Parts sociales : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/09367

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Parts sociales : décision du 25 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/09367
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/09367 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHVZV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mai 2023 -Président du TC de PARIS – RG n°2023016644

APPELANTES

Mme [N] [K]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Melle [X] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

S.A.S. NOOB AGENCY, RCS de Paris sous le n°883 709 446, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Représentées à l’audience par Me Robert BALLESTRACCI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

M. [Y] [P]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Représenté à l’audience par Me Thomas GANIDEL, substituant Me Antoine FORNET, avocats au barreau de PARIS, toque : A964

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] détient 415 actions de la société Noob Agency.

Par assemblée générale du 3 novembre 2020, M. [P] a été exclu de cette société sur le fondement de l’article 14 des statuts de cette dernière, ses actions devant être rachetées.

Par jugement du 9 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a estimé qu’il n’y avait pas lieu à annulation de l’assemblée générale du 3 novembre 2020, allouant à M. [P] une indemnisation au titre de son préjudice moral.

Par jugement du 4 novembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

– condamné M. [P] à céder à Mme [K] et Mme [E] ses 415 actions à un prix fixé à dire d’expert,

– ordonné à M. [P] de leur remettre un ordre de mouvement pour ces 415 actions contre paiement du prix fixé, dans les 30 jours suivant la remise du rapport de l’expert, et sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé ce délai pour une période de deux mois.

Par acte du 13 avril 2023, la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] ont fait assigner M. [P] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

– nommer un expert et lui confier pour mission de déterminer la valeur des 415 actions que M. [P] détenait dans le capital de la société Noob Agency, à la date de l’assemblée générale d’exclusion confirmée par jugement du 09/09/2022 ;

– condamner M. [P] à payer aux demandeurs la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [P] aux entiers dépens.

Par jugement contadictoire rendu selon la procédure accélérée au fond le 10 mai 2023, le tribunal de commerce de Paris a :

– désigné Mme [N] [L], en qualité d’expert avec mission de déterminer la valeur à la date du 31 mars 2023 des 415 actions de la société Noob Agency, dont le siège social est [Adresse 1] ;

– dit que les frais d’expertise seront supportés par Mme [K] et Mme [E] ;

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires, y compris sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 92,90 euros TTC dont 15,27 euros de TVA ;

– dit que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 481-1- 6° du code de procédure civile.

Par déclaration du 24 mai 2023, la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 17 novembre 2023, la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] demandent à la cour de :

– réformer les chefs critiqués du jugement du 10 mai 2023, conformément à la déclaration l’appel du 24 mai 2023 ;

Et statuant à nouveau,

– ordonner que l’expert nommé détermine la valeur des 415 actions que M. [P] détenait dans le capital de la société Noob Agency, à la date de l’assemblée générale d’exclusion du 3 novembre 2020 ;

– ordonner que les frais d’évaluation soient partagés pour moitié entre M. [P] et Mme [K] et Mme [E] ;

– débouter M. [P] de toutes ses demandes ;

– condamner M. [P] à payer la somme de 1.000 euros chacune à Mme [K] et Mme [E] et la société Noob Agency au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [P] aux entiers dépens.

Elles exposent notamment que :

– bien que l’article 1843-4 du code civil prévoit que la désignation du tiers expert est insusceptible de recours, rien ne s’oppose à statuer sur les chefs de jugement expressément critiqués,

– le tribunal de commerce a statué au fond du droit au-delà des règles de détermination du prix fixé par les statuts,

– l’appel-réformation est donc recevable,

– en retenant que les demanderesses étaient libres de saisir la juridiction dès le constat du refus, dans les semaines ayant suivi l’assemblée générale, par M. [P] de son exclusion moyennant un prix limité à la valeur nominale des titres, le tribunal a procédé à une interprétation erronée des faits, et a tiré pour conséquences en outre qu’elles n’étaient pas fondées à se plaindre de l’effet d’aubaine résultant tant de l’absence d’apport en industrie de la part de M. [P] depuis son exclusion que de la durée écoulée entre cette date d’exclusion et celle de fixation du prix par l’expert,

– les statuts précisant que la date d’exclusion prend effet à compter de son prononcé, de sorte que la perte de la qualité d’associé est concomitant à la date de l’assemblée générale du 3 novembre 2020, et que les 415 actions de M. [P] doivent être évaluées à cette date précise,

– c’est M.[P] qui a contraint les appelantes à solliciter une expertise, en refusant toute expertise amiable, de sorte que les frais de l’expertise devront être répartis de façon égalitaire soit 50% pour les appelantes et 50% pour M. [P],

– leur demande principale a été accueillie, de sorte qu’il est inéquitable de leur faire supporter les frais irrépétibles, étant précisé que cette procédure ne revêt aucun caractère abusif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 novembre 2023, M. [P] demande à la cour de :

A titre principal,

– déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] contre le jugement rendu par le Président du Tribunal de commerce de Paris le 10 mai 2023 ;

A titre subsidiaire,

– déclarer mal fondé l’appel interjeté par la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] contre le jugement rendu par le président du tribunal de commerce de Paris le 10 mai 2023 ;

– débouter la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions en vue d’obtenir la réformation du jugement rendu par le président du tribunal de commerce de Paris le 10 mai 2023 ;

En conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 10 mai 2023 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause :

– dire dilatoire et/ou abusif l’appel interjeté par la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 10 mai 2023 ;

– condamner solidairement la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] à payer à M. [P] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

– condamner solidairement la société Noob Agency, Mme [K] et Mme [E] au profit de M. [P] au paiement des entiers dépens et à une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 code de procédure civile.

