monsieur [T] [O] de convoquer une assemblée générale de tous les associés avec l’ordre du jour notifié par lettre du 19 octobre 2022 ;
– REJETTE la demande de convocation de cette assemblée générale sous astreinte ;
– ENJOINT l’ensemble des parties de rencontrer, en qualité de médiateur, un médiateur de l’ASSOCIATION DE MÉDIATION DE [Localité 12] qui aura pour mission d’informer les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation, notamment en vue de s’accorder sur un mandataire commun qui représentera les propriétaires indivis auprès du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] ;
– REJETTE l’ensemble des autres demandes ;
– DIT qu’il n’y a lieu à un quelconque versement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. »
Dans les motifs de sa décision, après avoir considéré que la contestation de la qualité d’associé de M. [D] [O] n’était pas prescrite et était recevable, le tribunal a jugé que M. [D] [O] et Mme [Z] [O] avaient « la qualité d’associé par succession. » Il a ensuite estimé nécessaire de demander aux parties de rencontrer un médiateur afin qu’elles s’accordent « sur un mandataire commun. »
***
Mme [Z] [O], Mme [W] [F] [L], et M. [D] [O] ont fait appel de cette décision le 16 mars 2023, précisant :
« Objet/Portée de l’appel : L’appel tend à la nullité du jugement et à tout te moins à son intimation en ce qu’il : – Rejette la prescription, – Constate que Monsieur [D] [O] ne peut opposer sa qualité d’associé aux autres associes du groupement forestier des bois de [Localité 10] à la suite des actes d’échange et de donation des premier mars et premier et 2 mars 2013 – rejette la demande de convocation de l’assemblée générale sous astreinte – rejette l’ensemble des autres de mandes, – Dit qu’il n’y a lieu à un quelconque versement d’une somme sur te fondement de l’art. 700 du code de procédure civile, – Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. »
Cet appel a été enregistré à la cour sous le numéro de rôle 23/474.
***
Le 20 mars 2023 M. [T] [V] [O] et Mme [J] [I] [V] [O] ont fait eux-mêmes appel de cette décision, précisant :
« Objet/Portée de l’appel : Le présent appel tend à obtenir la nullité, l’infirmation ou à tout le moins la réformation de la décision susvisée, dont les chefs du jugement sont expressément critiqués en ce qu’elle a : – constaté que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] ont justifié auprès de la gérance de leur qualité d’associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] par succession, suite au décès de Monsieur [Y] [O] ; – enjoint Monsieur [T] [O] de convoquer une assemblée générale de tous les associés avec l’ordre du jour notifié par lettre du 19 octobre 2022 ; – enjoint l’ensemble des parties de rencontrer, en qualité de médiateur, un médiateur de l’Association de médiation de [Localité 12] qui aura pour mission d’informer les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation, notamment en vue de s’accorder sur un mandataire commun qui représentera les propriétaires indivis auprès du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] ; – rejeté l’ensemble des autres demandes e Mme [J] et M. [T] [O] ;
– rejeté la demande de Mme [J] et M. [T] [O] au titre de l’article 700 du CPC et des dépens. L’appel porte également sur les demandes sur lesquelles il n’a pas été statué et plus généralement toutes dispositions faisant grief aux appelants. »
Cet appel a été enregistré à la cour sous le numéro de rôle 23/496.
Par ordonnance du 15 juin 2023 les deux appels ont été joints sous le numéro unique 23/474, étant demandé aux parties de reconclure dans le dossier 23/474 pour régulariser la procédure.
***
Autorisés par ordonnance du 20 mars 2023, Mme [Z] [O], Mme [W] [F] [L] et M. [D] [O] ont fait assigner à jour fixe pour l’audience du lundi 27 novembre 2023 : M. [T] [V] [O] et Mme [J] [I] épouse [G] [O].
***
Les parties ont ensuite conclu dans l’ordre suivant.
Mme [Z] [O], Mme [W] [F] [L], et M. [D] [O] ont conclu ensemble le 16 octobre 2023 afin de demander à la cour de :
« RECEVOIR les requérants en leur appel limité, le dire bien-fondé, RÉFORMER en conséquence partiellement le Jugement
2 – DÉCLARER prescrite la contestation par [T] et [J] [O] des actes de donations et d’échanges ce dernier faisant expressément référence au premier comme précédent et ayant été publié à la Conservation des Hypothèques de [Localité 9] le 29 mars 2013 Volume 2013 P nº 1102.
