Parts sociales : décision du 23 janvier 2024 Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00670

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Parts sociales : décision du 23 janvier 2024 Cour d’appel de Toulouse RG n° 23/00670
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23/01/2024

ARRÊT N°34

N° RG 23/00670 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PIYL

IMM/CD

Décision déférée du 23 Janvier 2023 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2022F00737

M. [W]

S.A.S. ITT AND CO INVEST

C/

[O] [E]

S.E.L.A.R.L. BENOIT ET ASSOCIÉS

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANTE

S.A.S. ITT AND CO INVEST

Représentée par Monsieur [M] [G]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Thomas NECKEBROECK, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur [O] [E]

Non constitué

[Adresse 2]

[Localité 1]

S.E.L.A.R.L. BENOIT ET ASSOCIÉS

En qualité de Mandataire Judiciaire des Sociétés UP APPART, AMONT et PAD,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric BENOIT-PALAYSI de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE

MP PG COMMERCIAL

Cour d’Appel

[Adresse 6]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I.MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère chargée du rapport et S.MOULAYES, Conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

S.MOULAYES, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

MINISTERE PUBLIC:

Représenté lors des débats par M. [U], qui a fait connaître son avis le 26 Septembre 2023

ARRET :

– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère substituant V. SALMERON Présidente empéchée, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

La SAS UP Appart au capital de 1000€ a été créée en 2013. Elle était dirigée par [O] [E], son associé unique. Elle est actionnaire des sociétés Sccv Pad et Sasu Amont.

Par jugement du 23 juin 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert le redressement judiciaire de la Sasu Up Appart, fixé la date de cessation des paiements au 5 décembre 2019 et désigné la Selarl Benoit prise en la personne de Me Benoit en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugements des 6 octobre et 13 octobre 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert le redressement judiciaire des sociétés SAS Amont et SCCV Pad et désigné la Selarl Benoit et associés en qualité de liquidateur.

Par jugement du 27 juillet 2021,il a prononcé la confusion des patrimoines des trois sociétés et joint les procédures de redressement emportant unicité des masses actives et passives et nomination des mêmes organes de la procédure.

Par jugement du 4 novembre 2021, le tribunal de commerce a converti le redressement judiciaire des 3 sociétés en liquidation judiciaire et désigné la Selarl Benoit en qualité de mandataire liquidateur.

Cette décision a été confirmée par la cour d’appel par arrêt du 21 septembre 2022.

Par exploit en date du 19 novembre 2021, le pôle de recouvrement spécialisé de la Haute Garonne, créancier de M.[E] au titre d’une créance fiscale a dénoncé à ce dernier la conversion de la saisie conservatoire pratiquée sur ses parts sociales dans la société Up appart en saisie vente, lui rappelant qu’il disposait d’un délai de 1 mois pour procéder à une vente amiable.

Par acte du 16 décembre 2021, [O] [E] a cédé ses actions dans Up appart à la SAS ITT and co Invest dirigée par [M] [G], au prix de 1 €.

Par exploit du 1er avril 2022, la Selarl Benoit & associés, en qualité de mandataire liquidateur des sociétés UP Appart, Amont et Pad a fait assigner [O] [E] et la société ITT and co Invest devant le tribunal de commerce en nullité de la cession des actions d’Up Appart intervenue le 16 décembre 2021 au visa des articles L631-10 et L641-9 du code de commerce.

Par jugement du 23 janvier 2023, le tribunal de commerce de Toulouse – – s’est déclaré compétent pour connaître de l’entier litige,

– a déclaré recevable le liquidateur,

– a annulé en toutes ses dispositions l’acte de cession du 16 décembre 2021, et l’a déclaré inopposable à la Selarl Benoit en qualités de mandataire judiciaire d’Up Appart,

– a replacé les parties en l’état où elles se trouvaient avant cet acte.

Le tribunal s’est en outre déclaré incompétent pour toute demande visant à l’exclusion de [O] [E] de la société UP Appart et a rejeté toutes les demandes, fins et prétentions de [O] [E] et de la SAS Itt and co Invest.