Il expose notamment que :

– l’appel interjeté est irrecevable, aucun recours n’étant prévu par l’article 1843-4 du code civil quant à la décision qui désigne un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux, sauf en cas d’excès de pouvoir, étant précisé que les appelantes n’ont formé aucun appel-nullité,

– les statuts de la société Noob Agency sont muets sur la date d’évaluation des titres de l’associé exclu et le paiement des titres de M. [P] n’est pas encore intervenu puisque c’est précisément le rôle de l’expert désigné de procéder à une évaluation, au plus proche du remboursement des droits sociaux et non à la date de la perte de la qualité d’associé,

– l’appel interjeté est infondé, l’évaluation des droits sociaux à la date la plus proche du remboursement conditionnant l’absence d’atteinte disproportionnée au droit de propriété que peut constituer l’exclusion d’un associé, le tribunal s’étant strictement conformé aux dispositions de l’article 1843- 4 du code civil,

– les appelantes, demanderesses à la mesure d’expertise doivent en assumer les frais,

– leur appel est dilatoire, et destiné à prolonger la durée du procès en dépit de son caractère infondé.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE,

L’article 1843-4 du code civil, d’ordre public, permet au président du tribunal judiciaire ou au président du tribunal de commerce de désigner un expert pour évaluer la valeur des parts sociales d’une société. Ledit texte précise que le président statue selon la procédure accélérée au fond et que sa décision est « sans recours possible ». Cette absence de recours est d’application générale.

Si la chambre commerciale a ouvert la voie à un appel réformation quand le plaideur se heurte au refus du président du tribunal de désigner un expert, ( Cass. com., 25 mai 2022, n° 20-14.352) en cas de désignation d’un expert, l’appel est impossible, sauf à caractériser un excès de pouvoir, ouvrant droit à un appel-nullité. Il doit être précisé que l’inobservation par le président du tribunal des conditions d’application de l’article 1843-4 du code civil ne constitue pas un excès de pouvoir (Cass. Com., 15 mai 2012, n°11-12.999).

En l’espèce, il est constant que les appelantes ont formé un appel de la décision rendue en toutes ses dispositions et non un appel-nullité et qu’elles ne se prévalent d’aucun excès de pouvoir.

Toutefois, à l’appui de leur recours, les appelantes indiquent que le premier juge a tranché, contrairement à son office, des points de droit en fixant la date d’évaluation des parts de M. [P] au 30 mars 2023, ce qui lui ouvrirait une voie de recours.

Or, il appartient au seul expert désigné de procéder à l’évaluation des droits sociaux, la juridiction ne pouvant le faire elle-même ( Cass. Civ1, 25 novembre 2003, n°00-22.089). L’expert désigné en application de ce texte détermine librement, sauf à commettre une erreur grossière, les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts et le règlement intérieur (Com. 8 novembre 2023, n°22-11.545).

De la sorte, le premier juge a bien excédé ses pouvoirs juridictionnels, alors qu’un expert a été désigné dans le litige sur le fondement de l’article 1843-4 précité.

L’excès de pouvoir constitue une violation particulièrement grave de la loi qui permet l’ouverture de l’ appel-nullité. Il en est ainsi, dès lors que le tribunal statue hors des limites de ses attributions ( CA Paris, 4 juill. 1984 : Gaz. Pal. 1985 ). Un appel-nullité immédiat est ouvert contre un jugement avant-dire droit si le juge outrepasse ses pouvoirs ( CA Versailles, 26 sept. 1995, D. 1996, somm. p. 351).

L’ appel-nullité ne déroge aux conditions de recevabilité qu’au regard des cas d’ouverture.

Dans ces conditions, l’excès de pouvoir étant retenu, l’appel interjeté est recevable.

Au regard de ce qui précède, il convient de modifier la mission de l’expert désigné, Mme [N] [L], en ce qu’elle consistera principalement à déterminer la valeur des 415 actions de la société Noob Agency, dont le siège social est [Adresse 1].

S’agissant des frais d’expertise, sauf disposition légale contraire, la charge du paiement des honoraires de l’expert désigné en application de l’article 1843-4 du code civil est fixée par convention entre l’associé retrayant et la société. A défaut de convention, la détermination de cette charge relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Com. 26 septembre 2018, n°17-13.016).

En l’espèce, c’est à bon droit que le premier juge a, en l’absence de convention, mis à la charge de Mmes [K] et [E] les frais d’expertise.

M. [P] sollicite, sur le fondement des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile, une indemnité de 5.000 euros.

Or, l’article 32-1 du code de procédure civile est relatif à l’amende civile dont le prononcé au profit du Trésor public constitue une prérogative attachée au pouvoir du juge. La demande de l’intimée tendant à se voir allouer une indemnité à ce titre est dénuée de fondement et doit donc être rejetée.

L’action en justice, comme l’exercice du droit d’appel, ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts qu’en cas de faute ou encore de légèreté blâmable. Ces exigences n’étant pas satisfaites en l’espèce, M. [P] sera débouté de sa demande de ce chef.

Les parties, succombant chacune en une partie de leurs prétentions, conserveront leurs dépens d’appel.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l’appel interjeté ;

Confirme le jugement rendu, à l’exception de la mission de principe de l’expert,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la mission de l’expert désigné, Mme [N] [L], consiste à déterminer la valeur des 415 actions de la société Noob Agency, dont le siège social est [Adresse 1].

Rejette toutes autres demandes ;

Dit que chaque partie conservera les dépens de l’appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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