3 – DÉCLARER en toute hypothèse, prescription ou non, que [D] [O] est demeuré associé du groupement, avant et après les actes de 2013 en raison de l’ordre de ces actes : donation puis échange, comme de la reconnaissance en aveu par acte extrajudiciaire de 2015 et l’AG de 2017, telle que cette qualité d’associé ressort du RCS sans discontinuité.
4 – DÉCLARER également que [D] [O] s’est vu conférer la qualité d’associé dès le décès de son frère [Y] le 6 décembre 2021 par sa saisine d’héritier sur les parts de celui-ci et que cette qualité lui bénéficie intuitu personae sur tout son patrimoine, ce y compris les parts détenues par ailleurs en propre.
5 – DÉCLARER valide la seule assemblée du 26 mars 2022 pour la désignation du gérant
6 – DÉBOUTER [T]/[J] [O] de toutes leurs demandes fins et conclusions et CONFIRMER le jugement dans ces dispositions mal appelées savoir la qualité d’associé de plein droit des héritiers de [Y] [O], notamment les concluants, et l’obligation comme tels de les convoquer aux assemblées générales.
7 – CONFIRMER le jugement quant à l’injonction faite à [T] [O] de convoquer tous les associés à une AG sur l’ordre du jour prévu à la lettre du 19 octobre 2022 sauf à assortir cette injonction non respectée malgré l’exécution provisoire d’une astreinte de 10.000 € par jour à compter d’un délai de trois jours après la signification de la décision à intervenir, et pour une durée de quinze jours, et dire n’y avoir lieu à information sur une médiation qui a déjà eu lieu.
8 – CONDAMNER [T] et [J] [O], au paiement d’une indemnité aux concluants de 1 € en réparation du préjudice résultant d’une attitude déloyale et agressive outre une somme de 10 000 € sur le fondement de l’art. 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens. »
***
M. [T] [V] [O] a pris des écritures « Nº 2 après jonction » le 16 novembre 2023, afin de demander à la cour de :
« Vu les articles 1189 et 1192 du Code civil, Vu l’article 1861 du Code civil,
Vu l’article 1844-10 du Code civil Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Il est demandé à la Cour de :
CONFIRMER le jugement rendu le 1er mars 2023 par le Tribunal judiciaire de CUSSET en ce qu’il :
‘ Rejette la prescription ;
‘ Constate que Monsieur [D] [O] ne peut opposer sa qualité d’associé aux autres associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] à la suite des actes d’échange et de donation des premier mars et premier et deux mars 2013 ;
‘ Rejette la demande de convocation de l’assemblée générale sous astreinte ;
‘ Rejette l’ensemble des autres demandes ;
‘ Dit qu’il n’y a lieu à un quelconque versement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens ;
DÉBOUTER Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] de toutes leurs fins, demandes et prétentions ;
INFIRMER le jugement rendu le 1er mars 2023 par le Tribunal judiciaire de CUSSET en ce qu’il :
‘ Constate que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] ont justifié auprès de la gérance de leur qualité d’associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] par succession, suite au décès de Monsieur [Y] [O] ;
‘ Enjoint Monsieur [T] [O] de convoquer une assemblée générale de tous les associés avec l’ordre du jour notifié par lettre du 19 octobre 2022 ;
‘ Enjoint l’ensemble des parties de rencontrer, en qualité de médiateur, un médiateur de l’Association de médiation de [Localité 12] qui aura pour mission d’informer les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation, notamment en vue de s’accorder sur un mandataire commun qui représentera les propriétaires indivis auprès du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] ;
‘ Rejette l’ensemble des autres demandes ;
‘ Dit qu’il n’y a pas lieu à un quelconque versement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ Dit que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens ;
– JUGER que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] n’ont pas justifié auprès de la gérance de leur qualité d’associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] par succession, à la suite du décès de Monsieur [Y] [O] ;
– JUGER que Monsieur [T] [O] ne peut pas convoquer d’assemblée générale tant que la qualité d’associé du Groupement forestier des Bois de [Localité 10] de Monsieur [D] [O] et de Madame [Z] [O] n’est pas tranchée ;
– JUGER que la médiation ne peut pas avoir lieu dans la mesure où Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] y ont expressément renoncé ;