Par déclaration en date du 23 février 2023, la SAS ITT and co Invest a relevé appel de ce jugement

La clôture est intervenue le 25 septembre 2023.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 19 septembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société ITT and co demandant au visa des articles L221-3, R221-30, R221-31 et R221-32, R233-5, R233-6, R233-7 du Code des procédures et L.227-1 et L227-20 du Code de commerce, de

– Infirmer et dans tous les cas réformer le jugement du 23 janvier 2023

Statuant à nouveau,

A titre principal,

In limine litis,

– Déclarer le Tribunal de commerce de Toulouse statuant en qualité de Tribunal de la faillite, incompétent aux fins de connaître de l’entier litige au profit du Tribunal de commerce de Toulouse statuant au fond,

A défaut,

– Déclarer irrecevable la Selarl Benoit et associés en qualité de mandataire liquidateur des sociétés UP Appart, Amont et Pad faute de droit d’agir,

A titre subsidiaire,

– Déclarer valide l’acte de cession de droits sociaux signé le 16 décembre 2021 entre Monsieur [O] [E] et la société Itt and co Invest,

– Déclarer opposable à la Selarl Benoit en qualité de mandataire liquidateur des sociétés UP Appart, Amont et Pad l’acte de cession de titres sociaux signé le 16 décembre 2021 entre Monsieur [O] [E] et la société Itt and co Invest,

En toute hypothèse,

– Débouter la Selarl Benoit en qualités de mandataire liquidateur des Sociétés UP Appart, Amont et Pad de l’intégralité de ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions,

– Condamner la Selarl Benoit et associés en qualité de mandataire liquidateur des sociétés Up Appart, Amont et Pad à verser à la Société ITT and co Invest la somme de 9.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner la Selarl Benoit & associés en qualité de mandataire liquidateur des sociétés UP Appart , Amont et Pad aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les conclusions notifiées le 9 mai 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Selarl Benoit & associés en qualité de liquidateur de la SAS Up Appart demandant de :

– débouter la société ITT and co de ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner la société ITT and co à lui payer la somme de 8000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M.[O] [E] auquel la déclaration d’appel a été signifiée par exploit déposé en l’étude, n’a pas constitué avocat.

Le Ministère public a transmis aux parties le 26 septembre 2023 par le RPVA son avis et sollicite l’infirmation de la décision entreprise.

Motifs 

La cour est saisie par l’acte d’appel et les dernières écritures des parties des dispositions du jugement ayant statué sur la compétence du tribunal et de celle ayant prononcé la nullité de la cession des parts sociales détenues par M [E]. Elle n’est en revanche pas saisie des dispositions par lequel le tribunal s’est ‘déclaré incompétent pour toute demande visant à l’exclusion de [O] [E] de la société UP Appart’.

– sur la compétence du tribunal de la procédure collective

La société ITT soutient que l’action devait être formée devant le tribunal de commerce de Toulouse, juridiction compétente ratione matériae, s’agissant de la demande d’annulation d’un acte de cession et non devant la chambre du conseil de ce tribunal, puisque la demande échappe à la compétence du tribunal de la faillite.

Le liquidateur estime au contraire que la demande ressort bien de la compétence du tribunal de la procédure collective.

L’article R 662-3 du code de commerce dispose que ‘sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8, à l’exception des actions en responsabilité civile exercées à l’encontre de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire.’

La présente action a été formée devant le tribunal de commerce de Toulouse, compétent en raison du domicile de la société ITT défenderesse et juridiction ayant ouvert la procédure collective de la société UP Appart.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, la circonstance que l’affaire a été jugée en chambre du conseil, c’est à dire en audience non publique, n’a aucune incidence sur la compétence ratione matériae de la juridiction et la chambre du conseil qui ne constitue pas une juridiction autonome n’a pas de compétence spécifique distincte de celle du tribunal de commerce.

En l’espèce, le tribunal de commerce de Toulouse était bien compétent ratione matériae et ratione loci, au regard du siège social et du domicile des défendeurs, pour connaître de la demande.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a écarté l’exception d’incompétence.

– Sur la cession des parts sociales

Le liquidateur soutient qu’en application des dispositions de l’article L631-10 du code de commerce, la cession des parts sociales du dirigeant intervenue après le jugement d’ouverture est nulle.

Il ajoute en second lieu qu’après l’ouverture de la liquidation judiciaire, M.[E] était dessaisi de la gestion de ses biens et ne pouvait procéder à la cession de ses parts.