– CONDAMNER in solidum Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] à payer à Monsieur [T] [O] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER in solidum Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] au paiement des entiers dépens de l’instance. »
***
Mme [J] [I] épouse [G] [O], a pris des conclusions nº 2 le 16 novembre 2023 afin de demander à la cour de :
« Vu les articles 1189 et 1192 du code civil,
Vu 1861 du code civil,
Vu l’article 1844-10 du code civil,
Il est demandé à la Cour de :
– CONFIRMER le jugement rendu le 1er mars 2023 par le Tribunal judiciaire de CUSSET en ce qu’il :
‘ Rejette la prescription ;
‘ Constate que Monsieur [D] [O] ne peut opposer sa qualité d’associé aux autres associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] à la suite des actes d’échange et de donation des premier mars et premier et deux mars 2013 ;
‘ Rejette la demande de convocation de l’assemblée générale sous astreinte ;
‘ Rejette l’ensemble des autres demandes de Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] ;
‘ Dit qu’il n’y a lieu à un quelconque versement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
– DÉBOUTER Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] de toutes leurs fins, demandes et prétentions ;
– CONDAMNER in solidum Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] à payer à Madame [J] [I], épouse [G] [O] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– INFIRMER le jugement rendu le 1er mars 2023 par le Tribunal judiciaire de CUSSET en ce qu’il :
‘ Constate que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] ont justifié auprès de la gérance de leur qualité d’associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] par succession, suite au décès de Monsieur [Y] [O] ;
‘ Enjoint Monsieur [T] [O] de convoquer une assemblée générale de tous les associés avec l’ordre du jour notifié par lettre du 19 octobre 2022 ;
‘ Enjoint l’ensemble des parties de rencontrer, en qualité de médiateur, un médiateur de l’Association de médiation de [Localité 12] qui aura pour mission d’informer les parties sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation, notamment en vue de s’accorder sur un mandataire commun qui représentera les propriétaires indivis auprès du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] ;
‘ Rejette l’ensemble des autres demandes de Monsieur [T] [O] et Madame [J] [O] ;
‘ Dit qu’il n’y a pas lieu à un quelconque versement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ Dit que chaque partie gardera la charge de ses propres dépens ;
Et, Statuant à nouveau :
– JUGER que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] n’ont pas justifié auprès de la gérance de leur qualité d’associés du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] par succession, à la suite du décès de Monsieur [Y] [O] ;
– JUGER que la médiation ne peut pas avoir lieu dans la mesure où Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O] y ont expressément renoncé ;
– CONDAMNER in solidum Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] à payer à Monsieur [T] [O] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– CONDAMNER in solidum Madame [W]-[F] [L], Madame [Z] [O] et Monsieur [D] [O] au paiement des entiers dépens de l’instance. »
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.
L’affaire est venue devant la cour à l’audience du lundi 27 novembre 2023.
II. Motifs
Nonobstant les abondants développements que chaque partie consacre dans ses écritures au contexte familial et économique de ce dossier, la cour rappelle qu’elle est saisie de l’appel d’une décision constatant simplement que M. [D] [O] et Mme [Z] [O] ont qualité d’associés du groupement forestier des bois de [Localité 10] « suite au décès de Monsieur [Y] [O] », et enjoignant à M. [T] [O] de convoquer une assemblée générale de tous les associés avec l’ordre du jour notifié par lettre du 19 octobre 2022. Les dispositifs des écritures respectives des plaideurs confirment d’ailleurs que le litige intéresse essentiellement la qualité d’associés dans le groupement de M. [D] [O] et Mme [Z] [O].
Cette question est directement liée au contenu d’un acte de donation et d’un acte d’échange intervenus les 1er et 2 mars 2013. Il s’agit de deux actes authentiques séparés qui n’intéressent pas exactement les mêmes personnes.
L’acte de donation est daté du 1er mars « Pour Messieurs [Y] et [D] [V] [O] », et du 2 mars « pour Mesdemoiselles [W], [C] [V] [O] ». L’acte d’échange est daté uniquement du 1er mars 2013 et il n’intéresse que Messieurs [Y] et [D] [V] [O]. Il en résulte de manière très claire que Messieurs [Y] et [D] [V] [O] ont contracté ensemble dans les deux actes le même jour, soit 1er mars 2013.
Dans l’acte de donation M. [D] [O] reçoit en donation le 1er mars 2013 de la part de M. [Y] [O], la nue-propriété de 1375 parts du groupement forestier des bois de [Localité 10], numérotées 1 à 825 inclus, 3301 à 3410 inclus, et 3741 à 4180 inclus. Mesdames [W] et [C] [V] [O] interviennent à cet acte le 2 mars 2013 en qualités de « seconds bénéficiaires », par l’effet d’une clause disant que M. [D] [V] [O] accepte la charge de leur transmettre les parts ci-dessus à son décès (page nº 7).
Dans l’acte d’échange du 1er mars 2013, conclu uniquement entre Messieurs [Y] et [D] [V] [O], il est convenu que M. [Y] [V] [O] « cède à titre d’échange ne faisant pas cesser l’indivision, à M. [D] [V] [O], qui accepte, les biens immobiliers ci-après [suit une longue liste de parcelles sur les communes de [Localité 10] et [Localité 15] (Allier)] ». En échange, M. [D] [V] [O] « cède et transporte, sous les garanties ordinaires de fait et de droit en pareille matière, à M. [Y] [V] [O], qui accepte, les parts sociales ci-après désignées du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] susnommé. » Les parts dont il est question sont au nombre de 1375, numérotées de 1476 à 3300 inclus, 3361 à 3740 inclus, et 5061 à 5500 inclus (page 8).
L’enjeu de l’analyse de ces deux actes, à laquelle se livrent abondamment les deux parties, consiste in fine à savoir si une assemblée générale du groupement forestier qui a eu lieu le 19 novembre 2022 a bien été régulièrement tenue alors que M. [D] [O] se plaint d’en avoir été « refoulé » (conclusions page 20). Les consorts [J] [I] et [T] [V] [O] soutiennent pour leur part que lors des actes ci-dessus des 1er et 2 mars 2013 M. [D] [O] avait perdu la qualité d’associé, de sorte que pour pouvoir participer à une assemblée générale du groupement forestier, auquel il était devenu étranger, il devait obtenir l’agrément des autres membres selon les statuts de cet organisme.
La question qui est ainsi posée revient à se demander lequel des deux actes a précédé l’autre lors des conventions passées le 1er mars 2013 entre [Y] et [D] [O]. L’opposabilité de ces actes au groupement forestier est en second lieu discutée.
Concernant l’ordre dans lequel [Y] et [D] [O] ont passé les actes du 1er mars 2013, il est facilement déterminable à la simple lecture de ceux-ci. En effet, dans l’acte d’échange il est fait explicitement référence deux fois, page 4, à la donation, en ces termes :
M. [Y] [V] [O], en rémunération de son apport initial, suite à l’acquisition de 110 parts sociales et suite à la donation de 2375 parts sociale par lui consentie à M. [D] [V] [O] [‘]
M. [D] [V] [O], en rémunération de son apport initial, suite à l’acquisition de 110 parts sociales, et suite à la donation de 2375 parts sociale en nue-propriété, à lui consentie par M. [Y] [V] [O] [‘]
Il se déduit de ces termes parfaitement clairs, sans ambiguïté possible, que la donation a précédé l’échange. L’hypothèse, soutenue par les consorts [J] [I] et [T] [G] [O], selon laquelle un tableau figurant à la page 13 de l’acte d’échange démontrerait que M. [D] [O] « ne détient plus aucune part du Groupement Forestier » (conclusions page 15) est dépourvue d’efficacité au regard des termes clairs de l’acte d’échange qui priment toute représentation graphique de l’opération. Et d’ailleurs, logiquement, l’acte de donation ne comporte aucune référence à l’acte d’échange. Au demeurant, l’économie générale des actes du 1er mars 2013 montre sans ambiguïté possible qu’il s’agit d’une opération unique conclue de manière concomitante. En ce sens, le débat élevé ici par les consorts [J] [I] et [T] [V] [O], auquel la cour répond puisque la question lui est posée, apparaît quelque peu artificiel.