Il fait valoir en troisième lieu que cette cession amiable est intervenue dans le cadre d’une procédure de saisie-conservatoire engagée par l’administration fiscale, qui a été annulée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Toulouse.

Enfin, il soutient en quatrième lieu qu’en tout état de cause la cession des parts sociales est nulle à défaut de respect du formalisme prévu aux statuts de la société liquidée.

La société ITT soutient pour sa part que les dispositions du texte susvisé ne s’appliquent plus à compter de l’ouverture de la liquidation judiciaire. Elle ajoute qu’à compter de l’ouverture de la liquidation judiciaire, la société débitrice était certes dessaisie mais pas son dirigeant qui conservait la jouissance de son patrimoine.

Elle estime en conséquence que le liquidateur n’avait pas d’intérêt à l’action de sorte que son action est irrecevable ou, à titre subsidiaire, qu’elle n’est pas fondée.

Enfin, elle relève que l’administration fiscale avait donné son accord à la cession litigieuse et estime que dès lors que la procédure d’agrément a pour finalité la protection des autres associés, aucun grief ne résulte en l’espèce de l’absence d’intervention d’un agrément puisque M.[E] était associé unique.

Dès lors qu’il invoque un manquement aux dispositions des articles L 631-10 et L 641-9 du code de commerce, le liquidateur justifie d’un intérêt à l’action et son action est donc recevable.

La cour relève à titre liminaire que si le liquidateur soutient ( page 5 de ses dernières conclusions) que ‘la cession a eu pour objectif de conforter l’adoption d’un plan de redressement par continuation et qu’elle a été effectuée à un prix lésionnaire ‘, il n’invoque pas une fraude même éventuelle et ne poursuit pas l’inopposabilité de cette cession au visa de l’article 1341-2 du code civil mais seulement sa nullité au visa des articles L631-10 et L641-9 du code de commerce, ou en raison du non-respect des règles statutaires.

Inséré dans le titre III, relatif au redressement judiciaire, l’article L631-10 du code de commerce dispose que ‘à compter du jugement d’ouverture, les parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital de la personne morale qui a fait l’objet du jugement d’ouverture et qui sont détenus, directement ou indirectement par les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ne peuvent être cédés, à peine de nullité, que dans les conditions fixées par le tribunal’.

Cette incessibilité, qui présente un caractère conservatoire et vise à préserver les chances de redressement de l’entreprise, se poursuit pendant toute la période d’observation, cesse avec l’adoption du plan de cession mais également avec le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire

Certes, en application des dispositions de l’article L 641-9 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire emporte dessaisissement du débiteur mais il est sans incidence sur la situation des associés et du dirigeant qui conservent la libre gestion de leurs biens qu’ils peuvent donc céder librement.

Il est indifférent que cette cession amiable soit intervenue dans le cadre d’une procédure de conversion de saisie conservatoire en saisie vente poursuivie par l’administration fiscale, qui a été annulée par jugement du juge de l’exécution. En effet, l’annulation de cette procédure d’exécution est sans effet sur le droit du titulaire des parts sociales de disposer librement de son patrimoine.

S’il est exact que les statuts de la société prévoient en leur article 12, la nécessité, préalablement à toute cession de parts sociales d’un agrément donné par décision collective des associés prise à la majorité des trois quarts des voix des actionnaires disposant d’un droit de vote, cet agrément est ici sans objet puisque M.[E] était associé unique de la société UP Appart et qu’il a cédé 100 % des parts sociales. La société, représentée par le liquidateur, ne justifie par conséquent d’aucun grief résultant du défaut d’agrément.

Il convient d’ajouter que la cession des parts sociales ne fait pas obstacle à ce que le liquidateur procède à la réalisation des actifs et n’affecte en rien le gage des créanciers.

Il n’y a donc pas lieu d’accueillir la demande du liquidateur.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la cession.

Eu égard à l’issue du litige, les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.

Les circonstances de l’espèce ne justifient pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Statuant dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a retenu la compétence du tribunal de commerce ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l’action de la selarl Benoit & associés en nullité de la cession des parts sociales de la société,

Déboute le liquidateur de l’ensemble de ses demandes,

Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de la procédure collective.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente

.

 


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