Il résulte de tout ceci que M. [D] [O] n’a jamais perdu la qualité d’associé dans le groupement forestier, puisqu’il est toujours demeuré titulaire de parts soit en pleine propriété soit en nue-propriété, en raison de la donation puis de l’échange. Il n’était donc nullement besoin pour lui d’obtenir un quelconque agrément de l’assemblée générale du groupement.
Il reste à savoir si les actes du 1er mars 2013 ont valablement été portés à la connaissance du groupement forestier des bois de [Localité 10].
Concernant l’acte authentique de donation passé le 1er mars 2013 devant Maître [M] notaire à [Localité 7] (Puy-de-Dôme), il convient de rappeler que l’article 9 page 12 des statuts du groupement forestier dispose : « La cession de parts sociales pour être valable vis-à-vis du Groupement Forestier et des tiers, devra s’opérer conformément à l’article 1690 du Code Civil, par un acte notarié ou sous signatures privées, enregistré, signifié au Groupement Forestier par acte d’huissier ou accepté au nom dudit Groupement par la gérance ou par le ou les administrateurs dans un acte authentique. À condition de respecter ces règles de forme, les parts sont librement cessibles et transmissibles entre associés [‘] » Or c’est précisément ce qui s’est passé ici ainsi qu’on peut le constater sur les deuxième et troisième pages de l’acte où le groupement forestier des bois de [Localité 10] apparaît comme « INTERVENANT », représenté par M. [Y] [V] [O] « agissant en qualité de gérant de ladite société, ayant tous les pouvoirs à l’effet des présentes, ainsi déclaré », et sur la huitième page où il est clairement précisé, conformément à l’article 9 des statuts : « INTERVENTION DU GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10]. M. [Y] [V] [O], en qualité de gérant du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10] déclare, conformément aux dispositions de l’article 1690 du Code Civil, accepter la présente donation en vue de son opposabilité à ladite société. » En conséquence, cet acte était opposable au groupement foncier des bois de [Localité 10], conformément à l’article 9 de ses statuts, en raison de l’intervention de cet organisme par son gérant M. [Y] [V] [O] acceptant la donation. En outre, cette donation est expressément rappelée sur la quatrième page de l’acte d’échange, lequel a été publié.
Concernant l’acte d’échange, il a été publié au service de la publicité foncière le 23 septembre 2013 (volume 2013 P nº 3000) ce qui le rend opposable aux tiers aussi bien qu’au groupement forestier et à ses membres, étant précisé que cet acte, page 4, rappelle expressément la donation consentie le même jour à M. [D] [O]. En outre, l’article 9 des statuts du groupement forestier prévoit que la cession de parts sociales peut être acceptée notamment « au nom dudit Groupement par la gérance ou par le ou les administrateurs dans un acte authentique. » Or c’est bien ainsi qu’il a été procédé puisque dans cet acte d’échange, passé en la forme authentique devant notaire, il est expressément indiqué que « La société dénommée GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10], INTERVENANT, est représentée par : Monsieur [Y] [V] [O], susnommé. Agissant en qualité de gérant de ladite société, ayant tous les pouvoirs à l’effet des présentes, ainsi déclaré. » L’article 9 des statuts est d’ailleurs rappelé et reproduit sur la cinquième page de cet acte, où il est encore précisé que « M. [Y] [V] [O] cède à titre d’échange ne faisant pas cesser l’indivision, à M. [D] [Y] [O] [‘] »
Par ailleurs, dans l’acte de partage du 7 mai 2019, auquel intervenaient notamment Mme [J] [I] et M. [T] [G] [O], l’échange du 1er mars 2013 est rappelé pas moins de 18 fois entre les pages 19 et 36, sous l’effet relatif de chaque parcelle ayant donné lieu à cet acte. En conséquence, Mme [J] [I] et M. [T] [G] [O] ne peuvent pas sérieusement soutenir n’en avoir pas été informés au moins dès le 7 mai 2019, d’où il résulte que leur contestation de l’acte d’échange suivant assignation du 24 novembre 2022 est en toute hypothèse prescrite par application de l’article 1844-14 du code civil qui dispose que les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue (prescription spéciale dérogatoire du droit commun).
Au demeurant, nonobstant leurs abondantes écritures, ni Mme [J] [I] ni M. [T] [G] [O] ne démontrent en quoi les actes du 1er mars 2013 seraient entachés de manière intrinsèque d’une quelconque irrégularité.
En l’état de ces éléments il est manifeste que par la publication de l’acte d’échange, rappelant la donation du même jour, et par la représentation du groupement forestier à l’acte de donation et à l’acte d’échange par son gérant en exercice le 1er mars 2013, ces deux conventions étaient nécessairement opposables au groupement forestier et à ses associés, en conséquence de quoi M. [D] [O], qui était demeuré porteur de parts, ne pouvait pas être écarté de l’assemblée générale du 19 novembre 2022.
Concernant la situation de Mme [Z] [O], les parties s’y attardent moins longuement, mais par de pertinents motifs que la cour adopte, en tant que de besoin également pour M. [D] [O], le tribunal judiciaire a notamment relevé à ce propos page 6 de sa décision :
En l’espèce, Monsieur [T] [O] et Madame [J] [O] ne peuvent raisonnablement soutenir que Monsieur [D] [O] et Madame [Z] [O], n’ont pas justifié de leur qualité d’héritiers de Monsieur [Y] [O], décédé le 06 décembre 2021, auprès de la gérance du GROUPEMENT FORESTIER DES BOIS DE [Localité 10], étant frère et s’ur du défunt, et alors que les liens de filiation ne sont pas contestés mais que les mésententes empêchent le bon déroulement de la succession.
Surtout, il doit être rappelé que dans les différentes procédures judiciaires introduites par Monsieur [T] [O] et Madame [J] [O] courant 2022 devant le président du tribunal judiciaire de CUSSET, ou dans lesquelles ils étaient défendeurs, il n’a jamais été contesté la qualité d’héritiers ni argué de l’absence de justificatifs de la qualité d’héritiers de [D] [O] ni de [Z] [O]. Il convient à ce titre de renvoyer notamment les parties à leurs propres écritures ou positions développées à l’audience, qui ont abouti aux deux ordonnances de référé des 28 septembre 2022, versées au débat.
Cet argument d’absence de justificatif de la qualité d’héritiers, bien tardif, soutenu uniquement par la production de deux écrits d’un notaire des 29 juillet 2022 et 1er septembre 2022 indiquant que ‘la preuve de la qualité des héritiers n’est toujours pas établie à ce jour’, ne résiste pas à l’analyse sérieuse de l’ensemble du dossier et sera rejeté.
En outre, la dévolution successorale de M. [Y] [W] [P] [V] [O] est désormais établie par un office notarial, suivant lettre du 21 novembre 2023, où l’on voit que Mme [Z] [V] [O], Mme [W]-[F] [L] et M. [D] [V] [O] sont bien les héritiers, parmi d’autres, de M. [Y] [V] [O].
En conséquence de ce qui précède, sauf concernant la médiation qui apparaît totalement illusoire dans le contexte très conflictuel de ce dossier, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé, par adoption et substitution partielle des motifs, y compris en ce que le tribunal judiciaire de Cusset enjoint à M. [T] [O] de convoquer une assemblée générale de tous les associés avec l’ordre du jour notifié par lettre du 19 octobre 2022. Pour répondre à la demande de ce chef des consorts [Z] et [D] [O], [W]-[F] [L], il n’y a pas lieu de « déclarer valide la seule assemblée du 26 mars 2022 pour la désignation du gérant », puisque précisément sur l’ordre du jour de l’assemblée générale du 19 octobre 2022, qui devra être respecté pour la tenue d’une nouvelle assemblée générale, il est indiqué : « 1 – désignation d’un gérant et cogérant, éventuellement en confirmation de l’assemblée générale du 26 mars 2022 (AGO) », et que les mêmes sollicitent confirmation de ce chef (cf. dispositif des conclusions, page 48).
Il n’y a pas lieu à astreinte, dans la mesure où il est évidemment nécessaire qu’une nouvelle assemblée générale soit tenue.
Il n’y a pas lieu à dommages-intérêts pour « attitude déloyale et agressive », une telle faute n’étant pas objectivement démontrée de manière particulière à l’égard de quiconque dans le contexte d’animosité générale de ce dossier.
Il n’est pas inéquitable que chaque partie garde ses frais irrépétibles en appel.
Chaque partie gardera ses dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement, sauf en ce que le tribunal judiciaire de Cusset enjoint aux parties de rencontrer un médiateur ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Dit que chaque partie gardera ses dépens d’appel.
Le greffier Le président